Entraîneur de Jura Sud, Valentin Guichard s'est confié à Poteaux Carrés avant de défier les Verts en 16e de finale de Coupe de France ce dimanche à 18h30 à Louhans.


Tu as déclaré avant le tirage des 16e de finale de Coupe de France : « J’ai envie de tomber contre une Ligue 1. Peut-être pas Saint-Étienne, nous avons pas mal de personnes du staff et aussi dans l’équipe qui sont pour les Verts donc j’aurais peur qu’il y ait un peu d’arrangements avec l’équipe adverse (rires). » Peux-tu balancer les noms de ceux qui vont nous arranger le match ?

(Rires) J’ai deux membres proches du staff technique qui supportent les Verts. Un de nos deux préparateurs athlétiques, Paul Grappe, est un fervent supporter de l’ASSE. Il va voir jouer Sainté une petite dizaine de fois dans la saison. C’est un mordu des Verts, il va derrière les buts, dans le kop nord. Il connaît vos chants, il connaît tous vos joueurs. Je serai donc très vigilant pour qu’il ne crame pas nos joueurs avant de vous affronter, je serai très attentif ! (rires) Notre entraîneur des gardiens Baptiste Misandeau est lui aussi un grand fan de Sainté. En règle générale ils vont tous les deux voir les matches de l’ASSE. Ils ont 24 ou 25 ans. Comme tu t’en doutes, c’est toute leur famille qui est pour Saint-Étienne. Leurs parents ont dû les emmener à Geoffroy-Guichard assez tôt.

On a des joueurs qui aiment plutôt Saint-Étienne même si ce ne sont pas de fervents supporters. Je pense à Sasha Bogovic, qui est actuellement en reprise et ne sera sans doute pas dans le groupe. On a aussi un de nos dirigeants, Philippe Dutoit, qui officie depuis 13 ou 14 ans sur la N2 chez nous. C’est l’un de nos deux intendants. Lui, c’est un fervent supporter qui a connu la grande époque de Saint-Étienne, il doit être à quatre ou cinq ans de la retraite. Pour te dire, sur le banc, comme dans le Jura il fait souvent très froid, il met des gants de l’ASSE. Il a aussi la montre de l’ASSE. Tout ça, ce sera banni ce dimanche (rires)

Ton défenseur Emmanuel Kasong Yav et ton milieu de terrain Damien Andrey ont été formés à l’OL, ton attaquant Abdelkrim Khaled est né à Lyon et il est passé par La Duchère et Vaulx-en-Velin. Les sens-tu particulièrement motivés avant d’affronter les Verts ?

Je pense que comme tu t’en doutes ils sont tous très motivés à l’idée d’affronter l’ASSE. On en a rigolé hier avec Manu et Damien qui ont fait toute leur formation à l’Olympique Lyonnais. Ils savent que le derby est quelque chose d’important quand est joueur de l’OL ou de l’ASSE. Je pense que ça leur rappelle de bons souvenirs. Mais en fait je pense qu’ils auront le même niveau de détermination que tout le reste de l’équipe. Dimanche ce n’est pas un derby, c’est une belle affiche de Coupe de France qui va nous permettre d’affronter un club de Ligue 1. Saint-Etienne, c’est mythique, c’est historique, c’est un club qui bénéficie encore du soutien de bon nombre de supporters répartis dans toute la France. Tous les joueurs sont évidemment motivés à l’idée de jouer les Verts.

Tu sens que ce match suscite un engouement qui tranche avec un banal match de N2 ?

Bien sûr. On le sent chez les joueurs mais aussi dans le club. Ça demande pour un club comme le nôtre une organisation spéciale. La Coupe de France est une compétition magique, elle est un peu dans les gènes du club. Elle tient çà cœur à nos présidents et à nos supporters. On sent déjà une effervescence pour n’importe quel match de Coupe de France. Alors t’imagines quand en plus tu reçois Sainté en 16e de finale… Au tout début de l’aventure, j’ai dit à mes joueurs : « La Coupe de France, ça reste votre compétition. » Finalement, on n’a pas vraiment d’objectif de la part de nos dirigeants en Coupe de France. J’ai dit à mes gars : « Le football, ça reste des émotions. Vu que vous êtes un groupe travailleur et investi, si on doit sortir de cette compétition, j’aimerais que ce soit par un club pro. »

