Henryk Kasperczak : "Il faut laisser du temps à Laurent Batlles"

Ancien entraîneur des Grenats et des Verts, Henryk Kasperczak nous a livré ses impressions à trois jours du match de clôture de la 14e journée de L2 qui mettra aux prises les deux clubs à Saint-Symphorien.

Henryk, deux clubs que tu as bien connus vont s’affronter ce lundi en match de clôture de la 14e journée de L2…

Oui, et je dois dire que ça me fait un pincement au cœur de voir où en sont aujourd’hui le FC Metz et l’AS Saint-Étienne. On s’était habitué à voir une telle affiche dans l’élite, mais les deux clubs sont désormais dans la seconde moitié de tableau de la Ligue 2. Les Verts sont même relégables, c’est quand même malheureux... C’est difficile à digérer, surtout pour moi qui ai vécu beaucoup de choses positives en Lorraine comme dans le Forez.

Mais la vie continue, je souhaite aux deux clubs de remonter la pente. Ce serait maintenant un exploit que Metz remonte en L1 dès cette année. Pour Saint-Étienne ça relèverait même du miracle. Il faut voir la réalité en face, les Verts sont très mal classés, ils vont devoir se battre pour se maintenir. J’ai regardé quasiment tous leurs matches. C’est triste, on sent que l’équipe n’est pas encore au point, qu’elle se cherche encore dans son expression collective et manque d’efficacité dans les deux surfaces.

L’ASSE compte quand même la 3e attaque !

C’est vrai, et elle a encore le meilleur buteur de la L2 actuellement en la personne de Jean-Philippe Krasso, qui a pourtant été suspendu plusieurs matches de suspension. Mais je trouve quand même que les Verts ont du mal à marquer. Saint-Étienne a la dernière défense, c'est vraiment inquiétant mais le dernier match de L2 remporté à Amiens est encourageant. Les Verts n’ont pas pris de but et ont gagné sur le terrain d’une équipe qui était troisième et qui était jusqu’alors souveraine chez elle. J’espère que les Verts vont enchaîner mais ce n’est pas gagné.

En effet… L’ASSE, comme le FC Metz d’ailleurs, n’a pas encore réussi à enchaîner deux victoires cette saison. Certains supporters commencent à s’interroger sur Laurent Batlles, t’en penses quoi ?

Les résultats des Verts ne sont clairement pas bons depuis le début de saison, c’est difficile d’aspirer à jouer les premiers rôles quand tu n’arrives pas à enchaîner deux victoires. Mais personnellement je pense qu’il ne faut pas accabler Laurent Batlles. Je sais ce que c’est, c’est très difficile de prendre une équipe qui vient d’être reléguée en deuxième division. Ça aurait été bien que l’ASSE puisse se mêler à la lutte pour la montée dès cette saison mais la remontée directe n’était pas forcément l’objectif, c’est plutôt un plan sur deux ans que le club a évoqué. La seconde saison sera certainement meilleure que la première.

Il y a eu beaucoup de mouvements à l’intersaison, pas mal de joueurs d’expérience sont partis. Et en plus le club a démarré le championnat avec trois points de handicap, ce dont il se serait bien passé… Certes, on a maintenant atteint le tiers du championnat mais c’est trop tôt pour juger l’entraîneur à mon avis. Il y a eu beaucoup de changements ces dernières années sur le banc stéphanois, je pense qu’il faut laisser du temps à Laurent Batlles et voir comment l’équipe va évoluer. C’est une équipe jeune, qui n’a pas encore trouvé son équilibre. On a quand même vu de belles séquences de jeu sur certains matches mais en même temps on sent parfois que cette équipe est fragile, vulnérable.

Je considère qu’il faut se montrer patient avec l’entraîneur. Il lui avait fallu un certain temps pour obtenir des résultats probants à Troyes et on voit qu’au final Laurent Batlles aura fait de l’excellent travail là-bas. Il a réussi à faire monter ce club en Ligue 1, il l’a quitté à une position de non relégable. Attendons la fin de saison pour faire un premier bilan de son action à l’ASSE. J’ai bon espoir que d’ici là il aura réussi à faire en sorte que son équipe s’éloigne de la zone rouge.

