Considéré par ceux qui ont eu la chance de le voir à l'oeuvre à Geoffroy-Guichard comme le plus grand joueur de l'histoire de l'ASSE, Rachid Mekhloufi nous a quittés hier à l'âge de 88 ans. Pour lui rendre hommage, nous republions le passionnant entretien qu'il nous avait accordé en 2007.
Mekhloufi ou Mekloufi ? Lors de vos débuts à Saint-Etienne, la presse locale avait contourné le problème en vous appelant seulement Rachid…
En arabe, on utilise le « h ». En français on ne l’utilise pas. En fait, l’orthographe de mon nom dépend de celui qui l’écrit. Un arabisant l’écrira avec un « h », un francisant avec un « kl ». Je n’ai pas de préférence, pour moi ce n’est pas gênant de lire les deux formes. De toutes façons, je comprends la personne qui prononce ce nom, soit en français soit en arabe.
La presse locale a d’abord utilisé mon seul prénom. Ils ont pris le plus facile. Quand j’ai commencé à Saint-Etienne, on m’appelait Rachid. Un beau jour, mon père est venu et il m’a dit : « écoute, tu ne t’appelles pas Rachid, tu t’appelles Mekhloufi. Il faut leur dire et faire changer ça ». Mon père a insisté, je l’ai écouté et la presse aussi ! (rires)
Votre père est-il à l’origine de votre passion pour le football ?
Ah non, mon père était le contraire d’un passionné de football. Pour lui, avant tout, c’est l’école qui comptait. Il en a vu des vertes et des pas mûres, c’est pour ça qu’il m’a poussé à étudier. Il a insisté pour que j’aille à l’école. Mais moi, j’étais passionné de football. Etant jeune, je délaissais l’école pour aller jouer dans les quartiers, dans les allées, etc. Mon père m’a mis dans la tête l’école avant toute chose. Et ça, je crois que c’est un acquis extraordinaire pour moi. Certes, je ne suis pas allé à l’école très longtemps, mais ce bourrage de crâne que mon père m’a fait a réussi à m’ouvrir les yeux. Le football est venu pour moi naturellement, dans le quartier. On habitait une ville où on était pas loin des terrains de jeu donc on était toute la journée à jouer avec les copains du quartier.
Vous avez commencé à jouer en club sous le maillot grenat de l’USM Sétif, un club né en 1933 comme l’ASSE…
D’abord, je tiens à apporter une petite précision qui a son importance : ce n’était pas l’USMS mais l’USFMS. Dans la législation française, il fallait mettre un « f » à tout club musulman. J’ai donc été formé à l’Union Sportive Franco-Musulmane de Sétif. C’était mon club préféré, quand j’étais gamin j’allais le voir jouer. Petit à petit, grâce aux copains et à la famille, je suis rentré dans ce club à l'âge de quatorze ou quinze ans. J’avais des qualités qui me permettaient de jouer dans les catégories supérieures : première année cadet, j’ai joué très vite en junior ; première année junior, je jouais en senior. Le football était vraiment ancré en moi. Je crois qu’une personne qui n’a pas le football dans le sang ne peut pas réussir une carrière professionnelle.
Le 8 mai 1945, Sétif fut avec Guelma le théâtre d’émeutes nationalistes réprimées dans le sang. « Le choc que je ressentis devant l’impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de Musulmans, je ne l’ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme » a écrit Kateb Yacine. Le futur président algérien Houari Boumédiène a pour sa part déclaré : « Ce jour-là, j’ai vieilli prématurément. L’adolescent que j’étais est devenu un homme. Ce jour-là, le monde a basculé. Même les ancêtres ont bougé sous terre. Et les enfants ont compris qu'il faudrait se battre les armes à la main pour devenir des hommes libres. Personne ne peut oublier ce jour-là. » Vous aviez à l’époque huit ans. Quels souvenirs gardez-vous de ces tragiques évènements ? Ont-ils été l’élément déclencheur de votre futur engagement ?
A huit ans, on est traumatisé par ce qu’on voit tout de suite mais ça s’atténue avec le temps. Personnellement, j’ai assisté à des scènes vraiment terribles. J’habitais un quartier qui était presque en dehors de la ville. Il y avait des champs énormes autour de notre quartier, et on voyait les fusils-mitrailleurs des militaires français tirer sur des gens qui voulaient s’enfuir. Ce jour-là, c’était jour de marché, et les gens des alentours venaient à Sétif pour vendre leurs moutons, etc. Ces gens-là ont été mitraillés et ça m’a bouleversé. Je voyais des personnes essayer de se faufiler à travers les champs de blé. Parfois les gars se relevaient, parfois ils restaient étendus. De telles scènes m’ont vraiment bouleversé. Mais j’étais gamin. Le nationalisme est venu par la suite.
Pouvez-vous nous rappeler le contexte de votre arrivée à Saint-Etienne en 1954 ?
Je ne m’attendais pas du tout à être transféré à Saint-Etienne. Il se trouve qu’un israélite qui avait un petit journal à Sétif, Monsieur Setboum, me voyait jouer régulièrement car il était supporter de l’USM Sétif. Il a écrit à son frère, qui était à Roche-la-Molière. Il lui a dit qu’il y avait un jeune Sétifien qu’il trouvait très bon, etc. Son frère en a parlé aux dirigeants de Saint-Etienne, qui m’ont envoyé un billet d’avion pour venir faire un test. C’est resté gravé dans ma tête, je me rappellerai toujours ! Je suis arrivé le 4 août, Monsieur Garonnaire m’attendait à l’aéroport de Lyon-Bron. On m’a emmené directement au stade, où j’ai trouvé Jean Snella. C’est ma chance. C’est mon avenir qui allait se dérouler avec ce Monsieur. Jean Snella était un entraîneur merveilleux.
Vous êtes-vous intégré sans difficulté à l’ASSE et à la ville de Saint-Etienne ?
Je vais dire quelque chose qui pourra peut-être vous choquer. Je fais une comparaison entre maintenant et quand je suis arrivé. A mon arrivée, j’ai trouvé les Français merveilleux, d’une gentillesse extraordinaire, d’une curiosité remarquable. Une ville comme Saint-Etienne qui était une ville noire, je l’ai trouvée belle parce que le contact humain était magnifique. Je ne voyais que de la gentillesse autour de moi, c’est ce qui m’a fait adhérer totalement à Saint-Etienne. Pourtant j’étais un illustre inconnu, un illustre Algérien, un illustre arabe. A l’heure actuelle, je pense que c’est très, très, très difficile pour un arabe, un noir ou un étranger. Heureusement qu’à mon arrivée j’ai été formidablement accueilli, heureusement que j’ai connu ça. C’est d’ailleurs pour ça que Saint-Etienne, pour moi, c’est sacré. C’est ma deuxième ville de naissance.
Vous souvenez-vous de vos premiers buts inscrits sous le maillot vert en match officiel, le 31 octobre 1954 contre Roubaix ?
Pas du tout ! De manière générale, j’ai oublié quasiment tous les buts que j’ai marqués. Disons que d’une certaine façon j’ai tout fait pour les oublier... Finalement, on ne vit pas avec le passé, on vit avec le présent. On essaie d’être toujours au top. Si on commence à raconter « de mon temps j’ai fait ci et j’ai fait ça », les jeunes vous délaissent.
Le lendemain de vos frappes victorieuses contre Roubaix, des membres du FLN vont également frapper mais sur un autre terrain que le rectangle vert. Des dizaines d'attentats ensanglantent Algérie. C'est la «Toussaint rouge», qui marque le début de la guerre d’indépendance… Comment avez-vous réagi en apprenant ces attentats ?
Je n’ai pas été étonné. Pour comprendre novembre 1954, il faut faire un retour en arrière et se pencher sur l’histoire de la colonisation et de l’occupation par l’armée française en Algérie. Il n’y a jamais eu de trêve durable en Algérie : tous les dix ou quinze ans, il y avait un soulèvement. Celui de 1954 est l’apothéose et le prolongement de tous les soulèvements antérieurs. Il y a eu Boumezreg, il y a eu Abd El-Kader, il y a eu beaucoup d’autres soulèvements. Malheureusement la France n’a pas compris la mentalité de l’Algérie. Au lieu d’essayer d’arranger les choses, au lieu d’essayer d’enlever les acquis des colons, … (il coupe). J’entendais dernièrement les Pieds Noirs parler dans une émission de télévision. Pour eux c’était la belle vie, « on était heureux, on était avec les Arabes, etc. »
S’ils étaient heureux, pourquoi se soulever, pourquoi on a dit « il faut nous donner un petit peu ce que vous êtes en train de prendre ». En Algérie, pour les élections, il y avait deux collèges : un premier collège pour les Français d’origine et un deuxième collège pour les musulmans. Les historiens savent ça mais les populations françaises ne savaient pas ça. L’écriture arabe, la langue arabe étaient interdites dans les écoles. En Algérie on le savait, les colons le savaient mais en France on ne le savait pas. A Saint-Etienne, j’ai suivi le soulèvement de 1954 à travers les quelques flashs de la presse. Mais même le peuple français ne savait pas qu’il y avait une guerre en Algérie. Il n’était pas au courant, sauf les familles qui avaient des enfants militaires là-bas.
Revenons sur le terrain du football. Après avoir fini septième en 1955 et quatrième en 1956, l’ASSE a remporté son premier titre de champion de France en 1957. A l’évocation de cette saison historique, quelles images vous reviennent spontanément à l’esprit ?
