Après celui de Brest, le naufrage honteux à Nice a rétabli bien trop vite le régime de la terreur à Sainté.


Terreur nocturne en l’occurrence. Cocktail à base de sommeil bien trop fuyant, de cauchemars bien trop habituels emplis de spectres de la relégation bien trop familiers. Un régime de terreur sans violence pour l’instant, si on considère les guère répréhensibles tags destinés à réveiller tout ce beau monde, entraperçus à l’Etrat.
Mais réveiller qui au fait ? Pas les dirigeants qui jouissent sans entrave du fameux état de grâce présidentiel post-élection. Rares sont ceux qui ne se sont pas félicités du départ du FC Clowns et il faudra des années d’échec de leurs successeurs pour que l’idée nous effleure de commencer à les regretter…. Ce qui n’empêche pas de s’interroger sur le bilan du mercato data.

En la matière, après 5 matchs, l’honnêteté commande de mettre à distance les avis définitifs sur des joueurs découvrant pour la grande majorité le championnat de France. Tout juste peut-on affirmer sans trop se tromper que 99% de supporters ne connaissaient pas l’existence de Old, Boakye, Miladinovic, Cornud, Ekwah ou Stassin avant qu’ils n’arrivent à l’Etrat, ce qui n’est pas en soi le plus rassurant des constats. Et on ne se rassurera pas plus en émettant l’hypothèse qu’Olivier Dall’Oglio ne fait pas partie du 1% restant.

ODO, à peine séché après sa douche de champagne en Lorraine, affirmait à qui voulait l’entendre qu’il faudrait un surplus conséquent de talent et d’expérience dans chaque ligne pour survivre à l'étage du dessus. Constatant tel Coluche qu’il n’y en avait que deux qui suivaient - j’m’en fous j’ai les noms - il l’a dit et répété, jusqu’à la veille de la clôture du mercato et l’arrivée de Pierre Ekwah (22 ans) et Lucas Stassin (19 ans).
En disciple zélé du poète Sétois, quitte à mourir pour ses idées, il préfère que ce soit de mort lente, alors il a fini par louer l’apport technique des deux bizuths de la Ligue 1 et de la vie. De notre côté, comme on ne renonce pas facilement à l’euphorie du 2 juin, on s’est laissé emballer par des vidéos de clubs qui ne passent pas à la télé, puis endormir par l’exemplaire démonstration de solidarité face à Lille.
La promenade des Aiglons a vite fait de réveiller notre angoisse et l’enchaînement pathétique de Brest (0-4) et Nice (0-8) nous fait perdre la raison, en imaginant que le troisième déplacement à Nantes valide une vilaine suite arithmétique ou pire, géométrique…

Chacun ses premiers signes d’affolement. Si les miens sont mathématiques, pour d’autres, l’inquiétude se manifeste par des propos définitifs et peu amènes sur notre coach que les défaites et les rumeurs commencent (c’est le jeu, ma bonne dame) à fragiliser. A les écouter, ODO ne serait pas un entraîneur de Ligue 1.
Le début de saison est (très) inquiétant et justifie de se poser des questions, beaucoup de questions, y compris sur certains choix douteux de notre coach, mais celle concernant la stature d’entraîneur de Ligue 1 d’Olivier Dall’Oglio n’est-elle pas aussi absurde qu’infondée ?
Absurde car s’entendre sur les critères qui définiraient l’entraîneur de Ligue 1 et le distingueraient d’un entraîneur de Ligue 2 est aussi utopique qu’imaginer mettre fin aux débats sur l’échec de Puel au club.

C’est quoi un entraîneur de Ligue 1 ? Quelqu’un qui aurait un talent supérieur à son homologue de Ligue 2 ? Ok, mais c’est quoi le talent d’un entraîneur : le sens tactique ? les idées novatrices ? la capacité à mener des hommes ? la faculté à créer une dynamique collective ? l'art de faire progresser des joueurs ? le talent pour embarquer tout le monde, y compris ceux qui sont abonnés au banc ? la souplesse pour composer avec des dirigeants et le reste du staff ? l’intelligence pour intégrer le contexte, la culture d’un club ?

Oui tout cela à la fois et sans doute d’autres qualités encore que chacun d’entre nous, selon sa sensibilité, pondérera différemment pour porter un jugement sur la valeur d’un coach. J’avoue, après voir vu défiler dans le désordre Herbin, Baup, Puel, Nouzaret, Sarramagna, Antonetti, Galtier, Michel, Kasperczak, Hasek, Roussey, Gasset, Batlles, Toshack, Perrin et tellement d’autres que j’en suis arrivé à la (trop ?) simplissime conclusion qu’à 95%, les entraîneurs disposent du même bagage tactique, que ce bagage constitue le socle de leur compétence, mais que la différence entre eux se fera (un peu) sur leur capacité à fédérer et (beaucoup) sur la qualité de leur effectif.
Dit autrement, Guardiola aussi en aurait pris 8 à Nice.
Absurde enfin car dès lors qu’il s’agit d’un club professionnel, et que la plupart de ceux qui évoluent en Ligue 2 ont un passé de Ligue 1, un entraîneur qui a des résultats en L2 a potentiellement le niveau pour en avoir en L1 (théorème de Haise).

Au-delà, le procès en légitimité d’ODO pour coacher en L1 apparaît aussi infondé à la simple vue de son CV : il est bon de rappeler qu'il a, sur les 8 dernières saisons, conduit 7 fois les destinées d'un club de Ligue 1 et une fois de Ligue 2 (avec les Verts l’an dernier). Sur ses 7 saisons en Ligue 1 il en a terminé 5 : 2 avec Dijon (16ème en 2017 puis 11ème en 2018), 2 avec Brest (14ème en 2020 puis 17ème en 2021), 1 à Montpellier (13ème en 2022). Cinq saisons donc, à l’issue desquelles, sans gloire certes, mais avec des effectifs limités, il n’est pas descendu. Les deux autres saisons, il n’a pu les achever, étant viré deux fois : à Dijon en décembre 2018 alors que son équipe est 18ème et barragiste (place à laquelle finira son successeur, Antoine Kombouaré), à Montpellier en octobre 2022 (alors que Montpellier est 11ème).

Si on accepte l'idée que le CV est le seul critère objectif et incontestable pour distinguer un entraîneur de Ligue 1 de son homologue de Ligue 2, alors ODO est un entraîneur de Ligue 1. Et si on considère que la valeur d’un entraîneur réside dans sa capacité à tirer le maximum d’un groupe, on peut aussi se rappeler qu’il a su, l'an dernier, maximiser le potentiel d'un effectif que nous étions nombreux à trouver limité.

Alors que Nantes et Auxerre seront deux échéances déterminantes pour permettre aux Verts de se redresser et chasser l’humiliant souvenir d’un vendredi sur la Côte d’Azur il faut, pour se donner du baume au coeur, se souvenir que les lendemains de Dunkerque, Ajaccio ou QRM ont chanté. Mais il est à craindre, qu'au delà d'une souhaitable réaction, le microcosme stéphanois continue de se poser la question de savoir si Dall’Oglio est l’homme idéal pour le projet.


Alors que la vraie interrogation serait plutôt de savoir s’il entraîne réellement un effectif de Ligue 1.