Fêtant aujourd'hui ses 44 ans, Lilian Compan s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera ses deux anciens clubs ce dimanche à La Mosson.
Que deviens-tu Lilian ?
Je suis toujours à Hyères, je termine ma troisième année d’entraîneur en National 2. Il y a un nouveau projet avec un nouveau président qui est arrivé en cours de saison. Je continue l’aventure dans ce projet avec des ambitions différentes. Ça me tient à cœur car c’est quand même ma ville de naissance, ma ville de toujours, mon premier club. J’ai envie d’amener ce projet jusqu’au bout, le plus loin possible. J’ai réussi à trouver des contacts et à monter un projet nouveau avec Mourad Boudjellal. Je suis ravi que tout prenne forme petit à petit. Mais comme on part de pas grand-chose, il y a beaucoup de boulot ! Il me reste un an de contrat. J’ai été sollicité mais je reste ici.
Quelles sont vos ambitions ?
Pendant trois ans l’objectif était le maintien car on avait sûrement le plus petit budget de National 2. Chaque année il fallait faire des miracles pour se sauver. On est arrivé à figurer en milieu de tableau, de temps en temps on s’est même invité au-dessus mais sur la durée on n’existait pas. Aujourd’hui les moyens vont être plus conséquents. On aura fois cinq ou fois six. De là à dire qu’on va jouer la montée tout de suite… On est dans un championnat du sud-est qui est très compliqué, vraiment relevé, avec de très belles équipes, des clubs lotis de gros moyens financiers et structurels. Donc ça ne va pas être une partie de plaisir. L’ambition c’est d’être le plus haut possible.
Pour qui penchera ton cœur ce dimanche lors du match qui opposera tes deux anciens clubs à la Mosson ?
C’est une question difficile que tu me poses-là ! (rires) Il y a quelques mois avant le match aller j’ai dit sur France Bleu Hérault que j’avais un faible pour Montpellier. Vous avez relayé ça et j’ai vu des réactions comme quoi j’avais retourné ma veste, j’ai lu des commentaires comme quoi je n’avais pas le cœur vert. Alors que je l’ai toujours dit, j’ai une affection particulière pour Saint-Etienne. Je suis fier d’avoir porté le maillot vert, j’ai vécu de belles émotions avec ce club. J’y suis revenu plus tard en tant qu’entraîneur mais ça s’est mal fini, on m’a jeté comme un malpropre. On a le droit, hein, je n’en veux à personne ! Je continue de suivre très attentivement ce qui se passe à Saint-Etienne. Ça a encore été une saison compliquée. Je n’avais qu’une seule envie, que les Verts se sauvent, qu’ils se sortent de cette panade.
Ici c’est la panade, c’est la panade, c’est la panade !
(Rires) Je vois que tu gardes ton sens de l’humour, mais ça fait des années que ça leur pend au nez. Quelque part, c’est une suite logique. Le club n’est pas là où il en est aujourd’hui par hasard. Je ne tiens pas trop à m’étendre sur le sujet. Mais pour avoir connu les choses de l’intérieur, ce qui se passe à Sainté ne me surprend pas. Je pense quand même qu’ils vont s’en sortir. Franchement, j’en suis ravi car les supporters ne méritent pas ça. J’espère croire que cette alerte ouvrira les yeux à beaucoup de personnes dans le club et qu’ils prendront des décisions fortes.
C’est-à-dire ?
Je ne veux pas entrer dans le détail. J’attaquerais directement des personnes qui sont encore en poste et je ne tiens pas à polémiquer dans le contexte actuel. Aujourd’hui le club a davantage besoin d’union sacrée, d’unité, plutôt que des donneurs de leçons. Je ne suis pas là pour dire « il faut faire ci, il faut faire ça. » Moi je suis plus dans un état d’esprit de rassemblement, d’unité nationale des supporters. Il faut s’encourager, s’appuyer. Ce serait malvenu et trop facile d’appuyer où ça fait mal.
Ton avis sur Claude Puel ?
Je remarque que beaucoup le critiquent un peu facilement en faisant abstraction du contexte. Moi je pense qu’il faut lui laisser le temps de mener à bien son projet. Il y a beaucoup de choses à travailler en interne et le mettre dans les meilleures conditions. Parce que quelque part il a reçu un cadeau empoisonné. Il s’efforce de mettre en place un projet dans un contexte difficile, sans moyens. Il s’appuie sur des jeunes qui sont bons mais qui ne sont pas prêts.
Je pense que Claude Puel a réussi à sauver le club. Ce n’est pas fini mais je pense que ça va le faire. Même s’ils restent sur une défaite à domicile contre Brest, les Verts devraient se maintenir. Bien sûr on aimerait tous voir Sainté rejouer le haut de tableau mais c’est à tous les étages du club qu’il faut regarder, y compris au centre de formation. Y’a pas mal de choses à revoir. Ce n’est pas forcément la faute à Claude Puel si les résultats ne sont pas top.
