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France: La Ligue 1 veut-elle se débarrasser de ses supporters ?
Si le championnat de France a connu un record d'affluence lors de sa 10e journée, le week-end a surtout été animé par des événements extra-sportifs dont les spectateurs ont été les premières victimes.
Dimanche soir, la 10e journée de Ligue 1 s’achevait avec un festival de buts entre Lyon et Montpellier (5-1) et une affluence record dans les enceintes de l’Hexagone : 301 510 spectateurs se sont ainsi rendus au Stade de France (70 785), au Vélodrome (61 846), à Gerland (35 688), à Pierre Mauroy (33 926) et dans les six autres stades français au cours du week-end. La LFP avait de quoi se réjouir d’une Ligue 1 attractive, festive et spectaculaire. Seulement voilà, tous les publics n’ont pas eu la même chance. À commencer par les supporters bastiais, privés de déplacement à Nice en raison d’un antagonisme posant aux yeux des autorités un problème de sécurité publique.
Étaient ainsi interdits samedi à l’Allianz Riviera et dans ses alentours « le port, la détention et l’utilisation de tout objet ou vêtement à l’effigie de la Corse ou d’un club sportif corse », comme le stipulait un arrêté publié par la préfecture des Alpes-Maritimes. Face au tollé provoqué par cette décision, le texte avait été réédité en raison de son caractère discriminatoire, ne concernant plus l’ensemble de l’Île de Beauté mais uniquement le « club du SC Bastia ». Toujours est-il qu’aucun Turchini n’a pu mettre les pieds dans l’enceinte azuréenne pour assister au succès de leurs joueurs (0-1). Cela n’a empêché des incidents d’éclater à l’issue de la rencontre lorsque Jean-Louis Leca a brandi un drapeau corse sur la pelouse, en soutien aux supporters restés à la maison.
Quand la police s’en mêle
Toute aussi pénalisante, l’interdiction pour plusieurs dizaines de supporters parisiens d’accéder au Stade de France lors de la rencontre délocalisée mettant aux prises le Racing Club de Lens et le Paris Saint-Germain. Pourtant munis de billets en bonne et due forme, d’ancien ultras chassés du Parc des Princes par le plan Leproux, mais aussi de simples supporters épris de leur club, se sont vus refuser l’accès de l’enceinte dionysienne sans raison apparente. Ce qui leur est reproché ? Une attitude critique vis-à-vis de la gestion de leur équipe de cœur, et notamment tout le pan répressif de la politique menée à leur encontre : placement aléatoire au stade, liste noire de supporters jugés indésirables, complicité avec les forces de police dans le but de les tenir éloignés des stades où évolue le PSG. Le tout sans aucun fondement, une grande partie de ces personnes n’ayant jamais été interdite de stade ou même coupable de quelque infraction à la loi que ce soit. Résultat, le virage nord réservé aux supporters du club de la capitale sonnait creux face aux supporters lensois venus en nombre soutenir les leurs.
Maître Pierre Barthélemy, avocat de certains supporters du Paris Saint-Germain, est revenu sur cette soirée : « Plusieurs centaines de supporters parisiens ont acquis des billets auprès des prestataires Grand Public de la billetterie du RC Lens. Après que celle-ci a annulé l’ensemble de ces billets, ces supporters en ont acquis de nouveaux sur le site du PSG. Pour une partie d’entre eux, la commande n’a jamais fait l’objet d’une validation selon des modalités qui laissent craindre l’utilisation de l’ancienne ou d’une nouvelle blacklist, malgré la délibération de la CNIL », explique-t-il. Une fois sur place, la soirée ne s’est pas vraiment déroulée comme prévue, comme il le relate : « Les forces de l’ordre ont regroupé plusieurs centaines de supporters parisiens sous la forme d’un cortège au motif que cela permettrait d’optimiser leur accès au stade. Mais, en réalité, ils les ont conduits dans une rue adjacente où ils les ont très longuement parqués alors même que le match avait commencé. »
Des conséquences qui dépassent le football
Privés de match, certains supporters ont été inquiétés par les autorités : « Durant la soirée ou les jours suivants, plusieurs supporters ont été placés en garde à vue pendant parfois plus de 24 heures pour organisation présumée d’une manifestation non déclarée. Un motif particulièrement surprenant alors que la manifestation (la rencontre de football) a bien été déclarée par le RC Lens. A défaut, Monsieur le Préfet n’aurait pas autorisé la tenue du match. Titulaires de billets, ces supporters participaient nécessairement à cette manifestation sportive. » Quand bien même la soirée s’est déroulée dans le calme : « Il n’y a pas eu le moindre incident, comme a pu le constater un huissier et comme peuvent en témoigner les journalistes présents », précise Maître Barthélemy.
Dernier exemple en date, un supporter lyonnais, Lex, risque de perdre un œil, touché de plein fouet par un tir de flashball en marge de la rencontre entre l’OL et le MHSC dimanche. Alors que des supporters des deux camps s’affrontent à quelques dizaines de mètres du stade de Gerland, le jeune homme, étranger à la querelle, s’interpose pour mettre à l’abri les familles passant par là pour se rendre en tribunes. Seulement voilà, il est atteint en plein visage par une balle perdue et demeure depuis à l’hôpital. Un élan de solidarité s’est emparé de l’affaire pour lui permettre de financer les soins qu’il reçoit et les frais d’avocat dont il aura besoin pour prouver sa bonne foi, et mettre en évidence si une bavure policière a été commise. Mais le mal est déjà fait.
Et maintenant ?
Une affaire qui fait tristement écho à celle de Casti, ce supporter montpelliérain qui avait également perdu un œil dans des circonstances similaires il y a deux ans. Depuis le début de la saison, les interdictions de déplacement se multiplient : impossible pour les Marseillais et Lensois de rallier Bastia en début de saison, même chose pour les Messins à Saint-Étienne dimanche prochain. La machine semble d’ailleurs s’emballer et ces mesures deviennent légion, lorsqu’elles étaient autrefois l’exception. Alors que la LFP souhaite donner de la Ligue 1 l’image d’un championnat dont la cote d’amour auprès des supporters grandit de jour en jour, elle est surtout en train de se couper de la frange qui anime et colore les stades, remplit les secteurs visiteurs et contribue au fameux spectacle vendu à coups de millions lors de la négociation des droits télévisés.
« La France organise l’Euro dans deux ans. Si les pouvoirs publics sont incapables d’encadrer le déplacement de 500 Messins et préfèrent la privation de libertés à l’encadrement, comment allons-nous faire à raison de plusieurs rencontres par jour entraînant la venue de milliers de supporters des Balkans, d’Europe de l’Est, du Benelux ou du Royaume-Uni ? », se demande ainsi Maître Barthélemy. Vaste question à laquelle les autorités ne pourront plus tourner le dos indéfiniment.