Ancien entraîneur des Grenats et des Verts, Henryk Kasperczak s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les deux clubs ce samedi à 17h00 au stade Saint-Symphorien.
Henryk, avant de faire le bonheur des Verts, c’est chez les Grenats que tu as terminé ta carrière de joueur et démarré ta carrière d’entraîneur.
C’est effectivement à Metz que j’ai achevé ma carrière de joueur. Jusqu’alors, j’avais toujours évolué en Pologne. J’ai été formé au Stal Zabrze, dans le club de ma ville natale avant de faire carrière de longues années avec le Stal Mielec. Mais j’ai pas mal voyagé du fait que j’étais international et qu’on a fait de bonnes performances avec l’équipe de Pologne. C’est d'ailleurs lors de la Coupe du Monde en Argentine que j’ai été sollicité par le FC Metz. J’avais aussi des propositions de Neuchâtel, Hambourg et Hanovre mais j’ai rejoint les Grenats. Ça s’est fait par l’entremise de Bernard Blaut, un Polonais qui avait joué à Metz quelques années plus tôt et qui avait travaillé pour l’équipe nationale.
Je suis arrivé à Metz en 1978, je venais d’avoir 32 ans. On a fini à la cinquième place. C’était agréable d’aussi bien figurer dans ce championnat de France que je découvrais sur le tard. Il faut dire que le club s’était bien renforcé. Christian Synaeghel était arrivé en provenance de Saint-Etienne. Wim Suurbier, le défenseur de la grande équipe de l’Ajax et des Pays-Bas, était lui aussi arrivé en même temps que moi. Je n’oublie pas non plus Cheik Diallo, un buteur malien qui venait de Troyes. La mayonnaise a bien pris, on avait du plaisir à se retrouver sur le terrain, on a eu des bons résultats.
Quels souvenirs gardes-tu de Christian Synaeghel ?
J’ai pris beaucoup de plaisir à évoluer à ses côtés dans l’entrejeu messin. Avec Joël Müller et lui, on formait un bon trio. On était complémentaires, on veillait à garder un certain équilibre. On aidait bien la défense tout en étant soucieux d'être efficaces offensivement. Christian nous a apporté toute l’expérience qu’il avait acquise dans cette fameuse équipe de Saint-Etienne, ce mental des joueurs qui vont comme les mineurs au charbon. Il était très travailleur, toujours présent, il participait à beaucoup de choses et s’impliquait dans la vie du club. Et en plus c'était un bon copain !
Tu as également joué aux côtés d’un certain Patrick Battiston.
Exact, c’était un jeune défenseur prometteur et déjà international à l’époque. Il a d’ailleurs joué comme moi la Coupe du Monde 1978 en Argentine. Je garde un souvenir exceptionnel de Patrick, il a eu beaucoup de relations avec moi. Il était très sympa et a fait ensuite la très belle carrière que l’on connaît, que ce soit avec l’équipe de France ou en club. Il a gagné le championnat de France avec trois clubs différents, Saint-Etienne, Bordeaux et Monaco. Peu d’autres joueurs ont fait ça [seulement Bernard Gardon et Alain Roche, ndp2].
À Metz, tu as côtoyé deux Philippe passés plus tard à Saint-Etienne et qui ne sont hélas plus de ce monde.
Philippe Mahut, j’ai appris à le connaître quand je l’ai entraîné car je ne crois pas avoir joué avec lui. J’ai apprécié ce défenseur central, il avait du talent et je le voyais faire une grande carrière. Il a fait une bonne carrière et a joué quelques matches en équipe de France au début des années 1980. Cela fait hélas quelques années qu’un cancer l’a emporté [en 2014, à l’âge de 57 ans, ndp2]. C’est au FC Metz qu’il a lancé sa carrière, il était déjà reconnu. Je me souviens que Mönchengladbach voulait le prendre. Jupp Heynckes, qui a plus tard entraîné le Bayern, s’intéressait à lui. Philippe a finalement rejoint Saint-Etienne. Il a quitté les Verts pour le Matra Racing l’année où j’ai signé à l’ASSE, en 1984.
Philippe Redon, j’ai joué avec lui avant de l’entraîner à Metz. Je l’ai retrouvé par la suite à l’ASSE à la fin de sa carrière, il a joué quelques matches ma deuxième saison chez les Verts, celle où on est monté. C’était un joueur exceptionnel, intelligent. Un très bon joueur de football. Il a très bien joué lors de son unique saison à Metz. On avait des discussions sportives et humaines très enrichissantes. Il avait déjà une bonne expérience et avait de bonnes réflexions, de bonnes analyses. Il m’a apporté beaucoup par ses conseils.
Tu as lancé un défenseur qui a lui aussi brièvement connu la maison verte, en tant qu’entraîneur adjoint : Luc Sonor.
Il faut souligner que Luc fait partie des garçons issus du centre de formation du FC Metz. J’avais de bonnes relations avec le responsable du centre de formation Marcel Husson, un pur Messin qui avait joué au club et qui m’a succédé sur le banc de l’équipe première quand j’ai quitté les Grenats pour les Verts. Il a vraiment fait un excellent travail au club. Quand j’ai pris les commandes de l’équipe première du FC Metz, j’ai décidé d’intégrer dans l’équipe les meilleurs éléments formés par Marcel.
Il y avait Luc bien sûr mais aussi d’autres très bons joueurs, comme Jean-Philippe Rohr, Carmelo Micciche, Philippe Hinschberger, Marco Morgante. J’ai pris Marcel Husson comme adjoint et on fait en sorte de faire éclore les jeunes les plus talentueux. On a repositionné Luc. A la base il avait été formé comme attaquant mais il est devenu arrière. Il a réussi car c’est un garçon qui avait un état d’esprit formidable. C’était un footballeur vif, technique et intelligent.
