Ce mardi 11 mai est paru aux éditions En Exergue un récit (disponible sur le site de la Fnac) dans lequel tout supporter se retrouvera : La Passion selon Saint-Étienne. Rencontre avec son auteur Christophe Verneyre, plus connu sur Poteaux Carrés sous son pseudo gainsbourien : le pas rasé Parasar.
Qu'est-ce qui t'a donné envie de passer de l'édito au format livre ?
C'est une vieille envie que j'ai mis du temps à assumer. Si je suis honnête elle est là depuis au moins vingt ans. Je me souviens en particulier qu'à l'époque de la division 2, que ce soit la période du Nouz, ou d'Anto, je me déplaçais pour les matchs à Troyes, Amiens, Beauvais, et j'ai commencé à écrire le récit de mes déplacements sur le forum d’asse online, l'ancêtre de P². Déjà je me disais qu'il y avait un truc à raconter, j'avais envie de décrire toutes les émotions ressenties lors d'un déplacement, l'ivresse collective, la fraternité avec mes potes de virée verte dont beaucoup sont sur P² aujourd'hui, l'impression de vivre une aventure, et le plaisir de voir à quel point le phénomène vert était vivace.
Quel a été ton cheminement pour arriver jusque là ?
J'ai commencé à écrire, en ne sachant pas où ça me mènerait. Avec une volonté, celle de décrire ma folie verte, partager mon côté ravagé, mon côté fou furieux, grand malade que j'ai appris à assumer avec le temps. Et une idée d'organisation par thèmes : comment cette folie est née, comment elle se manifeste, comment elle imprègne ma vie privée...
Et puis le déclic, c'est probablement mes enfants et ma femme qui m'ont encouragé à tenter le coup, par exemple en m'offrant pour mon anniversaire un beau carnet pour écrire...
L'envie de ne pas les décevoir m'a aidé, au moment où j'étais au milieu du gué, ayant déjà beaucoup écrit, mais n'étant pas sûr d'être capable d'aller au bout. Et puis les réactions à mes éditos sur P² m’ont aussi donné confiance. Parce qu’à la base le livre, il y a quelque chose de sacré pour moi, un truc inatteignable. C’est une chose de faire une petite chronique, partager une émotion, un coup de gueule en trente lignes, mais écrire un livre, pour moi il y a toujours eu un côté "t’es qui pour prétendre écrire un livre ?".
J'ai mis un peu près un an et demi à écrire la première mouture entre 2018 et début 2020.
Quelles ont été tes sources d'inspiration ?
Évidemment Carton jaune, que j’ai lu il y a longtemps et que j’avais adoré justement pour la description, avec beaucoup d’auto-dérision, de cette addiction pour un club.
Dans un autre style, plus récemment, Rouge ou mort, un vrai manifeste politique sur le foot aux antipodes du modèle que représente le QSG d’aujourd’hui. L'apologie du collectif. Avec un style étonnant. Pis Liverpool, forcément, ça ne peut que nous parler à nous, sups stéphanois. Et j’ai aussi lu plus récemment le joli roman Les poteaux étaient carrés, récit intime et touchant autour de la finale de Glasgow.
Quel a été ton angle d'attaque ? Que dire qui n'a pas déjà été dit sur le foot ?
Déjà l’envie viscérale de rendre hommage à ce club. Donc l’envie de raconter ma passion folle pour ce club, comment elle se manifeste depuis quarante ans. Il ne s’agit pas de porter un regard actuel sur le fonctionnement du club, évoquer la façon dont il est géré, toutes choses que je peux faire de temps en temps sur P². Là c’est mon histoire avec ce club, comment elle est née, comment cette passion m’anime malgré tous les moments difficiles.
Quand tu envoies ton manuscrit aux éditeurs, tu dois faire un pitch de ton livre. Pour le résumer je disais que c’était une introspection universelle, que c’était sans doute un oxymore (ça c’était pour faire le malin) mais que c’était réellement mon sentiment : à la fois je me livre totalement, je me raconte jusqu’au moindre détail de mes insomnies causées par les Verts à 10 ans comme à 40. Et en même temps je pense que les symptômes d’une passion pour un club sont très largement partagés. Mon premier lecteur a été un supporter du QSG (nobody’s perfect..) et il m’a confirmé qu’il se retrouvait dans plein de choses.
Comment traites-tu le sujet de la passion ?
Il est beaucoup question de souffrance, de fierté, d’adrénaline. Je décris "crûment" comment je vis cette passion. Comment elle me dévore. Et j’ai organisé mon récit par thématiques. La naissance de cette passion, la question de la transmission, l’impact sur la vie de couple, l’importance de la fierté, l’aventure que constitue une virée à l’extérieur, ma relation au stade, mon panthéon personnel...
La passion est d'ailleurs dans le titre de ton roman. Tu l'as trouvé de suite ?
Mon premier titre c'était La passion fait de nous un peuple sans raison. Je l'aime bien, j'explique l'origine de ce titre dans le livre mais je le trouvais trop long. Et puis j'ai trouvé le titre définitif en vacances en août dernier. J'en étais très content car à la fois le jeu de mots ça me ressemble tu sais que c'est un de mes péchés mignons, et la référence religieuse me semble bien correspondre à la relation qu'on a nouée avec ce club. Et puis le mot passion me semblait essentiel dans le titre de mon livre.
C'est toi sur la photo ?
Non, ce n'est pas moi, c'est l'éditeur qui a choisi cette photo. Je ne connais pas ce gosse j'espère pour la tranquillité de ses récrés qu'il n'est pas marseillais ou lyonnais...
Comment as-tu choisi ton éditeur ?
Jean Philippe Leclaire, fou des Verts, m'a suggéré de lui envoyer mon manuscrit et il a très bien fait. C'est donc lui qui m'a mis sur le chemin d'En Exergue et je le remercie car il m'accompagne vraiment bien ce qui n'est pas du luxe car je ne connaissais rien au monde de l'édition. Il a l'ambition de réconcilier sport et littérature et c'est un beau pari. Et il a en plus le bon goût d'aimer bashung et de supporter une équipe qui joue en vert aussi. Que demande le peuple ?
Chaque chapitre s'ouvre sur l'extrait d'une chanson : pourquoi ces clins d'oeil ?
Parce que j’adore la musique, et que j’ai ce réflexe, probablement pénible pour mon entourage très proche, de toujours sortir un extrait de chanson dans une discussion. C’est mon côté On connaît la chanson. Quelqu’un qui me raconte qu’il en chie au boulot, j’ai le réflexe assez rapidement de lui dire "c’est dur aujourd’hui peut-être, demain ça sera vachement mieux", en référence à la chanson d’Higelin. Dans mon livre c’est une façon de créer une connivence avec le lecteur, d’introduire le chapitre, et une manière aussi de partager mes goûts. Je suis ultra fan de Bashung, Gainsbourg…
Ton regard sur l'évolution du foot n'est-il pas trop pessimiste ?
En fait je suis partagé. Mais comme beaucoup de nos potonautes je crois. A la fois un peu dégoûté par ce que le foot de mon enfance est devenu. Les dérives qu’illustre bien le récent projet de la Super League, les départs de nos jeunes à 18 ans…. Le sentiment que tout cela est vain. Et pourtant un week-end sans match des Verts me paraît toujours fade. Je sais que quand je pourrai enfin retourner à Geoffroy, j’aurai comme toujours dès le matin, l’excitation au cœur, et cette tension si caractéristique. Donc non je n’aime pas ce que le foot est devenu, mais oui je suis toujours aussi accroc à nos Verts. Pas de doute on sera toujours là !