Le tirage fait qu’on tombe sur un club mythique de Ligue 1. Ce n’est pas pour autant qu’on va venir en victime expiatoire ce dimanche, en se disant qu’on a réussi notre objectif et qu’on ne va pas se battre pour la qualif’. Au contraire ! Plus les tours passaient, plus les garçons se disaient qu’ils avaient une chance de tirer un gros. En championnat, on a pris parfois des claques car j’ai senti que les joueurs avaient naturellement un peu plus la tête à la Coupe de France. C’est humain, tu rêves de te frotter à une équipe professionnelle. On va dire que notre beau parcours en coupe nous a fait malheureusement un peu défaut en championnat. Mais je ne peux pas jeter la pierre aux joueurs, c’est un peu compréhensible.

Peux-tu nous résumer quel a été votre parcours avant de défier Sainté ?

On a attaqué par un match contre le Racing Besançon, qui a remporté tous ses matches cette saison en National 3. On a gagné 5-2 chez eux alors qu’on n’était pas au mieux en N2. On a su réaliser une prestation très solide, très complète et surtout très productive. Ensuite on a joué une R1, Audincourt, à côté de Sochaux. On perdait 1-0 à la pause mais on a gagné 5-1. Après on a affronté une N3, Grandvillars, on a gagné 1-0 chez nous. Ensuite on a remporté un derby jurassien contre Lons-le-Saunier, une équipe de R1 qu’on a battue 4-2 chez elle. On a enchaîné par une victoire contre Bourg-Péronnas, une équipe qui joue les premiers rôles en N1. On a gagné 3-2 chez eux. Et il y a dix jours, on a battu chez nous Saint-Denis, une équipe de R1 basée à La Réunion.

Après Saint-Denis, Saint-Étienne ! Sainté, ça représente quoi pour le jeune trentenaire que tu es ?

Moi à la base je suis originaire de Haute-Savoie, d’un père supporter de l’AJ Auxerre et d’une mère originaire du Nord qui était pour Lens quand elle était jeune car sa famille supportait les Sang et Or. Quand j’habitais avec mes parents, je me souviens que ma mère supportait aussi Saint-Étienne car il y a beaucoup de points communs entre Lens et Sainté, deux clubs populaires qui ont des supporters de folie, avec une ambiance assez particulière. J’ai eu l’occasion de voir quelques matches à Geoffroy-Guichard. La première fois, je devais avoir dix ans, c’était l’époque des attaquant brésiliens Alex et Aloisio. J’avais été impressionné par l’ambiance et surpris par le fait que les tribunes soient très raides. Mais je dois reconnaître qu’à mon adolescence j’ai davantage grandi avec l’Olympique Lyonnais, qui était la meilleure équipe de France à l’époque. En tout cas l’ASSE ça reste pour moi un club mythique, avec une fan base exceptionnelle. Les Verts ont des supporters qui font partie pour moi du top 3 français. Il y a beaucoup de ferveur et d’amour autour de ce club.

Tu as donc un point commun avec ton homologue stéphanois : la Haute-Savoie.

Effectivement, j’ai vécu là-bas jusqu’à l’âge de 14 ans, c’est à ce moment que j’ai rejoint Jura-Sud. J’ai joué en 14 ans fédéraux, puis au niveau national en U17, etc. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’affronter l’ASSE à cette époque-là. Mais avant de m’installer dans le Jura, j’ai en effet vécu en Haute-Savoie car je suis originaire du plateau de la Semine, à la frontière avec l’Ain. Pour te situer, c’est à une petite demi-heure d’Annecy.

T’aurais pu jouer sous les ordres de Pascal Dupraz ?

Pascal Dupraz a longtemps officié à Evian-Thonon, qui s’appelait Croix de Savoie à l’époque. Quand j’ai signé à Jura Sud, j’avais l’opportunité d’aller faire des essais à Croix-de-Savoie mais mon père a bien aimé le cadre et la rigueur jurassiens donc il m’a plutôt orienté dans le Jura. Peut-être que si j’avais passé cet essai à Croix-de-Savoie, je serai devenu plus tard un joueur de Pascal Dupraz. Va savoir !

