Après sept ans à Saint-Etienne, Kévin Monnet-Paquet n'arborera plus la tunique verte cette saison. Il est revenu sur son parcours à Sainté, sur les bons moments comme son but dans le derby en 2017, et les moins bons comme sa double rupture des ligaments du genou.
Kévin, que deviens-tu depuis que tu es un joueur libre ?
D'abord, je me suis occupé de mes enfants, de ma famille. Sportivement, j'essaie de trouver un projet qui puisse m'intéresser, où je vais prendre du plaisir et rejouer au football. Je suis en contact avec certains clubs à l'étranger. J'espère que ça va se finaliser d'ici peu. A priori, on ne devrait pas me revoir en Ligue 1 cette saison.
On ne verra donc pas ton affrontement avec Lionel Messi ?
Non pas cette saison (rires) ! Après je sais par quoi je suis passé physiquement avec mes blessures. Je connais la réalité du marché. La période sanitaire n'est pas facile pour de nombreux clubs. Je sors de deux saisons où je n'ai pas trop joué, de deux blessures au genou à la suite. Donc je n'ai pas de préférence sur la destination mais je veux juste jouer au foot après ces deux années compliquées. Je suis quelqu'un de pragmatique, je ne me fais pas d'illusion, tout ce que je veux c'est reprendre du plaisir.
Comment ça s'est terminé avec les Verts, tu as su assez vite que l'aventure n'irait pas au-delà du mois de juin ?
Je suis lucide sur ma situation. Sur la mienne et celle du club. Je n'ai pas eu besoin de grand discours pour comprendre que ça s'arrêterait là, je le savais. Même moi, j'ai senti que c'était le moment de tourner la page même si Saint-Etienne est un club qui m'a marqué, j'ai adoré jouer ici, c'est indescriptible. Mais c'était le moment que nos chemins se séparent. Il y a aussi une question d'âge même si ce n'est pas forcément un frein, mais c'était dans la logique des choses que je parte.
Comment tu as vécu la saison dernière où tu es revenu de ces blessures au genou en début de saison, mais tu joues finalement assez peu (17 matchs toutes compétitons confondues) ?
Ce sont les choix du coach mais je suis lucide aussi sur mon état. Je revenais de deux opérations. Quand j'ai été opéré la première fois, ça ne s'est pas bien passé donc j'ai rechuté tout de suite. Je suis reparti sur 6-7 mois d'indisponibilité, et puis il y a le Covid lors de la fin de ma rééducation. J'ai pu faire la réathlétisation au centre avec des dérogations. Mais ce n'était pas propice pour travailler sereinement. Je venais tous les deux jours pour bosser avec les préparateurs et les kinés, mais ce n'était pas l'idéal. Je voulais revenir fort mais même si je n'avais plus de douleur, il faut du temps pour être au niveau. Au début, le coach me prenait dans le groupe, m'a fait rentrer quelques fois mais ce n'était pas top. C'est dommage qu'il n'y ait pas eu de suite, mais c'est le football. Claude Puel a fait ses choix, il savait aussi que j'étais en fin de contrat, que je n'allais pas rester. Peut-être qu'il n'a pas forcé pour me faire jouer.
Pourtant, il a loué à plusieurs reprises ton professionnalisme et ta force de caractère, on aurait pu imaginer te voir un peu plus sur les terrains ?
Je n'ai jamais lâché pour tenter de revenir mais il faut du temps pour reprendre les automatismes, la caisse et tout ce qui va avec. Mais quand tu joues 5 minutes, que tu n'es plus dans le groupe, que tu reprends 20 minutes ... c'est difficile d'avoir du rythme. C'est un engrenage. J'étais bien aux entraînements mais rien ne remplace les matchs en compétition.
Comment tu le définis Claude Puel dans son management ?
Il est proche de certains joueurs, moins d'autres mais c'est normal. Tout le monde a remarqué que ce n'était pas un entraîneur très tactile ou loquace. Mais chacun sa méthode ! Ce n'est pas forcément celle que j'apprécie le plus.
On a lu l'année dernière dans la presse qu'il y avait une cassure entre les jeunes du vestiaire et les plus vieux, c'est une vérité ? Comment t'as ressenti cela à titre personnel ?
