Honoré par l'ASSE juste avant la victoire contre Concarneau, Jessy Moulin revient pour nous sur ses retrouvailles avec le Chaudron avant de se projeter sur la passionnante fin de saison des Verts.


Jessy, comment as-tu vécu tes retrouvailles avec le Chaudron ?

C’était un samedi après-midi rêvé ! Il faisait beau, le stade était plein, on jouait pour être deuxième, on a gagné. J’ai été mis à l’honneur par le club suite à mon court passage à l’AS Saint-Etienne (rires). C’était génial et en même temps dur car j’ai retouché du doigt ce que j’ai pu vivre pendant ma carrière de footballeur et les émotions que j’ai pu avoir dans ce club, toutes les émotions que ce stade peut procurer. C’était génial et en même temps ça m’a rappelé que ça y est, c’est fini, on est passé de l’autre côté. C’était peut-être, sûrement, la dernière fois que je vivais ça, une ovation comme ça. Mes sentiments sont mitigés mais en même temps c’est fabuleux.

T’as un peu la nostalgie de l’époque où tu étais footballeur ou t’as vraiment tourné la page ? On sait que tu te consacres pleinement à ta famille désormais.

Pour être honnête, je suis vraiment épanoui avec ma famille, elle me comble de bonheur. Ma fille notamment, âgée de 15 ans, me fait vivre des émotions incroyables dans son sport. Comme je suis un fan de sport, je m’y intéresse, on partage ensemble des choses incroyables. Elle m’a fait vivre des moments… Elle m’a beaucoup aidé à passer le cap et à oublier que j’avais arrêté mon métier, mon sport, ma passion. Ma fille est en équipe de France d’équitation, elle est sur une saison où elle nous emmène de droite à gauche sur des concours incroyables.

On va partir en Italie, en Allemagne, en Hollande. On voyage à l’occasion des concours internationaux qu’elle fait. Il y a du très beau monde, de la pression, beaucoup de préparation. C’est du très haut niveau et forcément ça me rappelle beaucoup de choses par rapport à ce que j’ai vécu. C’est génial de partager ça avec ma fille. Autant sur le plan de l’équitation je ne connais pas grand-chose, autant sur l’approche mentale je me régale à échanger avec elle et à participer à tout ça. Ma fille m’a vraiment aidé à switcher une fois que j’ai raccroché les gants.

L’après-carrière, pendant les vacances, ça allait. Mais une fois la rentrée de septembre effectuée, on se retrouve dans le quotidien de la maison. J’ai vécu des moments quand même assez durs, je dois l’avouer. Mais on a une vie très chargée. Le papa de ma femme est très malade, on l’a récupéré à la maison. Je m’en occupe beaucoup et je ne pense pas trop à ma vie d’avant, quand je jouais au football. Mes journées sont chargées, je suis pas mal occupé. Mais parfois, quand on se retourne, je dois admettre qu’il y a parfois ce petit pincement au cœur…

Pour moi, ça a toujours été la famille avant tout. Mes enfants, c’est toute ma vie. Mais je m’investis énormément à côté, je reprends un peu les affaires que mon beau-père gérait. Pour pouvoir tout mettre d’aplomb et qu’on ait une vie qui roule et qu’on puisse s’investir à 200% pour la carrière de ma fille, pour qu’elle puisse continuer ce qu’elle fait. On essaie de lui donner le maximum de chances pour qu’elle fasse de sa passion un métier. Moi je m’investis beaucoup pour subvenir à tout ça car l’équitation est un sport qui demande beaucoup de sacrifices, aussi bien en termes de temps que sur le plan financier. Je passe beaucoup de temps en voiture pour les affaires, en duo avec mon beau-père.

T’as réussi malgré tout à te libérer quelques heures pour revenir samedi dans ton Chaudron. T’as eu l’occasion de revoir d’anciens coéquipiers du coup !

Oui, ça m’a fait chaud au cœur. Et en même temps, ça donne tellement envie d’y retourner ! Les joueurs me considèrent encore comme un des leurs. Vraiment, c’est pareil qu’avant ! On rigole, on se saute dessus, on parle football, on échange. En même temps, ça ne fait pas si longtemps que j’ai arrêté, ça va faire un an. Ce qui me fait plaisir c’est que même les joueurs que je ne connais pas sont venus vers moi, on s’est tapé dans la main. Ils savaient qui j’étais. C’est sûr que ça me touche.

