Il en fallait de la force mentale pour envoyer valser ce sentiment d’éternelle malédiction qui collait aux basques d’un groupe, d’un club, d’une ville, d’un peuple.


Cette force c’est la trace éternelle que ce groupe laissera dans nos mémoires.  Cette force et quelques images qu’on se repasse en boucle depuis ce fameux dimanche et qui seront nos madeleines demain : ce tacle salvateur d’Appiah, cet arrêt réflexe de Larso, la reprise rageuse de Pétrot, le but libérateur de Wadji comme une claque retentissante à la poisse. Comme un rêve éveillé, un absolu de plaisir qu’on aurait à peine osé évoquer ces dernières semaines en se lançant des t’imagines si ?. « T’imagines si on scellait la montée sur un but de Wadji en toute fin de prolongation, avec deux petits ponts sur l’action ? » « Oui, c’est ça, et puis les clowns vendent le club dans la foulée à un milliardaire, arrête, t’es con ! »

Quand repassent les images de Glasgow ou Séville arrive toujours cet instant où l’émotion dépasse la raison. Ce moment où on se dit qu’à 3-1 en prolongation, la finale est à nous, cette seconde où on hurle à Revelli de contrôler pour ajuster Maier plutôt que de reprendre de la tête plein axe. Repensant au tacle d’Appiah vient instantanément cette peur rétroactive de celui qui a vu la mort de si près qu’il en restera effrayé à vie.

Il faut en parler de ces joueurs dévoués corps (meurtris) et âmes (incandescentes) à ce maillot. Tous, sans exception. Au-delà des performances individuelles (Nadé tu es officiellement mon nouveau Bayal !), au-delà de leurs limites techniques, et peut-être à cause d’elles, ils ont été exemplaires dans le combat, incarnant mieux que personne la notion de résilience : désespérants ce soir maudit d’abandon de Batlles contre Guingamp puis résistants à Bordeaux, inertes à Dunkerque puis en joie contre Troyes, inquiétants contre Bordeaux puis renversants contre Riera, épuisants contre Rodez puis dominants contre Rodez, déprimants contre QRM puis ennivrants contre Metz. Ecrivant au fil des semaines un scénario hésitant perpétuellement entre souffrance et espoir, soumettant nos nerfs à un supplice éreintant, ils ne nous laissaient qu’une seule certitude, celle d’une saison qui serait dramatiquement ou délicieusement mémorable.

Dans ce dernier match ô combien représentatif de leur parcours, un match comme un parfait résumé de la saison, ils ont bâti au forceps, à l’arrache, le plus beau des souvenirs.

Le plus beau pour eux, le plus beau pour nous. C’est une évidence - matérialisée par ces guichets fermés tout le printemps – que joueurs et supporters ne faisaient qu’un : pendant que les seconds dopaient les forces des premiers, les premiers alimentaient l’espoir des seconds. Et tous se retrouvaient dans ces longues célébrations en communion d’un kop à l’autre, des chalala pour la vie dans cette Ligue 2 qui nous traumatise tant quand on y plonge et nous offre pourtant nos meilleurs souvenirs depuis trente ans tant on y retrouve à la fois le plaisir du foot simple joué par des gars bien et l’ivresse des sacres du printemps.

Tout Sainté a formé un collectif sans faille, dans une osmose jamais si parfaite que ces derniers mois, le public multipliant les célébrations de l’histoire du club, et attendant la toute fin de saison pour sortir les fumis, les joueurs serrant les dents, attendant le dernier coup de sifflet pour filer à l’infirmerie.

Comme rarement l’équipe a été magnifiquement digne de son public. Ils sont rentrés dans l’histoire, tous, sans exception, des titulaires indiscutables aux gratteurs de minutes en fin de match, de Larso à Fomba, de Cardo à Bentayg. Des tauliers passés sur le banc aux locaux soi-disant limités, de Briançon à Chambost, d’Appiah à Pétrot. Tous ont joué le jeu jusqu’au bout, célébrant la beauté éternelle de ce sport collectif en oubliant leur ego pour aller chercher ce graal. Ils ont gagné le droit de raconter encore dans 10 ans, dans 20 ans, dans 40 ans, comment ils ont remis Sainté à sa place. Ils ont incarné comme rarement cette signature d’équipementier. Verts et fiers. Ils l’ont été toute cette saison, ils le seront pour toujours.

Pour cette saison exceptionnelle, pour ce bouquet d’émotions, pour l’ivresse inconnue d’une montée à la 117ème minute, pour ces images gravées à jamais dans nos mémoires vertes, pour ce nuage sur lequel nous sommes confortablement installés depuis huit jours et pour de nombreuses semaines encore,

pour ce que vous êtes autant que pour ce que vous avez fait, vous rentrez tout à la fois dans l’histoire du club et dans notre panthéon personnel.

Merci les Verts !