Jeune quadra dynamique né à Lille, Vincent Planté a rejoué en pro cette saison avec Chambly, qui tentera d'arracher son maintien en L2 demain soir à Charléty. L'ancien portier stéphanois nous raconte cette belle histoire avant de commenter celle que vit actuellement le gardien titulaire chez les Verts.
Vincent, on vit vraiment une saison particulière, toi en particulier…
Difficile de te contredire ! (rires) Je suis venu à Chambly l’été 2017 en tant qu’entraîneur des gardiens. J’avais pris une licence pour dépanner au cas où en équipe réserve ou en équipe C, ce qui a dû arriver cinq ou six fois depuis quatre ans que je suis ici. On a été un des premiers clubs en France à être touché par le variant anglais du Covid.
En février dernier, lors du match à Clermont, je me suis retrouvé coach, gardien remplaçant et coach des gardiens en même temps ! On était que deux dans le staff aptes à être sur le banc, l’analyste vidéo et moi. Il y avait aussi le président. Ce n’était pas évident à gérer mais on a essayé de tenir tête à cette belle équipe de Clermont. C’était déjà pas banal comme situation, que dire du fait que je me sois retrouvé à jouer en L2...
Mon dernier match en pro remontait à 2015 avec le Red Star, t’imagines ! Moi je n’étais pas parti pour rejouer et je ne pars pas sur ça. Je suis venu pour transmettre tout ce que j’ai appris pendant ma carrière, des valeurs humaines, des valeurs de gardien. Le coach de l’équipe première a fait appel à moi du fait des circonstances, des cas de Covid et des blessés. Je suis content de rejouer mais mon rôle principal est vraiment plus d’entraîner. Je n’aurais pas joué s’il n’y avait pas eu concomitamment des blessés et des cas de Covid, Xavier Pinoteau et Simon Pontdemé ayant attrapé le virus.
Ce dernier fait-il honneur à son patronyme ? Il ne bosse pas ce vendredi et sera absent à Charléty ?
En effet, il est cas contact. Killian Le Roy, qui s’est blessé gravement, ne sera pas disponible non plus. Xavier Pinoteau avait ressenti une grosse douleur au niveau du mollet lors de notre derby contre Amiens, c’est pour ça que je l’ai remplacé. Il est désormais remis, il est disponible, on verra qui le coach fera jouer à Paris pour ce match de la dernière journée.
Killian Le Roy avait montré de belles choses en équipe réserve à l’ASSE il y a deux saisons, que peux-tu nous dire sur lui ?
C’est un garçon intéressant et méritant, qui a connu beaucoup de déboires dans sa vie personnelle mais a réussi à rebondir. J’avais eu de très bons échos sur lui quand il était à Sainté par Laurent Batlles. C’est un garçon qui a énormément progressé, qui a beaucoup travaillé, surtout se le plan mental. Il a passé un cap cette année, en bonne partie grâce aux 5 matches qu’il a joués en pro cette saison.
C’est malheureux qu’il ait contracté cette grosse blessure à l’adducteur. Je suis très satisfait de lui, c’est une belle personne. Je suis bien content de l’avoir « débauché » de Saint-Etienne même s’il n’était pas gardé là-bas. Il est vraiment pas mal techniquement. Il a de la fougue, il aime aller vers l’avant, protéger sa profondeur. Il répond bien à mes attentes.
Après avoir joué la seconde mi-temps du derby victorieux du 17 avril dernier, tu as disputé l’intégralité des deux derniers matches victorieux de ton équipe, le 1er mai au Havre et le 8 mai contre Pau FC. T’as retrouvé toutes les sensations que t’avais à l’époque où tu enchaînais les matches en pro ou tu sens que c’est compliqué ?
C’est un peu difficile mais je m’entraînais régulièrement avec le groupe. Comme on n’a pas de centre de formation, le coach a de temps en temps besoin de quatre gardiens. Et sinon quand il manque un gardien, c’est moi qui prends sa place. Même si ça ne remplace pas la compétition, j’avais quand même un rythme de joueur.