Deux de tes anciens protégés en U19 se sont révélés cette saison sous les ordres de Claude Puel, à commencer par Aimen Moueffek, qui a joué 17 matches cette saison en L1 dont 6 en tant que titulaire.
Quand j’ai eu Aimen, j’ai été frappé d’emblée par le gros potentiel qu’il avait. Mais le vrai hic à l’époque, c’est qu’il était souvent blessé. Du coup il fallait bien le gérer, être très attentif à cette problématique physique. Mais il démontrait vraiment une mentalité, une motivation super intéressantes. Il mettait beaucoup d’agressivité et d’impact au milieu de terrain. Il avait de grosses capacités à la récupération, il était très bon pour aller gratter les ballons. Et comme techniquement il était au-dessus de la moyenne. Physiquement, il était au-dessus de tous. J’ai l’impression que les pépins musculaires qu’il a eus à une époque sont derrière lui. C’est une bonne chose car c’est un très bon joueur.
On s’attendait moins à voir jouer cette saison en L1 un autre garçon que tu as eu sous tes ordres : Étienne Green.
Je suis super content de ce qui lui arrive. C’est un excellent et gentil garçon, un homme remarquable. Il joue à un poste particulier bien sûr. Un gardien de but, souvent on fait appel à lui parce qu’il y a des blessures, une expulsion, une suspension voire de mauvais résultats. Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, pas grand monde ne lui faisait confiance à l’époque où j’étais au club. A vrai dire j’étais l’un des seuls. Je suis ravi de le voir jouer en L1. Suite aux blessures de Jessy et Stefan, Étienne a su saisir sa chance. En U19, il dégageait déjà une certaine sérénité dans les buts. Mais il ne faisait pas partie des choix du club à ce moment-là. Les choses ont évolué depuis et c’est une très bonne chose. Étienne a longtemps été dans l’ombre de deux bons gardiens internationaux, Stefan Bajic et Nathan Cremillieux. Grâce à sa persévérance et à un peu de chance, Étienne explose aujourd’hui.
Tu as également entraîné à Sainté Charles Abi, qui avait démarré sa carrière en pro grâce à Jean-Louis Gasset avant de faire quelques apparitions sous la courte houlette de Ghislain Printant. Claude Puel lui donne un temps de jeu conséquent, comment juges-tu sa saison ?
Charles, j’ai été le premier avec Laurent Batlles à le repositionner comme attaquant de pointe. À ce moment-là, on nous a dit : « Ce n’est pas un attaquant de pointe. »
J’ai souvenance que tu le faisais plutôt jouer ailier gauche
C’est vrai que je l’ai fait souvent surtout ailier gauche. C’était un gros débat qu’on avait avec la direction. Nous on voulait le faire jouer en pointe, c’est à ce poste là qu’il a joué en Gambardella. Pour nous, c’était un attaquant, mais la formation nous demandait qu’il joue ailier. On n’était pas trop d’accord mais c’est comme ça, il y a parfois des choix qui sont faits. À ce moment-là Laurent m’assistait à la Gambard’. Avoir un assistant de la qualité de Laurent Batlles, c’est sympa, non ? Aujourd’hui il entraîne une équipe en tête de la L2 et bien partie pour retrouver l’élite.
Notre discours, c’est que Charles est un attaquant de pointe. Maintenant, ce n’est pas un grand buteur. Il manque de finesse devant le but. Malgré tout, sa saison est correcte. OK, ses stats ne sont pas fantastiques mais il a quand même mis trois buts dont deux très importants. Celui de la victoire à Nice surtout, à une période où le club était vraiment très mal suite à leur écrasante défaite lors du derby à Geoffroy. Charles a également égalisé en toute fin de match contre Reims. Je crois qu’il a fait aussi deux ou trois passes décisives. Il a été en difficulté dans certains matches mais je l’ai vu faire de bonnes rentrées.
Beaucoup de supporters le trouvent encore un peu tendre pour la Ligue 1.
C’est une évidence mais c’est quand même pas mal ce qu’il fait. C’est sa première saison relativement pleine dans l’élite, ça reste un jeune joueur qui vient de fêter ses 21 ans. C’est sûr qu’on attend plus d’un avant-centre d’un club comme Saint-Etienne mais cette année il n’y avait pas de véritable avant-centre titulaire. On sait que c’est un poste où l’ASSE a du mal à trouver un vrai buteur, le problème ne date pas d’aujourd’hui. Pour en revenir à Charles, je pense qu’il faut se montrer bienveillant. C’est un joueur généreux, qui pèse sur les défenses, qui est capable de répéter les efforts. La finition et la finesse ne sont pas ses qualités premières. Le problème, c’est qu’au très haut niveau on demande beaucoup ça. Mais je trouve qu’avec le travail il a déjà bien évolué. Je comprends que les supporters stéphanois attendent davantage d’efficacité d’un attaquant mais je pense que Charles va encore apporter au club.