En fait, le titre de 1957 résulte d’une évolution. Quand je suis arrivé au club, on avait une équipe composée de joueurs âgés : de Cecco, Fellahi, Ibanez, Foix, etc. L’équipe n’était pas mauvaise mais ce n’était pas le top niveau. Petit à petit, la saison d’après, Jean Snella a intégré des jeunes comme Tylinski, Ferrier et Goujon. N’oublions pas l’apport de Rijvers. Ce Monsieur-là nous fait gagner le titre lors de la saison 1956-1957. La transition s’est faite à ce moment là, avec ces jeunes qui ont donné le vrai sens du style stéphanois. L’école stéphanoise est sortie de cette équipe, avec Jean Snella comme entraîneur. On a été champions de France avec plusieurs points d’avance, on pouvait en donner aux autres (rires). On avait une très grande attaque avec Njo Léa…
A vous deux, vous avez marqué 54 des 88 buts stéphanois cette année là ! Qu’avez-vous ressenti en apprenant la disparition de votre ancien coéquipier en octobre dernier ?
J’ai ressenti beaucoup de tristesse, car j’ai eu la chance de jouer plusieurs saisons à ses côtés. Il était étudiant à Lyon, et j’habitais dans la même pension que lui. Je me souviens qu’Eugène m’emmenait sur son scooter les matins d’entraînement. Avant d’apprendre son décès, j’avais été un peu choqué d’apprendre qu’il était en perdition. C’était un garçon extraordinaire : il était avocat, il a été attaché d’ambassade au Cameroun. Mais petit à petit il a connu la déchéance. Je trouve ça vraiment triste. Les autorités footballistiques devraient faire un rappel pour que les jeunes actuels ne soient pas attirés par cette fausse richesse et ne se retrouvent pas un jour à la dèche. Même si aujourd’hui les footballeurs gagnent beaucoup d’argent, il faut savoir économiser et penser à l’avenir.
Pour en revenir au joueur, Njo Léa était un ouvreur de coffre. Il était devant et il faisait le ménage. Il était dur, il était costaud, il était remuant, il était technique… Il marquait souvent des buts en force grâce à ses qualités physiques. Il m’a permis de mettre beaucoup de buts car il écartait les défenses, et moi j’en profitais pour pénétrer et marquer.
La saison suivante, vous avez marqué à Glasgow le premier but de l’histoire européenne stéphanoise. Avez-vous gardé des images précises de ce but et de ce match disputé à l’Ibrox Park contre les Rangers ?
Oui, ça fait partie des très rares images que j’ai gardées. Je me souviens qu’il y avait une ambiance de folie. Je n’avais jamais joué devant autant de spectateurs, il y en avait peut-être 80.000. J’avais été impressionné par cette foule hurlante. Le jeu très viril des Ecossais m’avait également marqué. Ils ne vous laissaient pas respirer, ils vous bouffaient ! On a perdu mais j’ai ouvert la marque. C’est vrai que mon but était assez beau (rires). On me donne un ballon, je suis à trente mètres. Comme je ne sais pas quoi faire de ce ballon, je tire et ça va juste dans la lucarne. Je crois que ça a enlevé la toile d’araignée (rires). Ce but merveilleux est resté ancré dans mon esprit. D’ailleurs, j’ai une photo de ce but chez moi.
Vingt ans plus tard, un autre match des Verts à Glasgow est entré dans la légende de l’ASSE. Avez-vous assisté à la finale de la coupe d’Europe des clubs champions à Hampden Park le 12 mai 1976 ? Comment avez-vous vécu cette finale contre le Bayern de Munich ?
Je n’ai pas assisté à ce match, je l’ai vu à la télé bien sûr. Pour moi, cette finale montrait la naïveté du football français qui existait encore à cette époque là. Permettre de tirer un coup franc comme ça, sans protection et sans tourner autour du ballon, ça m’avait un petit peu choqué. Arriver en finale et perdre sur une action comme ça…Heureusement l’équipe était bonne, elle a bien joué, ce n’était pas désespérant. Pour un entraîneur, pour des joueurs, pour des dirigeants, c’est désespérant si la défaite ne permet pas de s’accrocher à quelque chose de positif : une technique, un jeu d’ensemble, un courage, etc. Là il y avait quand même des motifs de satisfaction : d’abord le fait de s’être qualifié pour une finale, ensuite la valeur de l’adversaire, le Bayern de Munich. Et puis on a fait un bon match. On a perdu sur une bagatelle… une bagatelle qui compte et qui traduisait une forme de naïveté dans le football français. Mais c’était le commencement du renouveau du football français.
Le 14 juillet 1957, vous remportez avec l’équipe de France militaire le championnat du monde à Buenos Aires en écrasant l’Argentine 5-0. Comptant quatre sélections en équipe de France A, vous êtes pré-sélectionné pour le Mondial 1958. Or vous fuyez la France le 14 avril 1958. Etait-ce par honte d’avoir perdu la veille à domicile contre Béziers, qui finira la saison bon dernier ?
C’est risible ça (rires). Plus sérieusement, ce départ des meilleurs joueurs algériens évoluant en France n’était pas innocent. Peu de Français connaissaient ce qui se passait en Algérie. Les représentants du FLN en France étaient en avance dans la publicité. Vraiment en avance car un coup comme ça a permis au peuple français d’ouvrir les yeux. Le lendemain de tous ces matches du championnat de France, dix joueurs de haut niveau partent de France avec le FLN. Les gens qui ne suivent pas trop la politique et l’information internationale se posent la question : « qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ils sont partis ? Ils étaient bien ici, ils avaient tout : la gloire, l’agent, etc… »
Notre départ amène les gens à s’interroger. Notre action les interpelle : « Ah bon, il y a la guerre en Algérie ? Ils sont partis parce que le FLN leur a demandé de partir, et peut-être pas pour jouer au football ». Notre départ démontrait que toute la population algérienne était avec le FLN, pas seulement des bandits et des mercenaires. On était bien en France, on avait des situations, la population nous aimait. On n’était pas contre la France mais contre le colonialisme, contre les gens qui sont en Algérie et ont accaparé les biens, etc. A partir du moment où il y a cette action, on s’est retrouvé à Tunis, à dix. Que faire ? Jouer au football. Heureusement pour nous qu’on était une équipe merveilleuse ! On ne se connaissait pas tous et on venait de clubs différents. On se retrouve ensemble et ça devient une équipe merveilleuse, une équipe de rêve.
Avez-vous hésité avant de partir ? Avez-vous fait ce choix librement ou à votre corps défendant ? En désertant la France, vous avez mis votre vie en péril et abandonné le confort de votre statut de vedette stéphanoise. Vous avez également mis une croix sur la coupe du Monde…
Personnellement, l’abandon de mon statut à Saint-Etienne et de mes perspectives en équipe de France étaient dérisoires comparées à l’indépendance de l’Algérie, quoique je n’étais pas politique. Il ne faut pas croire que les gens qui sont partis rejoindre le mouvement de libération nationale étaient tous des militants politiques. Deux garçons de Sétif, Kermali (Olympique Lyonnais) et Arribi (Avignon) sont venus me voir la veille du match contre Béziers. Ils m’ont dit : « demain on part ! ». Je leur ai demandé où on allait. Ils m’ont répondu : « à Tunis ». Je leur ai demandé si mon statut de militaire français posait problème. C’est la seule question que je leur ai posée ! Ils m’ont dit que ce n’était pas gênant que je sois militaire.
Lors du match contre Béziers, je suis sorti avant la fin de match car je m’étais blessé à la tête. Le lendemain, ils sont venus me chercher à l’hôpital. On est parti tranquilles. Je les ai suivis. Chez nous, le respect de l’aîné est très important. Quand un garçon comme Arribi qui est de mon quartier, de Sétif, me dit de partir avec lui, je ne pose aucune question. Je ne demande pas par où on va, comme on fait, etc. Je ne me dis pas « et mon avenir alors ? ». Je me dis si lui me dit ça, c’est que c’est bon. Quand Arribi et Kermali venaient à Sétif en vacances, moi je les regardais avec des yeux émerveillés. Ils se promenaient en short, ils étaient bien bronzés et costauds. J’étais en admiration devant eux.
Avez-vous réussi à quitter le territoire français facilement ? Pouvez-vous nous donner des détails sur le périple qui vous a conduit à Tunis, où était installé le gouvernement provisoire de la république algérienne ?
On n’a pas eu de problème pour quitter le territoire français. Il y a cinq gars qui ont transité par l’Italie : quatre Monégasques (Zitouni, Boubekeur, Bentifour et Bekhloufi) et un angevin (Rouaï). Arribi, Kermali, les deux Toulousains (Bouchouk et Brahimi) et moi, on partait de la Suisse. C’était bien planifié, attention, ce n’était pas n’importe quoi ! (rires). Quand le premier groupe est passé, lundi midi peut-être, à treize heures la radio annonçait la nouvelle. Mais nous, on était encore en France ! On est passé à la douane à la frontière suisse. Le bonhomme n’était pas au courant. On lui a dit qu’on allait en Suisse pour des raisons professionnelles. S’il avait écouté la radio, peut-être qu’on aurait été bloqués !
Avez-vous agi en secret ? Aviez-vous informé certains membres du club avant de partir ?
Je n’avais informé personne, pour que l’opération marche il fallait agir en secret. Je n’ai même pas prévenu Jean Snella. Il ne m’a pas fait de reproches. Il m’a dit après coup qu’il avait compris les raisons de mon silence.
De 1958 à 1962, vous avez disputé 91 matches dans quatorze pays avec l’équipe indépendantiste du FLN. Quels matches, quels voyages vous ont le plus marqué ?