Tu as aussi jeté dans le grand bain de la D1 un autre défenseur qui n’a laissé que de bons souvenirs à Sainté : Sylvain Kastendeuch.
C’est vrai que c’est moi qui ai lancé la carrière professionnelle de Sylvain, dont il faut souligner l’exceptionnelle longévité. Il a joué presque 20 ans et fait partie des joueurs qui ont disputé le plus de matches dans toute l’histoire du championnat de France [seuls Landreau, Ettori, Dropsy, Baratelli et Giresse ont joué plus la matches dans l’élite, ndp2]. Lui aussi est un garçon intelligent, une des grandes figures de l’histoire du club. Je ne suis pas surpris de la reconversion qu’il a eue par la suite, il est depuis longtemps le co-président de l’UNFP, le syndicat des joueurs.
Outre Philippe Redon, qu’on a déjà évoqué, tu as côtoyé plusieurs autres joueurs offensifs à Metz que tu as eu ensuite sous tes ordres à Saint-Etienne, notamment Eric Bellus qui avait évoqué votre collaboration sur notre site.
Oui, Eric était arrivé au FC Metz prêté par l’ASSE, c’est de là qu’a commencé notre collaboration. Je l’ai retrouvé ensuite deux années en D2 à Saint-Etienne. Après il est parti à Toulouse. C’était un joueur important, précieux sur le côté gauche. Il savait déborder, centrer, donner des bons ballons. Je le comparais un peu à Georges Bereta et Christian Sarramagna. Au FC Metz comme à l’ASSE, il a su s’imposer comme titulaire. J’ai eu beaucoup de plaisir à l’entraîner et je n’oublie pas qu’il a été comme de nombreux autres joueurs issus du centre de formation de l’ASSE un des artisans de la remontée du club.
Dans un autre registre, j'ai eu Merry Krimau. C'était un avant-centre, un joueur un peu à part, exceptionnel. Il avait un talent fou, c’était un buteur. Je me souviens d’une veille de match avec Metz à Sochaux, toute l’équipe était à table. On restait sur trois matches sans avoir marqué et il jouait plutôt milieu offensif à ce moment-là. Il m’a demandé de jouer plus haut. Il me dit devant tout le monde : « Coach, si vous me donnez un verre de vin rouge, je vais marquer et on va gagner. » J’étais gêné, il m’a mis dans la merde. J’ai demandé aux autres joueurs s’ils étaient d’accord. Ils m’ont dit oui, Merry a donc pris un verre de rouge et il a mis un doublé et on a gagné ! (rires)
Merry a marqué 24 buts lors de son unique saison en grenat. Il a dû moins picoler à Sainté mais a car il n'a claqué que 9 pions lors de sa verte saison.
(Rires) C’est déjà pas mal, il a été du reste le meilleur buteur de l’ASSE cette saison-là si je ne dis pas pas de bêtises. Ses buts ont été importants pour assurer le maintien, de même que notre bonne assise défensive car on a terminé avec la deuxième meilleure défense du championnat. Tony Kurbos et Merry Krimau ont joué ensemble à Metz mais pas à Saint-Etienne, Tony était à Sainté la saison précédente, celle où on est monté. Cette saison-là, lui aussi a fini meilleur buteur des Verts en D2 mais Roger Milla, Jean-Luc Ribar et Jean-François Daniel ont mis eux aussi pas mal de buts. Tous ont contribué à notre accession en première division.
Tony Kurbos a eu un parcours atypique, il est arrivé à Metz à la base pour un essai. J’ai vu qu’il était bon, rapide et technique. J’ai dit à Carlo Molinari qu’il fallait le prendre. On a bien fait de le prendre. C’est un garçon adorable, on a bien travaillé avec lui la finition. Il a adoré, a marqué beaucoup de buts. Il s’est pris au jeu, il a adoré marquer. Ma dernière saison à Metz, on a gagné 7-3 à Nîmes et il a mis 6 buts ! La saison suivante, il a réussi un triplé contre le Barça au Camp Nou. Il a peut-être été moins en verve à Saint-Etienne mais il a fait une belle carrière.
Tu as aussi coaché à Metz comme à Sainté un attaquant moins connu du grand public : Daniel Cangini.
Oui, Daniel est issu du centre de formation à Metz Je l'ai fait débuter en pro là-bas et il m’a suivi la première de mes trois saisons stéphanoises. Je crois qu'après il est retourné en Lorraine. C’était un joueur travailleur, hargneux, rapide, dur sur l’adversaire. Il était très bon physiquement et bien intégré dans le groupe, il nous a donné satisfaction.
C’est pour le coup un des personnages les plus importants de l’histoire de l’ASSE qui a été déterminant dans ta reconversion au poste d’entraîneur.
Oui, Monsieur Snella a été déterminant. Quand je suis arrivé à Metz, j’ai travaillé sous les ordres de Marc Rastoll. La deuxième année, Jean Snella est arrivé. Un Monsieur exceptionnel, un entraineur remarquable. On ne savait pas au départ qu’il était gravement malade. On était voisins à Longeville-lès-Metz, il habitait là où Pierre Flamion et Nico Braun avaient résidé. Quand j’étais son joueur, on discutait souvent ensemble de tout ce qui touchait à l’équipe. J’ai d’emblée eu une relation excellente avec cette grande figure du football français. On échangeait souvent après les matches car il cherchait constamment dans quels domaines améliorer l’équipe. Il me demandait régulièrement mon avis, on mangeait ensemble. J’ai un souvenir exceptionnel de nos discussions.
