Ancien coéquipier de Laurent Huard à Rennes et de Laurent Batlles à Bastia, Jocelyn Gourvennec était le parrain du Tournoi européen U21 de Ploufragan où les protégés de Razik Nedder se sont illustrés. L'ancien entraîneur de Guingamp, Bordeaux et Lille nous a livré ses impressions à l'issue de ce beau week-end costarmoricain des réservistes stéphanois.
Jocelyn, quel jugement portes-tu sur le tournoi des Verts à Ploufragan ?
J’ai pris du plaisir à les voir à l’œuvre les trois jours de ce tournoi. J’ai passé mal de temps avec Laurent Huard parce qu’on est amis. On a démarré ensemble au Stade Rennais. Enfin, il a démarré un peu avant moi en fait mais on a passé beaucoup de temps ensemble à Rennes. On était assez proches et on est toujours restés en contact. J’ai suivi les matches des Verts à côté de lui. C’est toujours intéressant d’avoir quelques renseignements sur les joueurs.
Je trouve que les Stéphanois ont fait un bon tournoi. Les Verts ont fait un tournoi solide, convaincant. Le coach Razik Nedder a bien géré. Ils ont un peu fait tourner mais même en faisant tourner, ils ont toujours gardé un bon niveau. Ils ont mérité leur place en finale, ça s’est joué aux tirs au but. Ce n’est pas la loterie mais c’est aléatoire. C’est le Paris FC qui a été sacré mais les Verts auraient pu aussi gagner le tournoi.
C’est d’autant plus intéressant que plusieurs très bon jeunes n’étaient pas là car ils font la prépa des pros avec Laurent Batlles. Cela montre qu’il y a un bon vivier de jeunes à Saint-Etienne et que ça bosse bien au centre de formation des Verts. Ce n’est pas le fruit du hasard si l’ASSE est encore dans le top 5 des centres de formation les plus efficaces de France selon le classement dévoilé il y a un mois par la DTN.
Les Stéphanois ont toujours cherché à produire du jeu lors de ce tournoi de Ploufragan. Ils avaient des joueurs sur les côtés dynamiques et assez rapides, que ce soit le numéro 7 Marie-Gaël Mukanya à droite ou le numéro 3 Darling Bladi à gauche. Sainté a joué avec une défense à trois et a produit un jeu très dynamique sur les couloirs. Au milieu il y avait de la complémentarité et devant il y avait de bons appels. Les Verts ont posé des problèmes à leurs adversaires à tous les matches de ce tournoi (Bournemouth, Guingamp, Monaco et le Paris FC).
Ils peuvent quand même avoir quelques regrets. En finale, au bout de 20 minutes, les Stéphanois doivent plier le match contre le Paris FC car ils ont trois grosses occases de 2-0. S’ils avaient fait le break, ils auraient eu de très grandes chances de remporter cette finale. Mais même après l’égalisation parisienne et même en ayant dû jouer plus d’une mi-temps à 10 contre 11 suite à l’expulsion de leur numéro 15 Enzo Mayilla, les Verts ont eu leurs chances, ils ont bien géré leur infériorité numérique sans trop subir. C’était cohérent.
Tu as eu plusieurs fois l’occasion d’affronter les Verts dans ta carrière de joueur et d’entraîneur. L’ASSE ça représente quoi pour toi ?
La ferveur. Il y a toujours une grosse ambiance à Geoffroy-Guichard. Après, je ne suis pas venu si souvent dans le Chaudron car j’ai eu une période où quand je jouais en Ligue 1 ils étaient en L2 et quand ils étaient en Ligue 1 j’étais en Ligue 2. Je n’ai donc jamais affronté Sainté quand j’étais à Lorient, Marseille, Bastia, Angers et Lorient. Je crois que j’ai dû jouer à Geoffroy uniquement avec Rennes et avec Nantes.
Effectivement, lors de ton court passage à Montpellier tu n’as affronté Sainté qu’à La Mosson, on avait gagné 1-0 grâce à un geste de grande classe d’Alex.
Tu as disputé sous le maillot rouge et noir ton premier match à Geoffroy-Guichard au tout début de la saison 1994-1995. C’est grâce à ton coup franc que le promu rennais a ouvert le score. C’était l’époque ou Elie Baup avait des cheveux. Lors de ce match nul 1-1, Michel Le Millinaire t’avait d’ailleurs titularisé aux côtés de Laurent Huard (remplacé par le regretté Jean-Luc Ribar), Christophe Ohrel, Loïc Lambert et Patrice Carteron. C’est d’ailleurs Cartoche qui avait fait faute sur le peno égalisateur de Gérald Passi.
Tu as joué ton deuxième match (0-0) à Geoffroy la saison 1995-1996 avec les Canaris qui étaient champions de France en titre. Coco Suaudeau t’avait titularisé aux côtés de Bruno Carotti et Christophe Pignol. Vous aviez évolué une heure en supériorité numérique suite à l’expulsion de Lubo Moravcik mais Grégory Coupet avait gardé sa cage inviolée…
Ton 3e et dernier match en tant que joueur dans le Chaudron, tu t’étais imposé 2-0 le 30 septembre 2000 avec le Stade Rennais entraîné alors par Paul Le Guen aux dépens de ton ami Laurent Huard. C’est lui qui a failli ouvrir le score sur un ballon sorti par Bernard Lama mais c’est toi qui es à l’origine de l’action sur l’ouverture du score avant qu’un certain Lamine Diatta mette le but du break. L’ASSE venait de virer Robert Nouzaret, Gérard Soler assurait l’intérim avant l’arrivée de John Toshack…
Mais tu n’as jamais gagné en tant qu’entraîneur à Geoffroy-Guichard...
