Après avoir replongé dans ses souvenirs de joueur stéphanois dans le premier volet de l'entretien, Laurent Batlles revient sur les différentes fonctions qu'il a occupées lors de sa reconversion àl'ASSE.
Après avoir raccroché les crampons en 2012, tu as entamé ta reconversion à l’ASSE en tant que recruteur, la saison 2012-2013. Ton père avait évoqué tes nouvelles fonctions dans France Football : "Christophe Galtier a fait en sorte qu'il ait une reconversion. À un moment donné, il a fallu trouver laquelle. Je lui ai conseillé de rester dans le milieu pro, puisque c'est un passionné. Après, il m'a appelé et m'a dit : "On me propose le recrutement." Je lui ai répondu : "Pourquoi pas ?" Je lui ai expliqué mon existence. Il la connaît de toute façon : voiture, avion, sandwiches lors des matches... Observer, c'est une chasse au trésor. Il faut aimer le foot à mort, avoir envie d'écouter tout ce qui se dit en tribune, de prendre un avion pour aller voir un match de D2 ou s'envoler vers le Maghreb. C'est une passion. Je sens que c'est quelque chose qui ne déplait pas à Laurent, mais je ne dis pas qu'il le fera toute sa vie. » En effet tu ne l’as pas fait toute ta vie mais juste une saison… T’as pas voulu insister car t’avais peur pour ta ligne à force de manger des sandwiches ?
(Rires) C’est vrai que j’en ai mangé au stade où dans la voiture mais parfois j’allais au restaurant. Non, je n’ai fait ça qu’une année tout simplement parce que ça ne m’a pas plu. Le fait de recruter, je pense que c’est un métier à part, on est souvent tout seul. Moi, cette solitude me pesait. Quand je signe recruteur à Sainté, je prends une licence à Veauche de joueur. Je prends une licence car le football me manque. Le fait d’être tout seul ne m’a pas du tout plu, ce n’était pas pour moi. J’ai demandé au club à passer mes diplômes d’entraîneur et j’ai demandé à avoir une équipe de jeunes car je pense que c’était ma vocation.
Je ne me voyais pas un avenir dans ce rôle de recruteur. J’ai accepté ce poste car on me l’a proposé et que je me sentais bien à Saint-Etienne et à l’ASSE, j’avais envie d’y rester. J’ai décliné les propositions des clubs qui ont tenté de me faire prolonger ma carrière de joueur. J’ai tenté cette expérience de recruteur, j’ai vécu des bons moments, j’ai supervisé dans des beaux stades des bons matches. Je suis allé observer des joueurs à l’étranger mais ce poste ne me correspondait pas. Ce n’était pas pour moi, je préférais être avec des jeunes joueurs, faire mon taf, apporter mon expérience, être dans la transmission et vivre au quotidien avec un groupe.
Tu as commencé à le faire avec les U15, lors de la saison 2013-2014. Gilles Rodiguez, qui entraînait à l’époque les U17 avec Lionel Vaillant, a apprécié tes débuts de formateur, comme il l’a expliqué en mai dernier dans Le Parisien. « Il a commencé comme adjoint chez les U15. Avec nous, il n’est pas arrivé avec son étiquette d’ancien pro qui a tout connu. Il était au contraire très humble et toujours dans l’échange. »
J’ai été surtout très bien accueilli par le centre de formation. Moi je m’étais toujours dit que j’étais là pour apprendre, que j’avais envie d’apprendre. La phase d’entraîneur, ce n’est jamais facile à mettre en place. J’ai regardé beaucoup de choses, j’ai appris beaucoup de choses. Notamment avec Gilles, avec Jean-Philippe Primard, avec tous les entraîneurs qu’il y avait. Avec Lionel Vaillant, qui était là aussi. J’ai côtoyé d’excellents formateurs qui m’ont permis de grandir tranquillement et sans pression.
En réponse à une question de notre fidèle potonaute Greenwood sur un chat organisé par Orange, Christophe Galtier avait déclaré lors de ta première saison de joueur à l’ASSE : « Laurent, il y a ce qu'il apporte sur le terrain, ce qu'il apporte toute la semaine dans les séances d'entraînement et dans les vestiaires. Ce qu'il amène dans la préparation des matches aussi. » Cette fibre d’entraîneur, tu l’as eue très tôt ou ça t’es venu sur le tard, quand tu jouais à Sainté ?