J’ai été marqué par notre séjour en Roumanie, à Bucarest. En principe, on ne devait faire qu’un seul match. On a fait un match devant 80.000 personnes, c’était merveilleux ! Un véritable festival de football. On a gagné 1-0. Les responsables roumains étaient tellement enchantés qu’ils nous ont obligés à jouer un deuxième match le lendemain ! Ah, il faut dire que ce premier match était un match de haut niveau technique ! Moi qui étais au milieu des gars, j’étais un peu euphorique. Il y avait des joueurs qui étaient meilleurs que d’autres, mais c’était un match plein et enthousiasmant.
J’ai un un deuxième souvenir marquant. C’était à Belgrade, contre l’équipe nationale yougoslave. Enfin, on ne l’appelait pas « équipe nationale » car la FIFA avait interdit aux fédérations nationales de nous rencontrer. Mais l’équipe yougoslave qu’on a affrontée était bien composée de joueurs évoluant en sélection nationale. On a gagné 6-1 et je crois que cette victoire a marqué les esprits. Il y avait un avant-match, avec une équipe brésilienne qui roulait les mécaniques. Cette équipe a joué le match phare en premier. Nous, on a joué en deuxième. Le public commençait à sortir après le match des Brésiliens. Mais nous on commence notre match à cent à l’heure : en dix minutes, on marque deux ou trois buts. Les gens sont revenus et ils sont restés jusqu’au bout. C’était un match de très haut niveau contre une bonne équipe.
Dans son roman Le Vainqueur de Coupe, Rachid Boudjedra vous a décrit comme « le footballeur de la révolution ». Estimez-vous que l’équipe de football du FLN a joué un rôle important dans lutte pour l’indépendance de l’Algérie ?
Je crois qu’il faut avoir à l’esprit les paroles de Ferhat Abbas, le premier président du GPRA (Premier Gouvernement Provisoire de la République Algérienne). Ils nous a dit : « vous avez fait avancer la Révolution de dix ans ». L’impact de cette équipe vis-à-vis du peuple français a été très fort. Les gens se sont interrogés sur les raisons de notre départ. Le peuple français a pris conscience lors de notre départ qu’il y avait une guerre d’Algérie, une guerre de libération. Quand on partait dans les pays de l’Est ou les pays arabes, les politiques étaient au courant de cette guerre mais pas les populations.
Notre rôle était d’informer les populations des pays qu’on visitait. Attention, on ne faisait pas que jouer au football ! On allait visiter les usines, on discutait avec les populations, on expliquait ce qui se passait en Algérie, etc. On était le bras de la Révolution à travers le football. De plus, nos résultats et notre manière de jouer nous aidaient énormément. Les gens qui nous voyaient débarquer se posaient des questions: « c’est quoi cette équipe, d’où ils viennent ces diables ». On avait une équipe du tonnerre. Il y avait trois ou quatre internationaux français : Bentifour, Zitouni, Boubekeur, Brahimi, Bouchouk, Mekloufi. C’était pas une équipe de bras cassés !
En avril 2005, vous avez émis trois vœux devant l’assemblé populaire communale de Constantine : la création d’une fondation pour l’équipe du FLN afin que son action rentre dans l’histoire de l’Algérie au même titre que toutes les actions ayant conduit à la reconnaissance de l’Algérie ; l’organisation de tournois de jeunes pour que les générations montantes apprennent que le football peut être autre chose qu’un jeu ; la reconnaissance comme moudjahidine, et le versement de pensions associées pour les anciens joueurs de l’équipe du FLN . Avez-vous été écouté par les pouvoirs publics algériens ?
En ce qui concerne le premier point, on vient d’obtenir la création d’une fondation pour l’équipe du FLN. C’est une très bonne chose, ça va nous permettre de nous exprimer, de trouver des idées, etc. Le deuxième point, c’était en fait l’instauration d’une journée du football, officiellement, le 13 avril, en mémoire de la création de cette équipe du FLN. L’idée consiste à organiser dans toute l’Algérie des tournois ce jour là. Maintenant que la fondation est créée, on va faire en sorte de concrétiser cette idée. Il n’y a pas un ministre qui est venu à qui on n’a pas demandé ça. Mais bon, vous connaissez les politiques : c’est toujours « oui, oui, oui », et puis le bonhomme s’en va, il nous oublie, etc. Le troisième point consistait à améliorer le quotidien des anciens joueurs de cette équipe du FLN. On nous a longtemps oublié dans ce domaine, mais le problème a été réglé récemment : maintenant, on est à l’aise et tranquilles.
Etes-vous resté en contact avec l’ASSE pendant ces quatre années d’exil ?
Non. Je me suis d’ailleurs bien gardé de prendre contact avec les gens de Saint-Etienne durant cette période. J’avais beaucoup plus peur pour eux que pour moi. En ce qui concerne mes proches à Saint-Etienne, j’ai préféré faire le mort… Je sais que lorsque je suis parti, quelques uns ont été interrogés. Mon frangin qui était resté là-bas a été tabassé. J’ai préféré ne pas gêner mes amis de Saint-Etienne.
Une fois que l’Algérie a acquis son indépendance, vous avez décidé de reprendre votre carrière de footballeur professionnel. Vous avez évolué quelques mois au Servette de Genève. Pour quelles raisons ? Avez-vous été tenté de vous établir en Algérie dès cette époque ?
Lorsque l’Algérie est devenue indépendante, j’avais seulement 25 ans. J’étais encore jeune et j’ai souhaité continuer ma carrière de footballeur professionnel. Je n’ai pas été tenté de m’installer en Algérie car le football professionnel n’existait pas là-bas à cette époque. Par contre, d’autres joueurs plus âgés comme Zitouni et Bentifour n’ont pas pu reprendre leur carrière professionnelle car ils étaient en fin de carrière. Mes camarades les plus anciens du FLN sont rentrés au pays pour construire le football en Algérie.
Jean Snella m’a contacté, il m’a demandé de le rejoindre au Servette de Genève. J’y suis allé. J’étais un peu grassouillet à l’époque, après ces quatre ans passés avec l’équipe du FLN ! (rires) Il m’a dit : « tu vas rester ici, tu vas signer ici et attendre ». Roger Rocher était de connivence. Tous les deux m’ont dit qu’il était préférable que je reste d’abord à Genève, pour que je me retape et en attendant que les choses se passent. Je leur ai fait confiance. Or il se trouve qu’à l’époque Saint-Etienne était en deuxième division. Les Verts étaient en tête en début de saison mais ils commençaient à décliner au fur et à mesure que le temps passait. Le père Rocher m’a dit qu’il fallait que je revienne à Saint-Etienne. En fait ils ont anticipé mon retour.
Quand êtes-vous retourné à Saint-Etienne précisément ?
En fait, je n’ai joué que quelques mois au Servette, de juin à décembre 1962. Je suis revenu à Saint-Etienne courant décembre.
Vous souvenez-vous de votre premier match ?
Je me souviens en effet de ce retour à Saint-Etienne. Je n’étais pas conscient de ce qui se passait. Pour moi, je revenais à Saint-Etienne, sans plus. Mais je crois que Roger Rocher a eu beaucoup de difficultés à gérer ce retour. Il a reçu beaucoup de menaces de la part de certaines personnes qui étaient à Saint-Etienne, dont un bonhomme – je crois qu’il est mort – qui s’appelait Rochouse. Un facho. Il l’a tarabusté, en lui reprochant de faire venir un fellaga, etc. Rocher a tenu bon. Moi je n’étais pas au courant de tout ça, je voulais jouer au football et puis c’est tout. J’ai fait mon retour contre Limoges. D’habitude, à cette époque là, en D2, il y avait sept ou huit mille spectateurs pour voir les Verts. Le jour de mon retour, il y avait quinze mille personnes. Ils étaient venus exprès pour Rachid !
Votre participation avait-elle été tenue secrète jusqu’au dernier moment ?
Non, il n’y aurait pas eu 15.000 personnes si on avait caché ma présence. Par contre, on avait sans doute pris des précautions sans me tenir informé. J’imagine que des mesures de sécurité ont été prises à l’extérieur pour éviter des troubles éventuels. Mais ça s’arrête là.
Appréhendiez-vous la réaction des supporters ? Quel a été l’accueil du public ?
Dès le début du match, j’ai fait quelque chose (je ne sais même plus quoi) qui a conquis le public et ensuite les supporters m’ont encouragé comme avant.
Champions de D2 en 1963, les Verts réussissent l’exploit de devenir champions de D1 en 1964 ! Une première dans l’histoire du championnat de France…
Je n’ai aucun souvenir de cette saison 1963-1964. Ce qu’on a fait cette année là était peut-être une première dans l’histoire du foot français, mais pour moi c’était logique et normal. A partir du moment où Jean Snella est revenu et qu’on a repris la route en même temps, on a reproduit ce qu’on avait fait quelques années auparavant, aussi bien à l’entraînement qu’en match. Dans l’équipe, j’ai retrouvé des joueurs que j’avais connu avant de partir en 1958 : des garçons comme Ferrier et Tylinski étaient encore là. Toutes les conditions étaient réunies pour que ça se passe bien. On continuait à avoir la joie de jouer sur un terrain. C’est ça qui était primordial avec Jean Snella et avec l’équipe de Saint-Etienne : la joie de jouer, régaler le public, nous régaler, faire en sorte que tout le monde soit heureux. Et ça, c’est une chose qu’on ne voit plus. Aujourd’hui c’est la guerre, c’est des tactiques… Nous on jouait pour nous amuser, et en nous amusant on gagnait.
Que représente Jean Snella pour vous ?