Après, je me rends compte que je n’ai plus vingt ans, j’en ai désormais le double (rires). Dans tout métier, plus l’âge passe, plus c’est compliqué. Il fallait s’y remettre. Le week-dernier, après le match contre Pau, j’ai fini lessivé. Pas physiquement mais mentalement. Je suis peut-être un tout petit peu moins performant qu’à l’époque où j’étais titulaire en pro mais vois-tu, le foot c’est comme le vélo, ça ne s’oublie pas ! (rires)
Le fait de m’entraîner régulièrement sur des jeux réduits ou sur des grands jeux m’a aidé à rester dans le coup. Le plus dur pour un gardien comme moi qui n’avait plus joué en pro depuis plus de cinq ans, c’est tout ce qui est trajectoires aériennes. Tu sais que déjà à l’époque ça n’était pas mon point fort, ça ne l’est pas devenu subitement avec la quarantaine (rires).
Pendant que tes jeunes gardiens sont en quarantaine, t’as la quarantaine et tu rajeunis, non ? T’es toujours vert Vincent !
Si tu le dis ! (rires) Après j’ai toujours été lucide, je connais mes points forts et mes points faibles. Avec les frappeurs d’aujourd’hui, les ballons ont parfois des trajectoires un peu bizarres. J’ai dû m’adapter à tout ça.
A 40 ans, tu portes le numéro 40. Maintenant que tu as replongé dans le monde pro, c’est quoi ton plan de carrière ? Jouer à 41 ans pour imiter Dino Zoff, tenter un improbable come-back à Sainté à 42 ans en portant le numéro 42 et enchaîner derrière à 43 ans une saison à la Juve pour montrer le Gianluigi Buffon qui sommeille en toi ?
(Rires) Non, je vais rester à ma place. Ma place aujourd’hui, c’est entraîner les gardiens. Ce qui m’intéresse désormais c’est de transmettre tout ce que j’ai pu apprendre au contact de mes différents entraîneurs, que ce soit les entraîneurs principaux ou les entraîneurs de gardiens. Cette saison, comme tu l’as dit en début d’interview, est vraiment exceptionnelle. Avec le Covid, rien n’est normal.
Deux fois plus jeune que toi, un gardien vit lui aussi une belle histoire actuellement du côté de Saint-Etienne…
Même si je suis davantage focalisé sur mon club et sur la Ligue 2, j’ai suivi l’émergence d’Etienne Green. C’est une très belle histoire, en effet. Ce gardien connaît une magnifique trajectoire. Même quand on part à la base comme numéro 3 ou numéro 4 dans un club, à partir du moment où on croit en soi et qu’on travaille, tout peut arriver. Ce qui lui arrive montre qu’il ne faut jamais rien lâcher dans le football, que tout est possible, tout est réalisable. Je trouve ça beau.
Etienne a beaucoup travaillé dans l’ombre pour y arriver, il partait de plus loin que les autres. Ses qualités ont fait qu’aujourd’hui il performe en Ligue 1. Bien sûr, il a bénéficié de circonstances favorables pour se retrouver numéro 1, il y a eu des blessures, des méformes, etc. Mais il a su saisir sa chance. Aujourd’hui Etienne a réussi à passer ce cap. C’est bien pour le club de sortir un gardien, sachant qu’il y a encore quelques pépites derrière.
Qu’est-ce qui te plaît chez Etienne Green ?
Ce qui me plaît chez Etienne Green, c’est son assurance. Je trouve qu’il dégage énormément d’assurance pour son jeune âge. Ce n’est jamais évident de rentrer comme ça à vingt ans dans une équipe qui était un peu en difficulté. Il a assuré et rassuré dès sa première apparition. Ce n’est pas que Jessy ne dégageait pas d’assurance mais les performances d’Etienne ont peut-être donné un second souffle à ses coéquipiers. Les performances qu’il réalisait aussi à l’entraînement ont sûrement rassuré ses partenaires.
Que dire de son premier match à Nîmes… Il a rendu une copie parfaite ponctuée d’un penalty arrêté. Ça m’a fait penser à Mickaël Landreau. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’il a réussi à enchaîner les bonnes prestations depuis cette victoire aux Costières qui était très importante pour les Verts dans l’optique du maintien. Parce que c’est toujours « facile » de briller sur un match, mais c’est toujours plus dur de confirmer. Etienne est en train de le faire.
Après, peut-être que le plus compliqué pour lui sera la saison prochaine. Je ne sais pas comment ça va se passer au club, j’ignore quelle sera la hiérarchie des gardiens. Bien évidemment, je ne souhaite de mal à aucun gardien à Sainté. Je pense que la saison prochaine il risque d’y avoir une grosse concurrence à l’ASSE. Après, le meilleur jouera...