Je pense que le fait d’être proche de Christophe Galtier notamment à Saint-Etienne, a joué. Tu sais, quand on finit une carrière, on commence à se poser des questions sur son avenir. On se dit « qu’est-ce qu’on veut faire ? » donc obligatoirement il y a des choses qu’on a envie de faire et d’autres choses qu’on n’a pas envie de faire. Moi, ça m’a toujours plu, j’ai toujours eu envie de faire ça. J’avais envie de me rendre compte ce que c’était que d’être de l’autre côté, je voulais vivre ça. Vivre avec un groupe au quotidien, ça me bottait vraiment. C’est pour ça que je me suis lancé là-dedans.
J’ai démarré en U15 accompagné par Phillipe Guillemet. J’ai eu de la chance car Philippe m’a laissé faire. Il m’a dit : « moi, je suis là pour t’aider, mais au niveau football, fais ce que t’as envie de faire. » Il a beaucoup été là-dedans, il m'a accompagné avec confiance et bienveillance. Il n’a pas été dans la démarche de me dire « il faut faire comme ci, il faut faire comme ça. » Il m’a laissé faire toute ma saison et franchement je l’en remercie car ça permis de faire vraiment les entraînements que je voulais. Bien sûr, on préparait des choses ensemble avec l’expérience qu’il avait vécue. Notamment avec des jeunes, on ne peut pas faire ce qu’on fait avec des pros. Je le remercie beaucoup de m’avoir mis le pied à l’étrier.
T’as pu d’emblée mettre ta patte d’entraîneur ?
Oui, notamment pour le derby. Je me souviens qu’on fait 0-0 à l’aller à Terrenoire et au retour on a gagné 2-1 à Lyon, buts de Quentin Vieira et Gabay Allaigre. Je crois qu’en face il y avait Amine Gouiri et tout ça. C’est vraiment là lors de ces gros matches contre l’OL que j’ai commencé à mettre des choses en place. Dans cette catégorie, il n’y avait pas beaucoup d’autres concurrents. Contre Lyon, t’en as beaucoup, forcément. C’est là que j’ai commencé à mettre en place une stratégie. Un derby, même chez les jeunes, tu sens que c’est un match particulier, avec un gros impact. On a fini champions devant l’OL cette saison-là.
Entraîner les U15, ce n’était qu’une première étape.
Oui mais il fallait commencer par là. Moi je ne me serais pas vu passer directement de joueur à entraîneur en séniors. Pour devenir l’entraîneur que je suis aujourd’hui, j’estimais qu’il y avait des passages obligés. Personnellement, c’est comme ça que je sentais les choses : apprendre sur le tas, apprendre des autres, grandir à mon rythme.
Après cette première expérience d’un an avec les U15, tu as réalisé une saison en tant qu’adjoint de Thierry Oleksiak en équipe réserve.
C’est bien ça. Thierry était adjoint de Christophe la semaine, moi j’entraînais l’équipe avec lui de temps en temps mais de temps en temps j’étais tout seul. C’était la saison 2014-20105, l’année où il y avait Allan Saint-Maximin, Jonathan Bamba, Dylan Saint-Louis, Adrien Valente. En fait je les entraînais au quotidien. Le week-end par contre Thierry était toujours là, c’est lui qui décidait. Cette saison m’a permis de grandir énormément car j’entraînais comme je voulais entraîner. Bien évidemment j’en parlais à Thierry, on mettait des entraînements en place. J’ai grandi au contact de jeunes qui étaient au début de leur carrière et touchaient presqu’aux pros. Sur le plan offensif en particulier, il y avait une génération très intéressante, malheureusement on est descendu en CFA2.
La saison suivante, tu as retrouvé le football professionnel en tant qu’adjoint de Christophe Galtier. C’est toi qui a demandé à retrouver le monde pro ?