Je lui dois beaucoup. C’est un humaniste, un Monsieur… La bonté même. Il avait le sens de l’amour du football. Il nous a inculqué cet amour du football. On l’avait déjà, mais au contact de ce Monsieur, on a triplé ou quadruplé l’amour du football. Cet homme, pour nous, était un exemple. On ne voulait jamais le décevoir. En plus de ça, Jean Snella était d’une simplicité dans la vie de tous les jours comme dans la vie d’entraîneur. Quand il nous faisait une conférence, c’était pas du blabla pendant des heures ; c’était concret et efficace. Quand deux heures avant un match vous mettez les joueurs autour de vous et que vous commencez à raconter des histoires… Déjà le stress du match c’est quelque chose de terrible, en plus les joueurs doivent souvent subir des paroles d’entraîneur qui n’ont aucun sens, qu’on n’écoute même plus. Jean Snella, lui, était carré, sans fioritures, efficace. Il ne nous cassait pas les pieds et on rentrait sur le terrain décontractés. Voilà l’approche de Jean Snella. Et à côté de ça, les jours d’entraînement, il était toujours disponible.
Sacré meilleur joueur du championnat de France à l’issue de la saison 1966-1967, vous avez gagné pour la troisième fois le championnat de France. Cette année là, Hervé Revelli a terminé meilleur buteur du championnat. Pouvez-vous nous dire quelques mots du seul joueur à avoir marqué plus de buts que vous dans l’histoire du club (211 buts contre 163 toutes compétitions confondues) ? Etes-vous resté en contact avec lui ? Avez-vous discuté de ses déboires à la tête du Mouloudia d’Oran et de l’Entente Sportive de Sétif ?
Hervé était un buteur né. Il était aux endroits voulus pour marquer des buts, il était bon techniquement, il avait un bon jeu de tête. Il s’intégrait dans l’équipe facilement et avec joie. En ce qui concerne son expérience en Algérie, je crois qu’il a fait l’erreur de ne pas me contacter. Avant d’aller en Algérie, si tu as un garçon qui a joué plusieurs années avec toi, qui est Algérien, tu poses des questions, tu l’appelles. Bon, il a fait abstraction de tout ça. Ce n’est pas pour ça que je lui en veux, mais j’aurais peut-être pu l’orienter, le guider, lui expliquer des choses, etc. Disons que ça me chagrine un petit peu, parce que son expérience algérienne n’a pas été concrète, concluante. C’est dommage, j’aurais pu lui donner un coup de main vis-à-vis des dirigeants et des joueurs pour lui mettre le pied à l’étrier, d’autant plus qu’on était amis. Il était déconneur quand il jouait, on rigolait, on plaisantait.
Vous avez évoqué les qualités d’attaquant d’Eugène Njo Léa et d’Hervé Revelli. Intéressons-nous maintenant aux vôtres. Dans son livre Vive le football ! , Bernard Bosquier célèbre votre talent : « Tout ce qu’il faisait était lumineux et d’une simplicité enfantine. Il avait le génie d’embarquer la défense sur un côté du terrain, les yeux fermés, puis de renverser le jeu à l’opposé. C’est ce que Jean Snella appelait les fausse pistes. »
Disons que j’avais un registre de jeu un peu spécial. Pour faire ce jeu des fausses pistes, il faut avoir un champ visuel très large. Et ce champ visuel, j’avais la chance de l’avoir. C’est quelque chose d’inné. Lors de ma première période stéphanoise, j’étais beaucoup plus un fonçeur, un buteur, qu’un technicien ou un meneur de jeu. Cette vision de jeu me permettait d’embarquer la défense à droite, et je voyais comme une ombre passer de l’autre côté, et c’est là que l’adversaire était pris par surprise. Roger Lemerre, actuellement sélectionneur de la Tunisie, s’en souvient encore. Je l’ai rencontré il y a quelques années, il m’a demandé comment je faisais pour le surprendre à chaque fois que Saint-Etienne rencontrait Sedan ! (rires) En fait, je crois que c’est un don, on ne peut pas l’acquérir. C’est venu comme ça, spontanément. C’est venu petit à petit. Mon jeu a évolué en ce sens vers 1959 ou 1960, à l’époque ou je jouais avec l’équipe du FLN. Au contact des mes camarades expérimentés comme Bentifour, Brahimi, Bouchouk, j’ai beaucoup appris et j’ai créé ces fausses pistes.
L’été 1967, Albert Batteux succède à Jean Snella au poste d’entraîneur de l’ASSE et vous prive du brassard de capitaine. Dans un article publié dans Miroir du Football en février 1968, Georges Pradels affirme que l’ancien entraîneur du Stade Reims n’avait pas digéré votre défection pour la coupe du monde de 1958 et n’avait pas apprécié une interview que vous aviez accordée à L’Equipe. Vous souvenez vous de cet épisode et de la polémique qu’il a suscitée dans la presse sportive de l’époque, certains journalistes insinuant que vous aviez été déchu du brassard de capitaine en raison de votre nationalité algérienne ?
J’ai plutôt le souvenir d’un journal tunisien qui avait déformé mes propos à propos d’une comparaison entre Jean Snella et Albert Batteux. Je reproche à l’ASSE et peut-être à Batteux de ne pas avoir écouté les deux versions et se fier uniquement à cet article. J’aurais aimé qu’ils m’écoutent vraiment, au lieu de m’enlever comme ça d’un coup le brassard de capitaine. J’ignore si Albert Batteux me tenait encore rigueur de ma défection pour la coupe du monde 1958. Mais certaines déclarations quand on est partis et surtout quand Maouche [ndlr : ancien joueur du Stade de Reims et de l’équipe du FLN] est parti font que ce n’était peut-être pas innocent tout ça.
Lors de votre dernière saison à l’ASSE, vous avez été mis en concurrence avec Salif Keita. Quelles étaient vos relations à l’époque ? Etes-vous resté en contact avec lui ?
Il ne faut jamais oublier, entre Africains, le côté respect de l’aîné. Ce garçon m’a toujours respecté et quand il arrivé à Saint-Etienne, il est venu vers moi. Pour ma part, j’ai tout fait pour le mettre dans le coup, dans l’ambiance. C’est un garçon qui venait directement de Bamako, on se souvient tous de l’épisode de son arrivée en taxi depuis Paris. On a eu de très bons contacts l’année qu’on a passée ensemble à l’ASSE. Par la suite, je suis bien sûr resté en contact avec lui. Il y a quatre ou cinq ans, on a fait une réception à Alger et je l’ai fait venir avec sa femme et Bereta aussi, le p’tit Georges (rires). Je sais qu’il occupe actuellement la présidence de la fédération malienne de football et qu’il est toujours disponible. C’était l’approche de l’école stéphanoise de l’époque : les jeunes respectaient vraiment les aînés. C’est une éducation qui a tendance à disparaître petit à petit. Le respect des supporters pour l’équipe existe toujours, mais dans l’équipe, j’ai l’impression que le respect entre tel ou tel n’existe plus vraiment.
Vous avez terminé votre carrière stéphanoise en apothéose : sacré champion de France pour la quatrième fois, vous avez grandement contribué à la victoire des Verts en coupe de France. Quels souvenirs gardez-vous de la finale contre Bordeaux, en mai 1968 ?
Imaginons une seconde une finale de coupe de France où j’aurais vraiment flambé d’une façon extraordinaire techniquement et où j’aurais fait un très grand match. Que resterait-il de cette finale ? Rien à mon avis. Mais là, regardez le destin de quelqu’un qui est droit et honnête. Non seulement je marque une reprise de volée sur un ballon en or donné par le rouquin, mais en plus je tire deux fois le penalty : je marque une première fois mais l’arbitre me fait retirer car il n’avait pas sifflé. Ça ne peut que rester dans les mémoires pour les gens qui ont vu le match ! Ce jour là, le destin m’a dit « merci Rachid pour ta carrière ». Ce jour là, j’ai eu la preuve que Dieu existe.
Mais je n’ai pas voulu assister à la fête. Je me suis sauvé après le match, je n’ai pas assisté à l’émission de télé et je ne suis pas aller voir le Crazy Horse. Je n’ai pas non plus assisté au défilé à Saint-Etienne. Ils m’ont cherché. Mais à partir du moment où le plat s’est cassé, c’est terminé. C’est pour ça que suis parti la saison d’après. Je n’en voulais pas aux supporters stéphanois. Rocher n’a pas su me défendre, Batteux n’a pas su être au-dessus de tout ça. J’aurais aimé terminé ma carrière à Saint-Etienne et me reconvertir comme formateur ou entraîneur là-bas. Peut-être que maintenant je serais entraîneur des Verts (rires).
Dans quelles circonstances êtes-vous parti à Bastia en 1968 ?
Je vais vous dire quelque chose de plus grave même si ce ne sont que des suppositions. Comme par hasard, alors que je marque deux buts en finale de la coupe de France et que je suis encore assez bon, seul Bastia se serait intéressé à moi. Comme ça, par hasard. Aucune autre équipe n’aurait été intéressée par moi. Pourquoi, hein, pourquoi ? Je crois qu’on m’a fourgué à Bastia pour que je ne flambe plus. C’est mon analyse. Même si j’avais 32 ans, j’avais encore le niveau pour jouer dans d’autres clubs, excusez-moi ! A mon avis, on a tout fait pour que n’aille pas dans un club où je risquais de montrer que j’avais encore mes qualités.
Qu’avez-vous retenu de cette expérience en Corse ?
