Marqué par son passage chez les Verts lors de la saison 2018-2019, le gardien Killian Le Roy (avec la casquette, aux côtés de Mickaël Panos sur la photo) s'est confié à Poteaux Carrés.


Es-tu fier d’avoir défendu une saison les couleurs de l’ASSE ?

Même si je suis resté à peine un an à Sainté et que je n’aurai joué que quelques matches en réserve, la ferveur qui entoure ce club m’a vraiment marqué. Je suis arrivé de Guingamp, un club où il y a déjà pas mal de ferveur. C’est le petit club breton qui vient bousculer un peu tout le monde. Beaucoup de gens aiment l’En Avant pour ce qu’il est. Mais quand je suis arrivé à Saint-Etienne, ça m’a scotché. Waouh ! C’est incroyable cette ferveur.

Mickaël Dumas m’avait pourtant prévenu. Je l’ai eu comme entraîneur des gardiens à Guingamp avant de partir à Sainté. Mika m’avait briefé, il était très content que je signe à l’ASSE. Pour lui, Sainté, c’est tout ! Il m’avait dit à quel point ce club est exceptionnel mais tant que tu n’y es pas, tu ne mesures pas tout ça. Je m’étais dit : « il doit être un peu chauvin, il dépasse un peu les bornes. Il exagère sans doute car c’est son club de cœur. »

Mais en fait pas du tout, en fait Mika avait même pesé ses mots ! Ce que j’ai vécu de l’intérieur est encore plus impressionnant que ça. J’allais voir les matches à Geoffroy-Guichard. Quelle ambiance fabuleuse ! Le Chaudron, c’est vraiment énorme. J’étais notamment là pour le derby, je n’avais jamais vu une telle ambiance dans un stade. C’est vraiment un truc qui restera gravé à vie. La passion que dégage ce club, c’est très fort !

J’ai l’impression que peu importe l’âge que tu as, pour les supporters de Saint-Etienne, t’es un joueur de Saint-Etienne. Que tu sois pro ou au centre de formation, les supporters s’identifient aux Verts, vibrent pour les Verts. C’est vraiment impressionnant. Dans les autres clubs, ils ne sont pas comme ça les gens. Ils te suivent mais ce n’est pas du tout pareil, il n’y a pas cette intensité. A Saint-Etienne, l’ASSE c’est leur club. C’est super plaisant quand t’es joueur d’évoluer dans un tel contexte. J’ai eu la chance d’être dans le groupe pro pour la réception de Caen. Je n’avais jamais connu ça. Je n'avais plus qu'une seule envie, c'est de revivre ça. Geoffroy-Guichard, c’est fou !

Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté lors de l’été 2018 ?

L’En Avant ne m’a pas proposé de contrat pro à la fin de mon contrat stagiaire. Je me suis donc retrouvé sans club mais Laurent Batlles a appelé mon représentant début juillet. Je suis arrivé à Sainté le 7 juillet, pour une semaine d’essai à la base. L’essai a été concluant mais à la fin Laurent Batlles m’a dit qu’il y avait beaucoup de gardiens à l’ASSE et que je devais attendre qu’Alexis Guendouz parte en prêt pour signer une saison. Je suis donc resté m’entraîner pendant cinq semaines, Alexis a fini par être prêté à Pau donc j’ai pu m’engager avec l’ASSE.

Tu as contribué au maintien de la réserve en National 2 en te montrant très performant les 7 fois o Laurent Batlles a fait appel à toi. Tu as gagné 6 matches, tu n’auras pris que 4 buts et arrêté un péno ! Que gardes-tu de cette expérience stéphanoise ?

J’ai vécu à Saint-Etienne une magnifique expérience. J’ai découvert une nouvelle région, un nouveau club. J’avais fait toute ma formation à Guingamp, j’avais grandi là-bas. A Sainté, j’ai joué avec beaucoup de joueurs plus jeunes que moi mais aussi avec des pros comme Dylan Chambost qui étaient de ma génération ou un peu plus âgés. Je n’ai joué que 7 matches car je n’avais pas de contrat professionnel. C’est souvent les pros Stef et Théo qui gardaient les buts de la réserve. Mais j’ai répondu présent quand on a fait appel à moi et j’ai passé une super saison sous les ordres de Laurent Batlles et de Jef Bédénik.

