[HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Discussion générale sur l'ASSE

Moderators: Barre transversale, Poteau gauche, Poteau droit, Ligne de but

martien
Posts: 3993
Joined: 26 Nov 2012, 23:47

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by martien »

Olaf wrote:
martien wrote: simple observateur, n'étant ni dans un camp ni dans l'autre. Le mien n'est même pas représenté aux élections.
Je crois qu'on tient quelque chose de structurel, là. Qui aujourd'hui vote encore par adhésion, et pas seulement pour le "moins mauvais" ?
Une minorité, sans doute.

Mais pour aller plus loin, je dirais qu'il n'y a sûrement pas une majorité des gens qui adhèrent à une idéologie politique un minimum structurée. Le peuple aujourd'hui réagit surtout de manière émotionnelle, instinctive, mais la culture politique globale est assez faible.

hcatteau
Posts: 7151
Joined: 09 Sep 2005, 14:31
Location: Région toulousaine

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by hcatteau »

Olaf wrote:
martien wrote: simple observateur, n'étant ni dans un camp ni dans l'autre. Le mien n'est même pas représenté aux élections.
Je crois qu'on tient quelque chose de structurel, là. Qui aujourd'hui vote encore par adhésion, et pas seulement pour le "moins mauvais" ?
Perso, j'irai voter aux primaires de l'UMP ... pour que le plus néfaste ne soit pas présent.
Notre pays a plein de qualités, de nombreux problèmes ... mais monter les gens les uns contres els uatres n'est jamais la solution

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

Merci pour cette longue réflexion, qui a la mérite d'ouvrir des pistes de discussion intéressantes. Je suis d'accord avec beaucoup de choses, je me concentrerai davantage sur les points qui ouvrent des pistes de débat.

Je suis d'accord avec toi concernant le cadre idéologique relativement étriqué dans lequel s'inscrit le débat politique français. Le tripartisme dont j'essayais sommairement de dessiner les contours respecte un cadre étroit : la forme républicaine, un libéralisme timide, l'état-providence. Certes, il n'en demeure pas moins que des différences de degrés peuvent être repérées, à défaut d'une différence de nature.

Et dans ces différences de degrés, il y a bien un déplacement du discours et des programmes politiques à droite depuis une dizaine d'années. Si l'on prend les dernières élections, c'est environ du 2/3 pour le bloc des droites (UDI+LR+DLF+FN). C'est inédit dans l'histoire française contemporaine. D'autres indices nous mettent sur la voie d'une droitisation plus générale de la société française. Je n'en fais pas la liste, elle serait bien trop longue. Pensons simplement à l’affolement des grands journaux de gauche (je pense à Libération et Le Monde) devant le succès populaire des éditorialistes de droite. Un autre indice, plus personnel et anecdotique : qu'un jeune comme toi, relativement cultivé, puisse tranquillement se sentir et se revendiquer comme étant à droite. Cette chose était impensable il y a une vingtaine d'années encore.
si le FN progresse, c'est aussi parce qu'il adopte des positions beaucoup plus gauchistes qu'avant sur l'économie.
Je crois au contraire qu'il s'agit d'un frein dans la progression du Front National. Trois facteurs principaux participent du succès du discours frontiste : une amélioration de la communication du parti (dédiabolisation), ce fameux glissement général à droite et l'actualité (crise des migrants, attentats, inquiétude face à la montée démographique de l'Islam en France). Toutes les enquêtes montrent que l'axe économique colbertiste et socialisant amplifié par Philippot ne plait guère à l'électorat, et surtout au dernier point faible sociologique du front, les personnes âgées, qui jugent le parti peu sérieux sur ces questions-là. Ce n'est donc pas le gauchisme économique du front qui le fait progresser : il progresse malgré son gauchisme économique.
Et parce qu'il récupère les classes populaires blanches qui ne sont pas de "droite" mais qui en ont juste marre de voir le PS les abandonner au profit des minorités,
Oui, mais c'était déjà le cas dans les années 90 - le vote ouvrier est acquis au FN (ou à l'abstention) depuis plus de 20 ans. La nouveauté, depuis l'avènement de MLP, c'est le basculement des classes intermédiaires (employés des grandes villes, professions intermédiaires), la porosité avec l'électorat traditionnel de la droite conservatrice et la percée dans les campagnes (y compris de l'ouest de la France, grande nouveauté).
Mélenchon est l'un des seuls qui a essayé de reconstituer une vraie gauche sociale et populaire ces dernières années,
Il essaie, mais cela ne fonctionne pas du tout. Son électorat est sociologiquement très éloigné de ce qu'il aimerait. Il a au moins le mérite d'essayer de tenir un discours audible et pur à gauche ; sans succès aucun pour lui auprès des couches populaires, malgré son indiscutable talent. La question identitaire lui échappe, le vote populaire lui échappe très logiquement aussi.
erreur de l'ensemble de la gauche qui a pris un tournant trop sociétal et pas assez social, et qui est trop butée sur certains sujets (diabolisation du FN, opposition à tout questionnement identitaire, etc)
Est-ce une erreur ? Il y a un électorat pour ces questions-là. C'est ce qui permet par exemple au PS de conserver le si précieux et lucratif socialisme municipal ; l'électorat des grandes métropoles compte sur les thèmes sociétaux. La grande majorité des grandes métropoles est passée à gauche, et c'est un mouvement qui ne fait que commencer. Les villes sont très importantes pour le PS, les municipalités permettent un certain clientélisme qui nourrit toute la machine du parti.
il faudrait déterminer comment on définit la gauche et la droite.
Oui. C'est une discussion infinie. Il y a des droites comme il y a des gauches. Cette question a nourri une importante littérature !

___
Posts: 16758
Joined: 09 Sep 2011, 13:53

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by ___ »

Marat Izmailov wrote:
martien wrote:
il faudrait déterminer comment on définit la gauche et la droite.
Oui. C'est une discussion infinie. Il y a des droites comme il y a des gauches. Cette question a nourri une importante littérature !
Facile : le-s clivage-s principal-ux. C'est la leçon de l'Histoire et de la découverte de la politique dans d'autres pays : ce qui est appelé gauche, ou droite, est fonction d'un positionnement par rapport à un ou quelques clivages considérés comme déterminants à un moment donné. Je ne crois pas qu'il y ait des principes immuables, et valables partout et tout le temps, pour définir la gauche et la droite.