Hélas, son état de santé s’est détérioré au bout que quelques mois. Il a convoqué le président du FC Metz Aimé Dumartin à l’hôpital. C’est ce dernier qui m’a rapporté plus tard la teneur de leur conversation. Jean Snella a dit qu’il n’était plus en état de continuer à entraîner l’équipe et a demandé au président de le remplacer. Monsieur Dumartin a demandé à Jean Snella de lui suggérer un un nom. Monsieur Snella lui a répondu : « ne le cherchez pas très loin, il est déjà au club ». Monsieur Dumartin lui a dit : « Qui c’est ? ». Jean Snella a répondu en citant mon nom. Quelques jours après, Monsieur Snella est décédé et Monsieur Dumartin est venu me proposer le poste d’entraineur.
As-tu hésité avant de donner une réponse favorable ? Tu étais encore joueur à l’époque, on était en pleine saison et l’équipe était mal embarquée…
André Dumartin m’a laissé 24 heures pour lui donner une réponse. Je lui ai dit que j’avais encore six mois de contrat de joueur et que j’allais certainement repartir en Pologne après. Je lui a demandé de me laisser 48 heures pour réfléchir à tout ça. J’en ai discuté avec ma femme. Elle m’a dit : « Henryk, en Pologne, tu veux devenir quoi ? » Je lui ai répondu : « Ben, entraîneur ! » Elle m’a alors rétorqué : « Essaye ici ! Tu as fait une longue carrière de joueur, on te propose un poste d’entraîneur dès à présent à Metz. Saisis cette opportunité et on verra bien ce qui se passera ! » Ma femme m’a convaincu, j’ai tenté le coup et je ne l’ai pas regretté !
J’ai relevé ce défi aussi car je pensais avoir des prédispositions pour exercer ce métier d’entraîneur. J’avais fait des études supérieures, j’ai étudié pendant quatre ans après mon bac. J’étais prof d’éducation physique. J’avais déjà des bases, j’ai travaillé aussi bien la théorie que la pratique. J’avais acquis une bonne maitrise du physique, de la physiologie, de la psychologie. Je prêtais beaucoup d’attention à tout ce que faisaient les entraîneurs. Ma carrière de joueur m’a aussi apporté. J’ai quand même fait deux Coupes du Monde, celle en Allemagne en 1974 où on a fini troisième et celle en Argentine en 1978. Entretemps j’ai fait les JO de Montréal en 1976 où on a décroché la médaille d’argent.
Je ne voulais pas signer de suite un contrat d’entraîneur au FC Metz, je voulais juste essayer quelques mois d’exercer ces fonctions pour que ça ne crée pas de problème pour le club ou pour moi. Sur le papier, je suis donc resté avec mon contrat de joueur et j’ai été nommé entraîneur. Comme ça s’est très bien passé, que j’ai sauvé la place du club dans l’élite, Carlo Molinari qui est redevenu président m’a proposé un contrat de deux ans, qui a été renouvelé deux nouvelles années et au bout du compte j’ai gagné la Coupe de France en 1984.
En battant en finale après prolongation une équipe monégasque dans laquelle jouait un certain Claude Puel. Tu dois être fier d'être l’entraîneur qui a apporté son premier titre au FC Metz !
C'était le deuxième en fait, ils avaient remporté le championnat de deuxième division en 1935. Mais ça faisait donc 46 ans que le FC Metz n’avait pas remporté de titre. J’étais content de conclure en beauté mon passage chez les Grenats. À titre personnel c’était mon premier titre, j’en ai eu quelques autres par la suite : un avec Strasbourg (championnat de France de D2 en 1988) et cinq avec le Wisla Cracovie (trois en championnat, deux en Coupe de Pologne).
C’est parce que tu as remporté cette Coupe de France avec Metz que Sainté t’as recruté ou pour te remercier d’avoir perdu 9-2 contre les Verts en 1982 ?
Moi j’ai perdu 9-2 ? Je ne me souviens pas du tout de ce match. 9-2 ? C’est pas possible ! Tu es sûr ?
Oui Henryk, la preuve en images.
Je suis surpris. 9, ça arrive mais c’est beaucoup quand même. J’ai rarement perdu en prenant 9 buts !
On veut bien le croire, et on te remercie de nous avoir épargné ça quand tu étais chez nous. Lors de ta déroute de 1982, Platoche a joué son dernier match sous le maillot vert dans un Chaudron qu’il illuminera plus tard lors de l’Euro contre la Yougoslavie. C’est aussi contre le FC Metz que Platoche a marqué en 1979 son premier but en vert à Geoffroy-Guichard. Ce jour-là tu avais réduit le score.
Ah ça pour le coup je m’en souviens très bien ! (rires) On avait perdu 2-1. C’était un but magnifique. Même Christian Lopez qui avait l’habitude de tacler, n’a rien pu faire, je suis entré dans la surface côté droit. J’ai brossé le ballon du gauche pour le mettre hors de portée d’Ivan Curkovic. C’était inoubliable de marquer un but comme ça contre une si belle équipe.
Danish nous a retrouvé les images de ce but.
Ah, c’est formidable ! J’avais cherché en vain les images. Merci beaucoup ! C’est peut-être pour ce but qu’ils m’ont pris plus tard à Saint-Etienne ! (rires) Non, en fait j’avais pris ma décision de quitter Metz pour Saint-Etienne avant de remporter la Coupe de France en 1984. C’était même bien avant la finale.