Quel regard portes-tu sur sa carrière et sa nomination au poste de pompier de service à Sainté ?

C’est vrai que cette image de pompier de service lui colle un peu à la peau, et lui-même assume ce rôle-là, il le dit assez régulièrement. Moi je retrouve en lui le gros caractère des Hauts-Savoyards. C’est un entraîneur qui se caractérise par son franc-parler. Je reste assez admiratif de son parcours dans le sens où il n’a pas fait une grande carrière de joueur professionnel mais il a réussi à faire carrière comme entraineur pro. Bien sûr, il a un vécu de joueur pro respectable, que je n’ai pas personnellement. Mais il n’est pas de ceux dont le nom ronflant a permis d’ouvrir des portes en tant qu’entraîneur. Il a démarré au poste d’entraîneur à Croix-de-Savoie, qui n’était pas un club professionnel. Il a su bien mener sa barque pour réaliser son rêve et son objectif, entraîner dans l’élite. S’il entraîne aujourd’hui un club comme Saint-Étienne, c’est qu’il a des qualités et surtout qu’il a beaucoup travaillé pour en arriver là.

À Sainté on connaît bien Geoffroy Guichard mais on ne connaît pas Valentin Guichard. Qui es-tu ?

J’ai 31 ans et ça fait 17 ans que je suis à Jura Sud. Comme tout gamin passionné de foot, je rêvais de devenir joueur professionnel. J’ai eu l’opportunité de faire des essais à l’AJA mais je jouais dans un club tellement bas qu’ils n’ont pas pris le risque de me prendre en centre de formation. Mais ils m’ont aiguillé vers un club jouant au plus haut niveau régional jeunes. J’avais l’opportunité d’aller à Croix-de-Savoie ou à Jura Sud, le destin a fait que j’ai rejoint Jura-Sud. J’ai fait toute ma formation ici. Je n’ai jamais réussi à partir du club. J’avais des contacts avec des clubs pros, j’ai fait pas mal d’essais mais le jour J je n’ai jamais réussi. Avec un peu de recul, je pense qu’il me manquait ce supplément de détermination qui fait la différence entre plusieurs gamins. Je me suis retrouvé assez rapidement en équipe fanion, en CFA/N2. Après j’ai enchaîné pas mal de blessures qui ont freiné ma progression.

À l’âge de 21 ans, je me suis blessé lors d’un match de N2 contre Lyon la Duchère. Je me souviens très bien que j’étais encore en train de faire des études de commerce. Lors de ma convalescence, Vincent Poupon, qui était chez nous à l’époque et est désormais le directeur sportif et administratif de Bourg-Péronnas, m’avait suggéré de prendre un apprentissage et de commencer à passer mes diplômes pour être éducateur, animateur et potentiellement pourquoi pas être coach plus tard. Moi ça m’a botté, je suis parti là-dedans. De 21 ans jusqu’à l’année dernière, j’ai mené de front ma carrière N2 tout en étant un éducateur qui passait des diplômes. Je n’avais pas l’ambition de jouer plus haut qu’en N2 ou d’aller dans d’autres clubs.

Mon projet, c’était d’être un jour à la place que j’occupe actuellement, c’est-à-dire entraîner en N2 l’équipe fanion de mon club de cœur, Jura Sud. Je ne pensais pas que l’opportunité allait survenir aussi tôt mais elle s’est présentée à moi cet été. C’est avec plaisir que j’ai décidé de relever ce challenge, de raccrocher les crampons. C’est une nouvelle vie de sportif car on reste dans le domaine du sport. C’est un autre métier, une autre approche du football. Je suis très heureux, très content d’avoir amorcé ce virage, très reconnaissant aussi envers les présidents. Ils m’ont fait confiance tout en sachant que je n’avais pas une expérience monstrueuse. J’ai l’avantage de bien connaître l’environnement du club et d’avoir passé 11 années dans le groupe N2. Je connais assez bien les rouages de ce club et ce championnat.

Tu es probablement l’entraîneur le plus jeune de N2.