Je me souviens qu’à mes débuts sur le banc de l’ASSE, on n’avait pas eu des résultats extraordinaires. On avait certes démarré par un nul à l’extérieur (à Alès, ndp2) puis une victoire à la maison contre Valence mais ensuite on avait perdu 3 matches d’affilée (contre La Roche, Limoges, Gueugnon, ndp2). On s’était repris en gagnant notre derby contre Le Puy mais dans la foulée on avait fait plusieurs matches nuls.

C’est par la suite que ton équipe a vraiment décollé, elle a failli monter dès cette première saison !

Cette saison-là, on a en effet raté de peu l’accession en première division, on a perdu en barrage contre Rennes. Mais on a fait un très beau parcours en Coupe de France, que j'avais remportée la saison d'avant avec le FC Metz d'ailleurs ! J'ai encore le souvenir des très grosses ambiances à Geoffroy-Guichard lors de notre 8e de finale contre Lens et notre quart de finale contre Lille. C'est d'ailleurs à cette occasion-là que le Chaudron a battu son record d'affluence [47747 spectateurs, ndp2].

J’ai vu que Saint-Étienne s’est fait éliminer dès son entrée en lice à domicile le week-end dernier contre Rodez, c’est dommage mais ce n’est pas dramatique. Disons que les Verts vont pourvoir se focaliser uniquement sur le championnat désormais.... Ma seconde saison stéphanoise, on a réussi à monter en première division alors qu’on s’est fait sortir sans gloire dès le 8e tour par Moûtiers, un club amateur savoyard.

Roger Milla n’avait pas pris part à cette rencontre mais il avait été le grand artisan de notre montée. C’était un attaquant exceptionnel. L’ASSE n’a pas l’équivalent actuellement dans son effectif à mon avis et a d’autres manques qu’il faudra combler, sans doute dès le mercato d’hiver. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas prétendre jouer les premiers rôles quand on a la plus mauvaise défense. J'espère vraiment que l'embellie entrevue dans ce secteur lors des deux derniers matches va durer...

Sainté a déjà pris plus de buts cette saison de L2 (23 en 13 matches) que ton équipe de 1984-1985 sur toute la saison (22 pions encaissés en 34 matches) !

Ah je n'avais pas fait le rapprochement ! En effet, c’est problématique. Mais malgré notre excellente défense et notre très bonne attaque cette saison-là, on n’avait pas réussi à finir à la première place. On avait terminé à deux points de Nice. La saison suivante, on a encaissé un peu plus de buts (29), on a en a mis un peu moins (50), on a pris moins de points… mais au final on a fini premiers avec une avance somme toute assez confortable (5 points) sur le deuxième Alès ! Comme quoi les statistiques…

En tout cas ce qui n’est pas facile, on le voit bien cette saison, c’est de trouver un équilibre dans l’équipe. Quand on a un jeu tourné vers l’offensive, basé sur la possession, avec des joueurs portés vers l’attaque, on s’expose parfois à prendre plus de buts qu’on en marque. Il y a un cruel manque d’efficacité dans les deux surfaces à Saint-Étienne mais les Verts viennent pour la première fois d’enchaîner deux matches sans prendre de but : à Amiens et contre Rodez, qui s’est toutefois qualifié aux tirs au but. Je crois que Matthieu Dreyer a réussi 4 clean sheets en 7 matches, c'est pas mal quand même !

J’espère que cette équipe stéphanoise a enfin trouvé une certaine solidité défensive qui va durer. Mais le plus important, ça reste bien sûr la victoire. L’ASSE n’a décroché que 3 succès en 13 journées, le FC Metz en a remporté juste un de plus. Ce n’est pas fameux pour des clubs de cette stature. C'est décevant mais j’espère que les Verts vont s’appuyer sur le match qu’ils ont fait à Amiens. Ça n’a pas été un grand match mais j'ai trouvé que les Verts ont été cohérents, consistants. Ils ont su forcer la décision avec ce penalty de Wadji et ont su se montrer imperméables. C’est bien mais ça demande confirmation.

