Sélectionneur de Djylian N'Guessan en équipe de France U17 après l'avoir eu dans la catégorie U16, Lionel Rouxel nous présente le néo-pro des Verts.
Lionel, que t’inspire la signature du premier contrat pro de Djylian N’Guessan à l’ASSE ?
Je suis très content qu’il prolonge l’aventure et l’histoire avec Saint-Etienne. Déjà parce que c’est un très bon club, et aussi parce que Djylian est un très bon gamin qui continue d’avancer, de progresser et de se développer. Je le lui avais dit dans la saison : "toi, il faut que tu commences dans ton club formateur à Geoffroy-Guichard."
Un stade que tu connais pour y avoir déjà joué et perdu 4-0 avec Guingamp lors du seul vrai bon match des Verts de leur épouvantable saison 1995-1996 ponctuée d’une relégation.
On avait pris un belle gifle ce jour-là mais on avait réalisé une belle saison qui nous a permis ensuite de remporter la Coupe Intertoto. J’ai eu l’occasion de revenir dans le Chaudron lors d’un match disputé avec Laval. Je m’en souviens bien car j’avais ouvert le score en seconde période. Mais les Verts, poussés par leur public avaient finalement remporté la rencontre 3-1.
Grâce à des buteurs improbables : Stéphane Hernandez, Marcin Kuzba et Karim Fellahi ! Comme quoi tout peut arriver dans la vie. On espère que Djylian connaîtra à son tour la joie de scorer à GG !
Il faut qu’il puisse évoluer à un moment où à un autre avec l’équipe professionnelle de Saint-Etienne, qu’il découvre le haut niveau et poursuive son histoire avec l’ASSE. J’ai dit aussi au club de faire ce qu’il fallait pour que Djylian poursuive l’aventure. C’est ce qu’il est en train de faire et je m’en réjouis car Djylian est un enfant du club, il l’a rejoint dès l’âge de 7 ans.
Nous, par rapport aux sélections, on s’aperçoit que les joueurs qui réussissent dans leur club sont ceux qui n’habitent pas trop loin du stade, ce sont des joueurs locaux. Quand t’as des joueurs de cette qualité-là, c’est logique et cohérent de poursuivre l’aventure et de continuer de progresser dans un environnement qui lui convient.
Djylian a encore beaucoup d’étapes à franchir, il est surclassé en équipe réserve mais il n’a pas encore touché le monde des seniors professionnels. Le potentiel est là, il est en train de l’exploiter. On travaille avec lui parce que toute expérience internationale en jeunes lui permet de grandir. Djylian grandit en tant qu’homme, il va progresser en tant que joueur.
Ça t’inspire quoi de voir des joueurs signer leur premier contrat pro si jeune, dès l’âge de 16 ans. Dans le football d’aujourd’hui, c’est impératif pour les clubs de sécuriser le plus tôt possible de jeunes talents très convoités ?
Nous, à la fédération, les sélectionneurs, on est favorable à ce que les joueurs jouent tôt en pro dans leur club mais surtout qu’ils restent dans leur club. Ça, c’est une politique qu’on a aussi et on est plutôt en phase avec les clubs pros qui forment de bons joueurs comme l’AS Saint-Etienne. L’histoire nous dit qu’à Saint-Etienne, il y a toujours de bons jeunes qui émergent. L’idée c’est d’être dans la continuité de ce qui existe déjà dans l’histoire du club.
Quel est le profil du joueur Djylian ? Quelles sont ses caractéristiques les plus notables ?
C’est un joueur qui a deux caractéristiques pour le haut niveau. C’est un joueur d’espace, il prend la profondeur et se déplace plutôt bien entre les lignes. Il est accessible dans le jeu. Djylian est aussi un joueur de surface, qui a progressé et qui devient un buteur comme il l’a toujours été.
Quand t’as ces deux qualités, tu peux et tu dois pour être un joueur complet participer au jeu comme il le fait. Et il faut aussi être à la finition car c’est son but, son objectif, son rôle de marquer des buts. Djylian est bon dans ces deux caractéristiques-là mais doit encore progresser dans ces deux domaines. Il doit être encore plus perfectionniste, encore plus précis dans ses choix et dans ses gestes.
Djylian n’est pas un avant-centre à l’ancienne, qui reste aux avant-postes en attendant qu’on lui donne des ballons pour conclure.
Non, Djylian est un joueur de mouvement, qui aime participer au jeu. Il ne rechigne pas aux tâches défensives. C’est un vrai bon joueur d’équipe et un bon coéquipier. Et ça, c’est ce que l’on aime avoir quand on est sélectionneur ou quand on est entraîneur ou formateur à Saint-Etienne. Djylian est capable de se sacrifier pour l’équipe, de faire des efforts pour le collectif. C’est ce que l’on demande aujourd’hui à un attaquant de haut niveau.
Sous ta houlette, il a d’abord claqué 12 pions en 14 matches en équipe de France U16 puis il a mis 2 buts en 3 rencontres en équipe de France U17. Sous le maillot vert, il a scoré 23 fois la saison dernière (17 en U17, 4 en U19 + 2 avec les U18 en Gambardella). Cette saison il a déjà scoré avec la réserve en 79 minutes jouées en N3. Réputé pour être clinique, Djylian est-il encore perfectible devant le but ?
C’est vrai qu’il a de belles stats mais c’est un domaine où il peut encore se perfectionner. Il faut que Djylian s’améliore, qu’il se renforce dans les domaines où il est déjà très bon comme dans la surface. Il a un vrai axe de progression dans le jeu de tête. Il doit vraiment s’améliorer dans le domaine aérien. Il faudra qu’il soit encore plus précis quand le niveau va s’élever, chez les séniors ou contre les joueurs confirmés de son âge en sélection où le niveau est assez élevé.
