La différence de niveau entre les deux équipes a été si évidente, que la lourde défaite des Verts contre Monaco est tout à fait logique. Mais elle fait mal quand-même...
Il y a un peu plus de 3 ans, Monaco s'imposait 4-0 à Geoffroy-Guichard et l'entraîneur adverse était assez surpris : "l'adversaire ne nous a pas beaucoup contrarié dans notre jeu, je m'attendais à plus d'opposition (...) aujourd'hui c'était évidemment plus tranquille, et nous avons su en profiter". A l'époque Sablé était l'entraîneur principal, Ruffier était le gardien et capitaine et avait pris un rouge pour avoir chuchoté à l'oreille de l'arbitre assistant et Romeyer avait craqué et essayé d'entrer sur le terrain pour en découdre. De l'eau a coulé sous les ponts et seulement quelques choses ont changé : Sablé est entraîneur adjoint, Ruffier a été viré et Romeyer regardait dans le vide à la fin du match, résigné.
Pour revenir au match de cette saison, joueurs, staff, supporters, tout le monde est unanime, l'adversaire du jour était nettement supérieur, dans tous les domaines. Selon Puel, "on a été en manque d’intensité et de qualité technique (...) là tout simplement la marche était trop haute. On n’était pas au niveau ce soir". Quant à son capitaine, Debuchy : "on a été surclassés par une très belle équipe de Monaco. On a essayé de donner le maximum, de se battre mais on était limités (...) on n'a pas mis les ingrédients nécessaires, techniquement et tactiquement. On est passé à côté de notre sujet, il n'y a pas beaucoup de choses à retenir".
S'il est plus difficile de faire une analyse en images du manque d'intensité ou de qualité technique, la bataille tactique complètement ratée est facile à mettre en évidence. Voici quelques exemples.
L'animation monégasque...
Le staff stéphanois a fait le choix d'une défense à 5 avec Debuchy et Trauco en pistons et un trio offensif Boudebouz - Bouanga - Khazri. Un 3-4-1-2 / 5-2-3 opposé au 4-4-2 / 4-2-4 de Monaco :
L'animation proposée dans ce 4-2-4 mérite le détour, surtout qu'elle à fait très mal aux Verts. Un des avant-centres décroche constamment et l'ailier gauche joue très axial lui aussi entre les lignes, laissant le couloir pour le défenseur latéral, pendant que l'ailier opposé est très excentré. En phase offensive, Monaco joue donc en 3-2-4-1 et cela pose deux problèmes. Les deux milieux stéphanois sont en sous-nombre dans l'axe, ils ont deux adversaires devant et deux autres derrière. Comme les offensifs ne défendent pas et n'aident pas dans les couloirs, Debuchy a du mal. S'il tient son couloir, Sow et Camara auront du mal avec l'ailier monegasque. S'il suit celui-ci, le latéral adverse est libre.
Voici deux exemples, dont le premier à la 9e minute, avec les mêmes dispositions tactiques et une phase de préparation monégasque :
5 défenseurs pour 4 attaquants : tout va bien. Camara et Neyou n'ont initialement pas d'adversaire dans leur zone, mais ensuite ils en ont trop :
Si au début l'ailier gauche était à côté de Debuchy, il est maintenant dans la zone de Sow, pendant que le duo au milieu doit gérer un milieu et l'attaquant qui décroche. Tout est fait pour que le latéral gauche soit libre, ce que Debuchy avait anticipé :
Cissé et Kolo serrent l'avant-centre adverse et Sow se trouve à devoir gérer les deux joueurs placés entre les lignes. Si le latéral centre, ils arriveront lancés et la défense qui recule n'aura pas le soutien des milieux...
Par contre, Debuchy peut décider de suivre son ailier pour ne pas laisser ce surnombre entre les lignes se mettre en place, comme par exemple à la 20e :
Exactement la même disposition tactique, 5 contre 4 en défense, phase de préparation pour Monaco. L'ailier gauche décroche pour faire un appel, il est suivi par Debuchy :
Comme Boudebouz ne suit pas le latéral qui se projette dans le couloir, le décalage est fait. Mais le Monégasque ne reçoit pas le ballon, son coéquipier préférant le garder...
