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Si certains footballeurs connaissent des destins exceptionnels, alors Roger Milla est assurément de ceux-là.
L'attaquant camerounais a gravé son nom dans l'histoire du football international. Il a juste pris son temps pour le faire...


Les débuts au Cameroun
Né le 20 mai 1952 à Yaoundé, Roger Milla touche ses premiers ballons sous les couleurs de l'Éclair de Douala. Il a 13 ans et cinq ans plus tard, en 1970, il fait ses grands débuts dans le championnat national du Cameroun à la pointe de l'attaque des Léopards de Douala. C'est avec ce club qu'il va remporter en 1972 son premier grand titre en devenant champion du Cameroun.

Vif, racé et doté d'un flair inimitable devant les buts, Milla ne tarde pas à attirer l'attention du club le plus prestigieux du pays, le Tonnerre de Yaoundé. Nous sommes en 1973 et Roger retourne donc dans sa ville natale où il évolue 3 saisons. L'occasion d'étoffer son palmarès en enchaînant un succès en Coupe du Cameroun puis une victoire en Coupe d'Afrique des Vainqueurs de Coupe (1975). Milla se distingue comme l'un des joueurs les plus prometteurs du continent et il décroche en 1976 son premier Ballon d'or Africain.


Roger Milla (assis) devant le Palais de la Présidence en 1975

L'étape suivante dans sa carrière est bien évidemment la sélection nationale. Roger honore sa première cape avec les Lions Indomptables en 1978, un peu sur le tard puisqu'il est déjà âgé de 26 ans. Il en profite pour inscrire son premier but pour le Cameroun. Il signe alors pour un long bail sous le maillot national.


La carrière de Roger Milla en un clin d'oeil

La période "française"
C'est aussi à cette époque que les sirènes européennes se font entendre. Roger Milla veut découvrir le championnat de France et rejoint le club de Valenciennes. Il évolue deux saisons au stade Nungesser, mais son adaptation est difficile. Roger l'Africain a beaucoup de mal à s'habituer à la vie dans le Nord de la France, son contrat n'est pas conforme aux promesses initiales de ses dirigeants et ses performances sur le terrain s'en ressentent (27 matches, 6 buts).


Roger Milla à Valenciennes en 1978

Cet échec ne le décourage pas et Roger décide alors de mettre le cap sur Monaco, où le climat méditerranéen lui convient davantage mais son passage sur le Rocher n'est guère plus concluant (16 matches, 2 buts). Souvent blessé, mal dans ses baskets, Milla ne justifie pas sa réputation de perle africaine. Il ne participe même pas à la victoire en Coupe de France du club princier cette saison-là.


Milla n'affole pas les compteurs non plus à Monaco en 1979

Le buteur Camerounais souhaite se relancer sous de nouvelles couleurs et il va encore aller un peu plus au sud pour enfiler le maillot de Bastia. En Corse, l'attaquant se retrouve complètement et fait étalage de ses nombreuses qualités. Il est cette fois-ci bien au rendez-vous de la finale de la Coupe de France, puisqu'en inscrivant le second but corse il offre la victoire aux insulaires contre l'AS Saint-Étienne (2-1).

Au total, l'enfant de Yaoundé évolue 4 saisons en Corse (1980-1984), joue 113 matches et marque 35 buts. Mais sur la fin, ses fréquents séjours au pays lassent les dirigeants bastiais, qui acceptent de le laisser partir sous d'autres cieux.... et pas n'importe où.


Milla échappe à Jean-Marie Elie lors de la finale de la Coupe de France

Le début de la gloire
Mais c'est d'abord avec sa sélection nationale que Roger Milla va faire parler la poudre. En effet, après avoir participé au Mondial 82 (son but refusé face au Pérou aurait été le premier inscrit par un pays d'Afrique subsaharienne en Coupe du Monde), il est à la pointe de l'attaque des Lions et remporte la Coupe d'Afrique des Nations 1984. Dans la foulée, il s'envole pour Los Angeles pour disputer les Jeux Olympiques mais le Cameroun ne franchit pas le premier tour. Il a déjà 32 ans et contrairement à ce que l'on peut penser, c'est maintenant que sa carrière décolle...


Milla (au centre) tient le trophée de la CAN 1984 en main

En effet, à son retour de Californie, Milla cherche un club en France. Il signe à l'AS Saint-Etienne qui vient de tomber en Division 2 et cherche un leader d'attaque. Le challenge plaît au Camerounais, qui aligne les grosses performances sous la houlette d'Henry Kasperczak: 22 buts en 31 matchs sous le maillot vert.