Pour l’instant Djylian s’en sort plutôt bien, il a de bonne stats, est assez chirurgical dans la surface. On travaille beaucoup avec lui. On fait de la vidéo, on travaille son placement et son déplacement. Il faut que Djylian soit placé au bon endroit, au bon moment, et qu’il ait le geste juste à chaque situation.
Djylian est aussi à l’aise des deux pieds ?
Son pied fort, c’est le droit. Il a un bon pied droit. Il peut encore se perfectionner sur son second pied. Djylian doit encore travailler son pied gauche.
Tu lui vois quels autres axes d’amélioration ?
Je l’ai déjà évoqué, son jeu de tête doit être perfectionné, que ce soit sur les déviations où à la finition. Djylian a grandi, je ne sais pas exactement quelle est sa taille mais je crois qu’il a dépassé 1m85. Il doit être en capacité de s’imposer davantage dans les airs. Djylian est par ailleurs perfectible dans son jeu de déviation, son jeu à une touche. Il doit améliorer son jeu de corps car il a parfois du mal à se protéger. Il gagnerait à être un peu plus costaud encore dans le haut du corps. Il doit évidemment progresser sur son pied gauche mais aussi sur les frappes de loin. En dehors de la surface, il gagnerait à être plus précis dans ses frappes.
En termes de profil d’attaquant, à quel joueur pro plus connu du grand public pourrais-tu comparer Djylian N’Guessan ?
C’est une bonne question mais je n’aime pas trop comparer les joueurs car chacun a son parcours. Djylian aura son histoire à écrire et son expérience à acquérir. Je n’ai pas de nom qui me vienne spontanément à l’esprit. T’as peut-être un nom à me donner ?
Hugo Ekitike peut-être ?
Oui, ça peut être comparé. Je suis assez d’accord avec ça. Ekitike est un 2002, Djylian a 6 ans de moins mais leur profil est relativement proche. On peut éventuellement les comparer. Un autre nom me vient en tête, celui d’un attaquant que j’aime bien : le buteur canadien du LOSC Jonathan David. Je pense que Djylian peut rentrer dans ce registre-là. Hugo Ekitike et Jonathan David, on peut faire un mix des deux.
Comment décrirais-tu la personnalité de Djylian ?
C’est un garçon calme, réfléchi, intelligent. Djylian est structuré et équilibré. Il vit bien dans un groupe de joueurs comme en sélection. Il est apprécié des autres. Il est travailleur, consciencieux dans le travail. Même s’il doit encore s’améliorer, il a une bonne gestion des émotions par rapport aux évènements qui arrivent, surtout les matches. Djylian a la tête sur les épaules, une bonne analyse de ses matches. C’est important, il est capable de s’auto-évaluer.
Il sait quand il est bon, il sait quand il a encore des points de perfectionnement à atteindre. Il est dans l’écoute. Djylian a les caractéristiques et le caractère pour atteindre le haut niveau et y rester car il faudra encore qu’il se développe et qu’il progresse dans ces domaines-là. En tout cas, les bases sont bonnes et son environnement est sain. C’est quelque chose d’important pour lui car je pense qu’il aura besoin d’un équilibre familial.
Djylian a de qui tenir car son grand père maternel est un ancien attaquant qui a fait les beaux jours du Croisic en DH. Quant à son père, ex-joueur pro formé à l’AJA, il a été attaquant dans de nombreux clubs anglais dont Leicester et Southampton. Il assiste régulièrement aux matches de Djylian, notamment à ceux du dernier tournoi de Montaigu remporté par ta sélection. L’entourage familial, c’est primordial dans la réussite des jeunes ?
Bien sûr. Quand tu n’as que 16 ans et que t’aspires à jouer au plus haut niveau, l’environnement est déterminant dans la réussite d’un joueur et d’une carrière. Djylian a une carrière à construire, il va se construire avec ses partenaires d’entraînement et d’équipe, avec ses matches, avec ses coachs, ses formateurs, mais aussi son environnement familial et proche de lui. Tout est lié. Il aura besoin de ça pour s’épanouir. Il faudra qu’il s’épanouisse, c’est ce qu’il est en train de faire dans son club de Saint-Etienne. C’est une très bonne nouvelle pour nous aussi.
Sous le maillot bleu de ton équipe de France U17 comme sous le maillot vert des U19 de Fred Dugand, un coéquipier et bon copain de Djylian s’épanouit lui aussi : Paul Eymard. Que peux-tu nous dire sur ce prometteur milieu de terrain ?
Paul a d’abord une grosse qualité athlétique. Il a un gros volume de jeu, une grosse capacité à enchaîner les matches et les efforts dans un même match. Il a cette capacité à récupérer les ballons, à se projeter et à marquer quelques buts, que ce soit en équipe de France ou avec l’ASSE. Comme Djylian, c’est un garçon structuré, bien encadré, qui travaille bien, qui progresse bien. C’est un joueur à potentiel, à développer à Saint-Etienne comme en équipe de France.
Je lui vois aussi un bel avenir. Je lui souhaite d’être dans la même continuité que son copain Djylian pour qu’il prolonge aussi l’aventure avec Saint-Etienne. C’est un relayeur dans un milieu à trois, un box-to-box. Paul sait se projeter, percuter, finir en plus de sa capacité à répéter les efforts qui est sa qualité première. Il me fait un peu penser à Aurélien Tchouaméni que j’ai eu en équipe de France U16 et U17 à l’époque où je m’occupais de la génération 2000. C’est tout le parcours que je souhaite à Paul mais il a encore beaucoup, beaucoup de chemin à parcourir.
Merci à Lionel pour sa disponibilité