Je pense que Laurent Batlles a bien identifié les lacunes de son équipe, les points à améliorer. Il s’efforce de travailler tout ça à l’entrainement avec son staff et avec son groupe de joueurs. Obtenir des résultats sur la durée, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Il faut travailler et créer un état d’esprit de gagneurs. Le championnat de L2 est rude, sans doute plus relevé qu’à l’époque où j’y entraînais. On le sait, Saint-Étienne est très attendu, sur tous les terrains de France et de Navarre. Il faut jouer sur les qualités des joueurs pour l’emporter mais ça passe aussi par une grande détermination.

Beaucoup de supporters stéphanois semblent désabusés, expliquent que leur passion s’étiole et qu’il n’y a plus rien à attendre de l’ASSE tant que les présidents actuels n’auront pas passé la main. Partages-tu ce point de vue ?

Non, on stigmatise beaucoup les dirigeants mais il faut dire la vérité. Aujourd’hui ils veulent vendre le club mais il n’y a personne de sérieux qui veut l’acheter ou qui peut l’acheter. Saint-Étienne n’a évidemment plus son lustre d’antan, le club est actuellement en bas de tableau de la deuxième division, mais l’ASSE a quand même une certaine valeur et plusieurs atouts, notamment un bon centre de formation, avec des infrastructures rénovées. Dans le football d’aujourd’hui, il faut beaucoup d’argent pour racheter un club.

Les présidents ont fait du très bon travail. Il faut dire la vérité, avant ça marchait, mais depuis quelques années les résultats ne sont plus là et le club est hélas descendu en deuxième division. Charger les présidents, c’est facile, mais il faut aussi et surtout prendre en considération la prestation des joueurs. On ne peut pas tout mettre sur le dos des dirigeants. Je ne dis pas qu’ils n’ont aucune part de responsabilité mais j’ai plutôt tendance à les défendre quand j’entends certains dire qu’ils sont les principaux voire les uniques responsables.

Si le club a de mauvais résultats depuis plusieurs années et se retrouve là où il en est aujourd’hui, c’est peut-être qu’on a des joueurs qui sont incapables de gérer cette période. Ce n’est pas forcément dans les plus hautes sphères qu’il faut chercher les fautifs. Tout le monde est responsable en fait. On voit bien qu’il y a des problèmes dans ce club. Peut-être au niveau de sa gestion, peut-être au niveau technique, peut-être au niveau tactique, peut-être au niveau de sa politique sportive. Je ne sais pas, c’est difficile de savoir exactement.

Il y a peut-être aussi des recrutement pas toujours pertinents, l’incapacité à conserver des joueurs de valeur. Mais c’est devenu très compliqué pour un club aux moyens limités comme Saint-Étienne de retenir des joueurs convoités par des clubs européens beaucoup plus fortunés. L’ASSE s’efforce d’avoir une gestion financière saine, ce n’est pas évident. Pour les moi les premiers fautifs des mauvais résultats sont les joueurs, ce sont eux qui sont sur le rectangle vert.

Les présidents aimeraient vendre mais ils ne trouvent pas preneurs, soit parce que les candidats ne sont pas sérieux, soit parce que ça ne les attire pas de prendre un club qui se retrouve aujourd’hui englué dans les bas-fonds de la deuxième division. Moi je connais bien les présidents Roland Romeyer et Bernard Caïazzo. Surtout Romeyer en fait. C’est un mec qui a du cœur, il a les Verts dans le sang. Il ne faut pas oublier qu’il a fait beaucoup pour Saint-Étienne. Il est très malheureux de ce qui se passe actuellement. J’espère que les joueurs vont obtenir de meilleurs résultats pour redonner le sourire à tous les supporters et aux dirigeants.

Merci à Henryk pour sa disponibilité