Formé à Sainté et prêté à Laval entre janvier et juin 2019, Mahdi Camara va observer en spectateur ce lundi la rencontre entre ses deux anciens clubs. L'occasion pour le milieu de terrain brestois de revenir sur son aventure en Vert.
Comment vas-tu Mahdi ?
Ca va très bien ! On fait un très bon début de saison avec Brest, je suis content et toute l'équipe aussi. On espère que ça va continuer comme ça. On a fait une très bonne préparation physique, on s'est très vite senti bien. Et même si Franck (Honorat) est parti, notre effectif n'a pas tant bougé que cela. On est resté sur la dynamique de nos trois derniers mois où on avait pris des points à domicile avec un bon état d'esprit. Notre jeu était en place, on avait des repères et ça se ressent cette saison.
Même si Francky est parti, il reste du beau matos devant !
Ouais ! Pour me coltiner les Mounié ou Satriano à l'entraînement tous les jours, je peux te dire que c'est costaud ! Ce sont deux profils différents qui apportent énormément. Steve, son timing de la tête est incroyable. Et Martin, je ne le connaissais pas, mais c'est un sacré joueur !
Vous visez toujours le maintien malgré tout ?
Oui on va essayer de remplir ce premier objectif qu'est le maintien. On va essayer de le valider au plus vite parce qu'en Ligue 1, on sait que tout va très vite, dans un sens comme dans l'autre. Mais ça ne nous empêche pas d'être ambitieux si jamais on arrive vite au maintien.
Comment tu te sens personnellement à ton poste ?
Individuellement et collectivement, je me sens bien. On est dans un groupe qui vit bien et qui est resté le même depuis la saison passée. On a des automatismes. Cette saison, notre équipe est assez agressive, elle met beaucoup d'intensité. Le coach me demande de faire beaucoup de courses, ce qui colle bien à mes qualités donc ça me va bien.
On joue généralement en 4-3-3 avec une pointe basse et deux pointes hautes. En 6, c'est plutôt Pierre Lees-Melou qui s'y colle vu ses qualités. Mais ça peut aussi être Jonas Martin ou Hugo Magnetti. On a de la qualité au milieu. Moi j'aime être plus haut, car je peux faire des courses vers l'avant. Mais vu que je suis "box to box", je reviens aussi défendre parce que j'aime bien ça. Je peux aller de partout sur le terrain grâce à ce positionnement.
Revenons sur ton départ de Sainté après quelques matchs de L2 la saison dernière, c'était ta volonté de quitter ton club formateur ?
C'est compliqué car Sainté c'est mon club de coeur. J'y ai passé tellement d'années. Après, j'ai eu cette opportunité avec Brest et j'y suis allé mais ce n'était pas une décision facile à prendre. Je tenais vraiment à Sainté mais je me suis dit que pour ma carrière, c'était sûrement la meilleure solution.
Jouer en L2 avec Sainté, c'était envisageable pour moi. Mais il y a eu l'offre brestoise. Le discours des dirigeants m'a plu, notamment le directeur sportif Greg Lorenzi. Mais ce n'était pas une obligation pour moi de partir.
Tu as pu discuter de cela avec Laurent Batlles ?
Oui, le coach et moi on se connaît bien puisqu'il m'a eu dans les équipes de jeunes. J'ai une très bonne relation avec lui. On a eu une discussion privée que je garde pour moi, mais en gros il m'a laissé le choix.
C'est vrai que je ne suis pas parti sur un très bon souvenir puisque c'était juste après le 6-0 à domicile contre Le Havre. La période était délicate pour le club et pour moi aussi. Avec le recul, je suis déçu de cette fin mais j'essaie de conserver les bons souvenirs, car j'ai vécu de belles années à Sainté.
Est-ce que tu as du mal à digérer cette descente en Ligue 2 avec Sainté ?