A Bastia, malheureusement, presque tous les joueurs avaient mon âge. En plus, on avait un entraîneur qui était « super béton ». Lucien Jasseron avait des qualités, mais son truc c’était jouer défensivement. Je me suis retrouvé au milieu de cette équipe de Bastia, où je voyais passer les ballons au-dessus de ma tête. Moi je voulais les ballons dans les pieds. Au bout de six mois, les dirigeants ont souhaité remplacer Jasseron et je suis devenu entraîneur-joueur. J’ai pris l’équipe en main, on a commencé à pratiquer un meilleur jeu, avec des ballons dans les pieds. On n’a pas mal terminé la saison en assurant le maintien en première division. Pour préparer la saison d’après, je comptais m’appuyer sur de très bons jeunes joueurs corses que j’avais repérés dans l’équipe de CFA. J’ai liquidé tous les anciens, certains me l’ont reproché mais je ne pouvais pas repartir avec une équipe qui risquait de me péter dans les doigts. J’ai intégré quelques jeunes Corses dont certains sont devenus par la suite internationaux : Claude Papi, Georges Franceschetti. Finalement, je garde plutôt de bons souvenirs de mon passage à Bastia.
Vous étiez apprécié par les dirigeants bastiais, pourquoi n’avez-vous pas poursuivi l’aventure en Corse ? Vous souhaitiez retourner en Algérie pour des raisons personnelles ?
Non. A partir du moment où j’avais fait ma part de travail pendant la guerre, j’étais libre. Mais alors que j’étais encore sous contrat à Bastia, l’Algérie m’a envoyé quelqu’un : un ami personnel, un ami d’enfance, qui est venu m’emmerder. Il m’a dit : « Ecoute Rachid, il y a le ministère qui m’envoie pour que tu prennes le football en main, etc ». Bref, il m’a baratiné ! (rires). Je pouvais dire « non, foutez-moi la paix ! ». Mais bon, il m’a appâté, il m’a convaincu que je pouvais faire du bon travail en Algérie. Je lui ai dit : « Ecoute, moi je suis professionnel, j’ai un contrat, il faut que tu sollicites les dirigeants du SC Bastia. » Il est allé voir le président du club, qui était catastrophé. Il voulait me garder car je faisais du bon travail pour Bastia. Ils ont bataillé, et au bout d’un certain temps le président s’est rendu compte que son interlocuteur ne voulait rien entendre et ne lâcherait pas. Je suppose qu'ils ont dû trouver un arrangement lors des négociations pour que je parte.
En 1970, vous retournez en Algérie et vous prenez les commandes de la sélection nationale...
(Il coupe) Non, en 1970 je suis rentré mais finalement il n’y avait rien ! C’était quelque chose vraiment de terrible. On ne peut pas s’amuser avec cette histoire. J’avais une femme et deux enfants, etc. Ils m’ont un petit peu baladé. Finalement l’armée m’a sollicité. On m’a dit : « le service national va être instauré, il y a des jeunes qui vont rentrer à l’armée, il faut les former au football ». Là, c’était un poste plus concret, plus sérieux, plus costaud. A partir de là, on a commencé un travail de fond qui a permis au football algérien de se développer.
Votre travail a été reconnu et vous avez pris en charge la sélection nationale.
Oui, au bout d’une année j’ai tenté ma chance avec la sélection nationale. Mais cette première expérience à ce poste a été assez brève. A l’époque, il fallait prendre le football en entier avec une équipe de techniciens. Je pensais avoir les coudées franches mais finalement je me suis retrouvé au milieu de crabes qui m’ont complètement sabotés. Je suis resté une année et après je les ai envoyés balader.
Vous avez gagné les Jeux Méditerranéens en 1975 quelques semaines après la visite officielle de Valéry Giscard d’Estaing, première chef d’Etat français reçu à Alger depuis l’indépendance. Quels souvenirs avez-vous conservé de la finale remportée devant 70.000 spectateurs contre l’équipe de France amateur, dans laquelle jouait un petit jeune prometteur, Michel Platini ?
Je garde un excellent souvenir de ce match. Mais auparavant, il faut rappeler le contexte de mon arrivée à la tête de cette équipe. En juin 1975, l’équipe d’Algérie perd contre la Tunisie lors des éliminatoires des Jeux Olympiques. Le président de la République Boumédiène fait le ménage au sein de l’équipe nationale et de la fédération. Il appelle son conseiller du protocole et lui dit : « contacte Rachid, et dis lui qu’il va s’occuper des Jeux Méditerranéens. Qu’il se débrouille ! ». Moi j’ai accepté car mon équipe militaire était prête. Même si on n’était qu’à deux mois de la compétition, je savais que j’avais de très bons joueurs. On les prend, on les prépare, on les met en stage. On a fait des Jeux Méditerranéens merveilleux, on a pratiqué un jeu extraordinaire. Les garçons étaient vraiment extras. On est allé au bout de la compétition.
Dieu m’a prouvé qu’il existait lors de la finale de la coupe de France contre Bordeaux en 1968. Je peux dire la même chose concernant cette finale à Alger contre la France lors des Jeux Méditerranéens. A la 89ème minute, on perdait 1-0 contre la France. Et puis tout d’un coup notre ailier droit déborde puis centre et un défenseur français marque contre son camp ! Un vrai miracle cette égalisation à la dernière minute du temps réglementaire ! On a gagné le match en marquant lors de la prolongation. C’était un match à risques… Si on avait perdu à domicile en finale contre la France, l’ancienne puissance coloniale, les gens seraient devenus fous ! Quoique…Ce qui s’est passé il y a quelques années lors du France-Algérie au Stade de France ne se serait jamais passé chez nous. Ce n’est pas notre éducation.
Cette victoire en 1975 marque le début de l’âge d’or du football algérien. Après les Jeux méditerranéens, avez-vous continué d’œuvrer pour pérenniser le succès des Fennecs ?
De 1975 à 1979, on avait le pouvoir. J’étais avec les anciens joueurs du FLN : Kermali, Soukhane, Rouaï, etc. On avait fait en sorte de quadriller tout le football en Algérie, à travers toutes les régions. On avait fait ce que les Français avaient commencé à faire. On avait réussi à sortir de tout ce travail d’abord une élite de seniors, ensuite de juniors et enfin de cadets. Il y avait onze joueurs de haut niveau dans chaque sélection. Tous ces joueurs étaient drivés par des membres de l’équipe du FLN. Notre travail de fond a été récompensé par de bons résultats : par exemple, l’équipe nationale juniors a été championne d’Afrique en 1979 et est allée en coupe du monde à Tokyo. A cette époque, Boumédiène était toujours vivant et personne ne venait nous emmerder. Notre travail était sérieux et concluant.
Le jour où Boumédiène est mort, le ministre s’est mis à s’immiscer dans notre travail. Il a commencé à me dire : « Ecoute Rachid, il faut virer Kermali parce qu’il n’est pas sérieux, etc. » Je lui ai répondu : « Ecoutez, Monsieur le Ministre, c’est quand même un garçon qui a qualifié notre équipe. Il n’est peut-être pas sérieux en dehors du terrain, mais professionnellement il est sérieux, il fait du bon travail, etc. » Le ministre n’a rien voulu savoir, il voulait prendre le pouvoir. Quand j’ai vu qu’il persistait au sujet de l’éviction de Kermali, j’ai fait une lettre de démission collective. Quand il l'a reçue, le ministre a réagi comme ça : « je m’en fous, ils m’ont fait un travail de dix ans.» Effectivement, jusqu’en 1990, l’Algérie a profité de toute la récolte que nous avons semée. Ensuite, ils se sont un peu inquiétés : « Madjer est vieux, Belloumi est vieux, qui on va prendre ? » Et bien personne ! Personne n’a repris le flambeau pour assurer la relève du football algérien.
Vous avez été rappelé pour entraîner la grande équipe d’Algérie, victorieuse de l’Allemagne en coupe du Monde… Quelle analyse faites-vous du parcours des Fennecs dans cette compétition ?
L’aventure de la coupe du monde 1982 a été merveilleuse, mais malheureusement les politiques se sont encore immiscés dans nos affaires. Avant de partir en Espagne, il y a un politicien qui a réuni nos joueurs. Il leur a dit : « écoutez, battez les Allemands et revenez tout de suite, vous n’avez pas besoin de faire les deux autres matches. » On a battu les Allemands 2 buts à 1. Les paroles du politicien sont restées dans les cervelles des joueurs. Personne n’était prêt pour les deux autres matches. On a joué notre deuxième match contre les Autrichiens. Tu fais match nul avec eux, t’es tranquille. Mais ils nous ont planté deux buts, on n’en a pas mis un seul… Les joueurs n’y étaient plus. On a tenté de les remettre dans le coup. Il fallait gueuler car ils étaient toujours au téléphone avec la famille, avec les copains. Les joueurs étaient complètement déconnectés, démobilisés. On a quand même réussi à gagner notre troisième match contre le Chili 3 buts à 2.
Malgré cette victoire, l’Algérie a été éliminée suite au match pipé entre l’Allemagne et l’Autriche…
Récemment, un joueur autrichien a reconnu que la victoire de l’Allemagne sur l’Autriche par un but d’écart était préméditée car elle permettait aux deux équipes de se qualifier. On peut comprendre à la rigueur la passivité des joueurs. Par contre, établir un plan de bataille en disant « attention, on se s’approche pas des buts, etc », c’est scandaleux de la part des responsables qui ont pu faire des réunions avec leurs joueurs pour leur donner de telles instructions. C’est gros quand même un tel arrangement ! Après ce match, la FIFA a revu le règlement de la coupe du monde : depuis 1986, les derniers matches de poule se disputent simultanément.