Écoute, je me demande si je le suis encore car un des collègues qui étaient avec moi en formation d'entraîneur la saison dernière vient d’être intronisé à Lyon La Duchère la semaine dernière et il a lui aussi 31 ans, c’est Jordan Gonzalez [ce dernier est né le 31 mai 1990, Valentin Guichard le 2 juillet, ndp2]. Il a pris la suite de Nicolas Le Bellec suite à l’élimination de Lyon la Duchère par Saint-Étienne. Je suis content pour Jordan. Je ne vais pas m’avancer là-dessus et dire que je suis un pionnier mais peut-être que ma promotion à Jura-Sud a ouvert la voie à Jordan. Quand on connaît bien un club, que ça fait un bon bout de temps qu’on y est et qu’on est surtout très travailleur, ça ne rattrape jamais l’expérience mais au bout d’un moment je pense que ça porte quand même ses fruits.

Sainté a perdu 5 de ses 6 derniers matchs et n’a battu que Lyon la Duchère, dont l’entraîneur s’est fait virer dans la foulée, tu viens de le rappeler. Si Sainté réussit l’exploit d’éliminer ton équipe ce dimanche, t’as peur de gicler ?

Écoute, je vais te répondre de manière politique (rires). Si les présidents décident de prendre cette décision, si c’est pour le bien du club, je l’accepterai avec grand plaisir. Plus sérieusement, la Coupe est quand même quelque chose d’incroyable. Tout à l’heure quelqu’un m’a félicité pour ma première saison d’entraîneur. Je lui ai répondu : « Tu me féliciteras quand on se sera maintenu et qu’on aura fait a minima – je dis bien un minima - un 16e de finale. Dans ce cas-là on pourra dire qu’on aura fait avec mon staff une bonne saison. » Mais je ne pense pas que ce soit le genre de la maison de virer les entraîneurs. Quand je vois que mon prédécesseur a fait 9 années consécutives… Bon, après, je ne sais pas si je ferai 9 ans mais j’espère quand même que mon match contre Sainté ne sera pas le dernier à Jura Sud !

On l’espère pour toi, sachant que le match d’après sera le plus important pour Jura Sud. Pour vous éloigner de la zone rouge, il vous faudra battre la lanterne rouge Saint-Priest, ancien club partenaire de l’ASSE qui a quitté les Verts pour s’acoquiner derechef avec les vilains. Mais revenons à tes fonctions d’entraîneur. T’as senti très jeune que t’avais la fibre ou l’incitation de Vincent Poupon a été comme une révélation ?

Je ne sais pas pourquoi il m’a proposé ça. Ce que je sais, c’est que le club de Jura-Sud essaye vraiment depuis des années de créer une vraie identité club, notamment en ce qui concerne les jeunes. L’idée est de créer un plan de formation pour amener de jeunes jura-sudistes aux portes de la N2. On essaye de jouer avec le maximum de joueurs formés au club. Les présidents font aussi confiance aux jeunes éducateurs, par le biais de l’apprentissage par exemple. Ils veulent vraiment instaurer une certaine ligne conductrice jurassienne.

Moi, je ne sais pas si j’étais fait pour entraîner. Quand j’étais joueur, on ne va pas se mentir, je n’avais pas de très grandes qualités. Mais je pense que j’avais une réflexion sur le jeu, une remise en question, toujours dans l’optique d’améliorer les choses. Même quand on gagnait, je me disais « là-dessus on aurait dû mieux faire. » Je voulais comprendre le pourquoi du comment. Je pense qu’inconsciemment j’ai développé tout au long de ces années cet œil, cette recherche du détail qui fait la différence. Depuis que je suis tout petit, j’ai toujours voulu travailler dans un club où il y a de l’humain. Je ne me voyais pas derrière un bureau à rentrer des chiffres. Je ne fais injure à aucun boulot si tu veux mais pour moi le football, le métier que je voulais faire, c’était basé sur l’humain, les échanges, dans le but de grandir et de faire grandir, d’avancer ensemble. L’échange, les émotions, c’est ce qui me tient à cœur.

Quel type d’entraîneur es-tu ?

