Il a passé trois ans et demi en Vert avant de retourner dans son Nord natal en signant à Valenciennes. Avant le match entre l'ASSE et Lille, son club formateur, Mathieu Debuchy est revenu sur son passage à Saint-Etienne avec Poteaux-Carrés.
Mathieu, tu viens de signer avec Valenciennes il y a quelques jours, comment ça se passe ?
J'ai repris l'entraînement depuis lundi. D'abord par deux jours tout seul et ensuite avec mes coéquipiers. Je suis dans le groupe pour le match de ce samedi contre Rodez.
Déjà ! Comment tu te sens physiquement ?
Ecoute, ça va, j'ai bien bossé pendant deux mois en solo. Maintenant je n'ai qu'une semaine d'entraînement avec le groupe, c'est dur de se jauger. J'ai du retard c'est sûr par rapport aux neuf semaines de préparation de mes collègues. Je ne pourrai pas les rattraper mais j'essaie de bosser un maximum. Je travaille avec l'équipe et je fais des séances supplémentaires pour combler le retard. Mais rien ne remplace les matchs, c'est très différent de l'entraînement. Je ne suis pas encore programmé pour jouer un match complet. On va y aller petit à petit. Je serai sur le banc contre Rodez, je ne devrais pas rentrer mais je vais essayer petit à petit de prendre du temps de jeu pour me rapprocher de mon objectif.
Ton corps encaisse encore correctement les séances physiques à 36 ans ?
Ouais, ça va ! Je vais fonctionner comme à Saint-Etienne, c'est à dire qu'il y a les entraînements mais il y a aussi des à côtés que j'essaie de gérer. Evidemment, je vais essayer de tout mettre en place après les séances pour la récupération du corps. Je dois aussi bosser correctement à la maison sur le repos aussi, c'est ce qui est important à 36 ans pour être encore compétitif.
Quand tu t'es retrouvé libre, tu cherchais quoi comme projet ? Te rapprocher du Nord, c'était un critère ?
J'avais envie de continuer à jouer, d'abord ! Ma priorité était là. Ensuite, j'ai écouté les discours de l'entraîneur, du président, du staff pour voir où je mets les pieds. Sur le plan familial, ma femme et mes enfants étaient loin de moi ces dernières saisons donc c'était une réflexion de les emmener avec moi. C'est un tout. C'est vrai que j'ai eu quelques contacts, notamment avec Troyes en L1. J'ai reçu une proposition écrite mais après quelques semaines, je n'ai plus eu de nouvelles du club. J'avais dit que je réfléchissais de mon côté mais je trouvais bizarre de ne plus avoir de relance. En fait, j'ai su par mon agent que les propriétaires n'avaient pas validé le choix du coach et du directeur sportif donc l'offre a été annulée. J'ai eu ensuite ce contact avec Valenciennes, le coach Olivier Guégan m'a appelé, j'ai vu le président, on a passé un entretien. Leur discours m'a plu et ça m'arrange aussi car c'est dans ma région. J'ai découvert un club avec des installations de L1, qui a de l'ambition. Tout était réuni pour accepter ce challenge à 36 ans.
Un Lillois à Valenciennes ça passe ?
Oui, ce n'est pas comme si j'allais jouer à Lens (rires) !
Ta priorité au début de l'été, c'était quand même de prolonger avec Sainté ?
Oui, j'aurais aimé poursuivre une année supplémentaire.
Quand est-ce que tu as su que ça n'allait pas se faire ?
La semaine du dernier match. Normalement, chaque joueur en fin de contrat devait avoir un entretien au mois d'avril pour savoir un peu de quoi l'avenir serait fait. Finalement, ils n'ont pas eu lieu à ce moment parce que la fin de saison était importante, c'est normal. On a donc décalé ces entretiens lors de la dernière semaine, ce qui était un peu tard selon moi mais c'est comme ça. J'ai donc vu le coach, le président et Jean-François Soucasse. Claude Puel m'a annoncé qu'il préférait que l'aventure s'arrête ici pour moi.