Quelle image gardes-tu de Laurent Batlles ?

Le coach est quelqu’un de très chambreur, très joueur et très charismatique. Il sait pousser des coups de gueule quand il le faut. J’ai passé de très bons moment avec Laurent Batlles. C’est lui qui m’avait fait venir, il voulait à tout prix que ce soit moi qui vienne. J’apprécie ce coach, il aime le jeu à la base. Mais si tu ne lui rends pas par le jeu et les victoires ce qu’il demande, il dit « OK, on ne va plus jouer. » C’est ce qui s’est passé à un moment. J’ai beaucoup apprécié cet entraîneur, d’autres un peu moins. Il est très chambreur mais très sympathique aussi. Je ne suis pas surpris des succès qu’il a aujourd’hui en tant qu’entraîneur professionnel. Il a fait de l’excellent travail à Saint-Etienne à la formation, il en fait de même chez les pros à Troyes.

Que peux-tu nous dire sur Jef ?

Jef est un super mec. C’est quelqu’un avec qui on rigole beaucoup à l’entraînement mais par contre il faut travailler. Jef est très proche de ses gardiens, on peut avoir beaucoup de discussions avec lui, sur le terrain comme en dehors. C’est quelqu’un de très agréable, je suis encore en contact aujourd’hui avec lui. Jef m’a fait progresser. Il a un profil de gardien plutôt petit, j’ai davantage un profil de gardien athlétique avec de la puissance. Jef m’a appris à être plus souple sur mes appuis, à faire des petits pas, à être plus vif.

Quels sont les joueurs stéphanois qui t’ont le plus marqué, humainement et/ou footballistiquement ?

Humainement, j’ai beaucoup apprécié Dylan Chambost, Léo Pétrot et Théo Vermot. Samy Baghdadi et Mickaël Panos aussi, ce sont des supers mecs. Et j’ai eu la chance de joueur avec beaucoup de très bons joueurs formés au clubs qui ont su depuis s’imposer chez les pros. Je pense bien sûr à Wesley, William, Kenny, Vagner. Mahdi aussi, même si je l’ai moins côtoyé car il est parti en prêt à Laval.

Je retiens aussi les bonnes relations que j’avais avec les autres gardiens. J’ai gardé des nouvelles de tout le monde sauf de Stef et de Théo mais je sais que si on se croise, on se dira bonjour et on reparlera du bon vieux temps. J’ai gardé des contacts avec Etienne et avec Nathan un peu aussi, on échange de temps en temps. Ils m’ont tous très bien accueilli, j’ai passé une super saison à leurs côtés.

Etienne s’est révélé cette fin de saison de L1. Comment as-tu vécu à distance sa belle aventure ?

Je suis vraiment très, très content pour lui. C’est beau ce qui lui arrive et quelque part c’est mérité. Etienne est quelqu’un de très discret. Il ne parle pas beaucoup mais c’est un mec en or. Il a vécu beaucoup de choses compliquées avec Sainté. Il passait souvent au deuxième ou troisième plan. On ne comptait pas forcément sur lui mais a quand même signé un premier contrat pro d’un an. Cette saison, il a eu l’opportunité de jouer. Il a saisi cette chance remarquablement. Il a été super lors de ses débuts à Nîmes et il a eu le mérite d’enchaîner derrière jusqu’à la fin de saison.

Franchement, je suis très heureux pour Etienne. Déjà à l’époque où je m’entraînais avec lui, je trouvais que c’était un très bon gardien techniquement. Il fallait juste qu’il ait davantage confiance en lui, qu’il dégage plus de personnalité. C’est ce qu’il a fait quand on lui a donné sa chance en équipe première. Il a dégagé tellement de sérénité… Je savais qu’Etienne était quelqu’un de très calme. Mais à ce point…Quand il arrête le penalty à Nîmes, il ne fait pas un geste genre « yes, je l’ai arrêté ». Il se relève, reste droit et se concentre de suite sur le reste du match. Waouh !