J’adopte un management assez proche de mes joueurs. Naturellement ça se fait car il y a des joueurs qui sont un peu plus âgés que moi, il s’agit de mes deux gardiens. Plusieurs joueurs étaient encore mes coéquipiers la saison dernière. J’essaye de m’adapter aux nouvelles générations. Je pense que le management trop directif ne marche plus avec les jeunes de maintenant. Parfois il faut l’être mais les nouvelles générations veulent toujours savoir le pourquoi du comment. Il faut à la fois être proche et parfois être cru et leur dire les choses, c’est ce qui marche avec les jeunes, les nouvelles mentalités.

Je suis quelqu’un qui met un cadre mais qui laisse aussi pas mal de liberté. Je joue vraiment sur l’humain. Pour moi, si t’as un très bon coach sur le terrain mais qu’à côté de ça t’as aucun relationnel et que ton joueur est crispé quand il t’adresse la parole ou vice versa, il ne va jamais être épanoui ; il ne va jamais être libéré et avoir confiance. La dimension humaine est prépondérante à mes yeux. Je pense avoir quelques qualités au niveau du management, j’ai un ressenti, j’essaye d’individualiser au maximum mes relations avec les joueurs tout en fixant un cadre collectif assez rigoureux et carré.

As-tu des modèles, des sources d’inspiration, des principes de jeu ?

Sur le terrain, je ne m’identifie pas spécialement à un coach. Mon adjoint, Samy Saci, qui est en formation au niveau des spécifiques attaquants et défenseurs que la FFF a lancés, est un fan invétéré des coaches actuels à la Pep Guardiola. Très souvent il me fait la blague en me disant : « Toi, t’es un peu un Ancelotti », dans le sens où ce coach reste de premier abord assez tempéré dans ses émotions. Ancelotti n’est pas très démonstratif, il s’énerve rarement.

Dans les principes de jeu, je suis quelqu’un d’assez terre à terre. On va jouer de telle ou telle manière en fonction des caractéristiques de mon équipe. J’ai quand même des principes qui me tiennent à cœur mais je ne suis pas borné. Je ne vais pas dire : « Ce joueur-là, je vais le formater pour qu’il rentre dans mon projet de jeu. » A nos niveaux, on ne peut malheureusement tout le temps tous les joueurs que l’on veut. Je reste donc assez pragmatique même si dans l’idéal j’aime avoir le ballon, j’aime mettre en difficulté l’équipe adverse avec du jeu combiné, du jeu au sol.

Peux-tu nous révéler en exclusivité mondiale quel sera ton plan de jeu contre Sainté ?

Écoute, pour préparer ce match, j’ai regardé surtout ce que les Verts ont fait contre Lyon la Duchère et j’ai aussi vu le match contre Nantes. Je reste quand même lucide, je sais que les matches de L1 et les matches de Coupe de France, ce n’est pas la même chose. Tu l’auras compris, je ne pourrais malheureusement pas te dévoiler dans le détail mon plan de jeu contre Sainté ! (rires) Mais une chose est sure, si eux nous ont étudiés, on ne pas tout chambouler.

Je l’ai dit à mes garçons en début d’année. J’ai établi un projet de jeu qui pour moi correspond à nos qualités. Je ne sais pas si tu seras au match ou si tu le verras mais on n’a pas énormément de grands gabarits. Notre truc c’est pas de se dire : « On va défendre, on va mettre des grandes cartouches devant et advienne que pourra. » On essaye de jouer sur nos qualités, on s’efforce de le faire depuis le début de la saison. On se rend compte que lorsqu’on affronte en N2 des équipes de haut de tableau qui ouvrent le jeu et produisent un football plus alléchant à voir, c’est là qu’on arrive à être le plus performant car on est dans cette philosophie.

À l’inverse, on est un peu plus en difficulté contre des équipes qui sont surtout dans le duel, avec un jeu assez fermé, et qui misent sur un ou deux exploits individuels pour faire la différence. Contre Saint-Etienne, on part dans l’idée qu’on ne va pas renier qui on est. On va jouer de la manière qu’on sait faire et on verra bien ce qui se passe. On a identifié quelques failles chez les Verts, quelques points forts aussi. On s’y prépare et j’espère que dimanche on arrivera à mettre en place ce que l’on souhaite faire.