Le colonialisme et l'anti-colonialisme sont passés de droite à gauche et inversement sans trop de mal. Pierre Gattaz doit faire des rêves érotiques autour d'une loi Le Chapelier 2.0, alors que la première mouture a été votée au plus fort de la Révolution par "la gauche". L'Etat fort et conducteur de la Nation, c'est autant de Gaulle que Marchais, Napoléon que Castro.

Aujourd'hui, puisque les enjeux principaux (liés à l'économie et à l'environnement) sont tellement complexes et insaisissables qu'on préfère ne pas s'en occuper (en les décrétant inévitables ou inexistants), le clivage est parti sur les thèmes sécuritaires et d'immigration - c'est facile de mettre des gars dans un charter ou d'armer des flics, on a l’impression de maîtriser. A partir de là, tout le monde se reconfigure à partir de celui qui a porté le thème sur le devant de la scène, en l’occurrence le FN, puis la droite sarkozienne qui a cru y voir le bon filon.

martien
Posts: 3993
Joined: 26 Nov 2012, 23:47

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by martien »

Merci pour ta réponse, Marat. Je pense en effet que nous sommes d'accord sur l'essentiel.
Marat Izmailov wrote:Et dans ces différences de degrés, il y a bien un déplacement du discours et des programmes politiques à droite depuis une dizaine d'années. Si l'on prend les dernières élections, c'est environ du 2/3 pour le bloc des droites (UDI+LR+DLF+FN). C'est inédit dans l'histoire française contemporaine. D'autres indices nous mettent sur la voie d'une droitisation plus générale de la société française. Je n'en fais pas la liste, elle serait bien trop longue. Pensons simplement à l’affolement des grands journaux de gauche (je pense à Libération et Le Monde) devant le succès populaire des éditorialistes de droite.
J'en reviens ainsi à ma question, consistant à déterminer ce qui caractérise la gauche et la droite. Par exemple, Zemmour est de droite, incontestablement. Mais la presse de gauche s'affole aussi face à Onfray, qui pour moi ne l'est absolument pas.

Néanmoins, tu n'as pas tort sur ce point. Mais je crois que la raison est simple : depuis les années 70, la gauche a pris progressivement le leadership idéologique au sein de la société française. Cette domination de la pensée de gauche résulte elle-même de son opposition à la pensée dominante conservatrice d'avant mai 68. Ce que je veux dire, c'est que toute domination idéologique trop marquée ou hégémonique finit par générer une opposition, surtout quand l'idéologie en question se confronte à ses propres dérives dans la réalité.

Bref, oui, sur certaines questions particulières, il y a probablement un renouveau d'un schéma de pensée qu'on a tendance à définir comme étant de droite. Sur les thèmes identitaires c'est une évidence absolue. De là à parler d'évolution conservatrice plus profonde, je serais plus mesuré. Même s'il est vrai que certains excès "progressistes" ont peut-être réveillé chez quelques-uns une forme de nostalgie réactionnaire, je pense pas qu'il y ait une révolte massive contre les évolutions sociétales diverses chez les jeunes générations, à l'exception des craintes concernant la perte d'identité et l'islamisation. Mais souvent, ces craintes sont plus de nature progressiste ("on veut pouvoir continuer à se shooter et à baiser sans que les fanatiques religieux nous emmerdent", "il faut défendre les homos et les droits des femmes contre l'islam rétrograde"...) que conservatrice.
Un autre indice, plus personnel et anecdotique : qu'un jeune comme toi, relativement cultivé, puisse tranquillement se sentir et se revendiquer comme étant à droite. Cette chose était impensable il y a une vingtaine d'années encore.
Je ne me sens pas spécialement de droite sur le plan politique, mais je continuerai peut-être en MP, je ne veux pas raconter ma vie ici ! :mrgreen:
Oui, mais c'était déjà le cas dans les années 90 - le vote ouvrier est acquis au FN (ou à l'abstention) depuis plus de 20 ans. La nouveauté, depuis l'avènement de MLP, c'est le basculement des classes intermédiaires (employés des grandes villes, professions intermédiaires), la porosité avec l'électorat traditionnel de la droite conservatrice et la percée dans les campagnes (y compris de l'ouest de la France, grande nouveauté).
C'est vrai ? Connais-tu des études qui montrent que le vote ouvrier (ou des classes populaires en général) pour le FN n'a pas augmenté durant ces dernières années ? Je savais qu'il était déjà bien présent dans les années 90, mais il me semblait qu'il avait une toute autre ampleur aujourd'hui. Si je me base sur mon expérience personnelle, même par rapport à il y a 5/10 ans, j'entends beaucoup plus de gens plutôt à gauche initialement (ouvriers, infirmières, caissières, etc) me dire qu'ils ont fini par basculer FN récemment, car Marine est la seule à parler vrai, car le "nouveau FN" est devenu le vrai parti des petites gens, car les autres sont tous soumis aux riches et aux étrangers, etc.

C'est pour ça que je disais que leur basculement à gauche au niveau économique leur avait sans doute fait gagner des voix (et perdre d'autres, certes). Mais je me trompe peut-être.
Il essaie, mais cela ne fonctionne pas du tout. Son électorat est sociologiquement très éloigné de ce qu'il aimerait. Il a au moins le mérite d'essayer de tenir un discours audible et pur à gauche ; sans succès aucun pour lui auprès des couches populaires, malgré son indiscutable talent. La question identitaire lui échappe, le vote populaire lui échappe très logiquement aussi.
Complètement d'accord, c'est un échec.
Est-ce une erreur ? Il y a un électorat pour ces questions-là. C'est ce qui permet par exemple au PS de conserver le si précieux et lucratif socialisme municipal ; l'électorat des grandes métropoles compte sur les thèmes sociétaux. La grande majorité des grandes métropoles est passée à gauche, et c'est un mouvement qui ne fait que commencer. Les villes sont très importantes pour le PS, les municipalités permettent un certain clientélisme qui nourrit toute la machine du parti.
Effectivement. Ce n'est pas forcément une erreur sur le plan électoraliste, surtout quand on sait qu'en plus de la population urbaine en général, les minorités ethniques vont encore augmenter sur le plan démographique (le vote communautaire est très important pour le PS, ils jouent beaucoup là dessus, même si paradoxalement ils sont opposés à ces mêmes minorités sur les questions sociétales, minorités qui votent par défaut sachant que la droite est assez défiante à l'égard de l'islam et de l'immigration). L'échec est plutôt pour la gauche plus radicale, qui n'arrive pas à prendre le boulevard que cette situation pourrait lui offrir.
Last edited by martien on 15 Feb 2016, 17:55, edited 1 time in total.

martien
Posts: 3993
Joined: 26 Nov 2012, 23:47

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by martien »

Oui tu as raison Olaf. D'ailleurs aux Etats-Unis, c'est le parti Républicain qui s'est historiquement opposé à l'esclavage, alors que les Démocrates étaient plutôt "conservateurs" sur ce plan. Comme quoi...

