Ce matin, sur mon vélo (oui je roule vert, par conviction peut-être, par cohérence sûrement), j’ai pensé à Lolo.


Plus précisément à Lolo au lendemain de l’annonce. Comment se lève-t-on quand on vient de se faire virer ? Comment est le premier réveil de l’après ?

- Chéri, tu n’as pas fait couler le café ?

- Ben non, j’ai traîné au lit…

- Tu ne vas pas te laisser abattre tout de même ?!

- … (regard noir, soupir) ... Si un peu quand même.

Imagine-t-on la cruauté du sort d’un entraîneur qui vit, mange, dort - quand il arrive à trouver le sommeil - en pensant à son équipe 24h/24, à qui un soir, on annonce après un match que tout s’arrête là, que demain il pourra faire la grasse mat’ ?

Qu’a pensé Lolo dans le dernier quart d’heure du match contre Guingamp ? Était-il dans l’instant présent, à chercher désespérément la décision susceptible de réveiller son équipe ? Était-il concentré sur le placement de ses joueurs, absorbé uniquement par les consignes à donner et re-donner inlassablement ? Ou bien son esprit a-t-il laissé les sombres pensées l’envahir : Si on n’égalise pas, je suis viré. Dans le couloir en rentrant au vestiaire, je le verrai direct en croisant le regard fuyant de Loïc. Est-ce qu’ils m’infligeront la comédie de la conférence d’après match où je serai le seul con pas au courant que mon sort est scellé ? Peut-être attendront-ils demain, juste avant l’entraînement, Jeff, avec son air affecté me demandera de passer le voir dans son bureau. Je ne veux pas qu’on me laisse mariner une nuit de plus. Si c’est mort, qu’on ait le courage de me le dire tout de suite. 

A-t-il maudit Batubinsika et sa passe décisive à Courtet, s’est-il dit quand on se recroisera dans vingt ans, il s’en excusera encore en se marrant, de sa tête ratée qui m’a couté la mienne…. ?

Le résultat brut, sec, violent, d’un match, d’une série de matchs, définit-il la valeur de l’entraîneur ?

Non, dit l’évidence. Celle qui sait que comme un jeune joueur, affichant des promesses mais ne réussissant pas tout, doit être encouragé, un jeune coach présentant les mêmes caractéristiques devrait l’être aussi. A minima jusqu’à la fin de son contrat. Question de principe, de respect. De sagesse aussi quand l’objectif, clair, simple - monter en L1 - à défaut d'être bien embarqué, n’est pas définitivement compromis alors que l’équipe est 8ème au classement et qu’il reste 21 matchs à jouer.

Mais les dirigeants ont décidé. Ils doivent juger. Que tu peux encore réussir, ou que tu as déjà échoué. Que tu es l’homme idoine, ou que tu es un naze. Une fois viré, rien ne reste d’autre que le constat d’échec. Ferme, définitif, irrévocable.

Et au diable toute l’énergie déployée, qu’importe le contexte qui t’a amené là. Tu as échoué, et même si, refaisant le film, tu sais que du terrain impraticable de La Plagne à la blessure de Wadji en passant par la perte et le non-remplacement de ton leader technique, tu en as plein des explications à cet échec, la conclusion est la même, aussi injuste que déprimante : tu incarnes l’échec.

C’est le football. C’est la règle. Tu la connaissais évidemment. Ça n’empêche pas de la trouver cruelle certainement, inhumaine probablement.

Car enfin, est-ce humain de vivre avec une épée de Damoclès perpétuellement au-dessus du crâne ? Est-ce humain d’avoir su deux fois rétablir la situation - le 26 décembre 2022 quand les Verts sentaient si fort le sapin en revenant d’Annecy ou en août 2023, quand ils oubliaient de démarrer leur saison comme ils avaient fini la précédente - et de constater qu’on ne te laisse pas démontrer que l’adage a raison, qu’on ne te fait pas confiance pour réussir une 3ème fois ce que tu as déjà fait 2 fois.

L’épée tombe, lourdement sur ton crâne - dégarni, en plus, zéro protection -. Un de tes prédécesseurs avait au moins pris soin de revêtir une casquette qu’il ne quittait jamais. D’ailleurs il avait réussi à fuir avant le (grégory) couperet. Départ peu glorieux, prétexte fumeux à base de projet toulousain. Y-a-t-il eu un jour en football, à part Rivière - sans retour et sans excuse sur ce coup - quelqu’un pour croire à la supériorité d’un projet toulousain ??

Quand rien n’est humain, que la dépression te guette il ne te reste que ça l’humour, et les projets.

Il y a des coachs que j’ai préféré oublier, des arrogants (Dupraz…), des extra-terrestres (Michel…), des inadaptés (Toshack…). Toi Laurent, tu étais jeune, tu avais des idées, tu avais Sainté chevillé au cœur, tu t’es batllu comme un diable, et je ne pardonnerai jamais au club et à ses actionnaires de n’avoir pas permis que l’histoire soit belle, jusqu’au bout.

Jusqu'au bout, malgré le spectacle affligeant des secondes périodes contre Pau, Amiens et Guingamp, j'ai voulu y croire. J’ai refusé de céder à la facilité des analyses lapidaires, et renâclé aux opinions tranchées. On ne le dira jamais assez, mais en football comme dans la vie en général, la vérité est dans la nuance. Hélas, c’est pas vraiment à la mode la nuance. Le club va mal, les réseaux vont bien. Quand l’un est en souffrance, les autres lapident, dézinguent et sulfatent sans sommation. Tous des nuls qu’y disaient. La souffrance est mauvaise conseillère.  Est-ce que cela soulage au moins de vomir sa haine ?

Peut-on encore penser qu’un entraîneur qui a des résultats n’est pas toujours, et surtout pas pour toujours, un cador, ou qu’un entraîneur qui échoue n’est pas toujours un naze ?

L’heure n’est plus aux questions. Désormais la messe est dite, on ne saura jamais où tu aurais emmené tes troupes laborieuses. Chacun reste avec ses convictions, nuancées ou pas.

Je n’ai pour ma part, parodiant le poète, qu’une seule certitude : avec toi aux manettes, j’ai souffert, souvent, je n’ai pas compris, parfois, mais j’ai aimé. J’ai aimé caresser l’espoir d’une résurrection. J’ai aimé avoir la meilleure attaque du championnat, j’ai adoré vibrer au printemps dernier dans mon Chaudron en fusion.

Pour ça, mais aussi parce qu’il y en a marre de gober que c’est la faute du coach quand ce club n’est plus dirigé, ou si mal, depuis des années, je te soutenais, je te soutiens, et je te soutiendrai.

Et pourtant je ne suis pas d’Astaffort.

Bon vent Laurent et merci !