Le président André Laurent m’avait contacté. Le club traversait une crise importante, on était peu de temps après l’affaire de la caisse noire. Roger Rocher et Robert Herbin avaient quitté le club. Plusieurs entraîneurs se sont succédés. Jean Djorkaeff a été remplacé en cours de saison par Robert Philippe. Le club était dans les bas-fonds du classement, il se débattait pour tenter de rester dans l’élite.
J’ai trouvé un accord avec André Laurent. Quand je lui ai dit que j’acceptais de prendre l’équipe la saison suivante, je ne savais pas que j’allais gagner la Coupe de France. Et surtout, ce qui était plus important pour moi, j’ignorais que Saint-Etienne allait descendre en deuxième division. Mais je suis un homme de paroles. J’ai tenu l’engagement que j’avais pris. Carlo Molinari a tenté de me retenir. Mais ça faisait six ans que j’étais au FC Metz et j’avais donné ma parole à André Laurent. Je ne suis pas revenu dessus.
Quand bien même les dynamiques des deux clubs ne plaidaient pas en faveur de l’ASSE, je n’ai pas hésité à rejoindre Saint-Etienne. Ça restait un grand club et c’était un beau challenge que de l’aider à le redresser. Ma décision était prise, je n’ai pas fait machine arrière. J’étais déterminé à réussir à Saint-Etienne. Je suis arrivé dans un club profondément touché par l’affaire de la caisse noire et par la relégation en D2. Que ce soit les supporters, les dirigeants, les joueurs, tout le monde était triste de voir un club si prestigieux en deuxième division.
Je suis arrivé avec la motivation de faire remonter le club le plus vite possible et de redonner du bonheur à tous les amoureux de ce club. On n’a pas réussi à remonter la première année. Après un début de saison contrasté, on a pourtant fait une série belle série de 24 matches sans défaite. On a réalisé un beau parcours en championnat mais on a fini juste derrière Nice. Cette saison-là, on a fait également un joli parcours en Coupe de France. On a sorti Lens en huitième et on a failli éliminer Lille en quart.
J’étais conscient en arrivant à l’ASSE que ce serait difficile de remonter. Le président André Laurent était malheureux, le club était dans une telle situation qu’il avait du mal à trouver des sponsors. Les relations avec Casino étaient compliquées. Six mois après mon contrat, on a trouvé un sponsor : Cake Rocher. C’était une société de pâtisserie près de Roanne.
Effectivement. Basée à Renaison, elle a accompagné la renaissance de l’ASSE !
Oui et de notre côté, on n’a jamais baissé les bras. Je motivais les garçons, je les poussais à faire du jeu pour obtenir de bons résultats. On a fait l’effort de recruter Roger Milla, qui nous a fait du bien pour remonter en première division. D’autres recrues ont aussi apporté, je pense à des garçons comme Didier Gilles arrivé lui aussi dès la première année mais aussi à Bernard Pardo et Tony Kurbos qui nous ont rejoints la deuxième.
Je garde de merveilleux souvenirs de l’ambiance qu’il y avait à Geoffroy-Guichard. C’était extraordinaire de vivre ça, surtout en deuxième division. Je me rappelle notamment un derby contre Le Puy l’été 1985, il y avait plus de 42 000 spectateurs.
C’était formidable, inoubliable. Ça motivait tout le monde, les joueurs, les dirigeants et moi-même. On se sent pousser des ailes quand on bénéficie d’un soutien aussi massif et fervent ! On a battu des records d’affluence en Coupe de France, d’abord contre Lens puis ensuite contre Lille.
En effet : ils étaient 46 352 contre les Sang et Or et 47 447 contre les Dogues. Ce quart de finale aller gagné grâce à Roger détient toujours le record d'affluence.
Fantastique ! On jouait dans une ambiance folle. Ça reboostait tout le monde. On a fait en sorte de surfer, avec les dirigeants ça nous a poussé à continuer notre action, à œuvre pour faire remonter le club. On n’a pas hésité à prendre des contacts avec Casino, avec Pierre Guichard surtout. On a discuté pour qu’il ne nous abandonne pas. Historiquement, Casino était une source de financement importante pour le club et pour la région aussi. Finalement Guichard est revenu sur sa position et il a soutenu le club après.
Ton équipe, notamment celle de ta première saison stéphanoise, a particulièrement marqué les supporters. Dans son remarquable récit La Passion selon Saint-Etienne, le cofondateur de Poteaux Carrés Christophe Verneyre lui rend un vibrant hommage.
"C’est aujourd’hui, et probablement jusqu’au trépas, la seule équipe dont je sais réciter les onze noms sans hésiter. Elle n’a pourtant rien gagné sinon mon cœur, et n’a fréquenté que les pelouses de division 2. Mais cette équipe est mon amour de jeunesse, la première équipe verte qui m’a fait vibrer. Je me plais à penser parfois que je suis le seul à l’avoir aimée. Et cette idée me rend fier comme est fier celui qui s’entiche d’une fille dont le charme est d’autant plus prégnant qu’il est subtil, pas bêtement évident ni vulgairement accessible au premier coup d’œil. Hormis l’exceptionnel Roger Milla, Lion indomptable qui fera pleurer les Colombiens, trembler les Anglais et danser les supporters à la Coupe du monde six ans plus tard à près de trente-neuf ans, aucun des onze joueurs composant l’équipe type n’aura marqué l’histoire du foot par son palmarès ou son talent. Mais neuf des onze étaient formés au club et cela acheva de sceller ma folle et dévorante passion. Merci donc à : Jean Castaneda, Éric Clavelloux, Jean-Philippe Primard, Didier Gilles, Patrice Ferri, Gilles Peycelon, Thierry Oleksiak, Jean-François Daniel, Jean-Luc Ribar, Éric Bellus, Roger Milla."
