Sélectionneur de l'équipe de France U17, Jean-Luc Vannuchi nous présente le prometteur milieu de terrain Mathis Amougou (17 ans), qui a signé il y a deux semaines un premier contrat pro de 3 ans avec l'ASSE.


Jean-Luc, tu connais bien Mathis pour l’avoir convoqué dès le mois de mai 2022 quand tu avais à l’époque en charge l’équipe de France U16.

Oui, c’est un garçon qu’on suivait et je l’ai vu à l’œuvre l’an dernier à l’occasion du Tournoi de Montaigu. Je participais alors au challenge Nations avec l’équipe de France U16 et Mathis participait avec Saint-Etienne au Challenge Clubs. Les Verts avaient éliminé Bordeaux en demi-finale et s’étaient imposés contre Marseille en finale. Les prestations de Mathis avaient été convaincantes. J’avais vu qu’il était beaucoup dans la prise d’informations avant de recevoir le ballon. C’est important, Mathis arrive à bien se situer et à s’orienter. J’avais un rassemblement après Montaigu, le dernier de la saison, pour une double confrontation avec l’Allemagne. J’ai donc convoqué Mathis Amougou mais aussi son coéquipier stéphanois Meïvyn Agesilas. Après, j’ai eu le Covid, j’ai dû quitter le rassemblement mais il a donné satisfaction.

C’est donc fort logiquement que Mathis a été convoqué en début de saison en équipe de France U17. Mathis s’affirme au fil du temps, que ce soit en sélection ou en club. Il a été titularisé 5 fois en National 3 et a d’ailleurs marqué avec la réserve contre Chambéry la veille de l’officialisation de son premier contrat pro de trois ans avec l’ASSE. En équipe de France U17, Mathis compte déjà une dizaine de sélections et je l’ai titularisé à sept reprises. Il a réalisé un doublé victorieux le mois dernier contre la Lettonie lors du Tour Elite de l’Euro U17 qu’on a joué en Albanie. Mathis est un garçon qui progresse, qui avance. C’est un bon coéquipier. C’est vraiment un bon garçon, bien sous tous rapports. Voilà, c’est une bonne découverte, c’est un garçon intéressant.

Tu les as déjà évoquées mais quelles sont ses principales qualités de joueur ?

Mathis a de très bonnes capacités à se projeter, que ce soit avec ou sans ballon. Il est capable d’éliminer, de casser des lignes en possession. Mathis est un joueur qui aime bien prendre les espaces sans ballon, il est toujours demandeur. Il a de la variété et aussi et surtout un gros volume de jeu. Mathis est un garçon qui abat énormément de terrain. Il a une bonne qualité de passe, une bonne lecture du jeu et sa projection devant le but lui permet aussi de marquer. Il a de la variété dans son jeu, il a un panel assez large. Il a un très bon pied droit. Il doit progresser sur son mauvais pied, Mathis a conscience que son pied gauche est perfectible. Personne n’est indispensable mais à nos yeux c’est un joueur important pour la sélection.

Tu utilises Mathis à quel poste et dans quel schéma tactique ?

On joue beaucoup en 4-3-3 avec une sentinelle et deux numéros 8. Mathis est souvent l’un de ces deux relayeurs. J’aime bien l’utiliser en 8 car il est un peu plus libre que s’il évoluait en sentinelle où je demande de la discipline en restant devant la défense. Mathis peut naviguer. Après, j’autorise des rotations au milieu donc il peut aussi se retrouver numéro 6 devant la défense. Aujourd’hui, le haut niveau demande de la polyvalence, demande à être un peu créatif et surtout de la mobilité pour déjouer les plans de l’adversaire. Mathis coche ces cases-là donc c’est intéressant de l’utiliser dans ce registre.

Mathis n’est pas un numéro 10, c’est davantage un 8 voire un 6. Dos au jeu il n’est pas techniquement aussi à l’aise que peuvent l’être d’autres garçons. Mathis n’est pas un meneur de jeu, c’est un relayeur. Il est capable de créer le lien en percussion par des appels, on peut le trouver dans la profondeur comme balle au pied. Mathis est un garçon qui n’a pas peur de jouer sous pression. Il l’a montré notamment en février dernier quand on a battu deux fois l’Italie à Clairefontaine. Mathis, c’est quelqu’un qui ne se cache pas, il propose toujours des solutions au porteur du ballon. Il arrive souvent à s’en sortir par une passe juste ou par l’élimination de l’adversaire. C’est à mes yeux un joueur qui est complet même si bien sûr il y a encore du boulot.

Lui vois-tu d’autres axes de progression que ceux que tu as déjà mentionnés ?

Mathis va progresser en répétant des matches de haut niveau. On voit déjà qu’au niveau international ça tape déjà beaucoup, c’est ce que l’on retrouve dans certains clubs. Pour te donner une idée, en termes de données GPS, un match en équipe de France U17 correspond à un match de N2. Il y a encore toutes ces évolutions-là à développer, pour Mathis comme pour beaucoup d’autres. A la phase finale de l’Euro, on va devoir jouer en mai prochain 3 matches de poule en 6 jours pour essayer de se qualifier en quart de finale. Il faut être capable non seulement d’être au niveau international mais aussi de pouvoir le répéter. Au-delà de l’aspect technique, il y a aussi cette partie athlétique. Elle est très importante.

