Stéphane Stassin, ancien professionnel (passé notamment par le RSC Anderlecht, le Borussia Mönchengladbach et le SCO Angers), entraîneur des jeunes à Anderlecht, nous parle de l'arrivée de son fils Lucas à Saint-Etienne.
Pouvez-vous nous présenter les débuts de Lucas dans le football ?
Lucas a commencé très jeune dans le petit club de notre ville à Braine-le-Comte, là où a aussi commencé Eden Hazard et où j’ai débuté également ! Il a très vite, dès 9 ans, rejoint Anderlecht, où j’étais déjà entraîneur. Cela s’est fait par hasard, comme il venait voir les matchs et jouait à côté, il a été repéré par le coordinateur qui trouvait que mon gamin se débrouillait bien ! Il est venu une semaine en essai au club, a été retenu et a fait tout son apprentissage à Anderlecht. De l'âge de ses 9 ans jusqu’à il y a 2 ans. Lucas a grandi et a toujours été pris dans les équipes nationales de jeunes. Il a ensuite intégré les équipes U21 d’Anderlecht, à l’âge de 16 ans. Il s’entrainait déjà parfois avec les pros et était meilleur buteur des U21.
Comment se sont passés ses débuts chez les pros, très jeune ?
L’année suivante, il a été promu chez les U23. Il faut savoir qu’en Belgique, les 4 plus grands clubs, dont Anderlecht, ont des équipes de U23 engagés en Ligue 2. Lucas a donc commencé en ligue 2 à 17 ans, dont il a été meilleur buteur de la phase classique du championnat. A cette époque, il s’entrainait quasiment exclusivement avec l’équipe professionnelle. La même année, il a fait ses débuts avec l’équipe première à Anderlecht, notamment en Coupe d’Europe, où il a fait des entrées en jeu. Il a ensuite été lancé titulaire en championnat. L’équipe était en difficulté et ne tournait pas, mais Lucas a été titularisé car il était bien à ce moment-là. C’était un peu compliqué à 17 ans, il a été lancé dans la fosse aux lions, face à Bruges notamment.
Comment s’est déroulé ce qui était finalement son premier transfert, à Westerlo ?
A la fin de la saison, il lui restait un an de contrat. Suite à un changement de direction à Anderlecht, Lucas n’avait pas la certitude de s’entraîner avec les pros. Il a donc décidé de changer de club et a été acheté par Westerlo, contre une somme de 1,5 M€, ce qui représentait un montant important pour un petit club comme Westerlo, à un an de la fin de son contrat. Ils croyaient vraiment en Lucas, qui a fait une saison entière là-bas. Il a su tirer son épingle du jeu dans un contexte difficile, car l’équipe jouait le maintien.
A noter que Lucas avait été habitué à avoir un jeu de domination à Anderlecht, mais qu’à Westerlo l’équipe était beaucoup plus défensive, et que Lucas devait se débrouiller. Malgré une blessure importante et 3 mois d’absence (suite à une fracture du péroné, causée par un tacle par derrière, un véritable attentat !), Lucas était dans le top 3 des buteurs en ratio temps de jeu/buts, parmi les 15 meilleurs buteurs du championnat. Des bonnes statistiques pour sa première année !
Le début de saison 2024 a marqué un tournant pour lui ?
Ce début de championnat (2024) a commencé comme un boulet de canon, il y a eu des gros progrès depuis la fin de saison dernière, tout se passait très bien. Il y a eu pas mal d’intérêts pour Lucas, mais ça ne s’est pas fait. Soit Lucas n’était pas intéressé par le projet, soit Westerlo refusait les conditions financières des clubs intéressés. Il a notamment eu des offres de France, Angleterre et d’Italie.
Comment Saint Etienne est arrivé dans la danse ? Qu’est ce qui a fait la différence ?