Etienne est un gardien complet, bon et propre techniquement. Il a un bon jeu au pied. Il est très calme, sa sérénité rassure ses coéquipiers. Il a montré qu’il dégageait de la personnalité sur le terrain. Pour moi c’est un gardien de haut niveau. Il a tout pour pouvoir y rester. J’espère qu’il y parviendra le plus longtemps possible et que Sainté lui fera confiance. J’avais de très bonnes relations avec lui. Et plus globalement avec tous les gardiens, compris avec Ruf et Jess. A chaque fois que je suis monté avec le groupe pro, je n’ai jamais eu le moindre souci. Nous, les gardiens, on est un peu dans un monde où on est tous ensemble.

Etienne n’est pas le seul gardien ayant fait ses débuts en pro cette année, tu en as fait de même avec Chambly où tu auras joué 5 matches de L2. Comme Etienne, tu as su tirer parti d’un concours de circonstances favorables.

Pour beaucoup de footballeurs, encore plus à notre poste où des hiérarchies sont établies, il faut un petit coup de pouce du destin pour avoir sa chance. Si le gardien numéro un fait ses matches, tu ne joueras jamais, même si t’es le meilleur à l’entraînement. On ne souhaite pas qu’il y ait des concours de circonstances, bien sûr on ne souhaite pas que les autres gardiens aient le Covid, se blessent ou prennent des cartons rouges. Mais quand ça arrive, on est heureux d’avoir la chance de se montrer. Après, il faut savoir saisir sa chance et faire de bons matches.

Comme Etienne, j’ai démarré la saison numéro 3. Je jouais un peu en réserve mais la saison s’est arrêtée en octobre. Clin d’œil du destin, c’est à Troyes contre l’Estac de Laurent Batlles et Dylan Chambost que j’ai fait mes débuts en équipe première un mois après car Xavier Pinoteau s’était blessé et Simon Pontdemé s’est fait expulser en début de seconde période. Du coup je suis entré en jeu. Ça m’était déjà arrivé à Sainté, j’avais fait mes débuts après l’expulsion de Théo Vermot contre le Stade Bordelais. Et j’avais déjà connu pareille situation à 16 ans et demi quand j’étais entré en jeu lors d’un match de CFA2 avec Guingamp.

Quand je suis entré en jeu à Troyes en novembre, j’avais confiance en mes qualités mais je voulais montrer à mes coéquipiers qu’ils pouvaient avoir aussi confiance en moi. Parce qu’eux ne te connaissent qu’à l’entraînement ou en match de préparation. Un match de L2, ce n’est pas pareil. Ça me tenait à cœur de dégager quelque chose de serein, de calme, de ne pas être foufou. C’est que j’ai fait, ça s’est très bien passé. J’ai rejoué de la mi-février à la mi-mars, à une période où l’équipe était décimée par le Covid.

On est allé à Clermont avec une équipe très expérimentale mais on n’a perdu que 1-0 contre le futur promu. On s’est incliné sur le même score contre Auxerre qui était dans la course à la montée. On fait un match nul à Dunkerque qui luttait comme nous pour le maintien et j’ai joué mon dernier match contre Troyes, le futur champion.
Globalement, j’ai fait des prestations satisfaisantes même si en revisionnant les matches avec Vincent Planté, j’ai noté des choses à améliorer. Je suis content d’avoir pu jouer plusieurs matches en pro mais hélas on est descendu en National 1.

Tu n’es plus apparu sur les feuilles de match après ta défaite à domicile contre Troyes. Que s’est-il passé ?

Lors de ce match, sur un dégagement, j’avais le pied un peu éloigné de mon pied d’appui. J’ai senti une petite décharge au niveau de l’adducteur et de la ceinture de la hanche. Quand je suis rentré à la mi-temps, je ressentais une légère douleur mais je jouais en L2, il était hors de question que j’abandonne. Si je dis au coach « j’ai mal » alors que je viens d’encaisser deux buts avant la mi-temps, il va se dire «celui-là se chie dessus, il n’a pas de caractère. » Je suis donc resté sur le terrain et j’ai fini le match.

Mais le lendemain je me suis réveillé, je ne pouvais plus me lever. Je suis revenu quelques jours plus tard sur le terrain et cette fois-ci je suis tombé à plat ventre, c’était trop douloureux. On a passé l’IRM, j’avais une déchirure de l’obturateur externe droit de stade 4. C’est un muscle au niveau de la hanche et de l’aine. J’en avais pour 10 semaines minimum d’indisponibilité donc je n’ai pas pu rejouer de la saison. Chambly m’a transmis une proposition de prolongation mais on ne s’est pas mis d’accord sur le projet sportif donc j’ai quitté le club. Je me suis remis de ma blessure, j’ai repris l’entraînement avec la réserve de l’En Avant et aujourd’hui je suis en contacts avancés avec Châteauroux.