... avant de le donner à l'avant-centre placé entre les lignes, dans le dos de Neyou-Camara. Et lui, il lance le latéral à gauche, complètement libre.
Les deux problèmes tactiques ont fait très mal aux Verts qui ont beaucoup couru pour colmater les espaces présents. Debuchy a dû tout le temps trancher entre tenir le couloir ou aider Sow dans l'axe. Camara et Neyou ont été souvent en sous-nombre au milieu avec deux adversaires devant eux et un ou deux derrière.
... et la réponse stéphanoise
Un changement tactique s'imposait donc et à la mi-temps Abi est entré pour tenir le couloir droit. Les Stéphanois sont passés en 4-4-2 et avec deux joueurs dans chaque couloir le premier problème (le couloir de Debuhcy) a été résolu. Mais pas le deuxième (l'adversaire entre les lignes), comme on peut le voir dans cet exemple :
Le bloc en 4-4-2 est bien visible côté stéphanois, tout comme le même positionnement monégasque, avec un avant-centre et un ailier dans l'axe entre les lignes. Le premier est trouvé et décale à la droite de l'attaque, d'où le ballon revient vers la défense...
... avant qu'une longue transversale cherche le latéral gauche dans son couloir, comme en 1MT. Sauf que là il y a Debuchy et Abi, qui à deux récupèrent le ballon et essayent de partir en contre. Ils perdent le ballon dans le couloir, Monaco démarre une phase de transition mais Sow dégage et même pas 30 secondes plus tard...
... les Monégasques trouvent une faille dans l'axe. Les deux milieux axiaux combinent avec un qui se projette dans l'espace à côté de nos milieux. Non seulement il est libre et peut lancer son ailier droit, mais il continue sa course sans jamais être accompagné par Neyou ou Camara et peut ainsi recevoir le centre en retrait et majorer le score.
Le changement suivant est intervenu à l'heure de jeu avec Youssouf à la place de Boudebouz - c'est Neyou qui est monté en "10" et le bloc en 4-4-2 a été préservé :
On remarque toujours la présence avant-centre + ailier entre les lignes du bloc stéphanois. Tout pareil 13 minutes plus tard, après deux autres changements :
La paire devant Khazri - Neyou a été remplacé par Modeste - Rivera, avec toujours ce 4-4-2 et deux lignes espacées entre lesquelles les adversaires sont libres. Et ils en profitent :
A un quart d'heure de la fin, une attaque monégasque à gauche se conclut par un centre en retrait à destination du deuxième avant-centre, qui était parti libre entre les lignes et n'a jamais été accompagné par un milieu...
C'est seulement à 10 minutes de la fin, ayant compris que le score peut être encore plus lourd, que le staff stéphanois a décidé de combler ce trou en passant en 4-1-4-1 avec l'entrée de Moueffek en sentinelle (Rivera passant ailier à la place de Bouanga, sorti) :
C'était trop peu, trop tard. Les Verts avaient pris l'eau au milieu et dans le couloir droit toute la première mi-temps. Ensuite, seulement au milieu pendant quasiment toute la deuxième. Et si on rajoute la différence technique et d'intensité mise dans les duel, le résultat et le score sont tout à fait normaux.
Conclusions
Il n'y a pas de honte à perdre contre une meilleure équipe, même si la manière laisse vraiment à désirer. Les Verts ont été surclassés dans tous les domaines par une équipe qui maîtrisait parfaitement sa partition. Le résultat est logique et d'un point de vue comptable il ne devrait pas avoir d'incidence sur la course au maintien - ce n'est pas contre une équipe de ce niveau que l'ASSE était censée prendre des points. Le match où les points compteront vraiment est celui à venir, le déplacement à Nîmes dans deux semaines. Beaucoup de temps pour les joueurs et le staff d'évacuer cette défaite, de se remettre les idées en place et préparer cette rencontre capitale. Et elle devra être bien préparée, sans se tromper et devoir tout changer à la pause...