Mais bon, il faut faire attention aux clivages, et à la manière dont ils ont pris forme. Par exemple, si on affirme que la droite serait plutôt libérale, alors pourquoi on rattache à cette même droite l'idée d'un Etat fort, hyper-sécuritaire et presque au dessus des lois ? Ce sont plutôt des notions antilibérales.

Aux Etats-Unis, la droite est plutôt pour une réduction drastique des prérogatives de l'Etat (bien qu'avec Trump ils connaissent eux aussi un virement populiste et étatiste de la droite, similaire à ce qu'on vit chez nous).

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

> Olaf

Oui, c'est une lecture historique et contextuelle du clivage gauche/droite, qui est pertinente. Il y a d'autres lectures possibles : une lecture généalogiste, qui permet de discerner la coexistence de gauches et de droites diverses : les fameuses trois droites de René Rémond (copié récemment par Julliard dans son étude fleuve de la gauche française). Une lecture essentialiste, également, qui essaie de déterminer les invariants philosophiques et en terme de valeurs de la droite et de la gauche, avec plus ou moins de bonheur.

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

> Martien
J'en reviens ainsi à ma question, consistant à déterminer ce qui caractérise la gauche et la droite. Par exemple, Zemmour est de droite, incontestablement. Mais la presse de gauche s'affole aussi face à Onfray, qui pour moi ne l'est absolument pas.
On ne peut nier qu'il y a un glissement progressif de la pensée politique d'Onfray vers la droite, surtout autour du thème de l'identité. En témoignent le long entretien qu'il a donné à Éléments, la revue d'Alain de Benoist ainsi que le fait qu'il soit devenue l'égérie du Figaro Magazine. On pourrait d'ailleurs dresser une liste assez longue (mais Daniel Lindenberg l'a déjà fait) d'intellectuels de gauche passés à droite ces 20 dernières années : il y a bien une droitisation globale du champ intellectuel français, à l'image de ce qui se passe dans l'électorat. Certes, ce n'est ni massif ni extrêmement cohérent, mais cela me semble indéniable.
certains excès "progressistes" ont peut-être réveillé chez quelques-uns une forme de nostalgie réactionnaire, je pense pas qu'il y ait une révolte massive contre les évolutions sociétales diverses chez les jeunes générations, à l'exception des craintes concernant la perte d'identité et l'islamisation. Mais souvent, ces craintes sont plus de nature progressiste ("on veut pouvoir continuer à se shooter et à baiser sans que les fanatiques religieux nous emmerdent", "il faut défendre les homos et les droits des femmes contre l'islam rétrograde"...) que conservatrice.
Tu n'as pas tort, il n'y a pas de révolte massive et cohérente. Les gens sont pusillanimes et dépolitisés, il ne saurait y avoir de réponse cohérente. Mais ce qui est intéressant à observer, c'est le vote des jeunes gens (les plus perméables à l'air du temps). Le FN y atteint des résultats stratosphériques, c'est tout de même significatif.
C'est vrai ? Connais-tu des études qui montrent que le vote ouvrier (ou des classes populaires en général) pour le FN n'a pas augmenté durant ces dernières années ?
Si, il a légèrement augmenté, mais l’essentiel de la cristallisation de l'électorat populaire du FN s'est fait il y a bien longtemps déjà. Il y a 10 ans, je lisais les études de Nonna Mayer (la meilleure spécialiste de la sociologie du Front), qui elles-mêmes se basaient sur des enquêtes faites dans les années 90. Il n'était pas rare que le Front National enregistre 30 à 35% des voix ouvrières lors des élections nationales. Aujourd'hui, certes, ce serait plutôt 40%. Mais la progression du Front n'est plus là, essentiellement. Le parti des "petites gens", le Front l'est déjà depuis bien longtemps.
L'échec est plutôt pour la gauche plus radicale, qui n'arrive pas à prendre le boulevard que cette situation pourrait lui offrir.
La gauche radicale n'a jamais séduit qu'une sociologie urbaine et diplômée. Je ne vois pas pourquoi cela changerait. La LCR chère à Rouge faisait le plein, dans sa (brève) grande époque chez les instituteurs et les étudiants des universités, pas chez les ouvriers. Dans la galaxie d'extrême-gauche, seul le Parti des Travailleurs (lambertistes) a su construire une modeste mais réelle implantation dans le monde ouvrier, sans jamais séduire les masses.

martien
Posts: 3993
Joined: 26 Nov 2012, 23:47

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by martien »

Je réponds juste au dernier point (je suis sur smart phone, du coup je poursuivrai demain) : tu ne parles bien que de la France ? Quid du PCF de Marchais et des fameuses "banlieues rouges" ? Et si ce que tu dis est vrai, comment expliques-tu que cette gauche radicale n'ait jamais eu un succès démesuré et massif auprès de la classe ouvrière ? (dans le contexte actuel je comprends, mais historiquement ?)

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

Je ne réponds normalement pas aux personnes qui possèdent un smartphone, par principe, mais je vais faire une exception.