Mathis a cette capacité à répéter les efforts. Les retours GPS qu’on fait après chaque match en attestent. On fait un retour individualisé, chaque joueur a un retour. On se sert des références des 2005 qui ont été champions d’Europe l’année dernière avec les Mathys Tel, Désiré Doué, etc. [les Stéphanois Ayman Aiki et Noah Raveyre ont fait partie de cette équipe, ndp2]. Il y a une pastille bleu-blanc-rouge à aller chercher dans les dominantes athlétiques. Les autres pastilles sont jaunes ou rouges. Quand elles sont rouges, c’est que les garçons ne sont pas dans les clous. Mathis est souvent bleu-blanc-rouge.

En quoi consistent ces données GPS ?

Il y a pas mal de données. Le volume global, c’est-à-dire les mètres parcourus par minute. Quel que soit le temps de jeu des garçons, ça reste une référence. On a des stats sur les courses à haute intensité. On a les sprints. On a les « acced’ » et les « déced’ ».

Quésaco ?

Les accélérations et les décélérations Quand tu dois freiner et réaccélérer. Cela fait partie de nos indicateurs. Toutes ces stats qu’on collecte ne sont pas éliminatoires, hein, attention ! Mais c’est la base pour pouvoir enchaîner au niveau international. Le niveau international, c’est répéter en très peu de temps des matches à haute intensité. En clubs, les garçons n’ont qu’un match par semaine, et encore, pas tous les week-ends. Au Tour Elite on a fait 3 matches en 6 jours, on va remettre ça dans un bon mois lors de la phase finale en Hongrie.

On fait attention. A titre d’exemple, Mathis a joué intégralement 2 matches en 3 jours lors du Tour Elite, contre l’Albanie et la Lettonie. Mais lors du 3e match contre la Sussie, j’ai attendu plus d’une heure de jeu pour le faire rentrer. A la phase finale on aura un groupe de 20 joueurs, on n’a pas un groupe pléthorique. Et en général, quand ça se passe bien, on a tendance à reconduire l’équipe qui performe. Potentiellement, ça veut dire qu’un garçon peut faire 180 minutes en 3 jours, comme c’est arrivé à Mathis.

La phase finale de l’Euro, on est tombé dans une poule très relevée : Allemagne, Portugal et Ecosse. Ce sera du haut niveau, ça va taper sec ! C’est pour que ça que pour nous les données collectées via GPS sont importantes. Les garçons le savent. Il faut élever le niveau en sélection parce que c’est comme ça, c’est la sélection qui le demande. Ce n’est pas juste un souhait de notre part, c’est la réalité du niveau international.

On l’aura compris, Mathis n’est pas un peintre sur le terrain. Et en dehors, c’est la joie de vivre ? Il est comment ce jeune homme ?

Mathis est un très bon coéquipier. Ce n’est pas un garçon qui s’extériorise énormément, en tout cas avec nous. Après, dans le groupe je sais qu’il est très bien intégré. Petit point de vigilance : sur les horaires, de temps en temps. Il n’est jamais en retard mais jamais trop en avance (rires). Il faut toujours un dernier mais c’est embêtant quand le dernier est toujours le même (sourires). Il n’est pas dans ce truc-là mais RAS concernant Mathis sur le comportement et les attitudes en sélection. C’est un bon garçon, très investi aux entraînements, respectueux. Il y a zéro problème avec Mathis.

Même si c’est devenu un peu moins exceptionnel que par le passé, ce n’est pas si fréquent qu’un garçon signe pro à l’âge de 17 ans. Peux-tu nous rappeler quels autres 2006 que Mathys ont déjà paraphé un contrat professionnel ?

Junior Kroupi a signé pro à Lorient dès le mois de juin dernier, et il a été appelé pour la première fois dans le groupe pro le week-end dernier lors du match nul et vierge des Merlus contre Marseille. Tidiam Gomis a signé pro à Caen l’été dernier. Daouda Traoré en a fait de même avec Nice à l'automne. Et il y a bien sûr Warren Zaïre-Emery. Lui c’est un cas un peu à part, il a déjà joué une bonne vingtaine de matches toutes compétitions confondues cette saison avec le PSG, que ce soit en Ligue 1, en Coupe de France ou en Ligue des Champions. Je l’ai eu en équipe de France U16 mais il est désormais surclassé, il compte plusieurs sélections en équipe de France U19.