Qu'est ce qui a bloqué ? C'est le salaire ou c'est sportivement ?
Franchement, le coach m'a dit que je ne partais pas titulaire sur mon poste et qu'apparemment je n'aurais pas accepté d'être remplaçant. Et lui, il dit qu'il ne me voyait pas remplaçant. On m'a donc libéré. Après, peut-être que mon salaire a joué ... Je ne sais pas. Je n'ai eu que la version du coach. Ce n'est pas simple à accepter parce que j'aurais aimé faire un an de plus, mais c'est comme ça. J'ai vécu une belle histoire avec l'ASSE ! Et puis, j'ai 36 ans ... Le club s'est lancé dans un projet avec des jeunes dans l'effectif depuis l'arrivée du coach, c'est aussi une question de business, il faut former des jeunes, avoir des potentiels de revente ... car la dynamique économique n'est pas simple pour de nombreux clubs.
Mais finalement est-ce que tu aurais accepté de prolonger en te disant que tu partais numéro 2 derrière Yvann Maçon ?
Je ne sais pas... Il y avait des choses que j'aurais aimé changer dans pas mal de domaines à Saint-Etienne ! J'aurais eu une discussion avec le coach. Et même si j'étais parti numéro 2, j'aurais fait le maximum pour reprendre ma place et être titulaire à l'ASSE, c'est ce que j'ai dit au coach. Je me serais battu ! Mais c'est un choix du coach que je respecte. La saison passée a été difficile, il y avait des choses à améliorer dans la vie de tous les jours au club.
Quand tu dis "changer des choses", ça traduit une mauvaise ambiance dans le groupe entre jeunes et anciens ?
Non, non, absolument pas, on a un bon groupe avec une bonne ambiance. C'est sûr qu'il y avait beaucoup de jeunes joueurs mais il y a des bons mecs dans ce groupe ! Donc, non, pas de soucis par rapport à ça. Ce sont plutôt des choses au quotidien qu'il faudrait changer pour améliorer la vie de groupe. J'en ai déjà discuté avec le coach.
Quel Claude Puel tu as retrouvé à Saint-Etienne, le même que celui que tu as côtoyé à Lille à tes débuts ?
Il est plus ouvert qu'avant ! Quand il est arrivé à Sainté, c'était le même que j'avais quitté à Lille. Mais après les six premiers mois, il a changé un peu d'approche avec les joueurs, plus de dialogue, plus de discussion. On a échangé pas mal, il venait plus vers moi. Mais malgré tout, ce n'est pas un coach très proche de ses joueurs, c'est son mode de fonctionnement et il faut l'accepter. Mais être ouvert et proche de son groupe, c'est bien aussi.
Un management à la Jean-Louis Gasset ?
Oui, c'est totalement différent ! C'est le jour et la nuit entre les deux ! Jean-Louis, j'ai vécu des moments incroyables avec lui. J'aimais sa façon de voir le football, sa façon de manager une équipe... Avec le coach Puel, je n'ai pas eu de soucis à titre personnel. Quand j'avais des choses à dire, je les disais et on a beaucoup échangé la dernière saison. Il faut savoir s'adapter.
Raconte nous ton arrivée à Sainté en janvier 2018, on ne s'attendait pas à te voir débarquer dans le Forez même si tu sortais de quelques saisons difficiles à Arsenal...
C'est Jean-Louis m'a appelé à deux ou trois reprises, il m'a dit qu'il me voulait à tout prix ! Et dès que j'ai su que Sainté me voulait, je n'ai pas hésité car c'est une référence en France ! J'étais très heureux de rejoindre le club.
Et tu fais une fin de saison 2018 fantastique ! Ton arrivée et celles de Yann M'Vila, et Neven Subotic notamment ont fait beaucoup de bien !