Pas du tout. Christophe m’a appelé quinze jours après la fin de la saison. Il m’a dit : « Romain Revelli s’en va, est-ce que ça t’intéresse de venir ? Réfléchis-y. Thierry sera numéro un, tu seras numéro deux. » Je venais de travailler avec Thierry en réserve, je me suis dit que c’était le bon moment de voir certaines choses, de voir comment ça se passe dans un staff professionnel et de voir comment j’allais gérer des joueurs avec lesquels j’avais joué. Cet aspect-là aussi m’intéressait. Je pense que pour Christophe c’était important qu’il y ait quelqu’un qui connaisse aussi les joueurs. J’ai estimé que c’était le moment.
Que retires-tu de cette expérience d’adjoint de Galette ?
C’était très intéressant. Ça m’a permis de beaucoup apprendre de choses sur la communication, sur les relations avec les dirigeants, sur les relations avec le marketing, les relations avec les joueurs. C’est peut-être cette saison-là qui m’a fait basculer dans le truc de me dire « je n’ai pas envie d’être formateur. » Je voulais vraiment passer mon diplôme d’entraîneur professionnel. C’est sans doute ce moment-là qui a été charnière pour moi, je me suis dit : « est-ce que tu restes avec les jeunes ou est-ce que tu pars avec les pros ? »
Dans le staff de Christophe, quelles fonctions t’étaient dévolues ?
J’étais en charge des coups de pied arrêtés, je mettais aussi en place des séances d’entraînement spécifique pour les attaquants, et avec César Arghirudis, je m’occupais également de la vidéo. Je préparais avec César les vidéos qu’on présentait après au coach sur les équipes adverses. Je codais les matches avec César, on enchaînait les matches. Tous les trois jours on avait la Coupe d’Europe donc c’était quand même un travail fastidieux. Avec César on se parlait beaucoup pour que lui fasse le montage du match et qu’on fasse une présentation vidéo aux joueurs le matin des matches et le lendemain des matches.
En avril 2016, César avait évoqué sur TL7 votre collaboration : « Pendant le match je regarde des images grâce à un logiciel spécifique, un outil d'analyse en sport collectif avec une fenêtre de codification. Je vois le match en direct sur la gauche de l'écran et sur la droite je peux avoir un retour statistique immédiat et un retour vidéo sur des litiges. Je descends à la mi-temps donner les derniers réglages au coach. Je regarde le match en tribune avec Lolo Batlles qui a son œil tactique très aiguisé. On fait un petit debrief rapide au coach de ce qu'on a vu en tribune. S'il a besoin de stats, on lui en donne. S'il a besoin de vidéos, il va regarder les deux ou trois séances importantes de la première mi-temps. Ça nous arrive aussi de faire un debrief à la mi-temps avec nos joueurs. C'est quasiment unique en France. Le coach peut utiliser l'écran interactif avec les stylets pour remettre en place son équipe. »
C’est exactement ça. Christophe m’avait demandé d’être en tribune les premières mi-temps. Les deuxièmes mi-temps en principe je devais redescendre mais à un moment donné ça n’a pas pu se faire. Quand on avait des images ou un debriefing à faire à Christophe, on le faisait rapidement. C’est un peu le fonctionnement que j’ai cette année à l'ESTAC avec Stéphane Darbion, la première mi-temps il la regarde de là-haut. La vue est différente de celle du bas. Là-haut il peut arriver que tu détectes des choses plus facilement. Avec César quand on repérait des choses à signaler, il nous arrivait d’envoyer des messages sur le banc. Quand tu es perché, tu peux parfois mieux déceler des aspects tactiques, des mouvements, que ce soit les nôtres ou ceux des équipes adverses. Parfois tu peux te rendre compte qu’un joueur à l’opposé ne fait pas ce qu’il faut. Quand tu es à hauteur terrain, ça peut t’échapper où tu peux moins bien t’en apercevoir.
Quel usage fais-tu de la vidéo aujourd’hui en tant que coach principal ?
Je fonctionne très simplement. Mes adjoints font de la vidéo comme je le faisais quand j’étais dans la staff pro de l’ASSE. Mon adjoint numéro un Damien Ott fait des montages individuels sur chaque joueur. Stéphane Darbion fait du codage avec mon analyste vidéo. Le mardi voire le mercredi, le montage m’est montré. De là, en fonction de ce qu’on a vu, de ce que moi aussi j’ai sur les matches, on prépare les entraînements de la semaine spécifiques. À chaque fin de match, j’ai aussi un retour vidéo qui m’est fait, à la fois sur ce qui s’est bien passé et sur ce qui a moins bien fonctionné, et après aussi sur les joueurs.
