@ ForeverGreen,
Je m'étonne décidément de voir un vrai homme de gauche, d'une intelligence certaine, donner autant d'importance à des facteurs comme la race, le sexe ou la religion pour déterminer si un individu est "dominant" ou non. Je ne dis pas que ça n'entre jamais en compte, mais je pense que ça t'empêche de considérer lucidement l'authentique classe dominante. L'électeur moyen de Trump, le blanc chrétien de classe moyenne, n'est pas un dominant à mes yeux (même si c'est relatif, car on est toujours le dominant de quelqu'un).
En effet, ne penses-tu pas plutôt que les vrais dominants sont ceux qui font partie des petites élites financières, industrielles et politiques ? Ceux qui possèdent l'essentiel des richesses et de l'influence sur les décisions qui sont prises ? J'espère que tu admettras volontiers que le blanc de classe moyenne ne défend pas forcément les mêmes intérêts que ces gens là, et qu'ils n'exercent pas la même domination.
De fait, je vais reprendre ta question initiale sur le vote des dominants, mais y donner une réponse différente, afin de retourner ton argument. Tu dis que Trump a davantage plu aux dominants qu'aux dominés ? Au contraire, je constate que les véritables dominants ont très majoritairement voté contre Trump. C'est très clair : sur les 23 milliardaires qui ont financé la campagne de l'un des deux candidats, 19 ont donné au total 70 millions à Clinton, contre seulement 4 qui ont donné pour un total de 18 millions à Trump. Par ailleurs du côté de Wall Street, le soutien à Clinton était affirmé.
De plus, tu auras noté que le quasi-ensemble de la caste médiatique, véritable porte-parole des puissants (il suffit de voir à qui appartiennent les grands médias), a mené une campagne extrêmement virulente à l'égard de Trump. Y compris celle, minoritaire, qui exprime la voix de l'establishment républicain. Trump était quasiment tout seul lors de cette campagne, personne ne peut le contester.
On peut également évoquer le soutien des "VIP" (acteurs, chanteurs et autres célébrités richissimes qui ont une influence indéniable dans le système). Seul Clint Eastwood s'est exprimé en faveur de Trump. Voici maintenant la liste de ceux qui ont fait ouvertement campagne pour Clinton, soit avec de simples déclarations soit en profitant de leur influence avec l'organisation de concerts, ou autres :
Madonna, Beyoncé, Jay Z, Jennifer Lopez, Pedro Almodóvar, George Clooney, Lady Gaga, Barbra Streisand, Quentin Tarantino, Anastacia, Mariah Carey, Adele, Eva Longoria, Jessica Alba, Halle Berry, John Travolta, Liv Tyler, Natalie Portman, Anne Hathaway, Morgan Freeman, Katie Holmes, Drew Barrymore, Jake Gyllenhaal, Lindsay Lohan, Julia Roberts, Bono, Dustin Hoffman, Chris Rock, Miley Cyrus, Tom Hanks, Kim Kardashian, Mary J. Blige, Magic Johnson, Sigourney Weaver, Meryl Streep, Snoop Dogg, Lebron James, Ellen DeGeneres, Robert De Niro, Elton John, Jon Bon Jovi, Justin Timberlake, Lil Wayne, Christina Aguilera, Cher, Heidi Klum, Pharrell Williams, Alicia Keys, 50 Cent, Salma Hayek, Naomi Campbell, Luis CK, Leonardo DiCaprio, Bruce Springsteen.
Donc ne nous trompons pas. L'élite, l'establishment, la caste des dominants authentiques, voulait Clinton plutôt Trump. Pourtant, tu dis (ou alex, je ne sais plus) que ce pouvoir fait tout pour maintenir la domination raciste, patriarcale, etc. Si c'était le cas, il soutiendrait Trump, qui défend beaucoup moins les minorités que Clinton, et qui représente bien mieux cette "Amérique des hommes blancs". Je rejoins donc Fourina sur ce point.
Pour finir, je rejoins également l'analyse de Tryphon. Les données que tu tires de l'article de l'obs ne permettent pas de noter une adhésion significative des classes supérieures de la population envers l'un ou l'autre candidat, excepté donc en ce qui concerne les élites réellement puissantes et influentes en faveur de Clinton, comme susmentionné. On ne peut pas remarquer une différence importante entre la fortune moyenne de l'électeur de Clinton et celle de l'électeur de Trump. Par contre, on peut en noter une très flagrante entre l'électeur moyen de n'importe quel candidat, et celle des patrons de médias, des financiers, des célébrités qui à 95% ont voté Clinton.
Comment un communiste comme toi a pu passer à côté de ce qui constitue le seul véritable vote "de classe" dans cette élection ?
Voilà pour la petite parenthèse.
Maintenant, à titre personnel, je n'aime pas Trump, et je pense que c'est aussi le cas d'une bonne partie de ses électeurs. Alors à mes yeux, ce qui lui a permis de gagner, ce sont moins ses propres qualités que le comportement déplorable de l'establishment à son égard, qui lui a donné une image de martyr persécuté face au système. Or, les gens ont en majoritairement marre de cette classe dominante. Il est donc logique que lorsque dans un contexte pareil, le simple fait d'avoir contre soi les grands médias, les célébrités et Wall Street est un atout fondamental. Plus ils lui dégueulaient dessus et le méprisaient, plus il était populaire.
Et moi, j'ai envie de dire que c'est mérité. Moi-même, qui ai beaucoup de mal avec le personnage de Trump qui pour moi représente la déchéance intellectuelle de la politique à notre époque (comme les médias, d'ailleurs), je me suis retrouvé à sourire hier matin quand j'ai vu tous ces journalistes en larmes, et quand j'ai repensé au mépris dont tous ces gens ont fait preuve, et continuent à le faire, à l'égard de cette Amérique profonde qui a voté Trump. Cette Amérique désignée comme inculte, stupide, raciste. Ces gens à qui tous ces puissants inconscients (journalistes, starlettes...) ont essayé d'imposer leur choix électoral par la condescendance, la diabolisation, la partialité grossière, les attaques violentes. Ils ont pensé qu'ils pourraient passer en force, en faisant peur aux gens, en faisant passer Trump pour Hitler et Clinton pour une sainte. Et ça n'a pas marché, parce que les gens en ont marre qu'on les prenne pour des cons.
Le peuple a préféré un idiot indépendant, franc et libre à une corrompue, une professionnelle de la politique défendue par toute la caste dominante.
Et quand je vois le comportement des anti-Trump aujourd'hui, je me dis qu'ils n'ont toujours rien appris de leurs erreurs. Katy Perry qui appelle à la révolution du peuple (ce même peuple qui rejette viscéralement les donneurs de leçons comme elle), les médias qui parlent d'apocalypse, les gauchistes de twitter et des facs qui traitent les électeurs de Trump d'abrutis incultes (comme si eux y connaissaient quelque chose, en dehors de répéter ce que disent les médias), tous persistent dans leur bêtise. Et aucun n'arrive à comprendre le phénomène de rejet populaire profond, qu'ils attisent largement, à l'égard des véritables dominants, politiques, médiatiques, financiers et intellectuels.