Le licenciement d’ODO dimanche n’est que l’attendu et regrettable épilogue d’une cohabitation impossible.


Après Oscar Garcia en 2017, Ghislain Printant en 2019, Claude Puel en 2021, Laurent Batlles en 2023, Olivier Dall’Oglio est le 5ème coach stéphanois viré en 8 ans, à chaque fois à la fin de l’automne.
Si on ajoute l’inquiétante 16ème place des hommes de Puel à Noël 2020 et le néant absolu de jeu, de confiance et de performance de l’équipe de Lolo Batlles en novembre 2022 avant l’interruption Coupe du monde, il ne reste que 2018 comme notable exception à la règle qui veut, depuis 8 ans, que le Peuple Vert entre déprimé dans l’hiver.

En 8 saisons, quels autres bonheurs que la 4ème place de mai 2019 et la remontée de juin 2024 a-t-on eu à se mettre sous la dent ?

Cette simple question suffit à la fois à remettre le bilan d’ODO à sa juste place dans notre histoire contemporaine, et à imposer autant de gratitude que de regrets à son endroit.

La gratitude est naturelle et éternelle pour l’homme shampouiné au champagne par ses joueurs un soir d’ivresse à Metz.
Les regrets sont une évidence, tant on ne saura jamais ce qu’aurait donné le Sainté d’ODO, si ses vœux sportifs, clairement exprimés au lendemain du barrage, et si régulièrement répétés ensuite, avaient été exaucés au mercato.
Une dernière fois vendredi, à Toulouse, le coach aura (presque) encore démontré son art du rebond. La prestation des Verts - certes insuffisante, parce que la non-réussite est la compagne la plus fidèle des clubs en souffrance - démontrait que, malgré les 9 absents, ODO avait trouvé, encore, l’énergie d’innover (dans son système et dans sa volonté de reprendre la main sur le jeu) et de faire réagir son groupe. Mais les lacunes (autant offensives que défensives) et la fébrilité ne disparaissent pas d’un claquement de doigts et le pion tardif, peut-être hors-jeu, c’est l’histoire du calice, a scellé son sort.

Au-delà de ce match, l’honnêteté pousse à admettre qu’il semblait malgré tout avoir un peu abdiqué depuis quelques semaines, comme en attestaient ses récentes déclarations en conférence de presse ou l’absence humiliante de réaction de son groupe durant 90 minutes face à Marseille. Abdiqué face à une mission lui semblant impossible avec ce groupe ? Abdiqué face à des actionnaires fermes sur leur position et peu enclins à lui donner satisfaction au mercato d’hiver ?
L’histoire dira la part de la médiocrité de ce groupe et celle du manque de souplesse de son coach dans l’échec sportif du club. A date on se contentera de constater que le bilan des 4 recrues offensives « exotiques » (Old, Boakye, Stassin, Miladinovic) est d’un but marqué à la trêve.
Un nul ramené de Toulouse n’aurait probablement représenté qu’un sursis pour ODO, tant il était évident, et sans doute en avait-il conscience, que ses jours étaient comptés, et l’issue fatale. Ce qui pourrait expliquer cette forme d’abdication qu’on pourrait trouver coupable mais qui est au fond bien humaine.

Dès cet été, et plus encore ces derniers jours, Dall’Oglio aura peiné à jouer la comédie de l’adhésion au projet, et lutter à la fois contre les adversaires extérieurs et intérieurs était sans doute au-dessus de ses forces. Peut-être aurait-il dû démissionner, mais qui, à part Anto, peut avoir le courage de quitter le plus beau club du monde de son plein gré ?
Comme dans un couple qui bat de l’aile, l’un doit avoir le courage de la rupture quand l’autre s’illusionne sur une cohabitation possible. Mais cet été, Gazidis ne l’a pas eu non plus, ce courage. A défaut de trancher brutalement, peut-être alors (sûrement en vérité), nos nouveaux actionnaires auraient-ils dû, dès lors qu’ils avaient, même à contre-cœur, choisi de conserver l’homme de la montée (ce qui est une bonne chose), décider de lui donner les moyens qu’il souhaitait ? Et sinon, à quoi bon ?
Coincé dans un entre-deux (garder le héros et garder leur vision), ne voulant pas voir les limites de ce groupe et le risque qu’il y avait à affronter la Ligue 1 aussi peu outillés, les Kilmers - qu’il faut bien appeler ainsi tant le pouvoir, faute de communication, est totalement désincarné - ont fini par trancher juste avant la trêve.
Le timing n’est pas le pire, car il laisse au futur coach dont on peut supposer qu’il adhèrera sans réserve au projet, un peu de temps pour préparer un mois de janvier déjà décisif. Sur le terrain (Reims, Nantes et Auxerre en plus du QSG) et dans les coulisses où il faut prier pour que, pour la 3ème saison de suite, le mercato hivernal nous soit salvateur.

Si c’est le cas, tout en soufflant, on aura une dernière pensée pour ODO, qui aurait bien aimé, il l’a dit, que le Père Noël passe pour lui. On aura alors le droit de trouver cela bien injuste, le droit également de se souvenir que Lolo Batlles a sans doute pensé la même chose en voyant débarquer Maçon, Mbuku et surtout Cardona l’hiver dernier.
Cardona, tiens, un recrutement réseau, à l’ancienne, bien loin de la data… Cardo, l’homme de l’improbable et délicieux doublé contre Bordeaux, voilà l’autre image, avec le shampooing, qu’il nous restera d’ODO, coach qui, en 6 mois sut nous sortir du cauchemar, nous ramener à la lumière, nous rendre la fierté, nous embarquer sur le chemin de l'ivresse d'un Chaudron rempli comme jamais dans son histoire.

Le reste ? Le reste fut un malentendu, un piège voué à se fermer sur ODO, un coach classique dans un foot qui s’imagine moderne parce qu’il fait le tour du monde derrière son PC pour aller dénicher des joueurs exotiques. Dans un monde qui exacerbe les oppositions simplistes, ODO a saisi jeudi l’occasion de sa dernière conférence de presse, pour préciser son credo : l’équilibre entre la data et l’humain, entre les bureaux et le terrain.
Ses mots résonnent aujourd’hui comme une épitaphe.

Celle d’un homme qui laisse le souvenir d'un entraîneur profondément humain et toujours sincère.
Un entraîneur capable de redonner sa chance à un joueur (Bouchouari), capable de remobiliser ses troupes (après Dunkerque, après Ajaccio, après QRM, après Nice…), capable de nous emmener en 6 mois au paradis en juin dernier, performance que, d’Alain Michel à Lolo Batlles en passant par Anto qui aura mis plus de deux ans à y parvenir, on se gardera de relativiser.

Dimanche, Olivier Dall’Oglio est mort pour ses idées, n'adhérant pas, et peinant à le cacher, au projet fou de Kilmer.
Fou ? Oui fou, Gazidis nous avait prévenu qu'on le prendrait pour un fou. Difficile de lui donner tort sur ce point. Sur ce point seulement. Pour le reste ...
Le peuple vert voulait du changement, il en a eu, et du bien radical, mais il enrage de voir que des actionnaires si fortunés et des dirigeants si expérimentés n’offrent pour l'instant pas plus de sérénité sportive que les petites ficelles d’un vieux baron altiligérien et d’un pantin qatarophile.