T’as réussi à trouver des points forts chez les Verts ?

Oui, quand même ! Bien sûr ! Sur le dernier match, j’ai beaucoup aimé les individualités, que ce soit Wahbi Khazri, Ryad Boudebouz, Adil Aouchiche et Arnaud Nordin sur le côté à droite. Il y a quand même de la qualité dans cette équipe de Sainté. Je pense qu’en Ligue 1 il y a quand même des équipes qui ont un peu moins d’individualités que les Verts, c’est pour ça que j’ai quand même bon espoir pour un maintien.

Cette équipe de Saint-Etienne arrive à très vite se projeter vers l’avant. Elle aime beaucoup les espaces et la transition. Quand elle récupère le ballon, elle se projette vite. Je trouve que c’est leur principale qualité en plus des individualités. On sait que c’est toujours précieux d’avoir des individualités car parfois elles permettent de te sortir de situations compliquées. Je pense notamment à Wahbi Khazri, meilleur buteur des Verts cette saison et très précieux dans le jeu, c’est lui d’ailleurs qui est à l’origine du but victorieux d’Arnaud Nordin contre Lyon la Duchère.

Après, je ne sais pas si Khazri sera là dimanche. Il est sélectionné pour la CAN comme quatre autres joueurs stéphanois mais je crois que les clubs sont en droit de garder leurs joueurs jusqu’au 3 janvier. C’est sûr que Sainté avec ou sans ses Africains, ce n’est pas la même équipe ! Nous on s’est préparé à tout. On sait que l’ASSE sera en mesure d’aligner quoi qu’il en soit une équipe très compétitive car ça reste une équipe de l’élite. Bien sûr, si cette équipe est dernière de L1 à la trêve avec 12 points, c’est qu’elle a quelques faiblesses, ce n’est pas que le fruit d’un manque de réussite.

Quand t’es Saint-Etienne et que tu te retrouves relégable, c’est qu’il y a une perte de confiance, surtout défensivement. Moi j’ai déjà joué dans cette situation, dans la zone rouge, tu ne joues pas de la même manière, tu ne défends pas de la même manière. T’as parfois peur de faire l’erreur qui va coûter la victoire. On sent malgré tout que sur certains moments du match il y a de la crispation. On aura des coups à jouer, des opportunités à saisir. Après ce sera à nous de hausser notre curseur, il y a trois divisions d’écart. Dans les moments forts, il faudra vraiment qu’on soit des tueurs pour essayer de mettre à mal cette équipe de Saint-Etienne.

À défaut de nous dévoiler ton plan de jeu précis, peux-tu nous présenter les caractéristiques de ton équipe ?

Mon équipe est jeune, sa moyenne d’âge est de 23 ans depuis le début de la saison. Tu sais, c’est rare de jouer aussi jeune en N2 hors équipe réserve de clubs professionnels bien sûr. Dans le groupe on a un ou deux trentenaires, ce sont nos deux gardiens Cédric Mensah et Anthony Bal, qui a fêté ses 30 ans cette année. On a un ou deux garçons de 28 ans, beaucoup de joueurs de 22 ou 23 ans. Tous mes jeunes joueurs, je les appelle « les revanchards » dans le sens où comme tu t’en doutes il y en a pas mal qui sont passés par un centre de formation mais n’ont pas été conservés.

Tu as évoqué au début de notre entretien les deux joueurs passés par l’OL, Emmanuel Kasong Yav et Damien Andrey. Il y a également notre meilleur passeur Ludovic Faucher, un milieu de terrain de 23 ans formé au FC Nantes. Lui aussi né en 1998, Housseine Zakouani a été formé à l’OM. Du même âge, notre défenseur El Oihab Abdou est passé par le centre de formation du DFCO. Notre attaquant Claudy M’Buyi, qui a 22 ans, a été formé au Stade Lavallois. On a aussi des joueurs qui sont passés par des académies en Afrique.

Tu comptes également dans ton effectif un milieu de terrain qui évoluait les deux saisons précédentes dans un club que l’on connaît bien car cafi d’anciens Verts : Andrézieux.

