Merci pour ta réponse, Marat. Je pense en effet que nous sommes d'accord sur l'essentiel.
Marat Izmailov wrote:Et dans ces différences de degrés, il y a bien un déplacement du discours et des programmes politiques à droite depuis une dizaine d'années. Si l'on prend les dernières élections, c'est environ du 2/3 pour le bloc des droites (UDI+LR+DLF+FN). C'est inédit dans l'histoire française contemporaine. D'autres indices nous mettent sur la voie d'une droitisation plus générale de la société française. Je n'en fais pas la liste, elle serait bien trop longue. Pensons simplement à l’affolement des grands journaux de gauche (je pense à Libération et Le Monde) devant le succès populaire des éditorialistes de droite.
J'en reviens ainsi à ma question, consistant à déterminer ce qui caractérise la gauche et la droite. Par exemple, Zemmour est de droite, incontestablement. Mais la presse de gauche s'affole aussi face à Onfray, qui pour moi ne l'est absolument pas.
Néanmoins, tu n'as pas tort sur ce point. Mais je crois que la raison est simple : depuis les années 70, la gauche a pris progressivement le leadership idéologique au sein de la société française. Cette domination de la pensée de gauche résulte elle-même de son opposition à la pensée dominante conservatrice d'avant mai 68. Ce que je veux dire, c'est que toute domination idéologique trop marquée ou hégémonique finit par générer une opposition, surtout quand l'idéologie en question se confronte à ses propres dérives dans la réalité.
Bref, oui, sur certaines questions particulières, il y a probablement un renouveau d'un schéma de pensée qu'on a tendance à définir comme étant de droite. Sur les thèmes identitaires c'est une évidence absolue. De là à parler d'évolution conservatrice plus profonde, je serais plus mesuré. Même s'il est vrai que certains excès "progressistes" ont peut-être réveillé chez quelques-uns une forme de nostalgie réactionnaire, je pense pas qu'il y ait une révolte massive contre les évolutions sociétales diverses chez les jeunes générations, à l'exception des craintes concernant la perte d'identité et l'islamisation. Mais souvent, ces craintes sont plus de nature progressiste ("on veut pouvoir continuer à se shooter et à baiser sans que les fanatiques religieux nous emmerdent", "il faut défendre les homos et les droits des femmes contre l'islam rétrograde"...) que conservatrice.
Un autre indice, plus personnel et anecdotique : qu'un jeune comme toi, relativement cultivé, puisse tranquillement se sentir et se revendiquer comme étant à droite. Cette chose était impensable il y a une vingtaine d'années encore.
Je ne me sens pas spécialement de droite sur le plan politique, mais je continuerai peut-être en MP, je ne veux pas raconter ma vie ici !
Oui, mais c'était déjà le cas dans les années 90 - le vote ouvrier est acquis au FN (ou à l'abstention) depuis plus de 20 ans. La nouveauté, depuis l'avènement de MLP, c'est le basculement des classes intermédiaires (employés des grandes villes, professions intermédiaires), la porosité avec l'électorat traditionnel de la droite conservatrice et la percée dans les campagnes (y compris de l'ouest de la France, grande nouveauté).
C'est vrai ? Connais-tu des études qui montrent que le vote ouvrier (ou des classes populaires en général) pour le FN n'a pas augmenté durant ces dernières années ? Je savais qu'il était déjà bien présent dans les années 90, mais il me semblait qu'il avait une toute autre ampleur aujourd'hui. Si je me base sur mon expérience personnelle, même par rapport à il y a 5/10 ans, j'entends beaucoup plus de gens plutôt à gauche initialement (ouvriers, infirmières, caissières, etc) me dire qu'ils ont fini par basculer FN récemment, car Marine est la seule à parler vrai, car le "nouveau FN" est devenu le vrai parti des petites gens, car les autres sont tous soumis aux riches et aux étrangers, etc.
C'est pour ça que je disais que leur basculement à gauche au niveau économique leur avait sans doute fait gagner des voix (et perdre d'autres, certes). Mais je me trompe peut-être.
Il essaie, mais cela ne fonctionne pas du tout. Son électorat est sociologiquement très éloigné de ce qu'il aimerait. Il a au moins le mérite d'essayer de tenir un discours audible et pur à gauche ; sans succès aucun pour lui auprès des couches populaires, malgré son indiscutable talent. La question identitaire lui échappe, le vote populaire lui échappe très logiquement aussi.
Complètement d'accord, c'est un échec.
Est-ce une erreur ? Il y a un électorat pour ces questions-là. C'est ce qui permet par exemple au PS de conserver le si précieux et lucratif socialisme municipal ; l'électorat des grandes métropoles compte sur les thèmes sociétaux. La grande majorité des grandes métropoles est passée à gauche, et c'est un mouvement qui ne fait que commencer. Les villes sont très importantes pour le PS, les municipalités permettent un certain clientélisme qui nourrit toute la machine du parti.
Effectivement. Ce n'est pas forcément une erreur sur le plan électoraliste, surtout quand on sait qu'en plus de la population urbaine en général, les minorités ethniques vont encore augmenter sur le plan démographique (le vote communautaire est très important pour le PS, ils jouent beaucoup là dessus, même si paradoxalement ils sont opposés à ces mêmes minorités sur les questions sociétales, minorités qui votent par défaut sachant que la droite est assez défiante à l'égard de l'islam et de l'immigration). L'échec est plutôt pour la gauche plus radicale, qui n'arrive pas à prendre le boulevard que cette situation pourrait lui offrir.