Quand ça ne va pas, on trouve toujours quelque chose à dire ! La saison dernière, la vérité c'est qu'on n'a pas été au niveau. Tous. Joueurs et staff. Mais dans l'équipe, il y a une bonne ambiance ! Il n'y a pas eu de grosse cassure. En revanche, c'est vrai que quand il y a beaucoup de jeunes, c'est pas pareil que quand tu as un groupe plus équilibré. Le vestiaire est différent de ce qu'on a connu les précédentes années à Sainté, mais c'est aussi le foot de maintenant.
La progression de certains jeunes s'est-elle faite au détriment de certains anciens ?
Non, je ne pense pas. Le coach met la meilleure équipe possible sur le terrain. Jeune ou moins jeune, il aligne les meilleurs. Au début de saison, il y a certes eu des joueurs mis de côté parce que le club voulait s'en séparer, certains l'ont peut-être mal pris. C'est sûr que ce n'est pas l'idéal pour préparer la saison. Ça n'amène pas de sérénité, de cohésion, c'est sûr.
Finalement, vous vous en êtes bien sortis avec une belle fin de saison.
Oui, on a pris des points importants en gagnant des matchs clés. On termine la saison presque dans la première partie de tableau, mais les résultats de l'hiver nous ont quand même fait peur à un moment. Même si on finit bien, on n'est pas passé loin, il faut le dire. Quand tu enchaînes une dizaine de matchs sans gagner, c'est dur. Tu as beau essayer à l'entraînement ... ça n'a pas été simple mais on s'est en bien sortis !
L'absence de public à domicile, ça vous a pénalisé ?
Forcément ! Sainté sans le Chaudron, c'était particulier, il te manque cet élément qui te pousse. Mais c'était pareil pour les 19 autres équipes de L1. Pour nous, c'était peut-être un peu plus dur. Ce manque de soutien, d'entrain ... Mais on ne va pas se cacher derrière ça puisque toutes les équipes ont souffert de l'absence de leur public.
Parlons justement de ta relation avec le public stéphanois. Une histoire particulière !
Oui, mais je vis cela avec beaucoup de détachement. Je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. Ça m'a fait plaisir d'avoir pu retourner l'opinion du stade mais je ne me prends pas pour quelqu'un d'autre.
Mais inverser la tendance c'est difficile. Tu te souviens des premiers sifflets, comment tu les as vécus ?
Mes premiers mois à Sainté se sont super bien passé. J'ai marqué contre Reims, j'ai marqué en Europa League contre Karabükspor, franchement c'était génial ! Et puis par la suite, j'ai été moins bon. Certains supporters m'ont sifflé, il y a peut-être eu un effet boule de neige. C'est tombé sur moi parce que je n'étais pas au niveau.
Mais ça n'aide pas le joueur à progresser !
Non, c'est clair ! C'est dur, tu tentes de faire les efforts, de te remettre en question, de ne pas lâcher ! Mais c'est le football, c'est le revers de la médaille. Ça m'a touché mais si tu veux, je savais que jz n'étais pas bon. La période n'a pas été très bonne mais je savais que ça allait revenir, que ce n'était qu'une question de temps, que je devais travailler. Je n'ai jamais lâché, j'ai cherché à retrouver les sensations de mes débuts. Je ne dirai pas que j'ai réussi à renverser le public parce que ce n'était pas la majorité qui sifflait, mais c'est vrai que ça fait plaisir !
Plaisir aussi d'avoir sa petite chanson dans les kops ?
Oui c'est clair ! Ça m'a marqué ! Quand tu entends ça dans un derby par exemple, c'est incroyable. C'est une fierté ! C'est possible aussi que mon nom colle bien à la petite chanson (rires) ! Ça a marqué mon passage, et c'est vrai que les supporters quand ils me croisent dans la rue, ils me la chantent à chaque fois ! C'est sympa !
Les Magic Fans ont aussi déployé une banderole lors d'un match contre Paris : "Vous avez un paquet de monnaie, nous avons Monnet-Paquet"
Ouais, ce sont des petites blagues, des jeux de mots qu'on me faisait en primaire (rires)
Tu as évoqué ton but en Coupe d'Europe contre Karabükspor et ta relation avec le public, est-ce que ça fait partie de tes meilleurs souvenirs à Sainté ?
Oui entre autres ! J'ai vécu des moments incroyables ici lorsque le stade est plein ! Contre Karabük, c'était chaud, le club s'était fait sortir l'année d'avant contre Esbjerg. Donc il fallait vraiment qu'on passe, sinon ça allait chauffer ! Moi je venais tout juste d'arriver et je marque ce but qui nous permet d'égaliser sur les deux matchs et ensuite Ruff a fait ce qu'il fallait aux pénos, c'était magique.