Ces joueurs formaient une très belle équipe. Ils étaient investis, on les responsabilisait et ils se responsabilisaient aussi. Ils avaient le club dans la peau, ils avaient tous à cœur de redorer le blason de l’ASSE. Ils étaient extrêmement motivés et enthousiastes, je pense que ça explique que les supporters se soient identifiés à eux. C’était un vrai régal d’entraîner cette équipe. J’avais un groupe à la fois réceptif et très impliqué, j’ai eu la chance de tomber sur ces garçons qui se donnaient toujours à fond. L’ASSE a certainement compté dans sa riche histoire des effectifs avec davantage de qualités individuelles mais on avait une équipe entreprenante, avec des battants et des combattants. Le public stéphanois aime ça. Il y avait beaucoup de jeunes joueurs issus du centre de formation. J’avais des garçons volontaires qui jouaient en confiance, leur travail a été récompensé la deuxième année par une montée.
La saison de notre retour dans l’élite n’a pas été évidente mais on a eu le mérite de se maintenir sans trop trembler. J’aurais aimé poursuivre mon aventure à Saint-Etienne mais ce n’était pas possible pour moi de rester. Casino a demandé le retour de Robert Herbin et Pierre Garonnaire. Moi je n’ai pas apprécié. J’ai eu des discussions importantes avec Pierre Guichard, mon principal défenseur. On a parlé mais son fils Yves tenait absolument au retour de Herbin et de Garonnaire. Ils étaient copains. Moi j’avais apprécié la collaboration avec Jean-Baptiste Berthet, le directeur sportif qui m’avait apporté beaucoup.
J’aurais aimé continuer de travailler avec lui mais on a décrété qu’il fallait revoir l’organigramme et installer une nouvelle équipe. Le retour de Robert Herbin a été acté. On m’avait dit que ce serait comme manager général et que je pouvais rester mais en fait dans ma tête ce serait forcément lui l’entraîneur. J’ai quand même demandé un temps de réflexion à Pierre Guichard mais lors de notre nouvelle rencontre, je lui ai dit que je ne pouvais pas accepter.
J’avais du mal à me projeter, à voir mon avenir dans cette nouvelle organisation. C’est donc Herbin qui m’a succédé au poste d’entraîneur. Je ne dirai jamais de choses négatives sur Robert Herbin, c’était un mec compétent, une légende du club, qui est revenu à l’ASSE suite à un caprice d’Yves Guichard. J’ai été déçu de partir de l'ASSE mais c’est comme ça !
Tu as écrasé Roby lors d’un fameux derby
Ah oui, je m’en souviens bien ! On avait gagné 5-1 [doublé de Jean-Luc Ribar, buts de Jean-François Daniel, Patrice Ferri et Carlos Diarte, ndp2]. J’avais pourtant dû remplacer Didier Gilles et Roger Milla dès la première mi-temps car ils s’étaient blessés. Mais les jeunes avaient fait un match formidable. Robert Herbin était très malheureux, c’était compliqué pour lui de perdre aussi lourdement contre Saint-Etienne. Je lui ai dit : « Ne sois pas triste Roby, c’est la vie ! On traverse tous des moments difficiles mais je suis persuadé que ton équipe va rebondir. » Je l’ai encouragé car je l’avais senti vraiment abattu après cette rencontre.
Roger Milla a déclaré il y a un an dans la Pravda : « L'entraîneur qui m'a le plus marqué dans ma carrière ? S'il ne fallait en citer qu'un, je dirai Henryk Kasperczak à Saint-Étienne. La raison est simple : il m'a fait confiance alors que j'avais 32 ans. C'était risqué mais il n'a pas été déçu... »
Effectivement, je n’ai pas été déçu ! Roger nous a énormément apporté. Il a marqué de très nombreux buts [37 pions en 71 matches sous le maillot vert, ndp2]. Mais je vais te raconter une anecdote. Roger n’avait pas scoré beaucoup lors de ses trois premiers mois à Saint-Etienne. [il n’avait claqué que 2 pions après 11 journées, ndp2]. Je me souviens qu’après une série de quelques matches sans but marqué par Roger, quelqu’un a commencé à parler à André Laurent. Après le match, j’ai discuté avec ce psychologue qui était dans le football. Il m’a dit : « Henryk, ce serait peut-être mieux si tu faisais jouer Roger Milla au milieu de terrain car il a une très bonne technique et peut-être que maintenant il ne peut plus marquer des buts. » Je l’ai écouté et je lui ai dit : « Est-ce que vous avez un joueur pour évoluer avant-centre du coup ? » Cette discussion m’a amusé. Pour moi, Roger Milla était toujours un buteur. Quelqu’un qui sait vraiment marquer des buts.
Comme André Laurent assistait à cette discussion, j’ai dit à ce psychologue : « Écoutez, Roger sait faire preuve d’efficacité dans la surface. S’il montre sa technique au milieu de terrain, on ne sera pas efficace. Je préfère lui maintenir ma confiance au poste d’avant-centre. C’est son poste et il va marquer. Pour l’instant il a du mal mais je crois en lui, c’est un super attaquant et je ne compte pas le faire reculer. Je préfère qu’il reste aux avant-postes. » J’avais posé la question à Roger. « Ta meilleure position, c’est quoi ? » Il m’avait répondu : « attaquant ». J’ai ajouté : « et la deuxième c’est quoi ? » Il m’a répété, imperturbable : « attaquant » ! (rires) Il était formidable ce Roger. Il avait vraiment énormément de talent, j’ai rarement vu ça. De toute ma carrière, c’est certainement l’un des deux ou trois joueurs qui m’a le plus impressionné. Il a souvent fait la différence, il a été hyper performant, c'est d'autant plus remarquable qu'il avait un âge assez avancé.