Vous avez présidé la fédération algérienne de football en 1988 mais vous n’êtes pas resté très longtemps à ce poste. Vous avez de nouveau présenté votre candidature en 2001 avant de la retirer juste avant le début du scrutin. Pourquoi ?
En octobre 1988, j’ai été désigné par le Ministre des sports juste avant qu’il y ait des manifestations dans les rues pour la démocratie. Quand j’ai vu ça, je me suis dit avec mon équipe qu’on n’avait pas le droit de rester à la tête de la fédération en étant désigné comme ça. On démissionne et on prépare des élections. Le ministre accepte notre démission et met un bureau provisoire. Il a fait abstraction de ce qui se passait dans les rues et il a continué dans la perspective d’une désignation, alors qu’on voulait des élections.
En 2001, on a essayé de changer le mode d’élection de la fédération : au lieu de faire l’élection générale des gens et ensuite faire la formation du bureau, on a dit qu’on préférait des listes : une tête de liste avec son équipe, c’est plus concret, plus raisonnable. Je préfère travailler avec des personnes qui ont rejoint ma liste et qui sont dans la même orientation que moi plutôt que de collaborer avec des gens qui viennent à droite, à gauche. Notre idée de faire des listes a été acceptée, mais on a alerté le ministre sur les risques de magouilles. A l’assemblée, il y a avait tellement de gens qui n’avait rien à voir avec l’assemblée qu’on est sorti. On a préféré retirer notre candidature pour ne pas cautionner cette mascarade.
L’âge d’or du football algérien a pris fin avec la victoire des Fennecs en coupe d’Afrique des Nations en 1990. Quelles sont les raisons du déclin du football algérien ?
Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer ce déclin. Les dirigeants n’ont pas été à la hauteur. Les événements politiques et l’arrivée au pouvoir du FIS n’ont pas amélioré la situation. De plus, la pénétration de gens qui n’ont rien à faire avec le football a été néfaste. Les affairistes ont gangrené notre football. Avec eux, on ne peut pas faire un travail à long terme, un travail de recherche, un travail de fond. En plus de ça, il y a un manque d’infrastructures : nous avons des stades mais nous n’avons pas de terrains d’entraînement. Quand vous pensez que des clubs phares comme le Mouloudia ou Oran n’ont même pas un terrain pour aller s’entraîner, ça vous situe un petit peu le niveau des responsables après 1990. Le problème se situe à partir de 1982. On s’est occupé de cette équipe de 1982 en faisant abstraction de tout : de la formation, des infrastructures, etc. On a tellement suivi et pressé cette équipe de 1982 qu’en 1990 il n’y avait plus rien. Cette maladie du football fait que plus on avance et plus des personnes incompétentes gèrent ce football et plus les autorités se neutralisent : la fédération, le ministère, etc.
Actuellement nous sommes à plat, nous n’avons plus rien. Quand vous pensez qu’aucune équipe, ni les juniors ni les cadets, ne s’est qualifiée au moins pour les championnats d’Afrique depuis 1982, on se pose la question : mais qu’est-ce qu’ils foutent ? Après avoir pressé jusqu’au bout la génération 1982, on l’a carrément laissé tomber ! Au lieu de la prendre en charge et de la mettre dans des conditions intéressantes pour assurer l’héritage du football algérien, on a mis de côté ces joueurs, on les a oubliés. Personne n’a été formé, personne n’a été envoyé à l’étranger pour essayer de se recycler, etc. Il y en a juste un ou deux qui entraînent. Un garçon comme Rabah Madjer qui avait les qualités pour devenir un grand entraîneur en Algérie, ils l’ont complètement saboté, complètement détruit. On se pose la question : qu’est-ce qui se passe ? Ils ne veulent plus que le football algérien soit au top niveau ? Je me tue à le répéter à chaque fois qu’on me donne la parole : il faut absolument que l’Etat prenne en charge ce football, ce n’est pas normal qu’on se traîne comme ça.
Pensez-vous malgré tout que cette situation de crise et d’immobilisme prendra fin prochainement ?
S’il n’y a pas un noyau de gens de bonne volonté qui prennent en charge les choses le football, ce n’est pas de lui-même qu’il va rejaillir. Actuellement, tout est laissé à l‘abandon. Je le vois dans nos quartiers : ils devraient être cadrés et quadrillés mais nos jeunes sont délaissés. Il n’y a pas de politique de jeunes dans les clubs, dans les régions. Regardez un peu cette situation aberrante concernant les Jeux Méditerranéens : alors qu’ils ont lieu en juillet, le contrat de l’entraîneur prend fin en mai. Pourquoi les dirigeants ne font pas courir ce contrat jusqu’en septembre ? On est en train de voir ce football s’effondrer. Cette situation est râlante et désespérante. De temps en temps on balance des interviews mais ça ne change rien. J’ai l’impression que ça n’intéresse même plus les journalistes. C’est fou ! D’autant plus que lorsqu’on intervient dans les médias, ce n’est pas pour dénigrer mais pour construire, pour essayer de mettre en place quelque chose de durable. Hélas, on n’est pas écouté, rien ne change. Pourquoi ? Parce qu’il y a un pognon fou ! Il n’y a pas une seule personne qui avance dans ce football en se disant « je vais travailler pour le football ». Ils ne pensent qu’au pognon.
La sélection nationale compte des joueurs talentueux comme Karim Ziani (Sochaux) et Nadir Belhadj (Sedan). Pensez-vous que l’Algérie se qualifiera pour la CAN 2008 ?
Ce que je vais dire vaut aussi bien pour l’Algérie que pour l’ASSE : une équipe qui n’a pas un fond de jeu, qui n’a pas une assise technique à la fois individuelle et collective dans le jeu, c’est une équipe qui est appelée à disparaître ou à faire des résultats comme ça, occasionnellement. J’ai vu le match Algérie-Cap Vert à la télévision : j’ai vu une équipe en bleu qui joue rationnellement, qui joue en déviation, qui occupe bien le terrain. Et j’ai vu des blancs en train de batailler, de courir avec les ballons, de faire des passes en avant. L’Algérie a quand même gagné le match 2-0, mais j’ai peur qu’elle soit en train de se détruire car elle n’a pas de fond de jeu. Elle n’a pas cette assise qu’on peut acquérir à l’entraînement à force de travailler les enchaînements. Prenez le match Saint-Etienne-Lyon : moi j’étais persuadé qu’à la mi-temps, les Verts allaient mieux se comporter parce que pendant les quinze minutes de repos, on peut discuter pour corriger ce qui ne va pas. Et bien je n’ai pas vu de changement dans le jeu en deuxième mi-temps. Il y a quelque chose qui cloche !
Au dernier classement de la FIFA, l’Algérie n’occupe que la quinzième place des pays africains. Votre pays a-t-il les moyens de redevenir une des grandes nations de football du continent ?
L’Algérie a les moyens matériels et les moyens humains de redevenir une grande nation du football africain. Il ne manque qu’une seule chose, ô combien importante : l’organisation et l’application d’une réelle politique de redressement du football. Quand on a un bon général qui fait un plan de bataille mais qui ne l’applique pas, ça ne peut pas marcher. Notre football a des qualités, il a de l’argent, il a des moyens humains extraordinaires. Le jeune joueur algérien est amoureux du football, plus que le jeune joueur tunisien ou marocain, pour moi il n’y a pas photo. Mais le jeune tunisien a l’encadrement voulu, a les infrastructures voulues, a le suivi voulu. Le jeune marocain aussi, à un degré moindre. Le jeune algérien est laissé à l’abandon. Il doit se débrouiller. Des centaines de pères de famille nous supplient de leur trouver un club pour que leurs enfants puissent s’entraîner et jouer. Mais on ne peut pas les orienter car il n’y a rien de sérieux, rien d’efficace, rien d’organisé. Et bien ça, c’est la faute des dirigeants actuels au niveau du football.
Dans la course à la qualification pour la CAN, le plus sérieux adversaire de l’Algérie est sans doute la Guinée, entraînée depuis quelques mois par Robert Nouzaret. Il a laissé de bons souvenirs aux supporters des Verts et aux supporters du Mouloudia d’Alger. Avez vous eu l’occasion d’échanger avec lui sur les Verts ou sur le foot algérien ?
Non, avec lui j’ai seulement échangé des coups sur le terrain ! (rires) S’il a pris la Guinée, c’est que cette sélection doit avoir une assise, doit avoir un fond de jeu intéressant. Elle compte des joueurs de bon niveau évoluant dans le championnat français. C’est en effet un concurrent sérieux pour l’Algérie. Les Algériens sont allés faire match nul à Conakry. Les Guinéens comptent trois points de retard, ils tenteront donc de venir gagner à Alger. Mais avant ce match, n’oublions pas qu’il y aura Cap Vert-Algérie et Guinée-Gambie. Si l’Algérie gagne au Cap Vert, elle pourra aborder le match contre la Guinée plus tranquillement, plus sereinement.
Concernant Robert Nouzaret, je n’ai pas d’affinités particulières avec lui. Je suis très méfiant envers les gens qui se déplacent beaucoup. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui bougent trop facilement d’un club ou d’un pays à un autre. Quand je vois qu’un joueur change tous les ans de club, je me dis qu’il ne doit sûrement pas être fiable et propre. Il doit y avoir quelque chose qui cloche. Pour ce qui est de Robert Nouzaret, il a pas mal bourlingué : il a été deux fois en Côte d’Ivoire, il a été en Algérie, etc. Bon, maintenant, ce n’est pas pour ça que c’est un garçon qui est condamnable, au contraire. Il risque de me surprendre. C’est pour ça que je dis à l’Algérie : « méfiez-vous de la Guinée !»