Le PCF ne fait pas partie de l'univers de la gauche radicale ! Il faut relire Lénine et la distinction entre marxisme-léninisme et gauchisme. Le Parti Communiste avait, dans le passé, la même fonction que le FN a aujourd'hui : une fonction tribunicienne, celle de faire émerger au niveau national les préoccupations des "petites gens". Les banlieues rouges est un habile maillage perpétué par un clientélisme local, le FN est en passe de faire la même chose dans certains départements du sud aujourd'hui (Vaucluse, Gard et Var essentiellement).
comment expliques-tu que cette gauche radicale n'ait jamais eu un succès démesuré et massif auprès de la classe ouvrière ?
Jamais eu de succès tout court, en fait. L'extrême-gauche trotskiste et anarchiste en France s'est spécialisée sur des thèmes qui ne rencontrent pas d'écho dans les classes populaires : féminisme, antiracisme, défense des prisonniers... Ces notions demandent un niveau conceptuel trop élevé et ne correspondent pas aux réalités telles que les gens les perçoivent. Seul le PT (et dans une moindre mesure, Lutte Ouvrière) s'est concentré sur un marxisme classiste pur, et se sont fait une toute petite place dans l'électorat ouvrier.

___
Posts: 16758
Joined: 09 Sep 2011, 13:53

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by ___ »

Marat Izmailov wrote:> Olaf

Oui, c'est une lecture historique et contextuelle du clivage gauche/droite, qui est pertinente. Il y a d'autres lectures possibles : une lecture généalogiste, qui permet de discerner la coexistence de gauches et de droites diverses : les fameuses trois droites de René Rémond (copié récemment par Julliard dans son étude fleuve de la gauche française). Une lecture essentialiste, également, qui essaie de déterminer les invariants philosophiques et en terme de valeurs de la droite et de la gauche, avec plus ou moins de bonheur.
La lecture généalogiste à la Rémond participe totalement d'une approche contextuelle, en mettant en évidence le côté contingent des positionnements gauche/droite, et même la diversité parfois irréconciliable de ce qu'on appelle "gauche" et de ce qu'on appelle "droite".

Quant à la question de la recherche de valeurs invariantes : ta litote est belle, et va dans le sens, qu'il n'y en a pas. D'ailleurs martien, tu as raison, sur le libéralisme ambivalent de la droite : la droite n'est ni libérale, ni anti-libérale. Elle navigue entre les deux pôles en fonction d'un contexte particulier, tout comme la gauche.

La gauche et la droite sont des concepts dont la seule valeur est électorale. C'est un moyen de mettre de l'ordre et du sens, et de définir qui est dans quel camp et doit s'allier avec qui pour gagner la "guerre" électorale.

Et on en revient à l'élection :happy1:

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

La lecture généalogiste à la Rémond participe totalement d'une approche contextuelle, en mettant en évidence le côté contingent des positionnements gauche/droite, et même la diversité parfois irréconciliable de ce qu'on appelle "gauche" et de ce qu'on appelle "droite".
Oui pour la dernière partie de ta phrase - c'est même l'intérêt essentiel de cette approche - mais je ne suis pas d'accord avec ta première partie. L'intérêt de l'approche généalogiste, c'est justement de comprendre comment les grandes familles d'idées politiques et philosophiques subsistent en s'adaptant sans cesse aux contingences. Comment la droite contre-révolutionnaire peut, par exemple, adapter ses théories maistriennes au monde de 1793 et à celui de 1970 ; comment la gauche marxiste subsiste et fait évoluer son discours et son approche de la politique après la faillite du socialisme réel, etc.
Quant à la question de la recherche de valeurs invariantes : ta litote est belle, et va dans le sens, qu'il n'y en a pas.
Il n'y a pas de définition intangible, certes. Mais si l'idée de monarchie de droit divin ne s'est jamais retrouvée à gauche, et que celle de mise en commun des moyens de production n'a pas fait d'incursion à droite, c'est qu'il y a un soubassement philosophique qui structure, au delà des contextes particuliers, une vision de la société de gauche et une autre, de droite. Ces distinctions ont avant tout une visée pratique, certes, mais elles ne sortent pas de nulle part !

martien
Posts: 3993
Joined: 26 Nov 2012, 23:47

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by martien »

Marat Izmailov wrote:On ne peut nier qu'il y a un glissement progressif de la pensée politique d'Onfray vers la droite, surtout autour du thème de l'identité. En témoignent le long entretien qu'il a donné à Éléments, la revue d'Alain de Benoist ainsi que le fait qu'il soit devenue l'égérie du Figaro Magazine. On pourrait d'ailleurs dresser une liste assez longue (mais Daniel Lindenberg l'a déjà fait) d'intellectuels de gauche passés à droite ces 20 dernières années : il y a bien une droitisation globale du champ intellectuel français, à l'image de ce qui se passe dans l'électorat. Certes, ce n'est ni massif ni extrêmement cohérent, mais cela me semble indéniable.
Onfray critique effectivement certains schémas de pensée de la gauche actuelle, notamment sur le thème de l'identité. Il prend également certaines positions qui, à notre époque, se rattachent plutôt à la droite. Mais je trouve que ça ne suffit pas pour faire d'Onfray un homme de droite. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, toute personne qui montre une méfiance envers l'islam est vu comme un fasciste, un réactionnaire, un "droitard". C'est devenu le critère principal. Pourtant, Onfray reste un libertaire, dont la pensée (sur la religion, la libération sexuelle et tout le reste) s'inscrit globalement dans l'héritage de 68, malgré quelques petites déviations récentes. Quoi qu'en disent le Figaro Magazine ou la revue Eléments.

"Je suis pour le mariage des homosexuels, pour leur droit à adopter des enfants et à faire une famille, pour un féminisme non mondain, pour la PMA sous conditions, pour l’évaluation (que ne suppriment pas les couleurs mais rend hypocrite…) à l’école, pour l’euthanasie, pour le droit de vote aux immigrés, pour la dépénalisation du cannabis [...]"

