Sans club depuis son expérience au Spartak Varna (Bulgarie) la saison 2022-2023, l'ex-défenseur central stéphanois Ben Karamoko (29 ans) nous présente son ancien coach Eirik Horneland (49 ans), fortement pressenti pour devenir le nouvel entraîneur des Verts.


"C’est avec Eirik que j’ai connu en 2018 à Haugesund en Norvège ma meilleure année de football. Sur un plan humain et sportif, j’ai beaucoup apprécié notre collaboration. C’était ma première expérience à l’étranger. A Haugesund, Eirik a réussi à construire une bonne équipe où il y avait évidemment pas mal de joueurs norvégiens mais aussi des étrangers, des Africains. Bien sûr Ibrahima Wadji, que vous connaissez bien à Sainté mais aussi Ibrahima Koné, qui a évolué plusieurs saisons à Lorient et qui joue désormais en Arabie Saoudite. Il y avait plusieurs joueurs nigérians, notamment l’attaquant David Akintola qui a suivi Eirik à Rosenborg l’année d’après et qui joue depuis plusieurs saisons en Turquie.

J’aimais bien le management d’Eirik, il faisait tout pour qu’on soit uni. On n’était pas l’équipe la plus forte mais on sentait vraiment qu’on était un bon groupe, solide et solidaire. Eirik mettait l’accent sur le travail et insistait pour que l’on parle tous ensemble. Il faisait en sorte que l’on se mélange, qu’on apprenne à mieux se connaître, il nous encourageait à échanger avec les joueurs dont on ne parlait pas la langue. Eirik a œuvré pour que les Norvégiens nous intègrent bien et qu’on fasse l’effort d’échanger avec eux.

Sur le terrain, on se dépouillait, on jouait vraiment les uns pour les autres. On courait beaucoup et on avait des résultats. On a performé à Haugesund grâce à Eirik. J’ai failli ne jamais évoluer sous ses ordres car à la base je devais rejoindre Sarpsborg, un club dont j’ai finalement défendu les couleurs 2 ou 3 ans plus tard, en 2021. Sarpsborg avait appelé Alexandre Söderlund pour prendre des renseignements mais au final c’est Haugesund qui m’a fait venir pour une semaine d’essai. Au bout d’un jour d’entraînement, Eirik m’a dit qu’il me voulait.

Au début, je ne voulais pas du tout aller à Haugesund. Mais je me suis dit que le coach me voulait vraiment, qu’il fallait me lancer dans cette première expérience professionnelle à l’étranger. J’avais déjà joué 7 matches en pro avec Sainté, 3 en Ligue 1 et 4 en Coupe de France, le dernier en tant que titulaire lors d’une élimination aux tirs au but à Troyes à l’époque où Jean-Louis Gasset avait repris l’équipe. Au final je ne regrette vraiment pas d’avoir signé à Haugesund, ça a matché de suite avec Eirik, j’aime bien sa personnalité.

Eirik est très proche de ses joueurs, très franc et très juste avec eux. Il n’a pas peur de mettre son meilleur joueur sur le banc s’il ne fait pas les efforts. C’est l’image que je retiens de lui, c’est un coach qui dit les choses clairement, sans fioritures. C’est quelqu’un qui donne beaucoup de la voix, qui bouge beaucoup. Je pense qu’on va bien l’aimer à Sainté mais il faudra lui laisser un peu de temps car il y a la barrière de la langue. Cette barrière, c’est le seul truc qui me fait un peu peur car pour le reste, comment gérer un groupe, un vestiaire, ça va le faire je pense !

Eirik vit les matches à fond, un peu comme Diego Simeone. Parfois je me disais : « C’est un dingue ! » Je ne sais pas s’il est encore comme ça car il ne faut pas oublier que c’était la première fois qu’il était l’entraîneur numéro un d’une équipe professionnelle. Haugesund, c’était un peu « son club » il y a terminé sa carrière de joueur, il y a commencé sa reconversion comme entraîneur adjoint avant d’y revenir quand je l’ai connu en tant que numéro, sachant qu’entretemps il a été sélectionneur d’équipes de Norvège chez les jeunes.

Eirik nous demandait d’exercer un fort pressing. On allait très vite vers l’avant, on avait un bon duo devant avec Wadji et Koné qui gardait bien la balle. Eirik nous demandait d’avancer, on ne défendait pas en reculant. On allait au pressing, on faisait ça de façon coordonnée et on y allait vraiment fort. A Brann, apparemment, pour avoir échangé avec des suiveurs des dernières saisons de Tippeligaen, il a un peu changé son jeu, davantage basé sur la possession, mais il a quand même gardé sa base, cette volonté farouche de faire le pressing.