C’est vrai que la précocité, on la voit de plus en plus. Avant on n’avait pas ce phénomène-là à gérer. Aujourd’hui on est souvent hors des dates FIFA en sélection. Hors dates FIFA les clubs n’ont pas l’obligation de nous mettre à disposition les joueurs. Comme Junior Kroupi à Lens et Fodé Sylla à Lens s’entraînent régulièrement avec les pros…. Avant on n’avait pas ce genre de problématique à régler. Ce n’était que des jeunes joueurs qui étaient tranquillement sous contrat aspirant dans leur club. La précocité fait que des joueurs avancent beaucoup, sont surclassés et sont vite protégés par les clubs français en signant pro. Ça c’est une bonne chose pour le coup.

Le fait que les plus précoces et les plus avancés ne soient pas tenus par leur club hors date FIFA de nous rejoindre peut poser des problèmes. Heureusement je n’ai pas ce souci, que ce soit avec Sainté ou avec les autres clubs. Tout le monde joue le jeu et ça, c’est cool ! C’est une satisfaction, on a de très bonnes relations avec tous les clubs, notamment avec l’ASSE.

Avec qui échanges-tu au sein de l’ASSE au sujet de Mathis ? Avec le directeur du centre ou avec l’entraîneur de la réserve ?

J’ai très souvent Laurent Huard au téléphone. J’appelle rarement les coaches, j’ai plutôt tendance à appeler les directeurs de centre. Dans les échanges que je peux avoir avec tous les clubs ayant des joueurs susceptibles de nous intéresser, on fait un point en amont pour savoir si le garçon concerné est dans les clous en termes d’état d’esprit et de mentalité. C’est très important pour nous de sélectionner des joueurs qui n’ont pas de problèmes en club parce qu’il faut mériter d’être en équipe de France. Il nous est arrivé par le passé de ne pas prendre des joueurs de qualité mais dont le comportement en club n’était pas en adéquation. Si le club nous dit : « Jean-Luc, il ne mérite pas » … On est à l’écoute des clubs à cet âge-là. L’idée n’est pas de faire venir en sélection un joueur qui se comporte mal dans son club.

Bien sûr, je fais également des retours post-sélection aux clubs concernés. Sur les temps de jeu, les comportements, les attitudes et ce que j’ai pensé sportivement du joueur. A chaque retour de sélection, je transmets toutes ces infos aux directeur de centre. Je fais un suivi des temps de jeu, j’ai une cohorte de joueurs que je suis week-end par week-end. Quand je vois les compositions, que je décèle un truc qui cloche, que le jouer n’a pas joué ou peu joué, qu’il était remplaçant, qu’il est vite sorti, je contacte le club concerné. On discute et on essaye de comprendre le pourquoi du comment.

Au-delà du suivi du temps de jeu, il t’arrive avec ton staff de superviser au stade les jeunes joueurs ou il y a d’autres personnes à la FFF dont c’est la mission ?

En fait on a une plateforme sur laquelle les clubs se sont engagés à mettre leurs matches tous les week-ends. En échange, ils récupèrent les matches des sélections. Donc on peut regarder toute la semaine les matches de tout le monde. Ça prend du temps mais c’est enrichissant. Après il arrive qu’on se déplace dans les clubs. Avec Lionel Rouxel, qui chapeaute toutes les sélections de jeunes, on s’est partagé la tâche. Personnellement j’ai fait pas mal de clubs du Sud. Cette saison, début septembre, Lionel est allé à l’ASSE.

On passe un jour ou un jour et demi dans les clubs pour les voir en situation, pour voir plusieurs groupes d’entraînement. Je trouve ça super intéressant et ça permet d’entretenir les bonnes relations qu’on a avec les clubs. Si je ne trouve pas sur la plateforme le match des jeunes Stéphanois susceptibles de jouer en sélection U17, j’appelle Laurent et dans l’heure qui suit c’est réglé. Ça se passe super bien, que ce soit avec l’ASSE ou avec d’autres clubs.

Tu pourras donc décortiquer les prestations de Mathis Amougou, qui progresse en N3 sous la houlette de Razik Nedder. Un mot pour finir concernant l’Euro U17 qui se déroule du 17 mai au 2 juin prochain et auquel Mathis devrait participer si tout se passe bien. Quels sont tes objectifs dans cette compétition ?

Le premier objectif, on y travaille depuis un an, c’était de franchir les éliminatoires pour faire en sorte que cette génération dispute la phase finale de cet Euro. C’est chose faite. Le tirage de cette phase finale a eu lieu il y a une dizaine de jours. Des quatre poules, je pense que la nôtre est la plus compliquée car on jouera successivement contre l’Ecosse, l’Allemagne et le Portugal. A mon avis, personne n’est satisfait d’être dans cette poule. Après, il faut finir dans les deux premiers pour se qualifier pour les quarts. Je nous sais armés pour y arriver.

L’ambition, c’est de faire demi-finale minimum car les équipes du dernier carré seront automatiquement qualifiées pour la Coupe du monde U18 de l’année prochaine. Les deux meilleures sélections européennes éliminées en quart de finale de l'Euro se disputeront la 5e et dernière place qualificative pour ce Mondial en match de barrage. Les gamins savent donc qu’il y aura un double enjeu sportif. La motivation sera là, ça c’est sûr !

 

Merci à Jean-Luc pour sa disponibilité