Formé à l'ASSE et ayant joué les trois dernières saisons au Stade Lavallois, Pierrick Cros s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les deux clubs lundi soir à Francis Le Basser.


Que deviens-tu Pierrick depuis que tu as quitté Laval en fin de saison dernière ?

Je suis revenu vivre dans la région stéphanoise et je m’entraîne toujours à Andrézieux, avec l’accord du président François Clerc et du coach Xavier Collin. Ils me permettent de garder la forme, de m’entretenir. La situation dure un peu, depuis près de quatre mois car j’ai fait la reprise avec eux. Aujourd’hui les conditions ne sont pas réunies pour signer à Andrézieux. Ça n’aurait pas été pour me déplaire de rejouer avec eux, j’aurais aimé aider ce club car c’est lui qui m’a permis de faire la carrière que j’ai réalisée. J’aurais aimé leur rendre la monnaie de la pièce mais aujourd’hui ce n’est pas d’actualité.

Je cherche un club au niveau National, j’ai eu des opportunités dans ce championnat ou même à l’étranger mais ça ne s’est pas concrétisé. J’ai récemment décliné des offres de deux clubs de N2 en attendant de trouver un projet me permettant de retrouver le niveau qui est le mien, que ce soit en National ou en Ligue 2. Un projet où je puisse évoluer, encore gagner un titre ou permettre à une structure de gravir des échelons. Je ne suis pas fermé à des propositions de bons clubs de N2 si toutes les conditions sportives et financière sont réunies.

Je ne peux pas faire n’importe quoi, j’ai une compagne et un petit garçon. Je ne vais pas partir pour partir comme si j’avais 20 ans. J’en ai 31, je ne suis pas tout seul. Quand on voit l’état du marché, on se rend compte qu’il y a plein de très bons joueurs sans contrat actuellement alors qu’ils jouaient en Ligue 2 la saison passée. Il y a Loris Néry par exemple, qui s’est entraîné avec nous à Andrézieux. Baptiste Gabard aussi, qui a signé récemment à Andrézieux. Y’a pas mal d’autres joueurs qui ont plus joué que moi la saison passée et qui cherchent un nouveau projet.

On voit que c’est difficile pour tout le monde. Je garde le moral, je suis passé par cette situation-là. Cela m’était arrivé il y a cinq ans, c’était plus compliqué à gérer à l’époque car j’étais dans la force de l’âge. Aujourd’hui je prends un peu plus de recul. Je fais d’autres choses que le foot pour me maintenir en forme. J’attends une bonne opportunité. Peut-être que ça va se décanter au mercato de janvier, qui sait ? Des clubs cherchent à se renforcer pour éviter des déconvenues en fin de saison, surtout en National avec les six descentes ! Il faut se tenir prêt, physiquement et mentalement.

Lundi, ton club formateur va défier ton dernier club, surprenant leader. Tu t’attendais à ce que le Stade Lavallois soit en tête du championnat après 10 journées avec 7 points d’avance sur les Verts ?

Non, je suis surpris comme tout le monde, d’autant plus qu’il y a eu pas mal de mouvements à l’intersaison du côté du Stade Lavallois. Il y a eu une douzaine de départs et une dizaine d’arrivées. Des joueurs offensifs performants comme Julien Maggiotti et Simon Elisor étaient venus en prêt, ils ne sont pas restés. D’autres joueurs ayant eu pas mal de temps de jeu la saison dernière ont quitté le club. Je pense notamment à Alexis Sauvage qui a signé à Amiens, à Dembo Sylla qui a découvert la Ligue 1 à Lorient, à Bryan Goncalves qui est parti en Belgique, ou encore à Kader N’Chobi qui joue maintenant pour Dijon.

Il faut également souligner que le Stade Lavallois n’a pas été épargné par les blessures. Edson Seidou, qui a joué tous les matches de L2 la saison dernière, n’a pas encore joué cette saison à cause d’un problème au genou. Jordan Adéoti, qui a lui aussi été titularisé plus d’une trentaine de matches la saison passée, n’a joué qu’une petite demi-heure cette saison. Lors de la première journée, il a été victime d’une grosse béquille, d’une profonde déchirure musculaire. Anthony Bobichon, qui nous a rejoints au mercato d’hiver, a joué titulaire tous les matches retours de la saison dernière mais il a été opéré du pied cet été et a très peu joué depuis. Je pense qu’Antho sera dans le groupe contre Sainté mais je ne suis pas sûr qu’Edson et Jordan soient aptes même s’ils sont sur le point d’être opérationnels.

