Oui répond Claude en fredonnant du Claude. Repartir à zéro en citant Nougaro c’est le choix de Claude.
On peut sans doute reprocher des choses à Puel. Par exemple de rarement faire de sentiments.
Moi qui m’entiche en toute saison, brillante ou laborieuse comme celle qui se referme, de ces joueurs qui ont le bon goût d’associer fidélité au maillot et sens du combat, je dois concéder que je n’aime pas tourner les pages. Mouss, Max, Papy, Dieu, Bûche, KMP … j’en peux plus, ça va trop vite. Je veux relire ces lignes, déguster encore ces si beaux chapitres. Je suis un enfant au lit qui implore, avant d’être seul dans sa chambre à la nuit tombée, qu’on lui relise encore et encore la même histoire.
On peut sans doute reprocher des choses à Puel. Mais pas de manquer de rigueur d’esprit, de cohérence et d’honnêteté.
Il a dit stop quand j'en réclamais encore. Il a dit qu’il était l’heure d’éteindre, que l’histoire, il nous l’avait déjà lue deux fois. Il suit sa ligne, y a zéro tromperie sur la marchandise, son programme c’est de promouvoir les jeunes. Maçon perce à droite, Bûche a perdu sa vitesse et va sur ses 36 ans. L’équation est simple. Le verdict sans fioriture. On pourrait même affirmer que ce n’est pas tant lui le sans cœur, que le sport de haut niveau, qui ne pardonne pas la faiblesse, n’a aucun égard pour la déchéance, et n’admet aucun romantisme, surtout à six chiffres en bas de la fiche de salaire.
Le pragmatisme est roi.
On le sait confusément mais on s’y résout difficilement. Le temps est assassin, et ça c’est pas du Nougaro. Y a donc personne pour l’arrêter cette putain d’horloge ?
Dis, père Castor, Claude ne veut pas, alors toi, raconte-la moi encore l’histoire. Redis-moi comment il a taclé pour récupérer le ballon du vilain sur son côté, juste là au pied d’Henri-Point, avant de lancer divinement Soderlund. Parle moi de ce lob parfait à Rome qui aurait fait se pâmer les observateurs si son auteur avait été, au hasard, un « génie français ». Raconte-moi encore le parc Astrid, le centre hamoumien et la praline sous la barre. Souviens toi de ce KMP qui jubile au pied du kop après avoir porté le premier coup dans le derby en 2017. Et puis redis-moi aussi cette pige imprévue, improbable, pleine de rage et de caractère en latéral à Nantes, un soir où la poisse, malgré toute son énergie, n’a pas eu le dernier mot.
Décris-moi comment on retourne l’opinion, comment on renverse un stade. Rappelle-moi ces sifflets cruels, explique-moi comment - c’est si rare et si beau - ils se sont tus pour laisser place à ce chant éternel qui dit à la fois tout de la valeur d’un joueur mais aussi d’un public.
Je me souviens de cette clameur en août dernier. On aurait pu la croire ridicule, cette clameur, dans un Geffroy déserté entre deux vagues, 3 050 spectateurs seulement cet après-midi-là. Romain avait su joliment faire vibrer ce grand chaudron vide. Un doublé magnifique et une sortie à la 72è pour une ovation. Méritée. Absolument méritée, mais pas débordante non plus, on fait ce qu’on peut à 3 000.
Lorient avait un genou à terre, KMP avait un genou rafistolé. Et il était enfin sorti du banc pour nous le montrer, son genou réparé. Alors après l’ovation, après l’accolade entre les deux anciens, ce fut la clameur, méritée elle aussi. Immensément méritée. Pour le fier soldat KMP. Et le chant soudain monta de cette tribune Henri Point d’ordinaire si calme : « ne jamais oublier ce soir on va gagner, grâce à Monnet Paquet…. ».
Debout pour te rendre hommage, j’en eus aussitôt les eux embués. J’imaginais alors ce que ce retour représentait pour toi, après ces 18 interminables mois. Après cette frappe maudite, plein axe, contre ce QSG que tu étais ce soir-là un des seuls à bousculer. Fraîchement installé dans ce rôle de milieu axial, tu avais su épater ton monde, toi l’éternel joueur d’aile. La guigne avait décidé de frapper au moment sans doute où tu étais à ton meilleur. A ce moment où j’avais de moins en moins besoin, dans les refaisages de match, de te défendre en vantant ton activité, en louant ta technique largement sous-estimée, en me félicitant de ta fiabilité, toi qui ne te blessais jamais. Bien au-delà de la maigreur de tes stats, tu avais fini par conquérir les cœurs par ton coffre et ton état d’esprit.
Le temps passe, les joueurs aussi hélas. Mais j’te promets, père Castor, ce moment, et ce joueur je ne suis pas près de les oublier.