Dans la Pravda et dans Le Républicain Lorrain, Tony Kurbos a raconté deux anecdotes au sujet de Roger Milla. «C'était un grand attaquant mais il s'énervait sans arrêt. Il répétait tout le temps qu'il allait frapper l'entraîneur, Henryk Kasperczak, et menaçait ses coéquipiers. Un jour, il s'approche pour invectiver plusieurs gars. Et là, je vois le costaud Jean Castaneda, excédé, s'interposer. Puis il le soulève carrément et lui crie : "Tu vas te calmer sinon tu auras affaire à moi ! " Roger a continué à gueuler, mais il s'est éloigné et a fini par se calmer. C'était vraiment impressionnant. Avec les attaquants, notamment Roger Milla, on devait travailler les coups francs. Dans les cages, il y avait Jean Castaneda. On n'en mettait pas un. Kasperczak commençait à s'agacer et Milla, qui avait son caractère, lui a dit : "Allez-y vous coach !" Il a posé trois ballons, il les a tous mis au fond. Et je vous assure que Jean Castaneda a joué le jeu ! On ne faisait pas les fiers. Après ça, on ne pouvait que respecter Kasper ! »
Oui, je confirme ces anecdotes. Roger était un gagneur, un compétiteur pas seulement en match mais à l’entraînement. Quel que soit le jeu qu’on faisait ou le contexte, il ne pensait qu’à marquer et à gagner. C’est vrai qu’il lui est arrivé de piquer une colère et de se bagarrer, je ne vais pas dire avec qui, pour une simple histoire de but vainqueur dans des petits jeux qu’on faisait à l’entrainement. Il a parfois marqué des buts mais ils n’étaient pas valables. Je les refusais car en général j’étais arbitre et une fois c’est parti en bagarre parce qu’il était agressif et méchant quand on lui refusait un but victorieux. J’ai arrêté le match, on est parti dans les vestiaires. J’ai demandé à tout le monde de s’asseoir.
J’ai dit : « Roger, je sais que t’es un joueur exceptionnel, que t’es un gagneur, mais accepte les décisions même quand elles ne te plaisent pas. Tu ne peux pas être agressif et taper tes copains. Si ça t’arrive encore une fois, si tu ne parviens pas à te maîtriser, tu ne retrouveras plus jamais tes copains dans cette équipe. » Je lui ai fait peur, il a compris, et à partir de là tout s’est bien passé. Il s’est excusé, les joueurs qui avaient fait l’objet de son courroux ont accepté ses excuses. Quand tu manages des joueurs à très fort caractère, tu dois parfois leur rentrer dedans, leur expliquer les choses, leur faire comprendre qu’ils n’ont pas toujours raison. Le foot c’est un sport collectif, tu te dois de respecter les copains et la vie du groupe.
Roger l’a bien compris et il a grandement contribué à nos succès. Jean Castaneda aussi a joué un rôle important dans ce groupe, qui a pu compter également sur l’expérience de Didier Gilles. Il y avait un bon amalgame entre ces joueurs expérimentés et les jeunes joueurs formés au club. Tous les joueurs ont su créer et entretenir une belle dynamique. Ce n’est pas le fruit du hasard si on a connu une longue série d’invincibilité. Ils avaient à cœur de montrer un visage à la fois conquérant et solidaire. J’ai toujours dit aux joueurs qu’il faut se faire plaisir et jouer avec joie. Le football, ça doit être avant tout la joie de jouer. Aborder les rencontres avec enthousiasme, sérénité et une extrême détermination, ça permet d’obtenir les meilleurs résultats possibles. On ne peut pas gagner tous les matches mais montre qu’on est capable de se battre jusqu’au bout pour gagner. J’avais un groupe doté d’une très bonne mentalité.
En mettant en avant les notions de joie et de plaisir, tu t’inscris dans le droit fil de Jean Snella.
Il faut dire que Jean Snella était d’origine polonaise. Il était Snellowski, je crois que son père était mineur. Peut-être qu’il a senti quelque chose en moi, il a choisi un Polonais ! (rires)
C’est l’occasion de rappeler que la Pologne a beaucoup apporté au football français en général et à Sainté en particulier. Chez les Verts, j’ai recensé 19 Polonais ou d’origine polonaise, et cette liste n’est sans doute pas exhaustive : Jean Snella (joueur de 1938-1946, entraîneur 1950-1959 puis 1963-1967), Stanislas Bartkowiak (attaquant, 1940-1941), Maryan Mielkarak (attaquant, 1943-1947), Michel Tylinski (défenseur, 1953-1959), Richard Tylinski (défenseur, 1954-1966), Jean Oleksiak (milieu, 1955-1963), Maryan Pazko (gardien, 1957-1962), Léon Glovacki (attaquant, 1959-1960), Roland Mitoraj (défenseur, 1958-1970), Robert Szczepaniak (milieu, 1960-1961), Maryan Wisniewski (attaquant, 1964-1966), Georges Bereta (milieu, 1966-1974), Thierry Oleksiak (milieu, 1979-1986), Janus Kupcewicz (milieu, 1983-1985), Henryk Kasperczak (entraîneur, 1984-1987), Piotr Swierczewski (milieu, 1993-1995), Marcin Kuzba (attaquant, 2001-2002), Damien Perquis (défenseur, 2005-2007), Timothée Kolodziejczak (défenseur, depuis 2018).