Malgré ça, Laval a réussi un super premier quart de saison. C’est étonnant. Je ne m’attendais pas à les voir à ce niveau de performance. Un peu comme Saint-Etienne, les Lavallois sont hyper efficaces dans les deux surfaces. Les deux équipes se valent sur cet aspect-là. Il y a eu une réelle prise de conscience surtout du côté de Saint-Etienne d’avoir un certain équilibre. Aujourd’hui, même si c’est moins beau que l’année passée, force est de constater que l’ASSE tourne depuis quelques matches. Sainté prend des points là où la saison passée il en aurait perdu.

Laval est ultra-efficace, je m’en suis encore rendu compte en regardant leur dernier match à Bordeaux. Sur les coups de pied arrêtés, les Lavallois sont vraiment redoutables. Défensivement, ils concèdent des occasions mais prennent très peu de buts. Et avec les moindres miettes, les moindres occasions qu’ils se procurent, ça fait but. Malik Tchokounté pèse sur les défenses a déjà mis cinq buts, notamment sur des corners de Thibaut Vargas. Ils jouaient déjà ensemble la saison passée à Nîmes, on sent qu’ils ont des affinités.

Tout va très vite dans les deux sens dans le football. On s’est sauvé à la dernière seconde du dernier match la saison passée et cette saison Laval est un solide leader après dix journées. Tout sourit au Stade Lavallois actuellement. Regarde Djibril Diaw par exemple. Il a joué tous les matches comme titulaire cette saison et a marqué deux buts victorieux en trois jours contre Laval et le Paris FC alors qu’il n’avait été titularisé que 5 fois la saison passée.

T’as vu beaucoup de matches de Sainté cette saison ?

Pas beaucoup. J’ai vu le match à Troyes. L’Estac doit gagner ce match mais a raté pas mal d’occasions. A force de louper, Troyes se fait punir. C’est ce qui s’est passé avec cette tête de Moueffek sur ce bon centre de Cafaro.  J’ai aussi regardé le match d’après contre Dunkerque. Franchement, Dunkerque n’a pas démérité et ça n’aurait pas été du vol que ces promus repartent de Geoffroy avec au moins un point. Sainté n’a pas été brillant dans le jeu mais au final ça fait 2-0. La saison passée, c’est le genre de matches où les Verts auraient lâché deux voire trois points.

Tu t’attends à quel type de rencontre lundi soir ?

Je pense que ça va être un match ouvert. Pour les Stéphanois, ça va être un très beau challenge. Laval a remporté ses six derniers matches. A Le Basser, les Tango ont remporté leurs neuf derniers matches. Ces séries s’arrêteront à un moment donné, je pense que les Lavallois en sont conscients. Est-ce que ça s’arrêtera dès lundi ? On verra bien, c’est possible. En tout cas ce sera un vrai test pour Sainté, notamment sur coups de pied arrêtés. Les Verts sont prévenus, Laval arrive à exploiter la moindre petite faille. Attention au premier quart d’heure, ça va commencer fort je pense ! Ce sont deux équipes en forme qui s’affrontent, j’ai hâte de voir ça ! Ce sera plaisant à regarder.

C’est contre Sainté que tu auras joué ton dernier match sous le maillot tango !

Oui, je n’ai joué que 2 matches de L2 la saison passée, le second le 10 dernier janvier dans le Chaudron. On n’avait pas démérité mais Sainté a gagné sur un but de Mathieu Cafaro. C’est Jean-Philippe Krasso qui avait fait la passe décisive. Ma dernière saison lavalloise aura été difficile à vivre. Je me suis retrouvé en bas de la hiérarchie des défenseurs centraux et je n’ai eu quasiment aucun temps de jeu alors que l’équipe concédait beaucoup de buts. Cela reste un goût amer, je l’ai un peu en travers de la gorge mais c’est le foot. Malheureusement j’en paye aujourd’hui les conséquences.