Quelles fonctions occupez-vous actuellement à la CAF (Confédération Africaine de Football) ?
De 1988 à 2004, j’étais membre de la commission technique de la CAF qui était appelée chaque année en réunion pour donner des idées pour l’évolution du football. On faisait des stages d’entraînement de différents niveaux aux pays qui le demandaient. J’étais amené à me déplacer régulièrement pour former ces stagiaires dans de nombreux pays africains. C’était un travail sérieux mais il y a beaucoup de choses qu’on a développées, qu’on a dites en réunion qui sont restées lettre morte. Un exemple parmi d’autres : je leur ai fait une proposition en ce qui concerne les joueurs de double nationalité. Je leur ai dit : « écoutez, les joueurs qui jouent une fois avec une équipe nationale, ils sont foutus. Si un joueur franco-algérien est en France et qu’il joue une fois en équipe de France cadets ou juniors, il est condamné à jouer en équipe de France A. Ce n'est pas normal. Ce joueur qui a la double nationalité, permettez-lui au moins de pouvoir faire un chois jusqu'à l’âge de 20 ou 21 ans. »
Il y a des joueurs qui ont patienté et n’ont pas voulu répondre de suite à l’équipe algérienne car ils espéraient jouer en équipe de France. Au lieu de considérer mon initiative, la CAF a mis cette idée dans le tiroir. C’est finalement la FIFA qui l’a reprise et l’a développée. J’aimerais que la CAF soit plus entreprenante, plus efficace dans le développement du football. Ils organisent des stages à droite et à gauche mais ça manque de suivi. Aujourd’hui, je fais toujours partie de la CAF mais on m’a mis dans la commission des footballeurs. C’est la commission des gens connus : Salif Keita et Georges Weah en font partie. C’est une commission bidon. Il y a un ordre du jour léger, léger, léger. C’est une commission de remerciements, une commission honorifique qui ne permet pas de faire du travail concret.
Choqué d’apprendre votre désignation comme commissaire au match Mali-Burkina Faso des moins de 17 ans, Hakim Laâlam a écrit dans Le Soir d’Algérie du 25 novembre 2006 : «Incorrigible rêveur, indécrottable nostalgique d’un feu follet vert, d’un sorcier faisant bouillonner un stade qui ne s’appelait pas encore le «chaudron», je n’arrive pas à visualiser cette image d’une main courante, d’une table en bois, d’une chaise au bord de terrain, et de Mekhloufi assis sur cette chaise et penché sur cette table, en train de noter les petits faits et gestes de 22 Maliens et Burkinabés de moins de 17 ans tapant dans un ballon. Que voulez- vous, c’est plus fort que moi ! Ce n’est pas du mépris pour ces jeunes footballeurs. Mais c’est juste du respect pour une idole. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. » Que vous inspire cette réaction ?
Disons que cette réaction situe la personne et sa vision du football. Finalement, quand on fait ce qu’il dit, c’est-à-dire aller sur le terrain pour noter les faits et gestes de jeunes joueurs, et bien je considère que c’est l’ABC du football ! Si on ne commence pas par là, on n’arrivera jamais à développer le football au plus haut niveau. Tous ces garçons qui me témoignent leur respect n’ont pas toujours conscience que si le foot algérien est devenu ce qu’il était en 1982, c’est parce qu’on est allé dans les villages, on est allé manger des sandwichs, on est allé voir des pauvres pour les lancer et les faire progresser à travers les football. Certains s’imaginent que le football c’est la grande parade, les gueuletons, etc. A l’heure actuelle, le football algérien est au plus bas, sous terre. Si on ne commence pas par accomplir ce travail de base au contact des plus jeunes, on arrivera à rien… Personne n’oblige personne.
Si je n’avais pas voulu aller au Mali pour suivre ce match des 17 ans en tant que commissaire, je n’y serais pas allé. Mais le football est un sport populaire, on n’a pas le droit de négliger le travail de base. Il faut s’impliquer. En tant qu’exemple du football algérien, j’estime qu’il est de mon devoir d’effectuer de telles missions. Peut-être que le journaliste dont vous venez de citer les propos a voulu faire passer un message pour le football algérien. C’est une façon d’interpeller les responsables du football de notre pays en leur disant « regardez, ce garçon va au fin fond de l’Afrique pour effectuer un travail que vous avez négligé ». C’est sans doute le sens qu’il convient de donner à ses propos car Le Soir d’Algérie est un journal d’opposition.
En conclusion de son article « Mekloufi, un footballeur français dans la guerre d’Algérie » (Actes de la Recherche en sciences sociales, juin 1994), l'historien Pierre Lanfranchi souligne que vous n’avez jamais été attaché de manière durable à une fonction correspondant à vos compétences et à votre talent. « Cette impossibilité à s’établir chez Rachid Mekhloufi repose fondamentalement sur une impossibilité, de la part d’instances officielles du football algérien, à reconnaître une compétence produite et consacrée sur ce qui est demeuré le « terrain de l’adversaire ». On touche aux limites de l’universalisme du sport qui ne vaut que s’il est intégré, donc retraduit, dans la logique des cultures nationales ». Partagez-vous cette analyse ?
Disons que c’est plus une analyse politique qu’une analyse sportive. Quand je fais une analyse rétrospective du travail que nous avons fait avec mes camarades de l’équipe du FLN, je pense que nous avons réussi à inculquer dans notre approche ce travail professionnel, organisé, structuré qu’on avait connu en France. Pendant quatre ans, de 1974 à 1979, on a mis en marche des structures solides et sérieuses. On n’avait peut-être pas les moyens financiers à l’époque, mais on a fait preuve de disponibilité et on a consenti des sacrifices. On a réussi à relancer le football. Mais les autres n’ont pas eu la possibilité de continuer le travail. Les autorités n’ont rien compris, c’est ça qui est terrible.
Que pensez-vous de l’élection de Michel Platini à la présidence de l’UEFA ? Le croyez-vous capable de redonner des valeurs au football et de lutter contre les dérives du foot-business ?
C’est une bonne chose qu’un homme de football soit au top niveau des hautes instances européennes. Maintenant, sa tâche sera loin d’être facile. Il faut absolument qu’il s’entoure de gens qui ont la même approche que lui. Son premier cercle doit avoir absolument la même approche que lui. Comme ça, il pourra essayer de sensibiliser les décideurs en leur faisant passer le message suivant : le football sera encore plus riche s’il est bien joué, s’il y a un spectacle, s’il y a moins de violence, s’il y a une approche familiale au niveau des stades. J’étais aux Etats-Unis en 1994 pour assister à la coupe du monde en tant que technicien de la FIFA. C’était une vraie fête, les gens venaient au stade avec leurs enfants, etc. Il faut absolument œuvrer dans ce sens là : le foot doit être une fête, et pas une guerre. Pour moi c’est primordial.
Etes-vous favorable au recours à la vidéo dans le football ?
Si on introduit la vidéo, on va faire un football de riches. Je n’y suis pas favorable car l’un des charmes du football est sa spontanéité. Si la technique et l’électronique s’infiltrent dans le football, on pourra dire adieu au football. Le football n’est pas une science exacte. Non, non et non ! Si un jour on arrive à ça, c’est la mort du football.
Avez-vous eu l’occasion de rencontrer Zinédine Zidane lors de son voyage en Algérie de décembre dernier ? De quoi avez-vous parlé ?
Je l’ai vu car l’équipe du FLN était invitée à le rencontrer à plusieurs réceptions. J’ai l’impression qu’il était timide. Il n’osait pas me regarder. Je pense que son père a dû le briefer sur moi. J’estime que c’est un garçon qui peut faire un équilibre entre l’Algérie et la France. Quand j’étais à Saint-Etienne, j’étais un équilibre entre les deux pays. Zidane représente actuellement la même chose : il est aussi à l’aise en France qu’en Algérie. Il est adoré dans les deux pays. Il y a quelque chose qui se transmet dans le football. On n’aimerait pas que des fachos mettent à mal ce football. Par ailleurs, il faut s’efforcer de préserver la popularité et l’universalité de ce sport. C’est pour ça que je suis hostile au recours à la vidéo. Et il faut que la coupe du Monde soit vue par tout le monde, et pas uniquement par les riches. C’est un petit reproche que je fais à la FIFA. En Afrique, beaucoup de personnes n’ont pas vu la dernière coupe du monde. C’est quand même anormal !
Avez-vous fait l’objet d’insultes racistes lorsque vous étiez joueur ? Pensez-vous que le racisme qui existe aujourd’hui dans le football est plus fort qu’à votre époque ou qu’il est plus médiatisé ?
En sport et en football, ce racisme est beaucoup plus une déstabilisation de l’adversaire qu’autre chose. Quand on insulte un garçon comme Eto’o, c’est pour le déstabiliser, pour le rendre bourrique. La même chose se passait quand nous on jouait. A Saint-Etienne, je n’ai jamais entendu d’insultes racistes. Mais à l’extérieur on en entendait, certains supporters de l’équipe adverse essayaient de nous déstabiliser. Il faut que les joueurs confrontés à ce genre de problème gardent la tête froide et redeviennent humbles et accessibles en contactant les populations, en allant à leur rencontre. Il ne faut pas jouer les stars et faire preuve d’humilité.
Zidane a joué lors du match amical France-Algérie du 6 octobre 2001. Ce premier match officiel entre les deux pays a tourné au fiasco, la partie a été interrompue suite à l’envahissement du terrain par des dizaines de spectateurs. Etiez-vous au Stade de France ce soir-là ? Que pensez-vous de la vive émotion suscitée par ce match bien au-delà du milieu sportif ?