Je crois que désormais le schéma préférentiel d’Eirik est le 4-3-3 mais à l’époque à Haugesund on jouait en 4-4-2. Tous les deuxièmes ballons, il fallait les gagner, Eirik insistait vraiment là-dessus. Il fallait jouer le pressing à fond. C’était un autre football que celui que j’avais connu à Saint-Etienne. Ça m’avait choqué mais j’ai adoré. J’ai vécu une très belle saison sous la houlette d’Eirik, on a gagné plus de la moitié des matches. On a eu une série de 3 défaites en septembre, ça nous a sans doute coûté le podium mais on a quand même fini à une belle 4e place derrière Rosenborg, Molde et Brann.

Nos bonnes performances ont fait qu’Eirik s’est fait remarquer cette saison, c’est suite à ça qu’il s’est engagé dans la foulée à Rosenborg. Il y est resté à peine plus d’une saison, je crois que ça ne s’est pas passé comme il l’espérait. Sa seconde saison là-bas, il a été remplacé au bout de 3 journées après un nul et deux défaites. Mais c’était déjà un jeune entraîneur côté à l’époque en Norvège. Il a su rebondir à Brann, qu’il a fait remonter en Tippeligaen et qui a fini 2ème ces deux dernières saisons. Il a gagné la Coupe de Norvège l’an dernier. Franchement, c’est bien ce qu’il a fait dans ce club !

Avec lui, on avait des séances d’entraînement très intenses à Haugesund. Ça ne rigolait pas sur le travail défensif et ça bossait bien sur les combinaisons entre nos attaquants. Moi ça ne me choque pas que Sainté aille le chercher. Eirik est un vrai coach, un meneur d’hommes. Pour moi, c’est son adaptation qui va être difficile pour lui. Jusqu’alors il n’a eu des expériences que dans son pays, en Norvège. La Ligue 1, on ne va pas se mentir, c’est un autre niveau que la Tippeligaen, même si le championnat norvégien a beaucoup évolué et que ses meilleurs clubs ne déméritent pas dans les compétitions européennes.

Je pense que ça peut bien matcher entre Eirik et Sainté mais il faudra lui laisser du temps. Si les nouveaux propriétaires l’ont ciblé, c’est qu’ils l’ont bien étudié. Eirik sait développer des jeunes, c’est un entraîneur entraînant et il est exigeant. J’espère qu’il va réussir à Sainté. A mon avis les nouveaux décideurs misent sur lui pour du long terme. Certes, les Verts sont en mauvaise posture en championnat, ils vont devoir batailler pour le maintien. Certes, Eirik n’a aucune expérience de la France et de la L1.

Mais les dirigeants stéphanois ont dû peser le pour et le contre, envisager tous les scénarios sportifs même si on espère tous que les Verts ne vont pas redescendre. Ses 6 premiers mois, je me pose des questions mais sur le long terme je sais que ça va le faire avec Eirik. Il faudra être patient, bien analyser. Il faudra qu’Eirik s’adapte bien à son nouvel environnement et surtout que les joueurs s’adaptent bien à sa philosophie, à ses principes de jeu. L’idéal serait qu’il ait un adjoint français sachant qu’Eirik ne parle pas notre langue mais maîtrise très bien l’anglais.

A Haugesund, Eirik et les joueurs norvégiens parlaient à tous les joueurs étrangers en anglais. Au début pour ceux d’entre nous qui parlaient très peu anglais, on avait un joueur qui nous faisait office de traducteur. C’était Bruno Leite, un capverdien qui parlait français et qui est toujours à Haugesund d’ailleurs. Quand j’avais un rendez-vous avec Eirik, c’est Bruno qui traduisait. Eirik nous a forcés à parler anglais et ça a été bénéfique pour nous. Quelque part c’est grâce à lui qu’aujourd’hui je me débrouille très bien en anglais et que c’est toujours utile quand on voyage de maîtriser cette langue.

Je me souviens d’une période à Haugesund où on avait refait une préparation. On arrive en juin-juillet et je ne joue pas trop. Quand je ne jouais pas, les autres défenseurs faisaient le taf ou marquaient même quand on perdait, c’était peut-être délicat pour Eirik de les enlever. Mais bon, je rongeais mon frein. Je suis allé le voir dans son bureau. Je lui ai dit : « pourquoi je ne joue pas ? » Il a sorti le calendrier. Il m’a dit : « là, t’étais bon, là t’étais moins bon, là t’étais nul. » Eirik, il est cash, direct. Après notre entretien, on s’est serré la main comme des bonhommes.

