Conservateur du musée des Verts, Philippe Gastal salue la mémoire de Jacques Zimako, disparu hier à l'âge de 69 ans.


Jacques Zimako était un homme charmant, un homme des îles. Il était venu au musée des Verts il y a trois ans. On était allé déjeuner à l’Etrat, on avait bien échangé. C’est un homme, un joueur qui a marqué l’histoire de l’ASSE pour plusieurs raisons. En 1972, l’ASSE avait recruté Ivan Curkovic, Osvaldo Piazza. Il a fallu attendre 1977, soit 5 ans, pour voir arriver un nouveau joueur à l’ASSE. Et ce nouveau joueur, c’était Jacques Zimako. Roby et Pierre Garonnaire avaient été impressionnés lors de confrontations avec Bastia, il correspondait tout à fait au profil qu’il recherchait.

C’était un ailier imprévisible, virevoltant. Il mettait le feu sur son côté et pouvait enflammer Geoffroy-Guichard. Jacques Zimako, on s’en rappelle. On le surnommait Zigzag. Il était imprévisible pour ses adversaires, pour lui et pour ses coéquipiers parfois, certainement. On ne savait pas du tout ce qu’il allait faire. Il avait une vitesse de pointe, une course avec souvent une double accélération. On l’a vu en particulier lors du quatrième but du 5-0 des Verts à Hambourg.

Lors du 6-0 contre le PSV Eindhoven, c’est lui qui obtient le magnifique coup franc de Michel Platini sur le quatrième but. C’est aussi grâce à lui que Johnny Rep a obtenu et transformé le penalty qui a clôturé le score.

D’un point de vue technique, il était remarquable. Il a été formé à Bastia par son cousin, Marc Kanyan, qui a fait également les beaux jours du football corse. Juste avant de signer à l’ASSE, il a été international, il a joué ses deux premiers matches en bleu contre l’Argentine et le Brésil fin juin 1977. Sur ses 13 matches en équipe de France, il en a joué 9 en tant que Stéphanois. Les deux derniers, il jouait à l’époque dans une belle de Sochaux, où il aura côtoyé notamment Patrick Revelli et Jacky Bonnevay.

Le recrutement de Jacques Zimako a été assez incroyable. On l’a « échangé » - ça fait partie du deal du transfert - avec Félix Lacuesta et Jean-François Larios. Tous les deux ont fait l’épopée bastiaise de la saison 1977-1978. Jacques n’y aura pas pris part mais il aura passé quatre belle saisons à l’ASSE. De mémoire, je crois qu’il a marqué son premier but en vert à Geoffroy-Guichard au bout de quelques matches, lors d’une spectaculaire victoire 4-3 contre une très belle équipe de Strasbourg, qui sera d’ailleurs sacrée la saison suivante.

Je me souviens surtout de son doublé à Marseille le 10 août 1979. J’avais assisté à cette rencontre au Vélodrome, les Verts l’avaient emporté 5-3. Un peu aidé par le vent, il avait mis le but du 3-2 en début de seconde période d’un corner direct.

Je me régalais à aller voir les entraînements sur le terrain annexe de Geoffroy-Guichard, il s’essayait souvent au corner direct. C’est rare de marquer de la sorte mais Jacques Zimako avait remis ça, notamment en Grèce contre l’Aris Salonique au match retour.

À l’aller, il avait été décisif sur l’ouverture du score de Michel Platini. C’est lui qui avait provoqué le penalty après avoir effacé plusieurs joueurs. Pad grand monde ne l'a vu car il y avait un brouillard à couper au couteau !

Je retiendrai surtout qu’en ayant signé en 1977, il aura connu la génération de l’épopée des Verts et la génération de Michel Platini et Johnny Rep. Il a été au mitan de ces deux générations extraordinaires. Que l’on interroge l’une ou l’autre des générations, il s’était fait apprécier par sa chaleur humaine, son côté très cool, sa joie de vivre et sa classe naturelle qui en avait fait un international, le premier international kanak du football français. Jacques Zimako a marqué à la fois l’histoire du football stéphanois et du football français.

Son fils m’a dit qu’il viendra à Saint-Etienne l’année prochaine car il est né là-bas. Les Verts, ça parle encore à la famille de Jacques Zimako, et à son fils en particulier. Jacques avait eu des responsabilités en Nouvelle-Calédonie avant de s’installer en Corse définitivement. Il vivait à Sartène, où ses obsèques auront lieu samedi. On le sentait aussi attaché à Saint-Etienne mais il aura disputé sept saisons à Bastia, les cinq premières au début de sa carrière et les deux dernières à la fin.

Pour lui, la finale de Coupe de France de 1981 entre Saint-Etienne et Bastia avait été un peu un crève-cœur. C’était son dernier match sous le maillot vert. Jacques Zimako avait aussi le cœur vert mais il avait profondément le cœur insulaire. Jacques aura aussi joué deux saisons à Sochaux, de 1981 à 1983. Jacques n’aura pas fait de Coupe du Monde, il le regrettait. Mais il aura fait une très belle carrière.

 

Merci à Philippe pour sa disponibilité