Néanmoins tu as raison, il y a 20 ans presque tous les intellectuels médiatisés étaient indiscutablement de gauche, c'est plus nuancé aujourd'hui. Il faut juste faire attention à ne pas prendre la défiance à l'égard de l'islam ou de l'islamisation comme critère suprême de droite. Comme je le disais, tu peux aussi détester l'islam et défendre l'identité française par progressisme.
Tu n'as pas tort, il n'y a pas de révolte massive et cohérente. Les gens sont pusillanimes et dépolitisés, il ne saurait y avoir de réponse cohérente. Mais ce qui est intéressant à observer, c'est le vote des jeunes gens (les plus perméables à l'air du temps). Le FN y atteint des résultats stratosphériques, c'est tout de même significatif.
On est d'accord, c'est précisément ce que j'essayais d'exprimer maladroitement. Plus qu'une droitisation des esprits, je parlerais plutôt de dépolitisation. Et la dépolitisation favorise l'adhésion aux partis les plus populistes, comme le FN.
Je ne réponds normalement pas aux personnes qui possèdent un smartphone, par principe, mais je vais faire une exception.
Tu as raison, je mérite ton mépris. Pour ma défense, on me l'a offert sans que je ne puisse avoir mon mot à dire... :rouge:
Le PCF ne fait pas partie de l'univers de la gauche radicale ! Il faut relire Lénine et la distinction entre marxisme-léninisme et gauchisme. Le Parti Communiste avait, dans le passé, la même fonction que le FN a aujourd'hui : une fonction tribunicienne, celle de faire émerger au niveau national les préoccupations des "petites gens". Les banlieues rouges est un habile maillage perpétué par un clientélisme local, le FN est en passe de faire la même chose dans certains départements du sud aujourd'hui (Vaucluse, Gard et Var essentiellement).
Intéressant. Tu connais définitivement mieux que moi l'histoire de la gauche.
Jamais eu de succès tout court, en fait. L'extrême-gauche trotskiste et anarchiste en France s'est spécialisée sur des thèmes qui ne rencontrent pas d'écho dans les classes populaires : féminisme, antiracisme, défense des prisonniers... Ces notions demandent un niveau conceptuel trop élevé et ne correspondent pas aux réalités telles que les gens les perçoivent. Seul le PT (et dans une moindre mesure, Lutte Ouvrière) s'est concentré sur un marxisme classiste pur, et se sont fait une toute petite place dans l'électorat ouvrier.
Oui, ce que tu décris correspond à mon analyse sur la gauche radicale actuelle. Mais celle-ci n'a émergée qu'à partir de la fin des années 60, non ? En même temps que la French Theory, qui a étendu le concept marxiste de domination et de lutte des classes à de nombreuses catégories de population. Avant cela, n'y a-t-il jamais eu de mouvements marxistes classiques importants en France ? Et même après, je me demande tout de même pourquoi ceux que tu cites (LO, PT) n'ont jamais eu l'adhésion massive de la classe ouvrière.

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

Bien sûr, Martien, Onfray n'est pas un homme de droite. Seulement, comme tous les gens de gauche qui ont approché de près ou de loin de Chevènement au début des années 2000, on observe chez lui une inflexion sur certains thèmes très sensibles, notamment le rapport à l'Islam ou à la modernité. Les plus caricaturaux dans cette évolution sont le petit groupe qui gravite autour d'Elisabeth Lévy et de son hebdomadaire (Causeur) et surtout les gens de Riposte Laïque, qui eux sont carrément passés du "côté obscur de la force".
Oui, ce que tu décris correspond à mon analyse sur la gauche radicale actuelle. Mais celle-ci n'a émergée qu'à partir de la fin des années 60, non ? En même temps que la French Theory
Tous ces groupes trotskistes sont issus de la IVème internationale. Lutte Ouvrière a été crée en 1939 (merci Wikipédia) et la LCR dans les années 1960, en effet. J'avais lu beaucoup de choses sur un possible financement américain à l'origine de l'émergence de la Ligue afin de contrer la puissance du PCF (comme ce qui s'est passé dans le monde syndical, avec la création de FO) sans jamais savoir si ces thèses sont fondées. Quoi qu'il en soit, ce ne sont jamais devenus des partis de masse : le PCF était hégémonique dans la classe ouvrière, leurs structures ont toujours été modestes, et les distinction idéologiques entre trotskisme, stalinisme, maoïsme, luxembourgisme et socialisme libertaire n'ont guère intéressé que des étudiants en mal de romantisme révolutionnaire. Leurs membres les plus intelligents sont ensuite entrés dans le privé ou au PS, soit individuellement soit suite à une stratégie dite "d'entrisme".
Avant cela, n'y a-t-il jamais eu de mouvements marxistes classiques importants en France ?
Mis à part le PCF et la SFIO (ce qui est déjà beaucoup, ces deux partis ayant été hégémoniques à gauche en France de la mort du radicalisme à nos jours), non.

___
Posts: 16758
Joined: 09 Sep 2011, 13:53

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by ___ »

Marat Izmailov wrote:Il n'y a pas de définition intangible, certes. Mais si l'idée de monarchie de droit divin ne s'est jamais retrouvée à gauche, et que celle de mise en commun des moyens de production n'a pas fait d'incursion à droite, c'est qu'il y a un soubassement philosophique qui structure, au delà des contextes particuliers, une vision de la société de gauche et une autre, de droite. Ces distinctions ont avant tout une visée pratique, certes, mais elles ne sortent pas de nulle part !
La monarchie de droit divin ne s'est jamais retrouvée à gauche... mais y a-t-il jamais eu l'occasion ? Si le concept avait eu cours à l'époque, les philosophes des Lumières auraient probablement été classés à gauche. Pourtant, peu d'entre eux remettaient en cause la monarchie, et pas tous le droit divin.De plus, ce constat valable pour la France, est-il vraiment valable partout ?

La mise en commun des moyens de production : la période du gaullisme triomphant, avec planification et force nationalisations et entreprises dirigées en direct par l'Etat, ça ressemble fortement à de la mise en commun de moyens de production.
Autre exemple : peut-on définir un kibboutz, comme étant de gauche ?

NB : Quant à l'accusation d'anachronisme, certains penseurs plus autorisés que moi font remonter le clivage droite/gauche à St Augustin, donc j'ai encore de la marge :mrgreen:

___
Posts: 16758
Joined: 09 Sep 2011, 13:53

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by ___ »

Marat Izmailov wrote:L'intérêt de l'approche généalogiste, c'est justement de comprendre comment les grandes familles d'idées politiques et philosophiques subsistent en s'adaptant sans cesse aux contingences. Comment la droite contre-révolutionnaire peut, par exemple, adapter ses théories maistriennes au monde de 1793 et à celui de 1970 ; comment la gauche marxiste subsiste et fait évoluer son discours et son approche de la politique après la faillite du socialisme réel, etc.
En détournant un concept de sociologie de l'action publique, j'y verrais plutôt un effet de la dépendance au sentier.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9pe ... au_sentier

Un exemple classique :
http://axiomcafe.fr/pourquoi-lecartemen ... l-de-1435m

Autrement dit : contingence...