Saint-Etienne est arrivé, avec qui nous avons eu un très bon contact. Saint-Etienne était représenté par Loïc Perrin et Huss Fahmy. Ils connaissaient parfaitement bien Lucas, ils l'avaient étudié en détails. Cela a beaucoup plu à Lucas, car parfois nous avions des échanges avec des clubs qui le contactaient parmi d’autres parce juste qu’il avait des bonnes stats de buteur. Là, il a ressenti que le club le voulait réellement et avait bien étudié son profil. Le club l’a également rassuré sur le fait qu’ils étaient conscients que Lucas avait une grosse marge de progression, qu’il était jeune, que le club prendrait son temps avec lui. Cela a fait pencher la balance pour Saint-Etienne, qui croyait clairement en lui !
Les contacts avec, d’un côté Loïc Perrin, dont on voyait clairement le passé football, le ressenti terrain et de l’autre avec des personnes très datas, qui avaient parfaitement étudié Lucas... Les 2 réunis ont fait que Lucas a tout de suite été séduit par le projet du club. Les premiers contacts ont été très récents et tout cela s’est fait très vite, Saint-Etienne a fait plusieurs offres pour arriver à finaliser la transaction. Westerlo n’était pas forcément d’accord pour lâcher Lucas mais comprenait qu’il souhaite passer une étape en plus. Finalement, Westerlo a laissé choisir Lucas alors qu’ils étaient prêts à le garder si Lucas voulait rester !
Comment s’est passé sa découverte du club à Saint-Etienne ?
Il a reçu un vrai bon accueil à Saint-Etienne ! Il a été très bien accueilli par tout le monde, ce qui a conforté la décision de Lucas de rejoindre l’ASSE. Le soir, il m’a envoyé un message pour me dire "Papa, je me sens déjà vraiment bien ici". Il était heureux, avec ce sentiment d’être accueilli avec beaucoup de chaleur, dans un esprit familial, très rassurant. Il s’est immédiatement senti chez lui et n’a en aucun cas regretté son choix. L’arrivée de Lucas chez les Verts a été fait en concertation avec le club et tout le staff, c’était un choix de tout le monde, ce qui est très appréciable.
Comment Lucas gère-t-il la pression ? Est-ce qu’il a conscience qu’il est un gros transfert pour le club, si ce n’est le plus important ?
Forcément, il aura une pancarte dans le dos ! Mais si un jour il veut jouer dans les plus grands clubs d’Europe, il doit en passer par là ! Ceci étant, il a déjà joué dans des grands stades, à Anderlecht, à 17 ans, où ça n’allait pas, avec une grosse pression et son statut de meilleur buteur de L2. Sa grande force c’est que tout ça le pousse vraiment. Maintenant, partout où il est passé, les gens l’appréciaient. S’il sent que le public des Verts l’aime, ça va l’aider ! Si ça ne se passe pas bien, c’est là qu’on verra s’il a vraiment les épaules. Mais le connaissant, ça ne m’inquiète pas du tout, il sait faire abstraction de ça. Cela rentre d’un côté et ça ressort de l’autre, moi à son âge ce n’était pas comme ça (rires).
Est-ce que vous avez identifié des axes de progression ?
Bien sûr qu’il a des axes de progression ! Depuis 2 ans, il fait un focus sur la prise de poids, sur la prise de muscles. Il doit encore travailler mais son corps change déjà, malgré son jeune âge.
Il doit encore travailler la finition du pied gauche. S’il arrivait à avoir la même finition du pied gauche que du pied droit, il aurait franchi une belle étape. Ce sont les 2 plus grosses choses à travailler ! Mais je vois déjà la différence par rapport à ses débuts, parce qu’ici aussi, en Belgique, nous avons des défenseurs costauds (rires), et quand je vois comment il se débrouillait, il s’en sortait bien. Il travaille énormément. Il est suivi par un coach personnel qu’il est allé voir dès qu’il est rentré en Belgique depuis Saint-Etienne. Il est très focus, sait où il veut aller et ne lâche rien.