C’est bien de le rappeler. Dans ta liste, j’ai entraîné trois joueurs : à Saint-Etienne, Thierry Oleksiak bien sûr mais aussi Janusz Kupcewicz. J’ai aussi entraîné Piotr Swierczewski lors de mon bref passage à Bastia en 1998. J’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal des autres joueurs que tu as cités. Dans la région stéphanoise, je discutais souvent avec des vieux Polonais, des fils de mineurs qui jouaient dans des petites équipes près de Saint-Etienne. Dans un club dont j’ai oublié le nom, il n’y avait que des Polonais et des Italiens. Un jour un des joueurs de cette équipe m’a dit « il n’y avait qu’un étranger qui jouait avec nous. » Je lui ai demandé : « C’était qui ? » Il m’a répondu : « Un Français ! » (rires) Quand j’ai entendu ça, j’ai rigolé avec mon ami Georges Bereta.
A ce propos, as-tu des récentes nouvelles de Georges ? On sait qu’il est très diminué par sa maladie.
Je suis allé le voir il n’y a pas longtemps, bien sûr. C’est terrible cette maladie, ça me touche de voir Georges comme ça d’autant plus que c’est un ami. Je l’apprécie énormément. De temps en temps je vais le voir mais c’est très difficile.
C’est contre Metz que Georges Bereta a marqué son 67e et avant dernier but sous le maillot vert, dix jours avant son pion du mythique Saint-Etienne Split. Les Verts avaient écrasé les Grenats 5-0 à GG. On signerait tous pour une victoire stéphanoise même moins écrasante ce samedi à Saint-Symphorien mais c’est pas gagné. Ça t’inspire quoi de voir tes deux anciens clubs disputer ce dernier de la classico ?
Ça m’attriste, forcément. J’ai entraîné aussi Strasbourg, le Matra Racing, Montpellier, Lille et Bastia mais mes deux premiers clubs français m’ont le plus marqué. C’est là où j’y suis resté le plus longtemps et ça me peine de les voir dans une aussi fâcheuse posture. Le FC Metz et l’ASSE n’ont pas les mêmes moyens que d’autres clubs en France, de là à les voir aux deux dernières places du championnat… C’est difficile, c’est pas normal mais c’est la réalité du terrain. Je tiens quand même à souligner que ces deux clubs comptent toujours une base importante de supporters.
Le public reste fidèle malgré les mauvais résultats. À Saint-Étienne bien sûr, mais aussi à Metz, il y a toujours du monde. Ce sont deux régions où on aime bien le football. Les supporters sont toujours présents. Dans beaucoup d’autres clubs, les supporters disparaissent quand les résultats ne sont pas là. Mais dans des clubs comme Lens, Saint-Étienne et Metz, les supporters ne lâchent pas. Ils suivent leur club quand il y a de l’euphorie mais aussi quand ça va très mal, comme c’est le cas actuellement à Metz et à Saint-Etienne. Là-bas, les supporters sont un peu exceptionnels.
Regardes-tu les matches Verts et des Grenats ?
Je regarde davantage ceux de l'ASSE. Je suis les Verts régulièrement. Il faut dire que je vis à Saint-Etienne, on a un appartement ici. Avec ma femme, mes enfants et mes petits-enfants, on se plaît dans la région. On est souvent aussi au Chambon-sur-Lignon, dans une ferme que j'avais achetée quand j'étais entraîneur et qu'on a retapée. Je trouve que cette équipe stéphanoise manque de qualités. Elle a un vrai problème d’efficacité offensive. Elle ne marque qu’un but par match, c’est la plus mauvaise attaque actuellement ex aequo avec Troyes. L’ASSE fait avec ses moyens et ses joueurs moyens.
L’équipe n’arrive pas à faire la différence, à mettre plus de buts que l’adversaire. Quand tu encaisses deux buts par match et que tu concèdes quasiment tout le temps l’ouverture du score, c’est compliqué de gagner un match ! C’est malheureux car parfois les Verts ont perdu des matches qu’ils ne méritaient pas de perdre. En football il faut marquer des buts mais ce n’est pas le cas pour nous. Wahbi Khazri n’est pas un véritable avant-centre, Romain Hamouma non plus cette saison. On n’a pas de joueur dans l’axe pour marquer des buts, c’est problématique ! Hélas avec les moyens financiers actuels de l’ASSE, c’est difficile d’acheter un gars qui marque des buts.
Wahbi Khazri, que tu as entraîné deux ans en équipe de Tunisie (de 2015 à 2017) a quand même claqué 6 pions cette saison et pointe actuellement à la 3e place au classement des buteurs de la L1.
Wahbi est un garçon de caractère, un gagneur dans l’esprit. Il a des qualités, c’est indéniable. Mais il n’a pas vraiment une place fixe sur le terrain. Une fois il joue sur les côtés, une fois il joue derrière l’attaquant, une fois il joue avant-centre. Il sait marquer des buts et il est efficace, ça c’est clair, son début de saison l’atteste. Mais parfois je m’interroge sur son positionnement, sur la meilleure façon de l’utiliser dans l’équipe. Quand j’ai travaillé avec lui en Tunisie, je pensais que ce serait un super numéro 10. Il sait distribuer, donner de bons ballons. Mais il n’aime pas tellement jouer à ce poste, je ne sais pas pourquoi. J’ai discuté avec lui plusieurs fois avec lui. Je pense qu’il a les prédispositions pour jouer comme un numéro 10.