Ce soir-là, j’étais au stade avec ma femme. Je lui ai dit : « j’ai envie d’aller voir les responsables pour qu’ils ne fassent pas jouer les hymnes. » Bon, je me suis ravisé. Mais en fait, les incidents ont commencé au moment des hymnes. Pour ce match amical là, on aurait pu faire l’impasse sur les hymnes nationaux. On aurait pu mettre une chanson d’Enrico Macias par exemple (rires). Il y a eu des sifflets sur chaque hymne, et dès ce moment là il y a eu une mauvaise ambiance. Ensuite ça s’est calmé et l’invasion du terrain a commencé au quatrième but des Français, me semble-t-il. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que nos émigrés avaient peur de prendre une dizaine de buts. C’est pour ça qu’ils sont rentrés sur le terrain.
Là, si j’avais été responsable de la fédération française, j’aurais pris Zidane et je lui aurais demandé de dire des mots d’apaisement. Je suis persuadé que ça aurait calmé tout le monde et que tout serait rentré dans l’ordre. Maintenant, en ce qui concerne le comportement de ces garçons qui ont envahi le terrain… C’est votre éducation, ce n’est pas la nôtre ! Si vous venez en Algérie et qu’on joue l’hymne national, ça m’étonnerait qu’on siffle La Marseillaise et que ça se termine par une invasion du terrain. Je crois que c’est votre éducation qui n’est pas bonne, d’autant plus que certains stadiers censés faire barrage étaient partie prenante...
Souhaité par les présidents Abdelaziz Bouteflika et Jacques Chirac, le traité de "partenariat d'exception" entre la France et l’Algérie a été bloqué par la polémique suscitée par la loi française du 23 février 2005, évoquant le "rôle positif" de la colonisation. L'article contesté a depuis été abrogé mais les négociations restent en panne. Les autorités algériennes exigent la repentance de la France pour la colonisation de 1830 à 1962, avant toute reprise des discussions sur ce traité d'amitié. Jacques Chirac récuse cette notion : « nul ne peut être rendu comptable des actes commis par ses aïeux. Mais nous devons comprendre et reconnaître les erreurs passées, pour ne pas les répéter" (Le Monde du 22 mars 2007). Quel est votre avis sur cette délicate affaire ? Quel regard portez-vous sur l’état actuel des relations franco-algériennes ?
Ce n’est pas une mince affaire. Les relations entre la France et l’Algérie n’ont jamais été faciles. D’un côté comme de l’autre, il y a toujours des tiraillements. C’est le temps qui fera que tout s’apaisera. Peut-être que dans dix ou quinze ans, on ne se rappellera même pas qu’il y a eu une guerre entre l’Algérie et la France. Je pense que les relations ne sont toujours pas apaisées car ce qui s’est passé entre les deux pays est encore trop récent. On veut aller plus vite que la musique, or d’un côté comme de l’autre, des gens ont gardé des séquelles. Mais je reste persuadé qu’un jour ou l’autre, tout s’arrangera, tout rentrera dans l’ordre. Je connais le peuple algérien, c’est un peuple qui pardonne. Quand un Algérien parle de la France, c’est avec gentillesse. La majorité du peuple français pense la même chose. Il y a hélas une petite frange qui n’a pas tourné la page de l’Algérie française. C’est comme ça, il faut laisser le temps au temps et nos deux peuples vivront en amitié et en harmonie.
Revenons à nouveau sur le terrain du football. Vous partagez votre temps entre Alger et La Marsa (Tunisie). Malgré la distance, continuez-vous de suivre avec attention le parcours de l’ASSE ?
Oui, plus que jamais ! Bien sûr, je suis resté fidèle à Saint-Etienne. Je suis toujours en contact avec Bereta et Mitoraj. Je continue de suivre avec attention le parcours des Verts. A distance, c’est avant tout le résultat des Verts qui m’intéresse. Quand je suis sur place, je m’informe de l’évolution du club. J’ai profité de mon actuel séjour en France pour voir les Verts au Parc des Princes puis à Geoffroy-Guichard contre Lyon. Je connaissais le football déployé par les Verts, qui n’était pas très concluant, pas toujours très beau et qui manquait d’assise. Ils m’ont surpris à Paris : ils ont bien joué, il y avait une bonne circulation de balle, ils ont occupé le terrain de façon rationnelle, etc. Ils ont gagné le match car ils ont développé un bon football.
Ilan a marqué ce soir là un but exceptionnel. Quel est le plus beau but que vous avez inscrit sous le maillot vert ?
Ilan a mis un but extraordinaire. Quel retourné ! moi je ne marquais pas des buts comme ça et j’aurais du mal à vous dire quel est le plus beau que j’ai marqué. Peut-être mon tir des trente mètres qui finit dans la lucarne sur le terrain des Glasgow Rangers, en coupe d’Europe.
Qu’avez-vous pensé de la prestation des Stéphanois lors du derby ?
Quand je suis venu à Saint-Etienne pour voir le derby, je ne m’attendais pas forcément à voir les Verts faire un grand match technique, mais j’attendais de leur part du courage et de l’engagement. Or les autres ont pris sept cartons jaunes, les Verts n’ont reçu aucun avertissement. Ils n’ont même pas eu une égratignure. Ça veut dire quoi ?! On les a vus errer sur le terrain, sans rien dans la tête, sans tactique, sans circulation de balle, sans hargne. Un derby, ce n’est pas ça ! Lors d’un derby, au moins tu as de la « niaque » !
Quels sont vos souvenirs de derby les plus marquants en tant que joueur ?
On les a quasiment toujours mis plus bas que terre parce qu’on avait un autre état d’esprit. On avait un esprit conquérant car on était vraiment désireux de montrer notre suprématie régionale. On n’avait pas le droit de perdre contre Lyon. Et le fait est qu’on a souvent gagné de belle façon. J’ai notamment le souvenir d’une victoire 5-4 à Gerland et d’un joli 6-0 à Geoffroy-Guichard. Le derby n’est plus ce qu’il était. Ce n’est pas pour ça qu’il faut dire aux joueurs « on va les tuer », mais au moins il faut afficher de la hargne, du courage quand on joue contre Lyon ! Le football permet beaucoup de choses mais pour ça il faut aller au contact. Là, c’était nul et ça m’inquiète un petit peu parce qu'avant Saint-Etienne avait ses assises, sa façon de jouer… Même si on n’était pas toujours champions de France, on avait un vrai fond de jeu.
Avez-vous été choqué par les incidents qui se sont produits dans les tribunes et de la polémique qu’ils ont suscitée ?
Je n’ai pas trouvé que ces incidents étaient très graves. Il n’y a pas eu mort d’homme mais de simples inscriptions sur une banderole. Le président de Lyon rouspète, mais qui étaient les provocateurs ? Qui a envoyé le premier fumigène sur les supporters adverses ? Les Lyonnais ! Il y a eu un enchaînement d’incidents regrettables mais à part l’émanation de gaz, il n’y a pas eu de dégâts. Je crois qu’il ne faut pas exagérer. J’ai l’impression que les gens veulent faire de Lyon un intouchable. En fait ça m’agace car techniquement, dans le fond, les Lyonnais ne méritent pas toutes ces louanges. Personnellement, je crois que Lyon profite de la faiblesse des autres équipes pour être au top niveau. Cette équipe n’a pas l’envergure que nous avions à l’époque. Je respecte davantage l’équipe lyonnaise qui nous rendait coup pour coup dans les derbys que l’équipe actuelle, qu’on a tendance a surestimer. D’ailleurs à chaque fois qu’une équipe du championnat de France se rebiffe et leur rentre dedans, les Lyonnais perdent. Je me souviens par exemple que Rennes les a battus chez eux. Les Lyonnais vont peut-être voir cette interview avec curiosité (rires), mais moi je dis que Lyon, c’est surfait !
Avez-vous le sentiment que l’ASSE reste un club populaire en Afrique, même si les Verts n’ont plus gagné de titres depuis 1981 ?
Quand je parcours l’Afrique, c’est comme quand je vais à Saint-Etienne. Quand je vais à Saint-Etienne et qu’on me présente à un jeune, il dit « ah oui, mon père m’a parlé de vous ! ». En Afrique, c’est exactement la même chose. Quand on prononce mon nom, on pense tout de suite à Saint-Etienne. Les Verts sont toujours connus en Afrique. En Afrique du Nord, c’est en partie grâce à moi. Avec Salif, je crois qu’on a contribué à la renommée de Saint-Etienne sur le continent africain. C’est vrai que depuis 25 ans le club n’a rien gagné, mais les Verts sont encore connus.
Pour finir l'entretien, je vous propose de répondre au questionnaire de Proust revu et corrigé par poteaux-carrés. Votre équipe préférée ?
Saint-Etienne.
L'équipe que vous détestez ?
Lyon.
Votre geste technique favori ?
Le changement de piste.
Le son, le bruit du stade que vous aimez ?
La clameur du public juste après un but.
Le son, le bruit du stade que vous détestez ?
Le silence.
Votre juron, gros mot ou blasphème favori lors d'un match ?
Con !
Un footballeur pour illustrer un nouveau billet de banque ?
Pelé.
Le métier du foot que vous n'auriez pas aimé faire ?
Masseur.
Le joueur, l'entraîneur ou l'arbitre dans lequel vous aimeriez être réincarné ?
Jean Snella.
Si le Dieu du foot existe (on aurait entraperçu sa main lors d'un Angleterre-Argentine resté célèbre), qu'aimeriez-vous après votre mort, l'entendre vous dire ?
Saint-Etienne est champion de France !