Alors qu'il vient tout juste d'arriver à Troyes où il va jouer sous les ordres de Laurent Batlles, Jessy Moulin est revenu sur ses vertes années pour Poteaux-Carrés.


Jessy, comment se passent tes premiers jours dans l'Aube ?

Tout va très bien. L'intégration se fait bien. C'est un groupe de supers mecs qui se connaissent bien. L'équipe et le club sont sur la dynamique de la montée de la saison passée, donc c'est un avantage. En plus, je connais pas mal de monde ici (Dylan Chambost et Dylan Saint-Louis sur le champ, Laurent Batlles sur le banc, ainsi que le 4e gardien Ryan Bouallak, ndp2), c'est sûr que ça facilite l'intégration. Et puis je donne de moi-même pour m'ouvrir à mes nouveaux coéquipiers et réussir à m'intégrer le plus rapidement possible.

Ca ne te fait pas trop bizarre d'avoir quitté Sainté ?

Ah bah si, ça a été très dur, on ne va pas se le cacher ! Mais bon, c'est le football. J'essaie de faire en sorte que le quotidien reprenne le dessus. Je m'enferme dans le boulot et je m'investis à fond dans ce nouveau projet.

Ton départ était au programme cet été ?

Non ce n'était absolument pas prévu.

Tu avais eu une discussion avec Claude Puel en fin de saison ou à la reprise ?

Non. Je suis allé le voir quand j'ai reçu l'offre de Troyes. Il m'a dit que si je voulais y aller, le club ne me retiendrait pas.

Tu l'as mal pris ? Tu aurais préféré qu'il te demande de rester et de discuter de ton rôle cette saison ?

(Il hésite) Non, disons que tout ça restera en moi. J'ai pris cette décision d'accepter la proposition de Troyes. Un peu comme c'est venu.

Mais tu savais quel allait être ton rôle à la reprise ? Tu restais numéro 1, Etienne passait numéro 1 ?

Au moment où je suis allé voir le coach, ce n'était pas clair même si je me doutais de certaines choses. Forcément, la fin de saison a été dure à vivre pour moi. Surtout quand tu vois que l'équipe tourne sans toi. Mais le plus important, c'était avant tout que le club s'en sorte. L'essentiel, c'est le club, l'institution, pas mon cas personnel.

Tu as vécu une saison particulière, titulaire à 34 ans pour la première fois ...

Oui, une saison marquée par le covid, par les blessures ... Le plus dur, ça a été de jouer sans le public parce que j'ai connu des ambiances géniales à Geoffroy-Guichard. Ne pas avoir le Chaudron derrière soi, ça a été un handicap à domicile, c'est clair. Ce sont les aléas du football mais ça m'a permis d'acquérir de l'expérience. On a fait un super début de saison et puis après, certains moments ont été plus compliqués...

Comment tu as vécu les critiques inhérentes à ton nouveau rôle de numéro 1 ?

Forcément, quand t'es un peu moins bien, c'est difficile de lire les critiques. Mais ce sont souvent des gens qui cherchent à mettre le feu qui écrivent ça ou bien des gens bêtement méchants sur les réseaux. Après, sans me dédouaner, c'est la performance collective qui n'a pas été bonne à certains moments. Que j'en subisse les conséquences, c'est le jeu ! Le gardien est ciblé quand l'équipe va moins bien.

On sait que tu es actif sur Twitter, c'est un média que tu consultes après les matchs par exemple ?

Après les défaites, non ! C'est sûr que c'est forcément plus agréable à regarder après les victoires ! Mais si tu regardes après une mauvaise performance, tu risques de te mettre à répondre à tout le monde et certains n'attendent que ça. Ils sont méchants juste pour avoir une réponse, et se vanter d'avoir eu une réponse de la part d'un joueur parce qu'il lui a mal parlé. Le mieux c'est de ne pas regarder. Le coach nous a souvent sensibilisés sur ce point, notamment les plus jeunes. Plusieurs fois, pendant la saison, il nous a dit de faire attention, car c'est un poison pour le moral et les performances.