"Ça m'embête que Charles Abi ait été formé ailier gauche alors qu'il a les qualités pour devenir l'avant-centre du futur. On l’a prolongé car on croit en lui mais il a pris du retard" avait déclaré Claude Puel il y a un an dans la Pravda. Il a ajouté il y a deux mois en conférence de presse : "Nous sommes à la recherche d’un entraîneur, à la formation, disponible pour développer nos joueurs offensifs, les faire travailler, les corriger. Répéter des gestes, l’enroulé pied droit, pied gauche, savoir réaliser un piqué, des feintes de frappe... Si le joueur n’a pas ces gestes en sa possession, il va les acquérir. Nous cherchons quelqu’un qui fera du spécifique sur nos joueurs offensifs, avec l’analyse des matchs de la réserve, U19 et U17. Cela aurait dû être fait avant, mieux vaut tard que jamais." Il ne semble pas au courant que tu avais occupé ces fonctions à l’ASSE mais tu le rejoins sur le fond ?
Oui, je pense que c’est très important d’avoir un spécialiste en charge des attaquants au centre de formation. Quand Bernard David est venu me chercher pour exercer ces fonctions à l’ASSE, j’ai trouvé l’idée excellente, franchement ! Il y avait beaucoup de buts à la formation. J’essayais d’amener beaucoup d’expérience, beaucoup de répétitions. Mais hélas il n’y a pas eu de suivi derrière. Quand je suis passé entraîneur des U19, il n’y a pas eu de réelle continuité de cette idée-là. Bernard David est parti, n’a pas été conservé., et derrière il n’y a pas eu de suite. C’est vraiment dommage. C’est une certitude, les jeunes pros comme Charles doivent continuer à travailler devant le but.
Les expérimentés vont plus dire d’eux-mêmes « on en a besoin, on n’en a pas besoin. » Les jeunes doivent absolument travailler devant le but. Il y a bien des entraîneurs de gardiens dans les centres de gardiens, ça devient la mode d’avoir aussi des entraîneurs d’attaquants et je trouve que c’est une très bonne chose. De nombreux clubs pros ont de tels spécialistes. Mickaël Pagis au Stade Rennais par exemple. Un joueur d’expérience qui connaît ce rôle d’attaquant, ça ne peut être que bénéfique ! Moi je me suis éclaté en exerçant ces missions quand Bernard David dirigeait le centre et Christophe Galtier était à la tête de l’équipe première. Je faisais parfois des spécifiques avec des Nolan Roux ou des Benjamin Corgnet. C’était top ! Les jeunes étaient ravis de faire mes spécifiques car ils savaient qu’ils devaient en manger pour progresser.
Ton prono pour ce dimanche ?
Montpellier a quasiment perdu toute chance de finir européen via le championnat, et on peut considérer que Sainté est quasiment sauvé. Je verrais bien un petit nul. Après, tu sais que je suis nul en pronos ! (rires) Je crois que des deux côtés tous les attaquants semblent disponibles pour ce match. Je vois un 1-1. Buts de Delort pour Montpellier et de Khazri pour Sainté car c’est le seul joueur qui marque beaucoup en ce moment chez les Verts.
Connaitrais-tu quelqu’un de très fortuné et de sérieux disposé à racheter l’ASSE ? Avec ton président Mourad Boudjellal et ton directeur sportif Nicolas Anelka, vous n’avez pas prévu de lâcher Hyères dès aujourd’hui pour demain reprendre les Verts ?
C'est une boutade, là ! (Rires) Écoute, je connais des personnes qui ont pas mal d’argent. De là à dire qu’ils soient prêts… Tout le monde aime Saint-Étienne, tout le monde aimerait participer à ça. Mais bon, là, il faut être très, très riche ! Il peut y avoir des gens intéressés mais ils voudront maîtriser tout ce qui se passe en interne. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Mourad est fan de Saint-Étienne mais il vient de prendre Hyères, je pense quand même qu’il va rester ! (rires) C’est vrai qu’il a une grosse affection pour l‘ASSE mais je ne peux pas parler pour lui pas plus que pour Nicolas Anelka. Je ne pense pas que Nico soit dans une optique de vouloir acheter un club. En tout cas j’espère que des gens vont reprendre l’ASSE car le club a de grosses dettes. A tout de point de vue Sainté est dans une situation délicate mais on en revient à ce qu’on disait tout à l’heure. C’est une suite logique, quelque part on l’a mérité…
Merci à Lilian pour sa disponibilité