Vincent Pajot t’avais dédicacé son premier but sous le maillot vert, marqué lors d’un éclatant succès (4-1) à Bordeaux : « C’est lui qui m’a dit de fermer le deuxième poteau. C’est toujours très compliqué de le fermer car les ballons arrivent très rarement. Mais il faut y être. Il fallait y croire. Cela m’a réussi. Je suis content que Laurent ait insisté. »
T’as de la mémoire ! Comme je m’occupais des coups de pied arrêté, je voyais que parfois certaines équipes ne mettaient pas de joueur au poteau. Parfois si tu fais une déviation des choses peuvent se passer. Je me souviens bien de ce match à Bordeaux. Vincent a ouvert le score après quelques minutes de jeu sur un corner de Coco qui a été dévié. Vincent a très bon jeu de tête, un bon timing et il a surgi pour la mettre au fond. Je lui avais dit « au lieu d’aller au premier poteau, va au second sur ces matches-là. Parce que tout le monde t’attend au premier, tout le monde regarde les vidéos. Va peut-être la première fois au premier et ensuite va systématiquement au second, à un moment donné ça peut les perturber. »
Tu avais montré un vrai sens du but sous le maillot vert. Tu t’es efforcé de transmettre ça aux joueurs quand t’étais dans la staff de Galette ?
Bien sûr. J’ai essayé en effet de transmettre l’importance du placement et du déplacement, la façon dont on doit se positionner, se sortir du marquage, se mettre dans des espaces libres, esquiver les chantiers, se retrouver à un moment donné devant le but dans de meilleures conditions. Avec l’expérience et en fonction de ton positionnement, tu peux jouer complètement différemment par rapport au début de ta carrière. C’est ce que j’ai vécu en tout cas. Tu te sers des appels des autres, tu arrives mieux à jauger l’espace où il faut se positionner.
Avant le match de Troyes contre Nice, Christophe Galtier a déclaré que ton expérience d’adjoint à ses côtés n’a duré qu’un an car tu avais besoin d’être entraîneur principal pour t’épanouir davantage.
Je crois que Christophe a bien résumé les choses. Avec Christophe, dans le vestiaire, ça se passait toujours très bien mais j’avais connu des périodes d’entraîneur où je faisais un peu ce que je voulais. Je voulais retrouver ça, tout simplement. Quand il m’a dit « Laurent, je pense que je vais prendre quelqu’un d’autre », je lui ai répondu : « écoute, ça ne me dérange pas plus que ça parce qu’en fait j’ai envie d’entraîner. » J’avais cette envie, j’en ressentais le besoin. C’était le moment aussi où je passais mes diplômes, je ne pouvais pas être là tout le temps. Ça a été normal.
C’est à ce moment-là que tu as pris les commandes de l’équipe réserve, que tu auras entraînée avec bonheur de 2016 à 2019. La première saison, ton équipe a fini deuxième juste derrière Saint-Priest. La deuxième, elle a été promue en finissant première devant Bourgoin-Jallieu. Et la troisième a débouché sur un bon maintien en N2.
J’ai vécu trois années formidables, notamment les deux première en N3. J’ai construit un groupe pour monter, le club m’a permis de pouvoir garder ce groupe-là. On l’a fait, on est monté. On n’a pratiquement pas perdu de matches. La troisième année de N2 a été un peu plus compliquée car c’était en même temps que la Gambardella. Parfois c’était un peu dur, je n’arrivais pas à avoir une ossature d’équipe. Des joueurs se sont affirmés et sont partis avec les pros, et tant mieux !
J’ai vraiment apprécié les deux années de N3 car le groupe n’a presque pas changé ces deux années. C’est là que je me suis rendu compte que construire un groupe, avoir le même groupe, grandir avec ce groupe et avec les joueurs, faire progresser les joueurs, c’est top ! Beaucoup sont partis avec les pros ou dans d’autres clubs. C’est là que tu te dis : «je suis content d’avoir vécu ça. » Franchement !