Wahbi est un joueur qui a du mal physiquement, qui a des difficultés à tenir tout un match et qu’il faut souvent remplacer. On s’en est rendu compte dans tous les clubs où il est passé. Mais ça reste un joueur qui a des qualités et c’est un joueur important à Saint-Etienne, surtout dans le contexte actuel. Il faut lui faire confiance car il semble bien décidé à aider le club pour sauver la saison. Il faut compter sur lui car il a l’expérience. Il a 30 ans désormais et il est performant mais il ne va pas sauver le club à lui tout seul. Il faut que tout le monde l’aide car la situation du club est catastrophique. Denis Bouanga me plaît, il est pas mal mais manque parfois de clairvoyance dans ses choix ou dans le dernier geste.
L'ASSE compte actuellement l'avant-dernière défense. Avec toi, en D2, Sainté avait eu la meilleure défense en 1984-1985 et la troisième en 1985-1986. Lors de ta dernière saison verte, l'ASSE avait fini certes à la 15e place au général mais avec la deuxième meilleure défense de D1. Ça t'inquiète de voir les Verts prendre autant de buts par match ?
25 buts concédés en 11 journées, c'est beaucoup trop ! Peut-être que c’est lié aux qualités intrinsèques des joueurs mais je pense que c’est dû aussi au fait qu’ils subissent les conséquences de l’inefficacité offensive. Quand ton équipe n’arrive pas à concrétiser ses temps forts, ça tape dans la tête des joueurs. Même les joueurs très présents dans la récupération du ballon, qui jouent défensivement, ils ont mal quand ils voient qu’on ne réussit pas à convertir les occasions et derrière ils subissent.
J’ai vécu ma carrière footballistique dans la tactique « tout le monde attaque, tout le monde défend ». Il faut que les onze joueurs arrivent à avoir la complémentarité en possession du ballon ou à la perte de balle. On a travaillé beaucoup cela. Pour moi, il est important que tout le monde participe offensivement et défensivement. Parfois un défenseur est obligé quand même de montrer qu’offensivement il apporte quelque chose, que ce soit par une passe transversale, une passe rapide, un enchaînement offensif qui permet aux milieux de terrain d’aller plus loin. Il faut des automatismes et ça se travaille. C’est un jeu collectif, j’étais exigeant par rapport à la récupération du ballon et par rapport au jeu offensif et à la finition.
Claude Puel tient peu ou prou le même discours mais les résultats ne suivent pas. L’entraîneur a une part de responsabilité dans le très mauvais début de saison des Verts ?
Quand on s’en retrouve là, c’est à la fois les joueurs et l’entraîneur qui sont responsables. Quand l’équipe doute, ne marque pas ou moins que l’adversaire, ce n’est jamais facile. C’est important de marquer dans le football. Quand tu marques très peu, que t’arrives juste à arracher des nuls en fin de match comme contre Lyon et Angers, ça ne suffit pas. Quand on a des mauvais résultats sur une période aussi longue, on trouve toujours des fautifs. Et dans le monde du foot, quand il y a quelque chose à changer, c’est l’entraîneur car on ne va pas changer les joueurs.
Pour moi on est tous fautifs quand on perd un match. C’est ce que je disais à mes joueurs quand parfois après une défaite tel joueur pointait la responsabilité de tel autre joueur. J’incitais les joueurs à se parler entre eux pour améliorer la situation. Je les invitais également à m’exprimer leurs suggestions d’amélioration s’ils n’étaient pas d’accord avec moi. Ce qu’il faut à tout prix éviter quand ça va mal, c’est de charger Dupont parce qu’il était mal placé ou Durand parce qu’il a raté une occasion. C’est catastrophique si tu commences à chercher des fautifs après une défaite.
Vois-tu les Verts dans la charrette en fin de saison ou restes-tu optimistes quant aux chances de maintien de l’ASSE ?
Je suis d’un naturel toujours optimiste mais je sais que ce ne sera jamais facile. Quand je parlais avec mes joueurs, je leur demandais de faire des sacrifices, de se surpasser, de ne jamais se satisfaire d’une simple victoire, de se remettre constamment en questions. Une victoire, c’est rien par rapport à une saison. Il faut aborder tous les matches avec la farouche volonté de les gagner. Saint-Etienne est dans une situation catastrophique. Les Verts peuvent espérer s'en sortir mais il faudra faire une série pour sauver la saison.
Lors du dernier match contre Angers, les ultras stéphanois ont laissé éclater leur colère (via des fumis, des banderoles et un communiqué) à l’encontre de l’entraîneur et des présidents, qui brillent par leur absence et tentent de vendre le club. Ciblés également mais dans une moindre mesure par ces supporters, les joueurs vont-ils redresser la barre ?
À tous les niveaux, le club ne va pas bien. Sportivement la situation est vraiment très compromise à défaut d’être désespérée, il y a beaucoup d’incertitudes autour de l’avenir du club que ce soit sur le terrain et au niveau de la gouvernance. Ce n’est pas le moment de se mettre dans une telle situation ! Il faut que tout le monde réagisse. À commencer par les joueurs, qui sont sur le rectangle vert. Les résultats sont entre leurs pieds. Tout repartira de là. S’ils inversent la situation sportivement, ils entraîneront tout le monde dans leur sillage et la situation un peu délétère qu’il y a actuellement va se pacifier. Les supporters expriment leur mécontentement envers Romeyer et Caïazzo mais eux aussi sont mécontents. Personne n’est content quand il n’y a pas de résultats.
Merci à Henryk pour sa disponibilité