Oui franchement ça a été dur. Sur le moment et même les mois qui ont suivi. Je peux te dire que même les premiers temps quand je suis arrivé à Brest, j'avais toujours ce regret d'être descendu avec mon club formateur. Ca me faisait chier ! Ca n'a pas été simple mais à un moment, je devais passer à autre chose, me reconcentrer sur autre chose vu que je n'étais plus au club. Mais je n'oublie pas cet épisode négatif.
Quel goût te laisse la double confrontation en barrages face à Auxerre d'ailleurs ? Rétrospectivement, est-ce que tu te dis qu'il y avait la place ?
Le premier match à l'extérieur, on fait un nul dans les dernières minutes mais on se dit qu'il reste un match à la maison. On sait comment ça se passe avec les supporters chez nous et l'ambiance qu'ils peuvent mettre. Je ne pense pas qu'on fait un mauvais match à Geoffroy-Guichard mais ça laisse des regrets. On revient dans la partie pour aller chercher les tirs-aux-buts. On se dit qu'enfin la chance va tourner dans cette saison où on a eu pas mal de coups du sort ... même si notre descente n'est pas liée qu'à ces coups du sort. Et puis, non ... jusqu'au bout du bout, il n'y a rien qui nous sourit. Ca fait mal.
Comment tu expliques l'incapacité à enfoncer le clou en prolongations alors que vous reveniez de nulle part avec ton but égalisateur ?
Je ne sais pas ... si j'avais la réponse, j'aurais changé ça sur le moment. C'est le football ... même quand tu domines, il faut être tueur. Moi je n'ai pas pu disputer la prolongation (il est sorti à la 80e pour Aïmen Moueffek, ndp2) parce que j'ai joué avec une déchirure à l'adducteur et je ne pouvais pas en donner plus. Avec le public qui poussait, on aurait aimé mettre ce deuxième but synonyme de maintien, mais on y est pas parvenu.
Comme tu as vécu l'après match et l'envahissement de terrain ? Tu l'as compris ou ça a dépassé les bornes selon toi ?
(Il hésite) Je dirais que ça a dépassé la limite car on a vu des familles avec des enfants touchées par des gaz et ce n'est pas bien. Mais cette réaction des supporters est compréhensible car le football c'est tout pour cette ville. L'ASSE c'est un truc énorme. Sur le moment, je ne pensais pas à tout ça, car j'étais simplement dégouté d'être descendu avec mon club formateur. Je ne pouvais pas penser à autre chose.
Mais toi qui es formé à Sainté, tu as cette connaissance de l'environnement. Est-ce que tous tes coéquipiers étaient préparés à cela ?
C'est vrai que moi je suis d'ici. J'ai joué des derbys quand j'étais plus jeune, je suis allé au stade quand j'étais au centre de formation. On s'imprègne de la ferveur des supporters. Mais assez de gens rappellent toutes ces valeurs aux nouveaux joueurs au quotidien. Tu sais, ils prennent vite le pli et comprennent l'ampleur de l'ASSE pour la ville. Tout le groupe en était bien conscient.
Comment alors tu expliques la chute de cette équipe en Coupe d'Europe en 2019 et reléguée en 2022 ? On a souvent entendu qu'il y avait une fracture dans le groupe entre jeunes et anciens ?
Non, c'est un écho médiatique ça. Les anciens et les jeunes, on s'entendait bien. Il n'y avait aucun souci. Les médias ont dit et écrit beaucoup de choses qui ne nous ont pas fait du bien, et qui surtout étaient fausses. Le groupe vivait bien. Mais on ne va pas se plaindre non plus. C'était nous sur le terrain, et on se devait de faire mieux. On était conscient qu'on n'arrivait pas à faire le job, on essayait de s'améliorer mais il n'y avait pas de problème entre nous.
Reprenons un peu le fil de ta carrière professionnelle en Vert. On remarque que tu as débuté en amical avec Oscar Garcia ...
Contre Montpellier, non ?