Milla marque à l'aller et au retour face à Nice
en Coupe de France 1984-85 (photo le Progrès)

La première année, ses partenaires d'attaque se nomment Eric Bellus, Carlos Diarte, Pascal Carrot ou encore Daniel Sanchez (futur adjoint d'Elie Baup) et effectue un superbe parcours en Coupe, n'échouant qu'en quart de finale face au LOSC (1-0, 0-2).


Fameux but de Milla en Coupe de France contre Lille (1-0)

L'année suivante, Milla évolue davantage aux côtés de Tony Kurbos, François Makita, Philippe Redon et Jürgen Milewski. Au terme d'une saison sans fausse note, il parvient à ramener le club en D1.
Pourtant, s'il est le chouchou du public, le caractère de Roger est aussi chaud que le soleil de son pays et entraîne parfois quelques frictions avec ses partenaires. Tony Kurbos dira de lui: "Le joueur le plus fou avec qui j'ai évolué dans ma carrière, c'est Roger Milla. C'était un grand attaquant mais il s'énervait sans arrêt. Il répétait tout le temps qu'il allait frapper l'entraîneur, Henryk Kasperczak, et menaçait ses coéquipiers. Il est d'ailleurs impliqué dans la plus grosse engueulade à laquelle j'ai assisté dans un vestiaire. Un jour, Roger s'approche pour invectiver plusieurs gars. Et là, je vois le costaud Jean Castaneda, notre gardien et capitaine, excédé, s'interposer. Puis il le soulève carrément et lui crie: "Tu vas te calmer sinon tu auras affaire à moi !"
Roger a continué à gueuler, mais il s'est éloigné et a fini par se calmer. C'était vraiment impressionnant"


Entrée à Gerland lors du derby 1985-86

En 1986, Milla mène de nouveau l'attaque de son pays à la Coupe d'Afrique des Nations. Il termine meilleur buteur de l'épreuve avec 4 buts mais le Cameroun s'incline en finale.
La satisfaction du travail bien fait, Roger reprend alors son bâton de pélerin et atterrit à l'intersaison 1986 à Montpellier. Le club pailladin est lui aussi en Division 2 et vise la montée. Cela convient à Milla, qui marque 18 fois dès sa première saison dans l'Hérault. Le club remonte. Milla continue sur sa lancée et inscrit 19 nouveaux buts en Division 1 (dont un fameux triplé... contre les Verts), jusqu'à son départ du club en 1989. A 37 ans, on pense que le Vieux Lion va définitivement raccrocher les crampons. Il part alors en pré-retraite à la Réunion, où il continue à jouer pour le plaisir sous le maillot de la Saint-Pierroise.


Roger Milla et Jean Castaneda lors d'un Montpellier-ASSE en 1988

Une fin de carrière en apothéose
Déjà deux ans plus tôt, en 1987, Milla avait renoncé à la sélection et avait même organisé deux jubilés mémorables qui avaient rassenblé plus de 100.000 personnes à Douala et Yaoundé. Pourtant en 1988, le nom de Roger Milla figure dans la liste des sélectionnés pour la Coupe d'Afrique des Nations. Non seulement Roger revient en sélection mais en plus il remporte pour la seconde fois l'épreuve reine du continent africain ! Cette fois-ci, c'est sûr, c'était le dernier feu d'artifice de Milla avec les Lions Indomptables.


La CAN 1988, dernier coup d'éclat de Milla en sélection ? Pas si sûr...

Et bien non, même pas...
1990. La Coupe du Monde en Italie approche et l'impensable se produit. C'est d'abord une rumeur qui paraît infondée. Milla a 38 ans, il ne joue plus au plus haut niveau depuis son départ de Montpellier il y a plus d'un an. Il est rentré de la Réunion, mais ce ne sont pas les quelques matchs qu'il dispute avec le Canon Yaoundé (devant une foule hystérique) qui peuvent changer la donne. En plus, entre temps, le Cameroun a vu éclore une génération prometteuse d'attaquants, avec notamment François Omam-Biyik, Cyril Makanaky et le tristement fameux Eugène Ekéké. Mais Milla veut revenir chez les Lions ! Il s'estime encore en forme et pense pouvoir être utile dans un rôle de joker.
Le sélectionneur russe Valery Nepomniachi n'est pas très emballé. Mais les choses ne se passent pas toujours de façon rationelle en Afrique et la présence de Milla dans les 22 Camerounais pour la Coupe du Monde est imposée par... le président de la république Paul Biya. Incroyable ! Roger Milla va donc disputer sa troisième phase finale de Coupe du Monde, exploit qu'il est le premier Africain à réaliser.


