Qui sait où va le foot français ? Qui sait où va Sainté ? Qui sait si Amougou jouera vraiment à Chelsea ?


Je me souviens de cet instant de fièvre. Face à Metz, ce jeudi 30 mai, tout en haut de la tribune Pierre Faurand, côté droit, en surplomb de la Sud.

On garde tous en mémoire ces instants-là, on les chérit, on les bichonne, on les brique, on les lustre, et surtout, on s’y réchauffe, on vient y recharger notre passion quand le vent mauvais du foot business, plus sûrement que la médiocrité de nos résultats, s’acharne à l’étioler. Ces minutes miraculeuses dans le Chaudron, où nous comprenons que le destin du club se joue, sont le doudou qui aide à effacer nos gros chagrins. On n’en a pas tous les ans des moments comme ça. Ce sont les meilleurs. Quand cela veut bien sourire, c’est les yeux mouillés pour l’éternité, parce qu’ils sont rares bien entendu, parce qu’ils nous transportent durant quelques minutes dans cet état second qui justifie tout : le plomb lourd et éphémère des déprimes les soirs de défaite, l’abattement et la honte parfois durables face au déclassement de notre club.

Cardo, comme Compan 20 ans avant (20 ans déjà !), s’élève dans le ciel de Geoffroy et embrase instantanément tout le stade. L’ivresse gagne tous ceux qui, comme moi, ressentent alors profondément que ce qui n’était encore qu’un fantasme pourrait bien se réaliser. L’absolu désespoir ressenti après l’égalisation de Rodez, cette malédiction éternelle, tout s’efface d’un coup. A mes côtés, sur ma gauche, manifestement sans place attitrée car assis sur les marches, j’avais reconnu depuis quelques minutes des joueurs du centre de formation. Impossible de les rater vu leur âge et leur survêtement aux couleurs du club. Parmi eux, Mathis Amougou. Sur ce but, j’avais adoré les voir, tous, se mêler eux aussi à la liesse, être, quelques minutes au moins, gagnés par la folie qui s’empare joyeusement des tribunes. De simples supporters du club, en somme.

Au coup de sifflet final, dans l’euphorie du match accompli, j’ai le temps de glisser à Mathis en pointant du doigt le terrain : « on vous y attend l’an prochain hein, pour faire briller ces couleurs ! ». Pour réponse je n’aurai droit qu’à un sourire que je mis sur le compte de la timidité.

A peine une saison plus tard, mon souhait a presque été exaucé, Mathis a foulé les pelouses de Ligue 1 en Vert. Furtivement, brièvement. Avec un talent manifeste d’abord, une hyperactivité doublée d’un joli sang froid pour extirper le ballon des zones dangereuses. Et puis assez vite, des courses dans le vide, très peu d’interceptions, une activité vaine en fait, et la sensation que tout est allé trop vite. Passage sur le banc justifié, et salvateur sans doute, pour revenir dans l’équipe quand le niveau de celle-ci sera plus propice à l’épanouissement d’un gamin à peine majeur.

Avais-je vraiment rêvé qu’Amougou brillerait sous nos couleurs ? Illusionné par les milliards canadiens, et par les prolongations de Moueffek et Nadé, autres talents sortis du centre, oui, sans doute un peu. Quand on a le romantisme facile, on ne résiste pas aux rêves. Mais les parcours sont différents : là où Aïmen et Mickaz ont dû lutter contre les pépins physiques ou les réserves des observateurs, Amougou est une cible depuis longtemps sans doute. Sa finale des championnats du monde U17 en 2023, la qualité de son tournoi l’ont inscrit depuis deux ans sur les tablettes des plus fortunés.

Alors les milliards d’un Canadien raisonnable ne pèsent rien, en tout cas pas plus que les petits millions d’un entrepreneur altiligérien dépassé. Alors le business gerbant du foot fait sa petite affaire. Les vautours tournent autour de l’enfant chantait Téléphone. Déjà trop cher, trop grand pour nous, Amougou file à l’Anglaise.

Avant de nous quitter à l’été 2020, Saliba avait été titularisé 28 fois en championnat. Fofana, 20 fois quand il nous quitte en septembre 2021. Gourna moins d’un an plus tard nous quitte après 33 titularisations. Le premier nous avait amené en finale de Coupe, le second avait gagné au Vélodrome. Le troisième, hélas, a éclos dans la pire des périodes récentes vécues par le club, et son départ au moment de la relégation n’était pas une hérésie sportive.

Pour Amougou le compteur s’arrête à 9 titularisations. Rien ne justifie son départ. Ni son niveau actuel, ni le sentiment d’avoir fait le tour de la question, ni le besoin vital de renflouer les caisses du club. L’histoire dira peut-être si partir maintenant était sa volonté. Mais on peut déjà affirmer qu’il ne nous a rien apporté et qu’il ne laissera aucune trace au club, si ce n’est celle de 3 ou 4 virements venus de Londres.

Il y a quelques semaines, j’ai revisionné le résumé du match retour des barrages. Effet doudou, frissons et larmes garantis. Merci Léo, merci Dennis, merci Ibra. Amougou était au club, c’était il y a 7 mois. Ce résumé j’ai dû le voir 3 fois au moins. Aucune image d’Amougou n'a imprimé ma rétine. Au club, mais pas là. Aujourd’hui Amougou n’est plus là.

Il est passé sans s’arrêter. Il nous quitte sans un mot, sans un regard, impossible de moins marquer les esprits que ça. Quelqu’un connaît-il le son de sa voix ?

On n’a pas eu le temps de s’amouracher, on n’aura jamais de madeleine à déguster. Je ne lui en veux même pas car pour cela, il eut fallu que je m’attache. Mais qui s’attache à un courant d’air ?

Indifférent, je l’oublie déjà.

 

Je me concentre sur Mickaz, Louis, Irvin et les autres. Ceux qui (Ma)tissent un lien. Méritent notre soutien et notre amour de sup.

Focalisé sur les vrais Verts. Sans aucun (Amou)goût amer en bouche.