Quels sont les joueurs modèles pour Lucas ? Il a parlé de Karim Benzema en novembre 2023 dans une interview accordée à la chaîne Youtube Noyau Dur, mais c’était avant l’intérêt de Saint-Etienne…
Lucas n’a pas de club ou de joueurs préférés ! Il ne se compare pas à des gens et n’aime pas ça. Mais il a plus le « style » d’un Benzema, il aime jouer, décrocher, toucher le ballon. Mais avec une qualité de finition. Mais ce n’est pas un grand qui va rester devant et dévier le ballon ! Son point fort c’est devant le but, dans les 16 mètres. Mais pour autant, il aime toucher le ballon, faire des passes décisives. Il était déjà d’ailleurs à 3 passes décisives depuis le début de la saison avec Westerlo. Il ne faut pas s’attendre à ce qu’il fasse 5 passements de jambes et 5 roulettes ! Ce n’est pas son style du tout. C’est plutôt un joueur d’équipe, qui va faire jouer les autres, jouer en une touche s’il faut. Les dribles pour le public, il laisse ça aux autres (rires) !
Nous avons vu beaucoup d’informations contradictoires (notamment sa fiche Wikipedia qui est passé de 1m71 à 1m83 récemment), au final, combien mesure Lucas ?
Ah ! Il est plus grand que moi, et mesure 1m83 ou 1m84 ! Ce ne sera jamais une tour ! Après Saint-Etienne a été très clair avec nous, ils cherchaient quelqu’un qui soit capable de décrocher, de garder le ballon, d’orienter, d’obtenir des fautes. Lucas est capable de jouer dos au but, bien sûr. Mais le club veut un autre profil que ce qu’il y a déjà au club.
Quel dispositif convient le mieux à Lucas ?
Lucas a toujours joué seul devant à Anderlecht ! Et c’est ce qu’il préfère. J’espère qu’il y a des bons ailiers et un bon 10 à Saint Etienne, Lucas dans les 16 mètres, s’il a des ballons, il marquera des buts. On le voit dans ses stats, il n’a pas besoin de 36 occasions. Il a très peu joué avec 2 attaquants, en formation à Anderlecht. A Westerlo, il a déjà joué à 2 attaquants, de temps en temps.
Quels sont ses traits de caractères ?
Lucas ne lâche jamais rien, il travaille énormément. C’est un mauvais, vraiment mauvais perdant. Il ne supporte pas de perdre. Combien de fois il ne m’a pas parlé pendant une semaine parce que je gagnais contre lui au tennis de table ou au tennis foot, car je savais encore un peu jouer quand même (rires) ! Maintenant après une défaire, je ne l’appelle pas car il reste dans sa bulle et ne supporte pas de perdre. Lucas, vous allez voir, il a la rage de vaincre ! Même pour mettre le 5eme but, il le mettra avec la rage, sans calculer ses efforts.
Je connais bien sûr Saint Etienne, son histoire, il se battra pour l’équipe. On verra quand même, si dans les mauvais moments, les gens accepteront qu’il doive encore progresser ou s’ils trouvent que le gamin ne touche pas un ballon ! Après ce sera à lui de surmonter ça et de prouver qu’il a le niveau. Cela fait partie du foot et de l’apprentissage ! Comme je lui ai dit, aller à l’AC Milan comme il aurait pu le faire pour être 4eme attaquant, cela ne sert à rien. A Saint Etienne, il aura du temps de jeu, il le sait. Le club a aussi été honnête pour lui dire qu’il ne jouerait pas tous les matchs non plus, car il est encore jeune. Les dirigeants ont dit qu’ils allaient le gérer dans les bons comme les mauvais moments.
Vous prénommant Stéphane, votre fils n'était-il pas prédestiné à devenir Stéphanois ?
(rires) Ouais, c’est génial ! On est tellement contents qu’il soit dans un club comme ça, l’avenir nous le dira mais ça nous semble vraiment une bonne chose qu’il soit à Saint-Etienne.
Merci à Stéphane pour sa disponibilité et sa sympathie !