Comme il y a 5 ans déjà, sous la pression d’associations de lutte contre l’homophobie et de gouvernants capables sans honte de s’opposer à l’avortement, au mariage pour tous, et à des chants qu'ils jugent homophobes, les supporters en général - le Peuple Vert en particulier - se retrouvent (injustement ?) pointés du doigt.


A l’époque quelques matchs avaient brièvement été interrompus (Nancy-Le Mans en L2, Nice-Marseille en L1), et les groupes s’en étaient donné à cœur joie pour répondre, souvent avec humour, via banderoles interposées, à une Ligue dépassée par les événements (pléonasme).
Le soufflé, très vite monté, était retombé aussi rapidement, parce que - rayez la mention inutile - les instances avaient admis s’être un peu emballées, le COVID allait quelques semaines plus tard vider les stades et supprimer les chants en cause ou simplement les médias, adeptes du zapping perpétuel, se détournaient du sujet aussi brutalement qu’ils l’avaient monté en épingle.
Comme il se doit, le marronnier revient en automne, et chacun admettra que cinq ans plus tard, aucun changement n’est réellement apparu dans ce que la grosse commission de la Ligue appelle les expressions orales des tribunes. Le derby au Groscaca Stadium il y a quelques jours en atteste.

Dans une scène culte du film (culte aussi) Le goût des autres, Jean-Pierre Bacri, patron de PME provinciale sincèrement sympathique mais un poil (de moustache) beauf, se retrouve au vernissage d’une exposition de peinture, et devant l’artiste et son mentor, croyant ainsi leur témoigner son sincère soutien, traite de gros ** les journalistes qui ayant promis de venir, ne sont finalement pas là. Ce à quoi le mentor, sarcastique, lui répond « vous voulez dire des gens qui s’enculent comme mon ami et moi ? ».
A chaque fois que le tourbillon médiatique emporte dans sa folie moralisante la question des supporters violents / racistes / sexistes / homophobes (au choix, plusieurs réponses possibles), arrive toujours le moment où je fais le parallèle entre Jean Pierre Bacri et nos Ultras. D’abord parce que j’aime les raccourcis, ensuite parce que j’adorais cet acteur.
Enfin car au fion (oui bon …) il me semble que dans les deux cas, l’utilisation de l’injure à deux lettres relève d’abord et avant tout de l’insulte facile et vulgaire, usée jusqu’à l’os (oui bon… ) depuis la nuit des temps dans tous les milieux populaires (et largement pas que) de la société. Au-delà du fait que tout le monde n’a pas le talent d’Hergé et la créativité du Capitaine Haddock, et qu’il faudra des décennies sans doute avant qu’on traite les Lyonnais d’ectoplasmes, de bachi bouzouks ou d’anacoluthes, doit-on réellement voir derrière tout cela une homophobie latente (oui bon…) ?
J’ai beau user dans le Chaudron mes fonds de culotte et cordes vocales depuis 45 ans (oui je suis vieux), j’avoue ne pas savoir dater précisément l’apparition du fameux Nous nous sommes les Stéphanois… scandé en mode ping pong par le Kop Sud et le Kop Nord au moins une fois par match en l’honneur de nos Vilains voisins (qui nous le rendent bien, les -rares- abonnés de DAZN le savent bien pour reprendre une expression popularisée sur Anal +,oui bon …).
A dire vrai, ce chant dont j’aime à la fois la force et la communion (entre les 2 kops), je ne l’ai jamais chanté en totalité. Question d’éducation peut-être. J’entends par là (par ici aussi, tous les chemins mènent à la sagesse) que la vie et ses rencontres - car oui la vie c’est d’abord des rencontres selon le théorème de Baer - se chargent de nous faire grandir. Je me souviens ainsi avoir au siècle dernier un jour été qualifié d’hétéro de base (sic) par un ami qui, lui, ne l’était pas. Oubliant de lui faire un procès pour hétérophobie manifeste, je m’étais interrogé sur ma propension coupable - dans les atmosphères collectives zé alocolisées propices aux dérapages verbaux de ma jeunesse (pas si) décadente - à lancer un très fin c’est pas un verre de tafiole à celui qui me le remplissait exagérément (alors qu’en y pensant on pouvait, oh Dieu, dire bien des choses en somme, tenez, contrepétrique : c’est pas une fiole de travers !). Faute de lettres et d’esprit, je fus donc remis à ma place de la meilleure des façons, fin de la parenthèse peu glorieuse.
Depuis, et sous l’effet sans doute de l’air du temps qui n’est pas toujours vicié, j’ai appris à contrôler mon langage, réalisant que, même quand l’intention n’est pas consciemment discriminatoire, il y a toujours potentiellement quelqu’un qui peut se sentir blessé car stigmatisé. Et qu’il peut être bon d’en tenir compte, par delà le folkore, et les habitudes de gra(gre ?)dins
Revenant au cœur du débat, il me plaît à penser qu’il en va de mon Chaudron adoré comme de ma petite personne. Il sait saisir l’air du temps et évolue sans avoir besoin qu’on le sanctionne à tout va. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les cris de singes qu’on pouvait entendre dans nos travées lorsque Basile Boli, alors Marseillais, ce qui n’était pas une circonstance absolument atténuante, touchait le ballon. C’était le début des années 90, et sans huis clos ni déclaration intempestive de ministres, les choses changeraient assez vite puisque ce type d’odieuses manifestations a disparu depuis trente ans, tandis qu’Aulas et sa clique délogeaient sans peine Tapie le pourri et son club honni au hit-parade de nos détestations et de nos insultes.
Dans un entre-deux renvoyant dos à dos les deux clubs, Magic et Green ont ensuite inventé le célèbre Nous sommes les verts-et-blancs, marseillais gros **, lyonnais enc…, qui aujourd’hui semble virer obsolète, au profit, donc, du plus ciblé Nous nous sommes les Stéphanois…. Pour les Marseillais envers qui nous conservons une tendresse particulière, nous continuons à leur rendre un historique hommage en évoquant les mœurs de leurs mères, sur la cane-cane-Canebière.
A la fois donc jamais totalement à l’aise avec le Nous nous sommes … et en même temps presque convaincu que le temps et son air le feront un jour évoluer, me voilà dans un entre deux, au milieu du gay (oui bon…) pour ainsi dire.
Mais avant tout persuadé que le combat sain et nécessaire contre l’homophobie ne sera pas remporté par des huis clos dans nos stades parce que l’éducation est en ce domaine une meilleure option que la sanction, mais aussi parce qu’on devrait savoir, à la Ligue, et chez les hypocrites qui nous gouvernent, tirer les enseignements de précédents combats : qui reconnaîtra que vingt ans de lutte contre les fumigènes n’ont fait que faire disparaître une partie du budget des clubs en amendes et une partie de la passion pour notre championnat, mais surtout pas les fumigènes ?

Qui enfin, en haut lieu, réalisera que si notre football se meurt, ce n’est pas tant de violence, de racisme ou d’homophobie, mais bien de mercantilisme absolument débridé ?