C’est vrai, je suis venu trois fois à l’époque de Christophe Galtier quand Sainté était européen. Quand j’entraînais Guingamp, on a perdu deux fois là-bas, sans démériter de mémoire.
La première fois, c’était il y a dix ans. Papy Lemoine avait marqué l’unique but de la rencontre en seconde période sur une magnifique frappe.
La seconde fois, Max-Gradel avait réalisé un doublé victorieux (2-1)
Quand tu es venu avec Bordeaux, lors de la dernière saison de Galette sur le banc stéphanois, les Verts sont revenus deux fois au score grâce à Robert Beric et à Vincent Pajot !
Mais c'est avec le LOSC que j'ai été le plus près de décrocher une victoire dans le Chaudron.
Lors de ton dernier passage dans le Chaudron, il y a deux ans, tu as en effet failli l’emporter avec Lille mais Saidou Sow, formé à l'ASSE, a eu la bonne idée de marquer le premier but de sa carrière professionnelle d’un coup de tête rageur et égalisateur à la 85e devant un kop nord en feu.
Oui, c’est vrai que ça doit être très plaisant quand on joue de l’ASSE de marquer dans le Chaudron et de fêter ça avec les supporters. Je n’aurai pas connu ça même si j’ai failli signer à Sainté, notamment en 1999 après mon expérience à l’OM. Ça a failli se faire deux fois mais ça ne s’est jamais fait. L’ASSE reste une référence en tant que club populaire avec une grosse ferveur.
Le Chaudron, ça fait beaucoup de bruit ! J’aime l’ambiance de Geoffroy-Guichard. C’est comme à Lens, Nantes ou Strasbourg, ce sont des stades qui résonnent. Ce sont des enceintes où le public fait beaucoup de bruit. Quand ça pousse l’équipe, c’est bien ! Mais les débordements qu’il y a eu après le barrage contre Auxerre, ce sont des choses qu’on ne veut pas voir.
Je pense que le club et les supporters ont corrigé le tir depuis. Ils ont été irréprochables et très nombreux à la maison comme à l’extérieur pour soutenir leur équipe cette dernière saison qui a été très compliquée. L’équipe a été en difficulté de nombreux mois avant de très bien redresser la barre pour bien finir la saison. Les descentes, c’est toujours un traumatisme, a fortiori dans un club d’un tel statut.
Il faut pouvoir s’en relever et Saint-Etienne l’a déjà fait par le passé avec Robert Nouzaret et Frédéric Antonetti. Je souhaite aux Verts de le refaire avec Laurent Batlles. Je connais bien Lolo pour avoir joué avec lui à Bastia.
En tant qu'entraîneur, il a fort bien franchi le pas entre la réserve de Sainté et Troyes. Il s’est confronté au foot adulte et au foot pro à l’Estac. Lolo a réussi de très belles choses en faisant monter les Troyens en L1. Ça a été un peu plus difficile en L1 mais ce n’est pas illogique quand on est Troyes. Lolo a fait de bonnes choses avec l’Estac dans l’élite, il n’a pas à rougir même s’il a été licencié alors que le club n'était pas relégable. Etre licencié, j'ai connu ça, cela fait partie de la carrière d’un entraîneur.
J’observe que Lolo a tenu la barre la saison dernière quand c’était très dur. La saison a été éprouvante mais très enrichissante pour lui. Il a bien sûr contribué au redressement de l'ASSE. Les Verts ont bien fini la saison aussi parce qu’ils ont bien renforcé l’effectif en janvier. Je leur souhaite de faire une très belle saison et de retrouver la Ligue 1 dès l'an prochain. Un club comme l’ASSE, c'est dans l’élite qu'on veut le voir.
"Jocelyn Gourvennec est en route pour Saint-Etienne et pourrait être intronisé ces prochains jours nouvel entraîneur de Saint-Etienne" avait annoncé France Football le 31 mai 2019 après le départ de ton ancien coach montpelliérain Jean-Louis Gasset et avant la promotion de son adjoint Ghislain Printant. Que s’est-il passé Jocelyn ? Tu t’es perdu sur la route ?
(Rires) Non, je n’ai pas pris cette route, tout simplement car je n’ai jamais eu d’entretien avec les décideurs stéphanois. Il y a plusieurs étapes quand un club cherche quelqu’un. Il y a des prises d’informations, des premiers contacts, des contacts plus poussés et après il y a un entretien. Moi je ne suis jamais allé jusqu’au stade de l’entretien avec Sainté.
Devenir un jour entraîneur de l’ASSE, ça te botterait ?
Il y a Laurent qui est en place, c’est très bien pour le club.
Merci à Jocelyn pour sa disponibilité