Oui, quelques arrivées ont fait du bien, il fallait du sang neuf pour l'équipe, avec l'expérience du haut niveau. Ca s'est ressenti sur le terrain, on a super bien bossé. Et personnellement, ça s'est super bien passé dès le premier match ! Ça a donné de la confiance à l'équipe, il y avait de la concurrence saine et la fin de saison était idyllique !
Tu étais presque attaquant sur cette période d'ailleurs (4 buts) !
J'avais une grande liberté de mouvement avec le coach. J'aime bien apporter offensivement et ça m'a réussi, d'autant que je ne suis pas maladroit devant le but (rires) ! J'ai marqué quelques buts importants qui ont fait du bien !
Tu as quelques flashs de souvenirs ?
Mon premier but à Amiens (0-2, 3 février 2018 ndp2). Il est super important parce qu'il lance ma carrière à Sainté ! Je ne pouvais pas mieux débuter, ça m'a donné confiance pour la suite.
Et trois semaines plus tard, j'égalise dans le derby à la dernière minute. C'était aussi super important !
Petite anecdote, tu sais d'ailleurs que je me suis bloqué le cou tellement j'étais heureux sur ton égalisation
Arrête ?
Je ne pouvais plus bouger
C'est horrible (rires) !
Mais j'étais super heureux quand même, on a vécu de belles émotions sur ces six premiers mois de 2018 !
Ouais, il y a aussi le but à Strasbourg où je marque à la dernière minute pour la victoire !
Je me souviens aussi d'un doublé contre Bordeaux la saison suivante... Ce sont plein de bons souvenirs ! Il y avait une super ambiance avec les supporters, c'était vraiment incroyable !
A la base, j'avais signé seulement pour cinq mois et puis j'ai vite eu l'envie de prolonger l'aventure !
Le seul point noir de cette période, c'est ta non-sélection pour la Coupe du Monde en Russie avec les Bleus ?
Ouais, ça a été très dur pour moi. Je ne l'ai pas trop montré mais ça a été dur. J'avais donné le maximum et c'était d'ailleurs mon objectif en signant à Sainté : je voulais retrouver les Bleus et jouer la Coupe du Monde. Pour moi, j'avais largement ma place, j'avais tout donné pour y aller. Et quand tu vois le résultat final... tu te dis que t'es passé à côté d'un truc magnifique. Mais ça fait partie du foot. Il faut aller de l'avant mais j'ai mis du temps à l'accepter.
Tu as eu des échanges avec Didier Deschamps ?
Non, aucun. Quelques semaines avant, il y avait un joueur incertain dans le groupe (Djibril Sidibé, blessé au genou avant la Coupe du Monde, ndp2). Il m'avait dit "tiens-toi prêt, prépare tes valises et on se rappelle demain pour voir si tu viens". J'ai attendu un jour ou deux et il m'a dit "laisse tomber". C'est dur ...
Tu te concentres donc à fond sur les Verts, et vous faites une saison avec Jean-Louis Gasset sur la lignée de la fin de saison précédente
Oui ça a été... Après, on aurait pu faire encore mieux que 4eme, peut-être. On a perdu quelques points importants. J'ai toujours envie d'aller plus haut. Il me semble qu'on a perdu des points bêtes, c'est dommage !
La dynamique va se briser la saison suivante. Le passage de témoin a eu du mal à se faire entre Gasset et Printant ? Le vestiaire semblait pourtant unanime ?
Personnellement, je n'ai pas eu le président pour dire "il faut mettre Ghislain". Je ne me serais pas permis. Si on m'avait demandé mon avis, je l'aurais donné. Mais oui, le groupe voulait que Ghislain soit à la tête de l'équipe, au moins quelques-uns d'entre nous.
Mais pourquoi alors les résultats n'ont pas suivi ?