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

De plus, ce constat valable pour la France, est-il vraiment valable partout ?
Non, tu as raison. Kant, homme des Lumières, n'a par exemple jamais remis en cause la monarchie prussienne. Ceci dit, les fondements de la pensée de Maistre sont - par exemple - de droite ; et aucune gauche au monde, peu importent les circonstances, ne saurait se revendiquer d'une paternité maistrienne.
La mise en commun des moyens de production : la période du gaullisme triomphant, avec planification et force nationalisations et entreprises dirigées en direct par l'Etat, ça ressemble fortement à de la mise en commun de moyens de production.
Pas au sens marxiste du terme !
peut-on définir un kibboutz, comme étant de gauche ?
Elle est étonnante, ta question. Le kibboutz est consubstantiellement, historiquement, fondamentalement de gauche, au contraire.
Quant à l'accusation d'anachronisme, certains penseurs plus autorisés que moi font remonter le clivage droite/gauche à St Augustin, donc j'ai encore de la marge
Tu as encore plus de marge que cela : certains voient dans le mythe de Prométhée et ses interprétations les prolégomènes des soubassements philosophiques de la gauche, par exemple.
En détournant un concept de sociologie de l'action publique, j'y verrais plutôt un effet de la dépendance au sentier.
J'avais étudié ce concept lors de mes études (un TD de sociologie de l'action publique, justement) : il m'a paru tout de suite très creux (comme l'ensemble des mes études, d'ailleurs, mais c'est une autre question). En français, il existe une expression simple pouvant s'appliquer à absolument tout qui résumerait cette thèse : la force de l'habitude.

alexioninho
Posts: 5686
Joined: 17 Apr 2010, 22:35

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by alexioninho »

Pour mettre en perspective vos développements plus qu'intéressant, quelques perspectives dans un contexte internationale :

1) Sur l'Espagne, on peut voir sans aucun doute dans l'urgence des nouveaux partis de gauche (Podemos et ses émanations locales, la CUP etc) qu'ils remplissent cette fonction de médiation des préoccupation des classes populaires autrefois dévolu au Parti Communiste. Il est intéressant de noter que ces partis ont en eux des élément de résurgence adapté au contexte actuelle des courants autrefois dominant dans leur contexte politique culturelle : plus anarchiste et libertaire pour la CUP à Barcelone, plus communiste pour Podemos en Espagne bien que pour ce dernier, il convient de noter son extraordinaire adaptabilité pragmatique aux contextes qui se traduit par sa capacité à intégrer, à fédérer et à maintenir dans une grande autonomie une alliance flexible avec ses petits frères dans les autonomies (son alliance avec le mouvement Barcelona en commun de la nouvel Maire et l'acception tardive de leur revendication d'un référendum d'autodétermination leur a valu la première place aux élections espagnoles en Catalogne) .. Cette adaptation et cette capacité de muter est à mon avis quelque chose qui manque profondément à la gauche de la gauche française. C'est elle qui a permis de fédérer à partir d'un mouvement social ...

2) Il est aussi une question de mise sur agenda qui m'apparaît essentiel ... ces mouvements politiques nés du mouvement social des indignés ont réussis à mettre sur agenda politique un lecture économique et sociale qui prédomine dans leur discours sur la question identitaire (qui avait 2 déclinaisons possibles en Espagne externe face à l'immigration et interne face aux revendications autonomiques catalanes) ... Les partis qui voulaient mettre la question de l'immigration et l0insécurité en avant ont tous échoué. Or, ce n'était pas évident car il s'agit d'une société qui en 30 ans a reçu énormément d'immigration ... Il est intéressant d'y réfléchir.
Il y a plusieurs lectures possibles de cette réalité :
- La société espagnole intègre mieux que la française. La famille joue un rôle d'absorption de la misère (qu'il fait pendant la période franquiste) et phénomène important : les villes espagnoles sont moins excluantes, moins coupées en deux, plus vivantes, et donc moins excluantes en dépit de la dureté de la crise ... Mon interprétation, est que plus une société confie son destin à l'Etat, moins elle développe de ressources sociales pour affronter ses crises, et plus, lorsque cet Etat ne peut lui assurer son bien être, elle est incapable de s'en sortir .. Je trouve cette différence dans de nombreux pays du sud, entre le Maroc et l'Algérie par exemple ...
Lorsque vous allez dans n'importe quel quartier périphérique d'une grande ville marocaine, vous allez trouver des gens dans la rue, des cafés, des commerces, des gardiens d'immeuble, de parking .. Ces gens qui cherchent à gagner leur vie assurent une certaine socialisation de la sécurité ... Allez dans une grande ville d'Algérie ou d'anciens pays du sud qui sont passés de la colonisation au socialisme, et vous trouverez un désert proche de celui des grandes banlieues françaises ... (je caricature un peu mais je vous assure que c'est vrai)

3) il serait intéressant d'appliquer votre lecture des partis politiques à l'islamisme politique qui se décline de la même façon. Vous verrez qu'il à les mêmes fonctions de médiation ou de représentation des phénomènes sociaux sur fond de déclin des partis traditionnels ...
Il n'y a pas d'essentialisme entre islam et politique .. La montée de l'islamisme politique se nourrit au sud du déclin des partis nationaux nés de l'indépendance, et bien souvent hélas des échecs dans la construction d'un projet de pays. En France, elle se nourrit des mêmes maux qui expliquent la montée du FN ....
Attention donc à la manipulation de la question identitaire .... Fondée sur une dialectique du nous et des autres (comme la question espagnole et catalane), son instrumentalisation tend aussi à radicaliser aussi ceux qu'elle prétend exclure ..
Quand on rentre dans ce cercle vicieux, il est parfois d'autant plus difficile d'en sortir ....