Si Etienne Green a le bonheur de partir titulaire, c’est là qu’on pourra durablement le juger. Il lui faudra dans ce cas confirmer sur une année complète. Actuellement il surfe sur la vague de ses débuts réussis, il est l’homme qu’on n’attendait pas car il n’était que numéro trois ou quatre dans la hiérarchie. C’est différent d’attaquer la saison avec un statut de numéro un.
Pour la première fois de sa longue carrière, Jessy a attaqué la saison avec ce statut. Quels souvenirs gardes-tu de lui et comment juges-tu sa saison ?
C’est quelqu’un que j’ai beaucoup apprécié lors de mon passage chez les Verts. Tout le monde le sait, j’ai été en grandes difficultés à Sainté. Mais c’est grâce à des gars comme Jessy que j’en garde de bons souvenirs. J’étais dans un groupe stéphanois vraiment exceptionnel au niveau humain. Bien vivre dans un club même quand on ne joue pas, c’est important. Je n’oublie pas que j’ai été très bien accueilli par les supporters, c’est aussi quelque chose qui a compté pour moi. Alors, oui, c’était une mauvaise aventure car j’ai peu ou pas joué. Mais ça fait partie de la vie d’un footballeur.
J’apprécie Jessy, je le suis sur ses réseaux sociaux. Je l’embrasse bien en tout cas ! Il a vécu une saison compliquée, comme toute l’équipe. Mais ce n’est pas chose facile de passer après des gardiens comme Jérémie Janot et Stéphane Ruffier. Jessy a montré des valeurs, il est au club depuis plus de vingt ans. Dans un contexte loin d’être évident, il n’a pas fait une mauvaise saison. Il ne faut pas lui tirer dessus parce qu’il a pu se louper un ou deux matches. Ça arrive à tout le monde, même à des internationaux. Je sais que Jessy est fort mentalement, il va rebondir et se remettre au travail. Il va se remettre de sa blessure et tout faire pour récupérer sa place.
Il a succédé à un Stéphane Ruffier que tu n’auras fait que croiser à Sainté. Quelle image conserves-tu de lui et que t’inspire l’épilogue de sa longue aventure stéphanoise ?
On s’est en effet côtoyé peu de temps, mais on était tous les deux à l’hôtel du golf. Je n’ai pas les tenants et les aboutissants de la fin de son aventure à Sainté. Je trouve ça triste de finir comme ça. Je pense que Stéphane méritait beaucoup plus de respect. Ce n’est que mon avis, j’ignore ce qu’il s’est passé à l’intérieur de l’ASSE entre Stéphane et le club. Sa sortie a été un peu endommagée. Je pense qu’il méritait mieux car il a beaucoup apporté au club.
Il ne faut pas oublier que c’est un gardien qui a tenu la baraque pendant sept ou huit saisons. Il a enchaîné les saisons de très haut niveau, il a mis en avant le club par rapport à ses performances, il n’a jamais craché sur le club. Malheureusement tout s’est mal fini mais c’est comme ça, c’est la vie. Aujourd’hui avec les médias tout est amplifié, déformé. Moi en tout cas c’est un garçon avec qui je m’entendais bien. On mangeait régulièrement ensemble.
Cette saison tu as recroisé trois fois Jérémie Janot, comme toi entraîneur des gardiens d’un club de L2. Quelles relations entretiens avec lui ?
C’est vrai que je l’ai revu plusieurs fois cette saison, en championnat mais aussi en Coupe de France car on est tombé contre Valenciennes. Nous étions concurrents à l’ASSE mais ma relation avec Jérémie est saine et très bonne. On peut être concurrents dans la vie et bien s’entendre. Je n’ai jamais rien eu contre Jérémie. On sait très bien que c’est l’icône des Verts, il incarne très bien ce personnage-là.
Dans son autobiographie Sans filet parue il y a deux ans aux éditions Marabout. « Pour la première fois de ma carrière, je simule une blessure par loyauté pour Vincent. Cette titularisation en Coupe de France lui revient de plein droit, il avait joué les tours précédents. Je suis un compétiteur, certes, mais pas une ordure. » Tu confimes cette anecdote ?
C’est possible ! (rires)
Merci à Vincent pour sa disponibilité