Oui ! Mais l'entraîneur espagnol ne t'a pas vraiment utilisé ensuite.
Oui c'est vrai. J'étais encore un jeune joueur à l'époque en 2017. Je me souviens que les séances du coach Garcia étaient intensives. Il y avait peu de temps d'arrêt, on faisait beaucoup de toros, beaucoup de petits jeux. J'ai apprécié les séances avec lui.
Il faut attendre janvier 2018 et le coach Gasset pour ton premier match officiel en Vert, à Troyes en Coupe de France.
Ouais ! J'ai de bons souvenirs avec le coach Gasset même si je n'ai pas souvent joué avec lui. C'est un coach qui m'a pas mal apporté. Il a beaucoup d'expérience et c'est un grand coach. L'avoir au quotidien à l'entraînement, ça m'a aidé. J'en garde là aussi des bons souvenirs, surtout qu'on avait de supers joueurs et pas mal de concurrence au milieu de terrain. Jouer avec des joueurs de cette qualité, c'est un processus qui m'a fait grandir.
Et tu pars à Laval quelques mois plus tard, en janvier 2019. Tu peux nous en rappeler le contexte ?
J'étais installé dans le groupe pro, je m'entraînais quotidiennement, j'étais sur le banc ... Mais finalement, j'avais peu de temps de jeu. Même en réserve, je ne pouvais pas jouer vu que j'étais avec les pros. Donc, après 6 mois comme ça, je me disais qu'il fallait que je trouve du temps de jeu. Je ne voulais pas passer 1 an dans cette situation, j'avais peur que ça me desserve même si je progressais à l'entraînement avec les pros. Je voulais tracer ma route et jouer.
J'ai parlé au coach Ciccolini à Laval et le feeling est bien passé. Le directeur sportif m'avait déjà démarché la saison précédente. Il est venu voir pas mal de matchs de la réserve donc il me connaissait bien. Il discutait depuis 1 an avec mes agents. Quand un club s'intéresse vraiment à toi comme ça, ça donne envie d'y aller.
Ton prêt s'est d'ailleurs très bien passé !
Oui c'était super ! Pourtant, j'avais un peu d'appréhension de passer de la Ligue 1 au National. Je me demandais si c'était le bon choix. Mais parfois, ça fait du bien de reculer pour mieux sauter. Ca m'a apporté de l'expérience. Puis le National, ce n'est pas un championnat facile. Avec le recul, c'était une bonne décision. Ces 6 mois m'ont énormément apporté.
Quand tu reviens à Sainté, tu te dis que ton temps de jeu va augmenter ?
Mon objectif, c'était de jouer pour les Verts. T'es formé ici, c'est le but : être un joueur stéphanois ! Je sortais de 6 bons mois et je pensais pouvoir gratter quelques minutes de temps de jeu. Bon, ça ne s'est pas passé comme je le voulais. Le coach Printant ne me faisait pas jouer et je retournais avec la réserve. Et puis, le coach Puel est arrivé.
Comment tu expliques qu'un groupe 4e en mai avec Gasset puisse frôler la relégation quelques mois plus tard avec Printant ? La presse évoquait la période des "peignoirs claquettes" à l'entraînement ...
Non, ça c'est encore des bêtises des médias ! Quand t'es joueur professionnel, tu arrives à l'entraînement pour progresser et donner le meilleur de toi, sinon ça ne sert à rien que tu fasses du foot ! On n'avait pas cette mentalité, que ce soit les plus anciens ou les titulaires ... personne. Ce sont des choses qui se disaient dans la presse mais qui étaient fausses. Je conçois que ce soit difficile à comprendre, mais les résultats qui changent d'une année sur l'autre, ça n'est pas arrivé qu'à nous. Ca arrive à beaucoup d'équipes. Il y a des moments où tu performes, et d'autres où ça ne marche pas ! C'est dur d'expliquer le pourquoi du comment.