Le lendemain, à l’entraînement, j’avais mis Wadji dans ma poche. Sauf qu’après il m’a remis sur le banc. Eirik ne va pas te faire jouer si tu ne travailles pas assez. C’est un mec franc, qui assume ses choix et les explique si on souhaite en connaître les raisons. Eirik, c’est un mec droit, c’est pas le genre de coachs à avoir des problèmes avec son groupe. Si tu poses la question à Ibrahima Wadji, il va te dire que c’est mon père (rires). C’est un entraîneur qui impose le respect. Avec Christophe Galtier, Eirik est l’un des top coaches que j’ai connus.

J’espère de tout cœur qu’Eirik va réussir à Sainté. En tant que joueur formé à l’ASSE, les Verts ne me laissent pas indifférent. Si je n’ai pas trop regardé leurs derniers matches, je suis avec attention leurs résultats. Je suis assez proche de Mickaël Nadé, c’est un peu mon petit frère. J’échange de temps sur Instagram avec Aïmen Moueffek. J’aime bien suivre les jeunes issus du centre de formation qui jouent en équipe première. Ça fait toujours plaisir, on est passé par là où ils sont passés. Il y en a qui ont plus de chance que d’autres. On leur a fait plus confiance que certaines générations.

Moi j’espère que Saint-Etienne va se maintenir. Pour nous les Parisiens qui avons joué là-bas, Saint-Etienne, c’est spécial. On espère que les Verts vont rester dans l’élite. Même si ça va être compliqué, on espère que leur seconde partie de saison sera largement meilleure que la première, qui n’est pas finie du reste car il reste encore la réception de Reims et le déplacement au Parc des Princes. Je pense qu’Eirik va beaucoup aimer l’ambiance du Chaudron. J’ai hâte de le voir à l’œuvre à Sainté, hâte de savoir comment ça va se dérouler pour lui, comment il va évoluer dans son coaching.

Eirik a forcément dû évoluer depuis que je l’ai connu à Haugesund, il a beaucoup plus d’expérience qu’avant. Une expérience très concluante à Brann. Je suis curieux de savoir ce qu’il va se passer. En tout cas je ne lui souhaite que du bon à Eirik, c’est un bon gars. Pas un joueur de l’équipe de 2018 à Haugesund ne va te dire une mauvaise chose sur Eirik. Tant par ses qualités humaines que par ses qualités d’entraîneur, il a fait l’unanimité l’année où j’ai travaillé sous ses ordres.

Eirik était proche de nous, c’était un jeune entraîneur. On l’appelait tous Eirik. Il avait pour adjoint Karl Oskar Emberland, qui l’a suivi ensuite lorsqu’il était à Rosenborg mais je crois que leurs chemins se sont séparés depuis. C’est Eirik qui gérait les séances d’entraînement. Karl Oskar était plus âgé, il parlait beaucoup avec les joueurs. Il criait moins qu’Eirik, il était plus calme. Eirik va changer de dimension en arrivant à Saint-Etienne car il arrive dans le plus grand club qu’il ait connu jusqu’à présent. Je pense que les supporters vont l’aimer.

Eirik arrive à faire ressortir des joueurs le meilleur d’eux-mêmes. Il est très attentif à l’investissement que les joueurs mettent à l’entraînement. A Haugesund, ça ne fonctionnait pas comme à Sainté. Chez les Verts, on bossait pas mal la préparation physique la semaine avec Thierry Cotte. A Haugesund, le préparateur physique n’intervenait quasiment que le week-end. C’est plus le kiné qui nous préparait pour les matches, on faisait davantage de prévention de blessure. A Sainté, les kinés on ne les voyait que lorsqu’on était blessé.

A Haugesund, on faisait beaucoup de musculation. On ne faisait que ça le lundi, on en refaisait le jeudi. Et on faisait ça avec les kinés, pas avec le préparateur physique. Je suis curieux de savoir comment Eirik va fonctionner à Sainté car l’ASSE est un plus grand club. Est-ce qu’Eirik va bosser comme en Norvège ou va-t-il s’adapter et adopter des méthodes plus courantes en France ? Ce sera intéressant de voir comment Eirik va fonctionner, avec quel staff et avec quel programme."

 

Merci à Ben pour sa disponibilité