Tu as connu la plus grande joie pour un joueur de l'ASSE : marquer dans un derby !
Alors ça ... c'était magnifique. On avait une super équipe à cette époque avec Galette. Entre cette équipe, et celle qu'on avait avec Jean-Louis, ça fait partie des plus beaux effectifs.
Tu retiens quoi de ces deux coachs ?
Ce sont deux styles différents là encore. Avec Galtier, on a appris à être costauds. On a disputé l'Europa League et en championnat, même si ce ne paraissait pas toujours flamboyant, on faisait le boulot pour terminer dans le top 5. Ce n'était pas toujours beau à voir, c'est sûr. Mais avec Jean-Louis, on a fait un super truc ! Quand il reprend l'équipe début 2018, on est 17eme, on termine 7eme et la saison suivante, on fait 4eme. Vraiment, il y avait une osmose parfaite entre les joueurs, le staff, le public. Tout était réuni pour qu'on fasse de grandes choses. La méthode de Jean-Louis nous convenait bien, après on lisait comme quoi on avait beaucoup de liberté ... oui on en avait mais il connaissait ses joueurs sur le bout des doigts. Sinon on n'aurait pas terminé 4eme.
C'est lors du passage de Ghislain Printant que cette question d'une trop grande liberté des joueurs a surtout été évoquée.
Ouais, la transition n'a pas été très bien gérée. Mais moi j'étais blessé à ce moment-là, je ne pouvais trop rien dire, je n'étais pas aux entraînements. Je savais que Ghis allait reprendre l'équipe mais ça n'a pas été facile. Il y a sûrement eu des mauvais comportements, du laisser-aller. Mais ça arrive partout et tout le temps, même aujourd'hui. Ce n'était pas propre à Ghislain. Mais comme il a fallu trouver une raison, c'est ça qui est sorti. Mais les joueurs qui ont terminé 4eme quelques mois avant étaient encore là ! Ce qui est sûr c'est que Jean-Louis a su nous gérer intelligemment. Ceux qui jouaient comme ceux qui ne jouaient pas. Parfois, quand tu ne joues pas, t'as tendance à râler sur le coach. Là, je ne dis pas que tout les remplaçants étaient ravis, mais il y avait ce respect ! Quand tu sens que le coach est là pour l'équipe, tu pousses avec lui ! Et puis, il y avait aussi une sacrée qualité dans l'effectif.
Tu as évoqué tes blessures qui ont émaillé ton parcours, c'est ton pire souvenir ?
Oui, à titre personnel c'est sûr. Quoique (il hésite), je me demande si le 5-0 dans le derby ne m'a pas fait plus mal que la douleur des croisés...
Ce qui me fait mal à titre personnel c'est de te demander quel 5-0 dans le derby !
Le premier, celui avec Oscar. Le dernier, je ne l'ai pas joué mais en vérité c'est très différent quand tu n'es pas sur le terrain. Et puis on avait 12 absents donc ça n'avait rien à voir. Mais oui, ce derby de fin 2017 ... c'était particulier. Dans l'approche de ce match.
Avec Oscar Garcia ?
Je pense qu'il avait pris sa décision de partir avant. Le derby a été le coup de grâce. Il a sûrement eu ses raisons pour partir. Mais avant ce derby, on était 6eme au classement. Il y avait pire comme situation. On avait bien débuté la saison. Peut-être que ça n'a pas fonctionné avec la direction, mais avec les joueurs ça se passait bien. Mais la semaine du derby, on sentait qu'il y avait un malaise. C'est dommage que ça arrive avant le match le plus important de la saison. On a tenté de rameuter tout le monde mais ça n'a pas été simple.
J'en reviens à tes blessures au genou et sur ce que tu nous as dit en début d'entretien, sur le fait que ta première opération ne s'était pas bien passée ?