Vu la saison qu’on a faite la saison passée, c’est frustrant. On était l’une des pires défenses, je pense qu’on aurait pu me donner ma chance. L’entraîneur ne comptait plus sur moi. Je suis passé de tout à rien. J’avais beaucoup joué la saison de la montée, j’étais vice-capitaine. C’était déjà Olivier Frapolli à la tête de l’équipe. Durant l’été je me suis blessé, durant la reprise. Peut-être que ça n’a pas aidé. J’ai perdu le statut que j’avais dans l’équipe. C’est regrettable, j’aurais aimé que les choses soient faites différemment. J’ai un peu perdu une saison alors que j’aurais pu aider un autre club.

Gardes-tu malgré tout de bons souvenirs globalement de ton expérience mayennaise ?

Complètement ! Je suis resté trois ans à Laval, j’ai été l’un des artisans de la montée en L2. Cela faisait cinq ans que le club était descendu et il n’arrivait pas à remonter. On a été champion de National, c’est le premier titre de l’histoire du club. On restera à jamais dans l’histoire des Tango. On a permis au club de retrouver le statut professionnel. Malgré mon très faible temps de jeu la dernière saison, j’ai malgré tout le sentiment du devoir accompli. J’ai quitté le club sur un maintien en Ligue 2.

Je me réjouis de voir la bonne dynamique actuelle des Lavallois. Est-ce que ça va durer ? L’avenir nous le dira. A la base ce club n’est pas taillé pour jouer le haut de tableau mais on a déjà vu par le passé des clubs qu’on n’attendait pas monter en Ligue 1. Je pense au Gazelec ou à Amiens. Je garderai de bons souvenirs de Laval, j’y étais très bien. Mon fils est né là-bas. Je suis parti du club en très bons termes. Tu me connais, je suis resté professionnel jusqu’au bout.

J’ai continué à bosser, à me donner aux entraînements. J’étais là pour booster les mecs, je les ai encouragés à ne pas lâcher. On a vécu une saison éprouvante, ça a été très dur jusqu’au bout. Même si je ne jouais pas, c’était important de garder une bonne mentalité. J’avais un petit challenge avec Simon Elisor. Avant chaque match on allait manger ensemble car il n’arrêtait pas de marquer quand on faisait ça. On avait un bon groupe, bon esprit.

Ce que j’ai bien aimé aussi à Laval, c’est l’ambiance au stade Francis Le Basser. Toutes proportions gardées bien sûr, ça me faisait un peu penser à Geoffroy-Guichard. Bien sûr, le Chaudron c’est plus impressionnant car il y a deux gros kops qu’il n’y a pas à Le Basser. Mais il y a un bon public à Laval, des supporters fidèles et assez fervents. C’est souvent à guichets fermés, ça le sera évidemment lundi soir pour la réception de Sainté vu le classement de Laval et le prestige de l’adversaire.

Il y avait déjà beaucoup d’engouement autour du club quand j’y étais, beaucoup de monde qui suit l’équipe. Forcément l’engouement est d‘autant plus fort aujourd’hui que le club se retrouve en tête du championnat. Les supporters se reconnaissent dans leur équipe, les joueurs montrent beaucoup d’envie et de détermination sur le terrain, ils mouillent le maillot. Cela fait partie des valeurs du club, les supporters s’identifient parfaitement à cette équipe.

Laval, ce n’est pas toujours très beau mais c’est très discipliné. Les joueurs se dépouillent, ils se battent les uns pour les autres. Ils affichent beaucoup de solidarité sur le terrain. Je m’attends donc à un match ouvert mais très compliqué pour Sainté. Ça va être un bon match. Celui-là je l’avais déjà coché, forcément, mais la très bonne dynamique actuelle des deux clubs me donne encore plus l’envie de le regarder ! Deux bonne équipes sur une très bonne pelouse dans un stade plein, ça promet !

En espérant que cette fois l’arbitre ne sifflera pas à tort un péno pour Laval...

J’y étais à ce match même si je n’étais pas dans le groupe. A vitesse réelle on pouvait vraiment croire qu’il y était. C’est vrai que cette fois-là ça joué en notre sens. Je pense que lundi ça va se jouer sur les coups de pied arrêtés. C’est vraiment l’atout majeur de Laval. Les Lavallois débloquent souvent la situation sur cpa. Je pense que Sainté va être en difficulté sur ces phases-là. Laval travaille beaucoup les coups de pied arrêtés, ils sont très bien tirés et à la réception il y a des joueurs de grande taille qui sentent bien les coups.