Tu as cité Vincent Planté, quels souvenirs garderas-tu de votre collaboration ?

J’en garderai de très bons souvenirs, forcement ! C’est lui qui m’a fait venir à Chambly après mon expérience à Sainté. J’ai beaucoup appris à ses côtés pendant deux saisons. C’était un vrai plaisir de le côtoyer. Alors que j’ai quitté le club, on s’est fait un resto pas plus tard que la semaine dernière. On a de très bonnes relations. Il a une grosse expérience du monde professionnel et les évènements l’ont conduit à rejouer 4 matches de L2 à 40 ans passés ! Il a toujours été honnête et juste envers moi.

Dans l’entretien qu’il nous a accordé en mai dernier, Vincent nous a dit que tu as su rebondir après avoir connu de déboires dans ta vie personnelle. Tu peux nous dire en plus ?

J’ai eu la douleur de perdre ma maman six mois avant de partir à Saint-Etienne. Elle est partie des suites d’une longue maladie en décembre 2017. Cela faisait trois ans qu’on se battait contre cette maladie. On a dû faire face à cette épreuve avec mon père, mon frère et ma petite copine. Quelques mois plus tard, Guingamp ne m’a pas conservé alors que passer pro dans mon club formateur, c’était mon rêve et celui de ma maman.

J’ai dû annoncer la nouvelle à mon père et lui dire que j’allais devoir partir. Quand j’ai eu cette opportunité d’aller à Sainté, je lui ai dit : « j’y vais ou j’y vais pas ? » Il m’a dit que c’était à moi de décider. Je lui ai dit que c’était lui le chef de la maison, que je ne pouvais pas partir comme ça dire juste au revoir. « Je veux que tu me dises oui ». Je sais qu’ils avaient besoin de moi. Mon père a eu la bonne réaction. Il m’a dit : « Vas-y ! Tu ne peux pas dire non ! »

Bien sûr, ça a été compliqué, je suis parti loin de ma Bretagne, je me suis retrouvé tout seul à Saint-Etienne. Au début, je ne te cache pas que ça a été difficile, mais après, j’ai fait de très belles rencontres. J’ai été bien accueilli à l’ASSE, j’y ai passé une super saison. Quand il t’arrive un drame familial, tu n’as pas d’autre choix que te relever et de rebondir.

Ta résilience a touché tes coéquipiers ?

Je me souviens que Razza Camara est venu me voir. Il m’a dit : « je ne sais pas comment tu fais pour surmonter ça. Tous les matins, tu viens à l’entraînement avec le sourire. » Je lui ai dit que je n’allais pas me morfondre parce que ma mère est partie, que j’étais obligé d’avancer. Il me répond « mais moi, demain je perds ma mère… Ma mère, c’est tout pour moi ! » Je lui ai dit « ouais mais gros, t’as pas le choix, t’es obligé de continuer, t’es obligé de travailler ! »

Six mois plus tard, on a annoncé à Razza qu’il était obligé d’arrêter le foot parce qu’il avait un problème cardiaque. Je lui ai envoyé un message et je lui ai dit « courage gros, rappelle-toi de la discussion qu’on a eue ensemble. Je ne sais pas comment tu feras pour arrêter le foot mais je serai derrière toi ». Moi, le foot m’a permis de rester debout, de garder le moral.

Prendre du plaisir sur le terrain, ça m’a permis de tenir pour évacuer tout ce qu’il y avait de mauvais à la maison. Le foot m’a aidé à tenir pendant que ma mère était malade et ensuite quand elle est partie. C’est dur de voir ta mère en mauvaise santé. Ce n’est pas anodin, ce n’est pas évident de perdre sa maman quand on a même pas 20 ans. Sa disparition est une épreuve qu’il m’a fallu surmonter comme ont su le faire beaucoup d’autres personnes à qui c’est arrivé.

 

Merci à Killian pour sa disponibilité