Exact, c’est Jordan Gaubey. Un de nos cadres car il est âgé de 28 ans. Il a été formé à Bourg-Péronnas, il a d’ailleurs joué plusieurs saisons en National 1 dans ce club. Jordan avait déjà joué chez nous de 2017 à 2019 et ensuite effectivement il a défendu les couleurs d’Andrézieux mais je l’ai fait revenir cet été. Je dis que j’ai une équipe de revanchards car il y en a pour certains qui ont loupé des carrières parce qu’ils étaient trop petits. C’est un peu ce qu’on m’a dit en ayant un peu de personnes qui sont dans les clubs pros car j’aime bien sonder les gens de mon réseau quand je recrute.

J’ai une équipe avec pas mal de jeunes déterminés, qui restent ambitieux. Ils sont jeunes, ils ne sont pas cramés pour le football, ils peuvent toujours espérer jouer plus haut. On est plutôt des jeunes dynamiques. On n’est pas très grand en taille mais par contre on est capable de courir assez longtemps et on est en mesure de mettre pas mal d’intensité dans les transmissions, quand on a le ballon ou lorsqu’on ne l’a pas. On essaie de jouer au maximum au sol. A la base on n’est pas là pour attendre et contrer, même s’il nous arrive de le faire comme lors de notre dernier match de Coupe contre Saint-Denis. On a réussi à vite se projeter et à marquer alors qu’on était quand même en très grande difficulté en première mi-temps.

Vous avez choisi de jouer à Louhans car Sainté n’a jamais gagné là-bas et a perdu le seul match de Coupe qu’il y a disputé ?

Pour être honnête avec toi, je n’ai pas trop eu mon mot à dire là-dessus. C’est plus une décision présidentielle, politique. Notre stade, à Moirans, a une capacité assez minime. Comme tu t’en doutes, avec la venue de Saint-Étienne c’était déjà niet dès le début. Ensuite les dirigeants ont souhaité jouer à Lons-le-Saunier histoire de rester dans le Jura. Cela ne m’enchantait pas car sans faire injure à ce club leurs installations sont un petit peu « dans le jus ». Les dirigeants ont après plaidé pour que le match ait lieu à Louhans, situé certes en Saône-et-Loire mais dans la grande région Bourgogne Franche-Comté.

Un temps avait été dit qu’on allait jouer à Bourg-en-Bresse, dans l’Ain donc dans la grande région Auvergne-Rhône-Alpes. Ça aurait sans doute été mieux pour le public, sachant en plus de ça qu’on a de bons souvenirs là-bas car on s’y est imposé lors du 8e tour il y a un mois. Ça aurait été un atout de plus en notre possession. Au final on va donc jouer au Parc de Bram, à Louhans. Tu me dis que ce stade n’a jamais réussi aux Verts mais si ça peut te rassurer, à chaque fois que je suis allé là-bas, je n’ai pas gagné non plus. En même temps, il faut un début à tout ! (rires) Pour nos supporters, ça fait un peu de route, c’est à plus d’une heure des installations de Jura Sud mais la venue de Saint-Etienne, ça va forcément attirer du monde, je pense qu’il y aura du monde au stade !

En cette période de mercato hivernal, quel joueur prendrais-tu à Sainté pour renforcer ton équipe ?

Bonne question ! J’aurais dit Ryad Boudebouz mais c’est un joueur particulier. Dans mon cursus, j’ai failli signer à Sochaux quand j’étais jeune et Boudebouz a le même âge que moi, il est de la génération 1990. Je ne pense pas qu’il me reconnaîtra mais ça reste quand même un joueur de qualité. Un gaucher, c’est toujours un joueur élégant. Je prendrais bien Wahbi Khazri, c’est quand même un très grand joueur, on ne va pas se mentir. Mais je dirais Zaydou Youssouf, c’est pour moi vraiment un bon joueur. Allez, va pour Youssouf !

Si t’étais recruteur stéphanois, quel joueur de Jura-Sud signalerais-tu aux Verts ?

Houlà, tu veux me mettre en porte à faux avec tous mes joueurs, c’est ça ? C'est honteux cette tentative de déstabilisation ! (rires) Écoute, je te fais un prix pour le préparateur athlétique Paul Grappe et l’entraîneur des gardiens Baptiste Misandeau. Je vous envoie les deux !