Même si on peut me voir très actif sur les réseaux, très déconneur, j’ai vu les supporters de loin. Ils ont clamé mon nom mais je ne suis pas allé les voir car j’ai toujours ce petit truc introverti à ne pas vouloir me mettre en avant. C’était un match important dans l’optique de la montée que joue le club. L’objectif de la journée, ce n’était évidemment pas de rendre hommage à Jessy Moulin, c’était de gagner le match contre Concarneau. J’ai revu KMP, Romain Hamouma, le président Roland Romeyer, Loïc bien sûr. C’était génial. Et c’était incroyable d’entendre mon nom scandé une dernière fois par les supporters dans ce stade Geoffroy-Guichard que j’aime tant. Je les ai salués et je profite de notre entretien pour les remercier à nouveau de ce qu’ils ont fait. Ça m’a fait chaud au cœur.

Comment as-tu vécu ce match depuis les loges ?

Plutôt bien. J’ai vu un match sérieux. Ce n’était pas le meilleur match qu’on ait pu faire mais à l’arrivée ça fait trois points de plus. Quand on est dans les tribunes ou dans les loges, on a tendance à dire : «mais non, il fallait la mettre ici, il fallait la donner là ». Mais souvent je me dis : « rappelle-toi quand t’étais sur le terrain. A la 60e, à la 70e, à la 80e, c’est plus dur. L’essentiel c’est que les mecs défendent, s’arrachent pour préserver jusqu’au bout leur avantage. » J’essaye de ne pas tomber dans la facilité qu’on peut avoir parfois quand on est supporter. Ce que je retiens de ce match contre Concarneau, c’est qu’on a marqué et qu’on n’a pas pris de but.

C’est Nadé en plus qui a inscrit l’unique but de la victoire. Comme je l’ai dit à Mika, « putain, on gagne 1-0 et il faut que ce soit toi qui marques ! C’est quand même incroyable ! (rires) » Je l’ai chambré un petit peu. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Je suis très content pour Mika. Il a mangé son pain noir, il a continué à travailler et il est récompensé. Il fait encore un match solide hier. Deux ou trois fois, moi le premier et les gens qui étaient autour, quand l’attaquant rentre dans la surface et que Mika arrive en même temps, on se dit « aïe, pas de penalty ! ». Et puis non, Mika est solide, propre. On voit qu’il apprend de ses erreurs. Je suis vraiment heureux pour lui.

Je suis content aussi de voir Dylan Chambost, un enfant du club, enchaîner les titularisations. Dylan et Flo Tardieu au milieu, moi j’adore. Ce sont des joueurs qui sentent le foot. Dylan, quand l’équipe a été moins bien, était moins dans le travail défensif, il souffrait un peu plus car physiquement même s’il le fait ce n’est pas lui qui va aller au duel contre des mecs qui font 80 kilos. Mais par contre, quand ça joue au foot et qu’il y a des mecs qui défendent comme des chiens à côté, Dylan manie bien le ballon et sent le jeu, il délivre de très bons ballons avec sa patte. Perso, moi j’adore.

Flo a encore montré contre Concarneau que c’est un joueur très précieux dans une équipe. On pourrait croire que je suis chauvin avec Flo car c’est un très bon copain, on s’adore et on s’appelle tout le temps. Mais je suis en toute objectivité admiratif de ses qualités. A la base des bases, avant d’être un copain, j’admire le footballeur. Ce n’est pas le plus rapide mais par contre, jusqu’à la 95e, il fait le pressing, il percute, il gratte des ballons, il revient. Il est malin comme pouvait l’être Laurent Batlles quand il jouait.

Quand t’es à la 80e ou à la 85e et que tu mènes 1-0, ça fait du bien d’avoir des mecs comme ça, qui gardent le ballon. Un petit contact et ça fait faute. On prend du temps, on se relève doucement. Pour jouer la montée, c’est des joueurs qu’il faut absolument. Flo comme l’était Lolo est un joueur. Il sait à quel moment il faut accélérer ou pas, il sait temporiser et trouver une faute. J’attache beaucoup beaucoup d’importance à ce type de profils dans une équipe. Ce sont des joueurs importants.

Gautier Larsonneur est aussi un joueur très important. En tant qu’ancien gardien stéphanois, quel jugement portes-tu sur le dernier rempart des Verts ?

Il confirme que c’est l’un des meilleurs gardiens de Ligue 2. Peut-être même le meilleur. J’ai encore vu une photo passer qui témoigne de l’alchimie qu’il y a entre les gardiens à Saint-Etienne. Bien entouré de Jeff Bédénik et d’Etienne Green, Gautier Larsonneur est dans son cocon, dans les meilleures dispositions pour démontrer l’étendue de son talent. Il fait vraiment une super saison, il est très solide de A à Z. Il n’a pas eu de creux, il est constant. On peut avoir hyper confiance en lui pour la fin de saison. Il sera là et il répondra présent, ça fait plaisir !