Peux-tu nous rappeler quelle était l’ossature de ce groupe de N3 ?
Théo Vermot dans les buts, Mickaël Panos à droite, Alexandros Katranis à gauche, dans l’axe Wesley Fofana et Léo Pétrot. Au milieu il y avait Mahdi Camara, Kenny Rocha-Santos, Dylan Chambost, Cyril Martin-Pichon. Devant, on avait Vagner, Makhtar Gueye, Samy Baghdadi. On a construit une belle équipe, avec des joueurs qui se connaissaient et avaient du plaisir à jouer ensemble. J’ai pris beaucoup de plaisir à diriger ce groupe, bien aidé par mon staff : Aurélien Remoué, Lilian Compan la première année, après Jef Bédénik, Sébastien Sangnier, etc. Le centre de formation s’est développé, il y avait des adjoints. Ça travaillait vraiment comme des groupes professionnels. On a grandi ensemble et ça je ne l’oublie pas.
Cette expérience t’a aussi permis de tester de nombreux schémas tactiques, comme l’a souligné Léo Pétrot dans France Football en septembre 2019 : « Ce qui primait pour lui, c'était qu'on joue, mais surtout qu'on investisse le camp adverse. À l'entraînement, tous les exercices se faisaient avec le ballon, ce qui ne l'empêchait pas d'être pointu tactiquement. Il ne nous disait pas : "On ressort le ballon au sol quoi qu'il arrive !" On a aussi appris à jouer plus verticalement quand c'était nécessaire. C'est un coach moderne. Il s'adapte aux joueurs, jongle entre différents systèmes. Il est capable de renforcer le secteur défensif s'il sent que son groupe est moins bien. Il réfléchit vraiment à la manière de battre l'adversaire. Il ne se jette jamais dans la gueule du loup. Avec lui, on a évolué en 4-3-3, en 4-4-2 en losange, en 3-5-2, en 5-3-2, et il maîtrisait tous ces systèmes ! »
En fait, quand tu joues contre des équipes amateurs, t’as pas la vidéo, t’as pas filmé donc tu ne sais pas comment ça joue. En fonction de comment jouais l’adversaire ou quand on savait certaines choses, il arrivait qu’on s’adapte mais je jouais surtout sur nos points forts à nous. C’est vrai qu’à certains moments on a beaucoup changé. On a joué parfois à trois, parfois à cinq, parfois en losange, parfois en 4-4-2 à plat. On a aussi évolué en 4-3-3. On a fait grandir les joueurs là-dedans, c’est bien pour eux de savoir comment évoluer dans des schémas tactiques différents. Pour moi aussi ça a été très formateur de tester ces différentes formules.
Je me suis d’ailleurs inspiré de cette expérience stéphanoise dans certains choix que j’ai pu faire en tant que coach de l’Estac.
Je pense notamment au match à Ytrac qu’on a gagné alors que Rayan Souici s’est fait expulser à la 20e. Malgré notre infériorité numérique, on est resté à trois derrière. C’était un choix audacieux mais assumé, si on voulait monter il fallait gagner. J’ai dit aux joueurs à la mi-temps : « les gars, on joue à trois derrière, on ne change pas, tant pis si on n’est plus que dix. » Les joueurs ont adhéré : « ouais, on y va coach, ça va le faire ! » On a gagné 2-1 sur un penalty obtenu par Lamine Ghezali transformé par Mahdi Camara. Dans la même configuration, quand on s’est fait expulser un joueur rapidement la saison dernière avec l’Estac contre Valenciennes, j’ai repensé à ce match gagné à Ytrac et j’ai pris la même décision. On fait un bon match nul et derrière, toujours avec une défense à trois, on a gagné 4-0 à Ajaccio.
Peux-tu nous dire quelques mots sur Razik Nedder, qui t’a succédé à la tête de l’équipe réserve ?
