Ancien joueur de Bastia, Nantes et Lens, Guillaume Gillet nous présente Lucas Stassin, qu'il a entraîné la saison où le nouvel avant-centre stéphanois a claqué 15 pions en D2 belge avec l'équipe réserve d'Anderlecht.


"Ça a été un peu spécial pour moi d’entraîner Lucas en équipe réserve d’Anderlecht car je connais très bien son papa, on est de bons amis. Forcément, quand son fils a commencé à évoluer de plus en plus dans les équipes de jeunes d’Anderlecht, je l’ai suivi de plus en plus attentivement. Quand il est arrivé dans la deuxième équipe et qu’il s’entraînait avec l’équipe première, là, il s’est mis à atteindre le sommet de la pyramide. J’ai une relation particulière avec Lucas et avec son papa mais j’ai toujours fait en sorte que ça n’entre pas en ligne de compte dans mes choix.

Pour moi c’était un réel plaisir de pouvoir coacher Lucas. C’est un garçon qui, finalement, a un profil très différent de ce que j’ai eu l’occasion de voir chez des jeunes ou même durant ma carrière de joueur pro. Lucas, c’est un buteur hors pair. Ce garçon a vraiment le sens du but. Tout ce qui va se passer dans les 16 mètres ou à l’entrée du rectangle, il est capable de faire des enchaînements ultra-rapides, de prendre la bonne décision et d’être efficace. C’est ce que l’on recherche avant tout chez un numéro 9.

Lucas avait des lacunes dans son jeu à l’époque où je le coachais. Mais le fait de partir dans un club de première division belge, Westerlo, lui a fait énormément de bien. A l’époque où j’avais Lucas, il se contentait souvent de marquer son but. Si dans un match il ne se créait pas d’occasion, il avait un peu tendance à négliger son travail défensif. L’exigence du monde professionnel demande aujourd’hui à un attaquant de travailler aussi pour le reste de l’équipe. Il n’est pas là juste pour les ballons qui arrivent dans la surface. Lucas en a pris conscience.

En semaine, Lucas était quelqu’un de très cool à l’entraînement. Parfois trop. Il en gardait parfois sous le pied. Quand on faisait une petite opposition, s’il marquait 5 buts, il se contentait de ça. Mais moi je voulais voir plus de sa part, surtout au niveau du travail. A l’époque, je trouve que Lucas se reposait un peu trop sur ses acquis, sur son talent de finisseur.

Bien sûr, j’ai côtoyé d’autres buteurs. Dans un style différent de Lucas, j’ai vu par exemple Romelo Lukaku. J’ai eu la chance de le voir débuter sa carrière avec moi. Il était encore plus précoce que Lucas, il avait 16 ans. Lucas n’a pas spécialement une grosse pointe de vitesse, ce n’est pas vraiment un attaquant de rupture. Par contre, ce que j’adore chez lui, c’est son jeu en une touche. Sa finition en une ou deux touches. Lucas est capable de très bien combiner sur des petits espaces.

Là où Lucas a fortement amélioré son jeu, c’est dans sa capacité à garder le ballon, son aptitude à faire remonter le bloc équipe. Avant, il aurait plus eu tendance à jouer en déviation. Maintenant qu’il a pris un peu de masse musculaire, qu’il s’est un peu épaissi, il est capable de tenir le choc. C’est nécessaire en Ligue 1, il aura vraiment besoin d’être costaud physiquement dans ce championnat. On sait que les charnières centrales de L1, c’est physique à mort ! Je crois que Lucas s’est bien développé.

Lucas a vraiment des courses intéressantes au premier poteau, il sent très bien les coups. Il arrive souvent à se libérer du marquage, à faire appel/contre-appel. Il a des déplacements pertinents, il se retrouve souvent à la bonne place. Et quand il est à la bonne place, il manque rarement le cadre. Lucas est un gars vraiment adroit, il sait se montrer très précis. Il est clinique et rapide dans ses enchaînements. Il sent s’il a besoin de faire deux touches ou une seule pour faire mouche. Je pense que Lucas peut encore progresser dans son jeu de tête, au niveau du timing notamment.