Bonne question ! Je ne sais pas. On n'a peut-être pas fait ce qu'il fallait pour que ça marche. C'est la faute du coach mais aussi des joueurs. Le coach paie les mauvais résultats mais on n'a pas mis les ingrédients pour que tout fonctionne. C'est dommage car Ghislain était sur la même ligne que Jean-Louis. Ils sont proches et ont la même vision du foot. Ça aurait pu, ça aurait dû marcher ! Il a été remplacé quelques jours après une victoire à Nîmes. Peut-être que ça aurait pu repartir après cette victoire, on ne saura jamais.
Le départ de Rémy Cabella a été dur à compenser aussi ?
Oui, Rémy c'était un super joueur au niveau de la créativité. Il pouvait être décisif à tout moment, il nous faisait du bien au cœur du jeu, sa perte nous a fait mal.
Et quand Puel arrive, tout change ?
Radicalement, oui. Ça a changé du jour au lendemain.
Pourtant les résultats n'ont pas progressé tant que ça (17e avant l'arrêt de la L1 pour covid), tu as eu peur que Sainté tombe en L2 à un moment ?
Ouais, il y a eu des moments très difficiles. On sait que la L1 est un championnat compliqué. Je ne sais pas comment ça aurait tourné si le championnat ne s'était pas arrêté. On était dans une période délicate et l'arrêt des compétitions nous a profité. Mais même la saison dernière, ça n'a pas été simple. On a fait quelques victoires importantes en fin de championnat qui nous ont sauvés. Mais on aurait pu passer à la trappe.
Tu as un peu manqué à l'équipe aussi à cause de certaines blessures !
Oui, peut-être que ma présence faisait du bien, notamment aux plus jeunes. Je me suis donné pour objectif la saison passée d'encadrer cette équipe, c'est mon rôle de capitaine. J'ai donné des conseils, des coups de gueule aussi, j'en ai passé un ou deux après certains matchs. J'ai essayé d'apporter aussi mes qualités sur le terrain, c'est un ensemble.
Quels jeunes joueurs à Sainté retiennent ton attention ?
Il y en a plusieurs ! Mahdi, Etienne, Lucas... ce sont des jeunes qui ont un gros potentiel, qui ont de belles qualités, qui vont être importants à l'avenir pour l'ASSE. Ce sont des jeunes à l'écoute des conseils du staff, du coach, des anciens... Ils ont du talent et continuent à travailler. Ils vont faire du bien au club.
Peut-être dès ce samedi contre Lille ! Tu restes lillois sur ce match ou bien tu vas supporter Sainté ?
C'est très difficile ! J'ai envie de dire Sainté parce que je viens tout juste de partir ! J'ai passé trois ans et demi au club mais j'ai l'impression que ça a duré 10 ans tellement j'ai adoré le club, les supporters qui m'ont accueilli de la meilleure des façons. Ils nous ont toujours soutenus ! Lille c'est mon club formateur, je suis allé les encourager au stade quand j'étais jeune... C'est délicat de choisir donc on va miser sur un match nul ! Mais Lille est champion en titre donc ils peuvent laisser Sainté gagner (rires)
Et les Verts vont pouvoir bénéficier de l'appui du public pour ce match, ce qui ne fut pas le cas la saison passée.
Oui, et quand tu connais leur importance quand on joue à domicile, ou même à l'extérieur ! Le club a besoin de son public, l'an passé ça n'a pas été simple de jouer devant des tribunes vides !
Tu aimerais revenir une dernière fois à Geoffroy ?
Peut-être qu'on y reviendra en Coupe de France avec Valenciennes, va savoir ! Ce serait le top ! C'est un stade magnifique, j'aurais tellement aimé partir avec un dernier match devant le public ! Mais ce n'est pas grave, je sais que je reviendrai, on m'a dit que j'étais le bienvenu, quelques responsables des supporters me l'ont dit donc je reviendrai à Sainté avec grand plaisir !
Merci à Mathieu pour sa disponibilité !