Roger Milla, poursuivi par le Colombien Higuita, s'en va
inscrire un but célèbre lors de la WC 1990

Comme prévu, Milla est utilisé comme joker et entre régulièrement à l'heure de jeu. Malgré le poids des ans, le Vieux Lion n'a rien perdu de son flair et de son explosivité. Le Cameroun se paie le luxe de battre l'Argentine (championne du monde en titre) dès le match d'ouverture et enchaîne ensuite les prestations de qualité. Milla est décisif et remplit son rôle au-delà des espérances en inscrivant 4 buts. Il devient un héros national et la grande attraction du "Mondiale": les stades italiens frémissent dès qu'il se lève pour aller s'échauffer. En huitième de finale, mené 1-0, le Cameroun est en mauvaise posture face à la Colombie. Milla entre en jeu et renverse la vapeur à lui tout seul. Il ridiculise le gardien adverse Higuita en lui subtilisant la balle alors que celui-ci voulait le dribbler et égalise. Puis il marque le but qui envoie les Lions en quart de finale. Chacune de ses réalisations est ponctuée d'une danse (le "makossa") qu'il exécute devant le poteau de corner. Un geste qui le rendra célèbre dans le monde entier !
Le Cameroun s'incline avec les honneurs en quart de finale face à l'Angleterre et lors de l'élection du Ballon d'or africain 1990, à 38 ans, Milla n'a pas de rival. Il raccroche alors au sommet de sa gloire.

Et pourtant... il y a encore plus incroyable. Quatre ans plus tard, en 1994, Roger tente un ultime pari pour la Coupe du Monde aux Etats-Unis. Il a maintenant 42 ans (!) et n'a pratiquement plus joué au football depuis 1990, hormis quelques matchs-exhibition au Tonnerre Kalara Club, celui de ses débuts. Encore une fois, il est imposé dans la liste des 22 du sélectionneur Henri Michel et retrouve son rôle de joker. 4e phase finale de Coupe du Monde pour lui...
Le Cameroun de 1994 est moins fort que celui de 1990 et son élimination survient dès le premier tour. Milla ne joue pas les deux premiers matchs. Il va pourtant signer un dernier exploit retentissant avant de tirer définitivement sa révérence: il entre en jeu pour le dernier match de poule contre la Russie, tandis que son équipe est en perdition (défaite 6-1 au final). Roger trouve les ressources pour marquer le seul but camerounais de la rencontre, un vrai but d'avant-centre qui fait de lui le plus vieux buteur en phase finale de Coupe du Monde. Et probablement pour très longtemps...

Après son exploit, Milla fait deux piges exotiques au Pelita Jaya et au Putra Samarinda (Indonésie) jusqu'en 1996 où il arrête définitivement la pratique du football.


Papy Milla (43 ans) au Pelita Jaya en 1995

Une ancienne gloire qui ne pratique pas la langue de bois
Après la fin de sa carrière de joueur, Roger Milla intègre le staff technique de Montpellier avant de rentrer au Cameroun pour s’investir dans le redressement d’un football camerounais produisant des individualités de haut niveau mais incapable de s’illustrer dans les compétitions internationales. Nommé président d’honneur de la Fédération Camerounaise de Football (FéCaFoot) en 2008 , Roger Milla n’hésite pas à s’en prendre vertement à certains acteurs majeurs du football camerounais. Ainsi, à quelques semaines de la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud, il déclare à propos de Samuel Eto’o, fer de lance des Lions Indomptables: "Il n’a jamais rien apporté au Cameroun. Il n’a pas encore répondu aux attentes […] Il a un peu malmené les autres joueurs, on n’avait jamais vu ça en équipe nationale !". Ces déclarations provoquent un clash avec l’attaquant vedette des Lions Indomptables qui expliquera ensuite avoir envisagé de renoncer à participer au Mondial 2010 (soldé par une élimination du Cameroun au premier tour) suite à ces déclarations.

Désavoué par sa fédération, Milla n’hésite pas par la suite à croiser le fer à plusieurs reprises avec ses dirigeants. Il s’élève en vain contre la réduction de la sanction infligée en 2011 à Eto’o, initialement suspendu 15 matchs par sa fédération pour avoir boycotté un match amical de la sélection. Il critique également la nomination de Rigobert Song en tant que "team manager" du Cameroun.

Embarrassée par cet ambassadeur très critique, la Fécafoot décide de démettre de ses fonctions Roger Milla en mai 2012. L’ancienne gloire n’en a pas moins conservé sa verve et continue de lutter pour le redressement du football camerounais. S'il s'est longtemps consacré à sa fondation "Cœur d’Afrique" destinée à venir en aide aux enfants défavorisés, il vit désormais à Ornex (01) tout en continuant d'assurer ses fonctions d'ambassadeur itinérant du Cameroun et de l'ONU.


Roger Milla n'en finit plus de danser pour le Cameroun