Oui d'ailleurs ça a cassé très vite après. Je me suis fait opérer après cette blessure contre le PSG (février 2019, ndp2) et c'était la première fois que je me faisais opérer. Je n'avais jamais eu ni claquage, ni déchirure, rien. Je ne connaissais pas les douleurs d'opération. Peu de temps après, je sens que le genou réagit à l'opération mais je me dis que c'est normal, que chacun réagit différemment au post-opératoire. Mais je vois que ça me lance, que ça fait des bruits bizarres, que ça gonfle ... Je fais ma rééducation, les premières courses, ça allait. Mais dès que j'ai retouché le ballon, après chaque entraînement, le genou gonflait comme une patate le lendemain. Du coup, je restais 3 jours en soins et dès que je reprenais, rebelote. Donc j'ai senti que ce n'était pas normal. Et je ne m'étais pas trompé.
Puisqu'en octobre, ça lâche une nouvelle fois !
Ouais, à l'entraînement. Sur une opposition, juste après l'arrivée de Claude Puel. Et la douleur, je te garantis que ce n'était pas la même. C'était trois fois pire. J'ai crié, je me suis écroulé. La première fois, ça a lâché sur une frappe en extension. J'ai ressenti une douleur vive, mais rien à voir avec la deuxième fois, c'était incroyable. J'ai été voir le chirurgien, et il m'a dit que si ça n'avait pas pété là, ça aurait lâché dans quelques semaines ou mois.
Et tu n'as pas eu ce problème à la deuxième opération ?
Non, aucun gonflement, pas de douleur, là c'est nickel. C'était le jour et la nuit.
Tu as eu une appréhension au moment de rejouer ?
Non et même les sensations d'entraînement étaient différentes. Bien meilleures la deuxième fois. Ce qu'il faut c'est bien retrouver la force dans la jambe, pour les appuis. Mais ce sont les matchs qui te permettent de récupérer ton niveau. Il faut enchaîner. Ça m'a un peu manqué mais c'est comme ça.
Tu as pu compter sur le soutien des potes du vestiaire ?
Oui beaucoup de monde au club et dans le vestiaire ont été là pour moi, par les textos, les appels. C'est au moment de la rééducation que t'es seul mais franchement je l'ai bien vécu. Je me suis dit que ce n'était qu'une blessure, que ce n'était pas grand chose. Evidemment, deux fois de suite c'est dur surtout qu'elles s'enchaînent et que tu sais la difficulté, la douleur, le travail que c'est pour revenir déjà une fois. Alors deux ... Mais déjà j'ai pu revenir, j'étais content de pouvoir rejouer en L1. C'est dommage de ne pas avoir pu vivre ces sensations avec le public la saison dernière, mais c'est comme ça. Quand tu vois Loïc qui a pris sa retraite sur un carton rouge à huis clos, après tout ce qu'il a vécu et traversé ... c'est dur !
Tu vas suivre les Verts cette saison ?
Oui j'ai vu le premier match contre Lorient, les deux équipes auraient pu l'emporter. En tant que supporter des Verts, on attend mieux encore, surtout à domicile. Mais il y avait quelques absents. C'est le début, il faut prendre le rythme de la compétition, ça va venir !
Et on affronte dimanche un autre club que tu connais bien, Lens !
Ah oui ! Lens c'est un club spécial ! Chacun de mes clubs m'a apporté mais Lens c'est le début de l'histoire ! On dit que Lens et Sainté se ressemblent, dans les stades, la façon de supporter, les villes ... Les supporters sont amis en plus. C'est un match très particulier pour moi.
Tu as du mal à choisir un camp !
Oui ! S'il y a un partage des points ça me va ! Même si j'ai des potes à Sainté ... mais Lens, tu vois c'est tellement spécial pour moi. Je les regarde souvent quand ils jouent. Même quand ils étaient en L2, j'étais à fond. J'ai une vraie sensibilité pour ce club même s'il ne reste personne de mon époque, mais c'est là que j'ai été formé, que j'ai découvert le monde pro, la Coupe d'Europe. Je suis attaché à ce club, à ces supporters aussi.
Plutôt Bollaert ou Chaudron d'ailleurs ?
Quand je suis arrivé à Lens à 14 ans, j'ai fait ramasseur de balles pour un match de Ligue des Champions contre le Bayern (1-1, 24 septembre 2002, ndp2). Je crois que c'est Utaka qui avait marqué de la tête. Le stade était plein et j'ai vraiment cru que ça allait s'écrouler quand j'ai entendu le bruit du public. Mais Sainté en mode derby quand ça crie et tout, c'est quelque chose aussi. Franchement, match nul ! Les deux sont au top, incroyable !
Merci à Kévin pour sa disponibilité !