Ta saison a aussi été marquée par le passage de flambeau avec Stéphane Ruffier, comment tu as vécu sa mise à l'écart, son licenciement ?

J'ai essayé d'assumer tout ça du mieux que je pouvais. C'est sûr que beaucoup de personnes sur les réseaux ont pensé que je pouvais être à l'origine de quelque chose alors que moi j'ai juste cherché à faire mon travail et à être le plus performant possible. C'était un choix du coach, on sait ce qui s'est passé avec l'agent de Ruff ... et c'était une situation entre eux. Moi, je n'ai jamais commenté la situation, ce n'était pas ma place. J'ai essayé de me sortir ça de la tête.

Vous êtes restés en contact avec Steph ?

Non, on n'a pas de relation. Mais c'est une époque qui est passée maintenant. C'est pas la meilleure que j'ai vécue. Tu essaies d'être performant, et en échange tu n'as pas grand chose ... ça n'a pas été simple mais c'est derrière moi.

Tu n'essaies pas de partir à ce moment-là ?

Si bien sûr, j'ai eu plusieurs approches de clubs de L2 par exemple. Mais quand tu es dans un bon club de L1 qui te fait rêver, avec lequel je suis très attaché et où ça se passe bien ... Tu pèses le pour et le contre. Et à chaque fois qu'un club a voulu venir me chercher, Sainté m'a prolongé donc c'est plus dur de partir. Et puis j'ai aussi choisi la stabilité familiale, la sécurité. J'étais très bien dans mon club de cœur et je savais que j'allais passer encore de bons moments !

Jusqu'à cette saison où tu te retrouves à cette place avec deux jeunes gardiens en dessous de toi, et notamment Etienne Green qui semble s'installer dans la cage

Ouais ! J'espère qu'Etienne gardera un bon souvenir de moi et qu'il se rappellera que j'ai toujours cru en lui. Sainté a deux supers gardiens entre lui et Baj, deux supers mecs qui arrivent jeunes dans le monde pro. Ce sont des gros bosseurs et je leur souhaite d'aller le plus haut possible.

Etienne a bénéficié d'un peu de chance cette saison ...

(Il coupe) Non, je ne pense pas que ce soit de la chance ! C'est un gamin que j'ai trouvé talentueux dès que je l'ai vu. Je me souviens m'être dit qu'il avait quelque chose. Il a patienté, il a travaillé. Ce n'est pas de la chance mais de l'abnégation. Je lui vois un bel avenir. Ce qu'il a fait en fin de saison, ce n'est pas anodin. Il a toutes les qualités pour aller encore plus haut.

Comme on l'a souligné dans les potins carrés, tu auras joué 65 matchs à Sainté mais tu auras fait 449 feuilles de match, tu avais la stat ?

Oui je l'ai vue passer !

Ca fait de toi le sixième joueur de l'histoire du club ...

Ouais c'est incroyable ! J'en suis fier ! Très fier ! Certains diront toujours que ce n'est que des feuilles de match. Peut-être parce qu'ils aimeraient bien les avoir (rires) ! Cela montre en tout cas que j'ai aimé et respecté mon club. J'ai travaillé pour rester à cette place-là même si certains disent que ce n'est pas la meilleure place. En tout cas, je suis très fier.

Il est vrai que tu as beaucoup rongé ton frein !

Oui énormément. Sur le moment ça te paraît long mais là, à 35 ans, j'ai l'impression que c'est passé en un éclair !

Et sur tes 65 matchs sur le terrain, certains ont une plus grande valeur que d'autres ?

Evidemment, il y a les deux derbys gagnés dans le Chaudron en 2017 et 2019 !





Mais il y a aussi les matchs de Coupe d'Europe contre Wolfsburg, Anderlecht, Qabala ou à Rome contre la Lazio ... Je me souviens aussi de ce match contre Lorient où je prends un rouge au bout de 10 min alors que ça faisait 5 ans que j'avais pas rejoué en L1. Il compte dans les 65 celui-là ?