Claude Puel prend ensuite la place de coach et c'est lui qui t'installe comme titulaire. D'ailleurs, tu vas marquer ton premier but sous ses ordres en Coupe d'Europe !
Ah oui ! C'était une sensation énorme ! Tu peux demander à n'importe quel joueur, il te dira la même chose pour son premier but. Mais moi en plus c'était avec mon club formateur, et qui plus est, en Coupe d'Europe !
Je me souviens que la sensation était folle. Quand je me suis replacé, je me souviens m'être demandé si je n'étais pas en train de rêver ! Je ne connaîtrai plus jamais cette sensation, c'était unique !
Quel rapport as-tu avec Claude Puel, le coach qui t'a réellement installé dans l'équipe ?
J'ai un très bon rapport avec lui. J'ai beaucoup de respect pour lui, il m'a apporté énormément dans ma carrière. C'est lui qui m'a fait confiance. Quand tu es un jeune joueur, le plus difficile c'est d'enchaîner les matchs avec un niveau de performance équivalent. Par moment, tu vas faire un bon match, et le suivant tu vas être un peu moins bon. Mais si tu enlèves le jeune joueur directement et que tu ne le laisses pas réessayer, tenter sa chance, progresser ... ce n'est pas utile. Alors, je ne dis pas qu'il ne faut pas sortir le jeune joueur s'il fait vraiment un match catastrophique, mais moi par exemple, j'ai eu quelques performances en dents de scie et Claude Puel m'a toujours fait confiance. Il m'a conseillé, il était derrière moi à l'entraînement, j'ai de très bons souvenirs avec lui. Il a cette qualité de faire confiance aux jeunes joueurs.
En tant que milieu de terrain, est-ce qu'il t'a donné des conseils sur le placement ou l'intensité à mettre dans ton jeu ?
Oui, c'est vrai que j'avais un peu ce problème de m'éparpiller partout, et de commettre des fautes un peu bêtes. Le coach Puel a réussi à me recentrer sur les objectifs principaux : mettre de l'intensité oui, mais sans m'éparpiller.
On a évoqué ton premier et ton dernier but en Vert, mais est-ce que parmi tes 9 pions, il y en a un autre qui a une saveur particulière ?
(Il réfléchit) Non je pense que c'est le premier qui me marque particulièrement ! Et je n'oublie pas mon doublé contre Brest (victoire 2-1, 16 avril 2022, ndp2). On était dans une période difficile, on avait besoin de points pour continuer à croire au maintien. J'étais content d'avoir aidé à donner 3 points, surtout à domicile, c'était cool !
On en vient à la rencontre entre les Verts et les Tango, que t'inspire le parcours de Laval, surprenant leader de L2 ?
Ouais, c'est étonnant ! Bon, j'avoue que je regarde plus les matchs des Verts que ceux de Laval (rires) ! J'ai vu qu'ils faisaient un beau début de saison donc ça devrait être un beau match. Sainté revient bien, la série en cours est bonne donc ça devrait être une belle opposition.
Tu penses que les Verts peuvent retrouver la L1 au terme de la saison ?
Bien sûr, j'espère ! Le début de saison a été complexe mais ils ont fait le taf ces dernières semaines avec 5 victoires et 3 nuls. Ils ont un bon effectif donc oui, la remontée est possible. Après, ça me ferait bizarre de revenir à Geoffroy-Guichard avec un autre maillot mais ça me ferait plaisir de revenir dans ce stade et de voir ce que ça fait de l'autre côté ! J'ai tellement de bons souvenirs dans ce stade que j'aimerais bien y rejouer.
Et peut-être à nouveau en Vert un jour ?
Ah bien sûr, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer dans le foot ! Parfois les choses vont vite. Mais je pense que je ne dirai pas non à un retour à Saint-Etienne, c'est un club qui m'a beaucoup apporté !
Merci à Mahdi pour sa disponibilité !