Quand j’ai connu Razik, il entraînait les U13. On s’est suivi assez régulièrement. C’est quelqu’un qui a beaucoup travaillé aussi. Le club a bien recruté, on a eu des générations qui nous permettaient de bien travailler. Razik, c’est quelqu’un qui travaille bien, qui est passionné. Il sort d’un milieu amateur, il est de Saint-Etienne. Il connaît tout le monde ici. Il a sa façon de voir les choses, avec qui on parlait beaucoup comme avec tous les autres entraîneurs. L’année où il avait les U19 et où j’avais la réserve, on était assez proche. J’ai eu la chance de pouvoir entraîner la Gambard’ quand il a été suspendu en demi-finale. Il m’avait demandé de coacher pour la demi contre Bordeaux, c’était une marque de confiance. On a gagné grâce à un péno de Kenny en fin de match.
Après le départ de Christophe Galtier en 2017 cinq entraîneurs ont successivement pris les commandes de l’équipe première. Oscar Garcia, Julien Sablé, Jean-Louis Gasset, Ghislain Printant et Claude Puel. Es-tu déçu qu’on ne t’ait pas proposé le poste ? Beaucoup de supporters stéphanois regrettent qu’on ne t’ait pas donné ta chance. Au fond de toi, t’as pas un goût d’inachevé ?
En toute honnêteté, tu sais, si ça avait dû se faire, ce se serait fait. Peut-être que ce n’était pas le moment. Il faut prendre les choses comme elles doivent se prendre. Je suis parti, ça m’a permis de grandir, d’apprendre beaucoup de choses. Franchement, je n’ai pas ce sentiment d’inachevé. J’ai fait ce que j’avais à faire à Saint-Etienne. En ce qui concerne l’équipe première, si ça ne s’est pas fait c’est qu’à ce moment-là ça ne devait pas se faire. On verra ce qui se passera dans l’avenir, tout simplement. Franchement, je ne me pose pas de question. Je ne m’en suis pas posé et je ne veux pas m’en poser.
En décembre 2017, Fousseni Diawara avait tenu les propos suivant sur le plateau de TL7. « Laurent Batlles passe son BEPF et coache l’équipe réserve. Je trouve ça bizarre qu’on ne l’ait pas sollicité. Il a déjà fait partie du staff des pros avec Galtier. Il a cette expérience d’adjoint et de la Ligue 1. Il y a des questions à se poser car c’est le club qui paye la formation de Batlles. S’il passe des diplômes juste pour les avoir et pas pour s’en servir en en faisant profiter le club… C’est bizarre !"
Écoute, c’est comme ça, ça fait partie du football. Une fois encore, ce n’était sans doute pas le moment. Je l’ai toujours dit, je suis reconnaissant envers les présidents, je les ai appelés. Je les remercie à nouveau de m’avoir permis de passer mes diplômes en toute tranquillité et qu’aujourd’hui je puisse entraîner en professionnel. Je le leur ai dit personnellement. Je n’ai pas à regretter quoi que ce soit. C’est comme ça, c’est le football. On verra ce qui se passera. Je sais ce que j’ai vécu là-bas, je sais ce que dois à l'ASSE. Je sais aussi ce que je vis et ce que j’ai vécu. Je n’ai pas grand-chose à dire de plus.
Qui sait, peut-être que ton aventure avec les Verts n’est pas finie ? Dans un coin de ta tête, espères-tu être entraîneur des Verts dans ta carrière ?
Écoute, aujourd’hui il y a des gens qui travaillent, des gens qui sont en place, il y a tout ce qui se passe là-bas. La seule chose que je sais, c’est que mes copains vont venir voir le match dimanche. Ils montent de Sainté pour me voir. Ils sont supporters à la fois des Verts et de moi ! (rires) Pour ce qui est du reste… On ne sait jamais de quoi est fait l’avenir ! Je suis déjà très heureux d’avoir un poste.
Ton nom revient régulièrement dans les médias, notamment dans un article paru en avril dernier dans la Pravda au sujet d’un projet de rachat du club porté par Mathieu Bodmer et des fonds étrangers. As-tu un commentaire à faire à ce sujet ?
Non, je n’ai pas de commentaire à faire là-dessus. C’est comme ce qui s’est passé cet été, on m’a envoyé un peu partout, dans beaucoup de clubs. Aujourd’hui j’ai un contrat à Troyes, je suis très bien à Troyes, je respecte énormément ce club qui me permet de grandir. Je n’ai pas à parler de ce qui va se passer.
Merci à Laurent pour sa disponibilité