Comme ce sont des fans des Verts ils seront les bienvenus mais le club recherche d’autres profils actuellement. Comme Sainté envisagerait de recruter un gardien expérimenté, je pensais à Cédric Mensah qui a 32 ans.

Cédric, c’est le doyen de mon équipe. C’est un ancien international togolais qui a connu plusieurs clubs pros. Tu connais son parcours : il a été formé par les Girondins de Bordeaux, il est passé par le LOSC, a connu l’OM de l’ère Deschamps. Il a fait deux montées avec Le Mans, il a joué à Laval… C’est LE professionnel de mon équipe. Quand je dis professionnel, c’est sur le terrain, en dehors, dans la préparation invisible. C’est vraiment un leader. Chaque jour, c’est un jour de travail.

Cédric, ce n’est pas l’ancien international qui est là juste pour jouer les matches. Il s’implique au quotidien, il a vraiment un très bel état d’esprit. Il a eu des mots assez élogieux sur Jura Sud, il a dit qu’il avait retrouvé dans le mode de fonctionnement pas mal d’éléments qu’il avait connus dans les clubs pros où il était passé. Indépendamment de ça, c’est un pro qui est toujours là pour recadrer, pour donner des petits conseils afin d’aider ses jeunes coéquipiers, les accompagner.

Avant-dernière attaque de Ligue 1 avec 17 petits buts marqués en 19 journées, l’ASSE pourrait s’intéresser à ton petit attaquant brésilien Tiago. Que peux-tu nous dire de lui ?

Tiago c’est le talent, c’est un peu le joueur made in Brésil. Ce n’est pas un joueur formaté comme on peut en voir parfois en France malheureusement. C’est un joueur qui a été formé par Santos, il a fait quelques bancs là-bas en équipe première au début de sa carrière. Cela fait quatre ans qu’il est France, il était à Bourges avant de nous rejoindre cet été. En plus de son talent, on a dû construire des choses à côté. C’était aussi une méthode de travail qu’il ne connaissait pas. Il faut le gérer car c’est un petit gabarit très musclé.

Et dans le management, moi qui adore ça, c’est une mentalité différente. Il faut se mettre à sa place, c’est un Brésilien qui arrive dans le Jura. Comme il me le disait encore lundi, le Brésil regorge de talents. Il a ajouté que très peu ont la force de se dire « je pars un peu à l’aventure en Europe et j’y reste même si j’ai une ou deux galères. » Beaucoup tentent l’aventure mais rentrent au pays à la première galère car ce n’est pas évident d’avoir cette force de caractère de surmonter des difficultés loin du pays.

Tiago, c’est vraiment un joueur à part et un management à part. Je pense qu’on s’apprécie, on s’aide. On aide au développement de l’autre, c’est comme ça que je conçois les rapports humains, c’est un échange. Tiago est notre meilleur buteur, il a claqué 6 pions en 11 matches de N2 et en Coupe de France il a mis 6 ou 7 buts, notamment celui de la victoire à Bourg-en-Bresse. Il a un profil qui me rappelle un peu l’ancien attaquant de la Juve Sebastian Giovinco. C’est un joueur tonique, de petite taille, assez explosif, avec une première touche de balle incroyable.

Franchement, j’ai rarement vu ça, alors que j’ai affronté pourtant une bonne dizaine d’années pas mal de réserves pros. J’ai affronté les futurs Fékir, des gars comme ça. Ah mince, je suis désolé de citer un Lyonnais mais c’est le premier nom qui m’est venu en tête (rires). Ce que voulais dire, c’est que même chez les jeunes joueurs les plus prometteurs que j’ai vu jouer en réserve, j’ai rarement vu cette première touche de balle. C’est vraiment très beau à voir et surtout très efficace.

Tu l'as toi-même rappelé, on a des soucis en défense. Comme c'est ton poste, ça ne te dirait pas de signer chez nous ?

(Rires) Écoute, les six mois d'arrêt ont déjà fait un peu de mal. Et la semaine de trêve, j'ai enchaîné raclettes et tartiflettes. Je pense que n'ai pas la forme requise pour rejoindre l'ASSE !

Merci à Valentin pour sa disponibilité