La saison où je l’ai entraîné, en 2022-2023, il a marqué 15 buts en 29 matches de deuxième division belge. Mettre autant de buts à 18-19 ans dans un championnat professionnel, c’est quand même quelque chose pour un garçon qui jouait encore en équipe de jeunes quelques mois auparavant ! Certes, la Ligue 2 française est un peu plus relevée que la Ligue 2 belge, mais c’est quand même significatif de mettre 15 buts pour une première saison pleine en pro, c’est un bon signe.

La saison d’après, sa première en L1 belge, il a mis 9 buts pour Westerlo sachant qu’il n’a été titularisé que 14 fois et qu’il a fait 12 entrées en jeu. A chaque fois, il s’est montré très efficace. Pour sa première saison dans l’élite belge, il a donc eu des stats intéressantes. Il a d’ailleurs poursuivi sur sa lancée car il a démarré tambour battant la saison 2024-2025 avec 2 buts et 3 passes décisives en 5 matches avant de quitter la Belgique pour Saint-Etienne.

Je pense que Lucas a les qualités pour marquer 10 buts en Ligue 1 française. Mais bon, j’ai vu un peu les débuts de Saint-Etienne cette saison, ce n’est pas folichon. Lucas doit être approvisionné, il faut que les ballons arrivent. Ce n’est pas vraiment dans la course en profondeur qu’il va faire des différences. Je pense que c’est davantage des ballons qui viennent des flancs, voire des ballons dans l’axe mais alors aux alentours des 16 mètres.

Lucas va découvrir l’ambiance exceptionnelle du Chaudron, que j’ai eu la chance de connaître lors de mes déplacements avec Lens, Bastia et Nantes. J’ai joué dans beaucoup de stades dans ma carrière, certains d’entre eux ne laissent pas indifférents. Geoffroy-Guichard en fait clairement partie. Je pense que Lucas va vite être conquis par ce stade, il aime les grosses ambiances. A mon avis, pour connaître le garçon, la ferveur du Chaudron va le stimuler, pas l’inhiber.

A chaque fois que j’ai joué à Saint-Etienne, j’ai fait de bons matches, j’ai adoré l’ambiance. Je suis aussi très ami avec Kévin Mirallas, qui a d’ailleurs envoyé un message gentil à Lucas pour lui expliquer un peu comment étaient la vie à Saint-Etienne, le club, les attentes des supporters, etc. Lucas doit quand même se rendre compte qu’il met les pieds dans un club mythique, dans un club historique. Un club qui a connu des années compliquées, qui a mal démarré cette saison et qui a des attentes.

Mine de rien, c’est beaucoup de pression pour un garçon qui n’a que 19 ans et qui a été transféré pour 9 M€ ! Mais je pense que Lucas a les capacités de gérer ça. Ce qui m’a réconforté, c’est son départ d’Anderlecht. Là-bas, il était arrivé dans une sorte de routine, il sentait que l’entraîneur de l’équipe première ne lui ferait jamais confiance. Dans la deuxième équipe, il faisait des bons matches, il marquait, mais il ne travaillait pas assez au quotidien pour un joueur pro. Il est parti à Westerlo, il a dû se débrouiller tout seul, il a dû se rendre compte de ce qu’était vraiment le métier de footballeur.

Je pense que ça a fait énormément de bien à Lucas de quitter son cocon familial, de découvrir autre chose qu’Anderlecht. Je pense qu’il n’aura pas de problème à s’adapter à Saint-Etienne, ça parle français et il a été très bien accueilli chez les Verts. Lucas est quelqu’un d’ambitieux, il est très généreux. Il a conscience que les attentes sont énormes, que la saison a mal démarré pour l’ASSE. Lucas aura bien sûr un poids sur les épaules mais j’ai confiance en lui et je lui souhaite de contribuer au renouveau stéphanois. Je viendrai certainement le voir au stade avec son papa."

Merci à Guillaume pour sa disponibilité