Ah, y'a des chances !



Il y avait les vacances d'hiver juste après ... Je reprends sur le terrain 3 semaines après. C'est à Lille en plein janvier, dans un match hyper important et je fais un gros match. Ce sont des moments forts en émotion dans une carrière.



Tu vois, c'est aussi pour ça que je suis content d'avoir signé pour deux saisons à Troyes, parce que ça me permet de rester dans le monde professionnel.

T'as aussi participé à l'épopée en Coupe de France, terminée par la défaite en finale en août dernier.

Ouais évidemment. La demi-finale ... franchement c'était fou ! Il y avait mes enfants en tribune. L'envahissement de terrain à la fin du match avec ce scénario. C'est un truc que tu ne peux pas vivre ailleurs !



Il y a eu des moments plus durs aussi, quand tu fais l'intérim de Ruffier lors de la période Sablé fin 2017. Tu as eu peur à ce moment-là que le club descende ?

C'était très compliqué. Je n'étais pas le seul à avoir peur ! On enchainait les sales défaites, il y avait eu le derby perdu 5-0, on arrivait pas à relever la tête. Heureusement, Jean-Louis Gasset est arrivé, il nous a permis de retrouver de la confiance. Mais c'est vrai que le soir de Monaco, c'est très délicat.

T'as eu la même peur la saison passée avec les mêmes défaites dans le derby (0-5) et contre Monaco (0-4) ?

Oui on n'était vraiment pas bien à un moment. On ne voyait plus la fin de la crise. On avait des cas de covid en pagaille, des blessures ... C'était très compliqué. Heureusement, le groupe a su réagir au bon moment et sauver le club et l'institution. Le coach a essayé de trouver des solutions notamment en rappelant des joueurs, en amenant de l'expérience et ça a fonctionné. C'est un coach strict, qui peut paraître froid mais je connais bien le milieu du football, il m'a donné ma chance donc je ne me permettrai pas de parler en mal de Claude Puel. Il a sa manière de diriger et c'est comme ça. Il a repris le club dans un contexte spécial et il a fait au mieux pour redresser la situation.

Tu évoques l'expérience mais on perd 3 cadres avec Kévin Monnet Paquet, Mathieu Debuchy et toi. C'est pourtant important pour encadrer cette jeunesse ?

Oui on a vu que l'expérience était utile quand l'équipe était un peu moins bien. Il faut savoir se recentrer sur des mecs comme Debuch, comme Wahbi, comme Romain ... des mecs qui ont beaucoup de matchs et savent gérer des situations compliquées. Maintenant, c'est aux jeunes de montrer qu'ils savent encaisser la pression et il y a de supers joueurs qui ont pris de l'expérience cette année.

A ton époque, la caution expérience c'était Laurent Batlles !

Oui c'est vrai (rires)

Tu es à Troyes pour lui ?

Oui quand on est tombé d'accord avec le club de Troyes, j'ai dit au directeur sportif que c'était grâce à Laurent. Je le connais de Sainté, on faisait chambre ensemble il y a 10 ans maintenant. Je le connais bien, sa façon de manager, sa manière d'être au quotidien et je savais que j'allais prendre du plaisir et m'adapter dans son équipe. J'ai même joué pour lui avec la réserve de Sainté je crois !

As-tu négocié de jouer les matchs contre Sainté ?

(rires) Déjà j'essaie d'avoir des maillots verts pour les gardiens (rires)

Tu vas revenir à Sainté avec ? (la réception de Troyes est prévu pour la mi-mars)

Ah ça va me faire bizarre c'est clair ! J'espère qu'il y aura du public en tout cas !

Et que les deux clubs se maintiendront en fin de saison ?

Oui j'espère bien. Je refuse de choisir sur ce coup-là (rires)

Merci à Jessy pour sa disponibilité !