Je me souviens que c’est quelque chose que l’on travaillait déjà beaucoup la saison passée. Au haut niveau, on sait que c’est souvent de là que vient le danger. Olivier Frapolli et son staff avaient souligné stats à l’appui collectées dans de nombreux championnats professionnels le pourcentage important de buts marqués sur cpa. Dans un club comme Laval, c’est important d’avoir des joueurs qui performent dans ce domaine car ce n’est pas toujours possible de faire la différence dans le jeu.

Après 10 journées, Sainté n'a claqué que 10 pions (3 de moins que Laval), la majorité sur coup de pied arrêté (4 pénos d'Ibrahim Sissoko, un péno de Florian Tardieu et un coup franc de Mathieu Cafaro). L’ASSE est moins spectaculaire que la saison dernière mais plus efficace !

Plus efficace défensivement en particulier ! Tu auras noté que cette saison Laval a la 2e meilleure défense et Sainté a la 3e. On sait que les équipes qui prennent peu de buts sont en général en haut du classement. Ces deux dernières saisons, Ajaccio puis Le Havre sont montés en L1 en prenant très peu de buts. Il y a beaucoup d’attentes autour de Saint-Etienne, beaucoup de supporters aimeraient que les Verts pratiquent un jeu plus attrayant, plus spectaculaire. Mais ce que l’on retient à la fin, c’est les résultats. Si demain Sainté arrive à remonter en L1, on oubliera les matches peu emballants qu’ils auront fait.

Il faut savoir prendre des points, ce que fait très bien Laval du reste. Aujourd’hui les Tango ont 25 points, ils veulent atteindre la barre des 40 le plus rapidement possible. A moins d’une catastrophe, ils y parviendront. Après, ils viseront plus haut si affinités. Si Sainté veut réussir à monter, c’est ce qu’il faut faire. Il faut y aller progressivement. On aimerait tous gagner en faisant beaucoup de belles actions, en mettant beaucoup de buts. Mais parfois gagner 1-0 sans briller, ça suffit à notre bonheur car ça vaut 3 points. Si tu montes, tu retiendras la montée, pas les matches loupés ou gagnés à l’arrache.

Je suis très content de voir que les Verts prennent moins de buts que la saison passée. Il y a une meilleure assise défensive, une meilleure organisation. Il y a eu ce fameux changement tactique initié lors du déplacement à Cen qui était alors en pleine bourre et qui depuis coince sévère. Les Verts sont passés à quatre derrière, en 4-3-3. Je pense qu’ils ont aujourd’hui un meilleur équilibre. Quand t’es efficace derrière et devant, obligatoirement t’es dans le top 5 quand bien même tu ne produis pas un jeu exceptionnel.

Je trouve qu’il y a une vraie différence avec la saison passée. Après mon match avec Laval à Sainté, j’avais échangé avec Laurent Batlles et Loïc Perrin, ça les intéressait d’avoir mon ressenti sur le match et sur l’équipe. Je leur avais dit : « il y a beaucoup de trous dans votre équipe. C’est vrai que vous attaquez bien, vous marquez beaucoup de buts, c’est ce qui fait la force de l’équipe. Sauf que c’est complètement déséquilibré. Il y a des trous, on le ressent sur le terrain. »

Ton prono pour le Laval-Sainté qui se profile et pour la montée ?

Cette saison j’ai le sentiment que Sainté est plus organisé, plus discipliné, peut-être moins beau mais beaucoup plus efficace. Je suis très curieux de savoir si les Verts afficheront cette efficacité lundi soir. Que le meilleur gagne ! Je verrais bien un match nul 2-2. Je pense que les Tango vont marquer au moins un but sur coup de pied arrêté. Et je verrais bien un but de Charbonnier, ça lui lancerait sa saison. Et si Wadji fait son retour dans le groupe, peut-être qu'il fêtera ça par un but !

Par contre j’aurais du mal à faire un pronostic sur les équipes qui vont monter. Le choix du cœur, ce serait Sainté et Laval, bien sûr ! Mais il y a pas mal de prétendants. Auxerre en est un très sérieux, Angers a aussi des arguments. Il y a forcément des clubs qui vont se relever, d’autres qui vont baisser en régime. A mon avis, il ne faut pas enterrer des clubs comme Caen et même Bordeaux, même si ces deux clubs sont un peu distancés et ne sont pas sur une bonne dynamique actuellement.

 

Merci à Pierrick pour sa disponibilité