Les qualités de Gautier, on les connaît. Ce n’est pas un gardien qui est grand, mais par contre il se déplace très vite, il a de très bonnes jambes. Il est capable d’aller chercher les ballons dans sa surface, il n’a pas peur d’y aller. On ne fait pas autant de clean sheets par hasard. Certes il a devant lui des joueurs qui font du bon boulot, mais il est vraiment solide. On l’a encore vu contre Concarneau, quand il n’a qu’un ou deux arrêts à faire dans le match, il les fait. C’est la marque d’un très bon gardien. Et puis il a du tempérament. Après la défaite à Dunkerque, il a dit les choses et derrière il fallait assumer. Il l’a fait. Et quand plus tôt dans la saison on avait déjà fait une longue série de matches sans défaite, il y avait été pour beaucoup. Limite à un moment il était un peu l’arbre qui cachait la forêt.

Comment vois-tu la suite de la saison des Verts ?

Sur les 8 derniers matches, on a pris 22 points sur 24. On est sur une super dynamique et il faut que ça continue. Il reste 7 matches, maintenant on s’en fout de la manière. 1-0 à tous les matches, on prend. Maintenant qu’on a pris la deuxième place, j’espère que la dynamique ne va pas s’infléchir. On est actuellement deuxième, maintenant il faut essayer de marcher sur tout le monde pour la conserver. C’est maintenant qu’il faut montrer encore plus les crocs et faire voir à tout le monde que l’équipe est là où elle voulait être et qu’il n’est pas question de la déloger des 2 premières places.

Ce serait dommage de s’écrouler maintenant, je ne pense pas que ça fasse peur aux Verts d’être là. Au contraire, on voit que les joueurs affichent du caractère, que Geoffroy-Guichard ne leur fait plus peur, au contraire ! Tous les voyants sont au vert. Maintenant, il reste 7 matches, ce n’est jamais écrit par avance. Il faudra faire le boulot quand même. Mais pour les supporters, pour les gens comme nous qui aimons profondément le club, c’est une super fin de saison à vivre, vraiment !

Ça va être intéressant de voir comment les Verts vont assumer cette deuxième place, c’est une nouvelle étape dans leur opération montée. Ils partaient d’assez loin, ils ont longtemps été chasseurs. Ils sont d’abord passés devant Laval, qui est désormais à 5 points derrière. Et les Verts viennent de déloger Angers de la 2e place, grâce à leur meilleure différence de buts. Le SCO a très longtemps été dans les deux premiers, il passe de chassé à chasseur.

C’est une nouvelle donne mais je pense que Sainté est armé pour résister aux assauts ou aux réactions de ses poursuivants. Les Verts sont passés un peu par tous les états, tous les sentiments cette saison. Ils avaient d’ailleurs déjà occupé la 2e place, après 12 journées, avant de connaître une série de 5 défaites consécutives. J’ai peine à croire qu’une telle rechute survienne. Ce n’est plus le même contexte et plus tout à fait la même équipe.

Les Verts sont dans la dernière ligne droite, ils sont revanchards. Ils ont envie de montrer à tout le monde qu’ils s’étaient fait un peu marcher dessus, qu’ils avaient été critiqués, mais que maintenant ils sont déterminés à aller au bout. Les Stéphanois ont vraiment à cœur de faire voir qu’ils ont du caractère et qu’ils sont déterminés à atteindre l’objectif qu’ils ont toujours eu depuis le début de saison : retrouver l’élite.

Pour atteindre cet objectif, ils pourront s’appuyer sur l’incroyable ferveur de leurs supporters.

Carrément ! Samedi, j’étais avec Romain Hamouma au bord du terrain, on était avec nos enfants. Moi je voyais mon fils, je ne l’entendais même pas, il me tirait vers le bras et me montrait du doigt les supporters avec des yeux grand ouverts. J’ai senti à quel point il était impressionné. Qui ne le serait pas en voyant ce spectacle dans les tribunes ? J’ai dit à Romain : « Oh, Romain, on est en Ligue 2. T’imagines ? Qui a fait ça en Ligue  2? Qui peut faire de tels tifos ? Qui peut chanter avec une telle puissance, une telle ferveur ? Personne ! C’est incroyable ! »

Je suis allé voir le week-end précédent le match OM-PSG au Vélodrome, j’étais invité. Ce n’était pas les 90 ans d’un club mais c’était quand même un Marseille-Paris, un très gros match. Bon, franchement, le Vélodrome, ça reste quelque chose. C’est assourdissant, il y a beaucoup de monde. Il y a beaucoup de sifflets, beaucoup d’insultes, c’est très oppressant. Mais Geoffroy-Guichard… c’est incomparable, c’est incroyable ! Ce n’est pas juste pendant 90 minutes mais pendant 2 heures et demi, ça chante non-stop. Ce qu’on a vu samedi, c’était de la folie. Les tifos étaient fabuleux, les Green Angels ont fait un travail fantastique. En plus ils n’ont pas pénalisé le club, ils n’ont pas craqué de fumis pendant le match.

 

Merci à Jessy pour sa disponibilité