L'inverse me parait plus juste : notre époque est surtout l'époque du pratique (je lisais encore il y a peu dans Le Monde une nécrologie de l'inventeur de la bibliothèque Billy de Ikea, très symptomatique de cela) ; il s'agit de ne plus dépenser d’énergie - ni intellectuelle ni physique - il s'agit d'aller au plus simple, au plus standardisé, au plus immédiatement consommable. Il s'agit d'assouvir nos petits désirs le plus rapidement et simplement possible.C'est souvent là que le bât blesse d'ailleurs ; notre société est organisée de manière à pomper l'énergie individuelle au max, pour que le soir venu on ne soit plus que de sages citoyens somnolents devant la télé.
Un monde de petite-bourgeoisie, avec tous les défauts de la bourgeoisie (comportement moutonnier, prime au confort, sacralité de l'utilité) et sans ses avantages. C'est justement car "cette société" ne demande plus d'énergie, n'est plus grossièrement contraignante, qu'elle génère tant de névroses (l'une d'elle étant subsumée par la consommation de quinoa^^).
Bien évidemment, ce qui est intimé aux gens n'est point d'être des "citoyens somnolents devant la télévision", mais d'être rebelle, créatif, subversif : pour compenser la mise en bétail généralisé par la consommation et l'envie du pratique, on se rêve révolutionnaire. Bien évidemment, il n'y a pas pire conformistes que les rebelles de pacotille qui pensent "ne pas somnoler devant la télévision" et "exercer leur esprit critique" (Acrimed inside) à côté de leur bibliothèque Billy (parce que c'est tout de même pratique, hein) et de leur plat de quinoa (parce que c'est éco-responsable et que cela respecte mon petit corps, hein).