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

des nouveaux partis de gauche (Podemos et ses émanations locales, la CUP etc) qu'ils remplissent cette fonction de médiation des préoccupation des classes populaires autrefois dévolu au Parti Communiste.
Je pose la question de manière innocente, ne connaissant pas la réponse : quelle est véritablement la sociologie de l'électorat de ces formations ? Que votent les ouvriers en Espagne ? Podemos séduit-elle véritablement les classes populaires ? Il me semblait au contraire que ses places fortes étaient dans des villes/régions relativement aisées. Pourrais-tu éclairer ma lanterne sur ce point ?
- La société espagnole intègre mieux que la française. La famille joue un rôle d'absorption de la misère (qu'il fait pendant la période franquiste) et phénomène important : les villes espagnoles sont moins excluantes, moins coupées en deux, plus vivantes, et donc moins excluantes en dépit de la dureté de la crise ...
Attention, il y a dans ces questions-là un effet de seuil, ou la quantité change la nature même de la problématique. Attend de voir l'Espagne dans 30 avant de faire des comparaisons.

Quant au reste, on va tout de même éviter un débat sur les questions sur les questions identitaires !

claude et alex
Posts: 19
Joined: 10 Apr 2013, 11:02

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by claude et alex »

Petite aparté : je sollicité le soutien des supporters stéphanois !

Je lance un projet social et sociétal sur MyMajorCompany (financement participatif) :
https://www.mymajorcompany.com/site-web ... 1er-emploi

J'ai besoin de réunir 5 contributeurs et 100 euros pour pouvoir véritablement lancer mon projet sur le site.
Sachez que si je n’atteind pas mon objectif de réunir 5 000 euros pour créer mon projet, vous êtes automatiquement remboursé.

Alors, si le projet vous plait n'hésitez pas à me donner un coup de main :) merci ! :)

___
Posts: 16758
Joined: 09 Sep 2011, 13:53

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by ___ »

@ Marat :
- Je maîtrise très mal de Maistre. Mais je crois me souvenir que l'un de ses principes fondamentaux, c'est le primat de la société sur l'individu, et le fait que l'individu n'existe pas en dehors de la société. Une approche holistique pas du tout incompatible avec une certaine gauche. Il était aussi très déterministe ; ce qui fait un gros point commun avec Marx.

- Le marxisme concoure-t-il vraiment à définir l'essence de la gauche ? On parle bien d'une philosophie déterministe et productiviste, qui réduit l'art et la culture à des accessoires, où l'individu n'est qu'un détail, et dont les émanations se caractérisent par des régimes étatiques centralisés autoritaires et violents, organisés autour d'une oligarchie répondant aux vœux d'un chef sacralisé ?
Cette définition de la gauche ne fera pas consensus.

- Le kibboutz : Le kibboutz, c'est quand même un outil au service de la colonisation forcée de terres pour des motifs religieux. Là aussi, c'est une gauche qui paraîtra assez atypique à certains.

- "La force de l'habitude", ça fait léger, heuristiquement parlant :mrgreen: C'est certes une expression compliquée (mais traduite de l'anglais ; z'ont peut-être pas de "force de l'habitude" chez eux ;) ) pour une idée simple... qu'on a néanmoins tendance à sous-estimer.

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

Ce n'est guère un principe fondamental de Maistre, mais il a en effet une approche holiste de la société. Cette approche, qui est commune à l'ensemble de la droite contre-révolutionnaire, diffère tout de même fortement de la conception rousseauiste que l'on retrouve plus communément à gauche, bien qu'holiste également. Quant les premiers rapprochent le corps social du modèle familial, les seconds penchent plus pour l'idée d'un pacte passé entre ses membres. Mais tu as raison : l'anti-individualisme peut se retrouver à droite comme à gauche, bien que ses racines profondes soient fort différentes. Il faudrait introduire un peu de bathmologie là-dedans, pour nuancer tout cela : un anti-individualisme peut ressembler davantage à un individualisme qu'à un autre anti-individualisme. Le holisme de gauche fait quand même l'hypothèse initial que la société est faite d'individus, qui lient un pacte pour constituer une société qui, in fine, dépasse la somme même de ses individus. Le holisme de droite, lui, ne part absolument pas de la même hypothèse initiale.
Le marxisme concoure-t-il vraiment à définir l'essence de la gauche ?
Non, bien sûr. Je l'ai simplement pris en exemple car j'y vois un aboutissement logique, pur et cohérent des sous-entendus philosophiques de gauche. Mais il y a bien sûr d'autres gauches, il y a d'ailleurs eu un récent tournant anti-marxiste à gauche depuis l'émergence de l'écologie et des thèses sur la décroissance, qui remettent en question le progrès et le productivisme qui étaient pourtant essentiels pour toute la gauche marxisante.
Le kibboutz : Le kibboutz, c'est quand même un outil au service de la colonisation forcée de terres pour des motifs religieux. Là aussi, c'est une gauche qui paraîtra assez atypique à certains.
Attention, le sionisme originel et plus particulièrement le mouvement vers la terre qui a permis l'émergence du kibboutz n'était pas religieux. C'était un mouvement nationaliste de gauche, bien souvent socialisant, porté par des lettrés laïcs très européanisés et influencés par les thèses occidentales (la révolution française pour le sionisme, le marxisme pour le kibboutz). Le kibboutz est l'émergence romantique et communautaire de ce socialisme juif.
"La force de l'habitude", ça fait léger, heuristiquement parlant :mrgreen: C'est certes une expression compliquée (mais traduite de l'anglais ; z'ont peut-être pas de "force de l'habitude" chez eux ;) ) pour une idée simple... qu'on a néanmoins tendance à sous-estimer.
Heuristiquement, peut-être, mais pas ontologiquement ! Créer une théorie qui, in fine, nous explique que des institutions et les individus les composant ont tendance à reproduire machinalement ce qui a déjà été fait auparavant et n'innovent que peu quand les habitudes ont été prises... Oui, merci, on s'en doutait un peu ! (cette réflexion est l'histoire de mes études - voire de ma vie !).

alexioninho
Posts: 5686
Joined: 17 Apr 2010, 22:35

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by alexioninho »

Marat Izmailov wrote:
des nouveaux partis de gauche (Podemos et ses émanations locales, la CUP etc) qu'ils remplissent cette fonction de médiation des préoccupation des classes populaires autrefois dévolu au Parti Communiste.
Je pose la question de manière innocente, ne connaissant pas la réponse : quelle est véritablement la sociologie de l'électorat de ces formations ? Que votent les ouvriers en Espagne ? Podemos séduit-elle véritablement les classes populaires ? Il me semblait au contraire que ses places fortes étaient dans des villes/régions relativement aisées. Pourrais-tu éclairer ma lanterne sur ce point ?
SI l'on prend les dernières élections espagnoles.

Le PP (droite) est cantonné à un vote de retraités plutôt rural. Il subit fortement la concurrence de Ciutadan's là ou il baisse, c'est à dire dans un électorat plus jeune et plus urbain dans les fiefs historiques de la droite.
Le PSOE qui va peut être arriver à gouverner en connaissant son plus mauvais score depuis l'avènement de la démocratie n'est plus en tête que dans ses fiefs d'Andaloucia et d'Extremadura (là ou une gestion historique clientéliste du pouvoir local le favorise)
Podemos arrive premier dans les communautés autonomes dotées d'une identité nationale propre : Euskadi (26%), Comunitat Valenciana (25%), Galicia (25%) y Catalunya (24,7%). AU niveau des villes, ils sont en tête là ou ils ont conquis les mairies : Barcelona, Madrid (ville symbole du PP mais ou la gauche était plus communiste que socialiste), Valencia, Zaragoza, Santiago, A Coruña y Cádiz (ville extraient populaire d'Andalousie)
Si l'on Prend Barcelone comme exemple, ils arrivent largement en tête dans les quartiers populaire et les quartiers de l'ancien ceinture rouge de la ville avec des scores entre 28 et 35 % ...
Donc effectivement je pense que Podemos est entrain de gagner du terrain sur un électorat populaire en concurrençant le PSOE, mais aussi le PP ....
Notez en effet qu'en Espagne cet électorat était aussi selon les régions celui du PP (héritage franquiste), et que le PP a un effet de contention des extrême droite en occupant le terrain identitaire entendu principalement comme unité l'Etat espagnol cont eles nationalismes périphériques. Ils ont néanmoins fait quelques percées en périphérie de Barcelone grâce à un discours anti immigrés et sécuritaires. Néanmoins ce n'est pas la norme d'un droite très conservatrice sur les valeurs religieuses (contre l'avortement), ultra libérale et pro européenne sur le plan économique, et très centralisatrice ...

- La société espagnole intègre mieux que la française. La famille joue un rôle d'absorption de la misère (qu'il fait pendant la période franquiste) et phénomène important : les villes espagnoles sont moins excluantes, moins coupées en deux, plus vivantes, et donc moins excluantes en dépit de la dureté de la crise ...
Attention, il y a dans ces questions-là un effet de seuil, ou la quantité change la nature même de la problématique. Attend de voir l'Espagne dans 30 avant de faire des comparaisons
.

Sur ce points, tu as très certainement raison bien que l'effet de seuil dont tu parles suppose un a priori de non intégration ou de non métissage très fort ... Tu sais je connais l'Espagne depuis plus de 25 ans, et j'ai vu la transformation d'une société totalement "blanche" (la seule immigration était interne en Catalogne notamment) à une société réellement multiculturelle en 10 - 15 ans dans un pays ou il existait un racisme que je qualifierais de presque génétique (ne jamais vu ni vécu avec l'autre) que je comparerai presque volontiers à celui qu'il existe aujourd'hui au Maroc vis à vis des subsahariens .. On craignait tous à ce moment là énormément des dérapages (il y en eu quelques uns localement d'ailleurs) .. Et puis, il y a eu cette crise d'une violence incroyable ... Et aujourd'hui on en sort avec une société qui tient debout, un renforcement de la gauche, et sans trop succomber à un discours de type sécuritaire ou excluant ... Je suis donc plutôt optimiste ... C'est bien de croire dans les vertus de la société ..
Quant au reste, on va tout de même éviter un débat sur les questions sur les questions identitaires ![/quote]

Je suis d'accord avec toi même si je pense qu'il faut essayer de parler de tout avec tout le monde .. Ce que je voulais te dire, je pense qu'avec ta capacité d'analyse, tu devrais t'intéresser à l'étude de l'islamisme politique .. Tu y trouverais beaucoup de similitudes avec des phénomènes que tu étudies dans les mouvements de gauche ou du FN ... Dans de nombreux pays l'islamisme gagne du terrain sur l'abandon des quartiers populaires par la gauche, et qu'il gagne du terrain parce qu'il est le seul discours politique accessible (accompagné souvent de proximité sociale) ...
Last edited by alexioninho on 16 Feb 2016, 15:01, edited 1 time in total.

alexioninho
Posts: 5686
Joined: 17 Apr 2010, 22:35

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by alexioninho »

Le kibboutz : Le kibboutz, c'est quand même un outil au service de la colonisation forcée de terres pour des motifs religieux. Là aussi, c'est une gauche qui paraîtra assez atypique à certains.
Attention, le sionisme originel et plus particulièrement le mouvement vers la terre qui a permis l'émergence du kibboutz n'était pas religieux. C'était un mouvement nationaliste de gauche, bien souvent socialisant, porté par des lettrés laïcs très européanisés et influencés par les thèses occidentales (la révolution française pour le sionisme, le marxisme pour le kibboutz). Le kibboutz est l'émergence romantique et communautaire de ce socialisme juif.

Excellente analyse qui rejoins ce que je te disais sur l'islamisme politique dans le monde musulman ... La montée du religieux dans le politique ... Les mouvements nationaux issus de la décolonisation étaient le plus souvent laïcs ou acceptaient une mise à distance entre le religieux et le politique ... La montée du religieux dans la société et le politique commence dans les années 80 ..
On rejoint ici un autre sujet de ce forum : l'influence grandissante (via notamment la télé satellite) et l'interventionnisme financier des pays du Golf à destination d'organisation qui propage leur vision rigoriste de l'Islam ....

Marat Izmailov
Posts: 2847
Joined: 12 Jan 2009, 20:26
Location: Bas-en-Basset / Lille

Re: [HS] Politique, social et autres débats de sociétés

Post by Marat Izmailov »

Merci pour toutes ces précisions géographiques concernant le vote en Espagne. Je serais tout de même curieux de connaître les analyses de votes par CSP sorties par les instituts de sondage espagnols. Je chercherai cela plus tard ; je serais également curieux de savoir précisément quelles tranches de la population permettent à Podemos de briguer des mairies telles que celles de Madrid ou de Barcelone.

Pour le débat sur l'intégration/l'islam politique : trop long, trop clivant, trop récurrent, on part d'opinions et de présupposés trop différents, ramène trop de monde. Gardons ce fil apaisé quelques temps.

Locked