On s’est demandé début octobre si les Verts étaient des foies jaunes, stats à l’appui, pour conclure qu’il était difficile de s’avancer – peu de matchs, et données incomplètes. A la trêve, à l’aide d’une matière bien plus complète, voyons ce que les statistiques peuvent nous dire de l’ASSE…


Par Pilou83 et Olaf



Ne gardons pas de faux suspense et annonçons d’emblée la couleur. Par rapport à ses concurrents naturels (OL, Monaco, OM, Bordeaux, Lille) et aux autres équipes qui comptent dans cette première moitié de saison (PSG, Nice, Caen et Angers), l’ASSE se classe globalement dans la moyenne statistique… sauf en ce qui concerne les taux de passes réussies et de tirs cadrés, relativement faibles. Développons, en commençant par les passes.


CA NE PASSE PAS BIEN

En nombre brut de passes tentées, dans le groupe observé, quatre équipes ont un jeu tourné vers une grosse possession du ballon et font beaucoup de passes (PSG, OL, Nice, OM), deux équipes au contraire subissent et passent peu (Caen et Angers) ; enfin les quatre autres (ASSE, Bordeaux, Monaco et Lille) affichent des statistiques moyennes.

Cette tripartition se retrouve plus ou moins dans le taux de passes réussies :

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L’information principale est ailleurs : l’ASSE est plutôt un mauvais élève de ce point de vue. A part Caen et Angers, qui ont d’autres ambitions dans le jeu, seule Lille réussit moins de passes que les Verts. Ce constat interroge d’autant plus que la moyenne des Caniches a bien augmenté lors des dernières journées.

Peut-on expliquer cette faiblesse par une plus grande audace ? L’endroit du terrain où les passes sont effectuées est important : on peut supposer que plus l’on approche du but adverse, plus il est difficile de réussir une passe. Interrogeons donc le ratio de « passes offensives », c’est-à-dire tentées (mais pas forcement réussies) dans les trente derniers mètres par rapport au total des passes.

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Si l’on se fie aux résultats de Bordeaux et Lille, l’ASSE semble dans la moyenne. Mais les chiffres des Vilains interrogent : quasiment autant de passes offensives que nous (28,2 pour 28,9%), mais une réussite bien supérieure (83,5% pour 77,8%). Moins évidents, mais soulignant la même chose, les chiffres de Monaco : plus de passes offensives que nous (30,5%) et plus de réussite (80,1%). Autrement dit, l’ASSE est significativement moins performante que les deux équipes considérées en début de saison comme les plus crédibles pour compléter le podium de L1.


PIGEON, Y ES-TU ?

Manque d’efficacité dans les passes, certes ; mais également manque d’efficacité dans les tirs. Le nombre brut de tirs par match n’est pas très bon, mais pas mauvais (12,1 ; c’est à peu près la moyenne et plus que Monaco, par exemple). Cet indicateur est cependant insatisfaisant puisqu’il comptabilise au même niveau une praline sans espoir de quarante mètres en tribune, et un plat du pied-sécurité qui a 99% de chances d’aller au fond.

Creusons quelque peu. Les données Opta proposent un recensement des « grosses occasions » - définies comme « situations dans lesquelles un joueur devrait normalement marquer, comme par exemple des face-à-face avec le gardien ou des tirs de très près » (soulignons qu’on peut marquer un but sans avoir une grosse occasion).

Si on compare la moyenne de grosses occasions et de buts par match pour ces équipes, voilà ce que ça donne :

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On note que l’ASSE est dans la moyenne, tant pour se créer de grosses occasions que pour les transformer en but. Sur dix matchs, l’ASSE se procure donc 16 grosses occasions et marque 12 buts ; score tout à fait raisonnable et similaire à plein d’autres équipes, dont le PSG (qui par contre se procure le double d’occasions et donc marque le double de buts) – Nolan Roux s’explique donc statistiquement. A retenir, les exceptions de Monaco (qui rate énormément), et inversement de l’OM et surtout de Nice (qui ne rate pas du tout !).

En réalité, le bât blesse ailleurs :

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32% de tirs cadrés, c’est beaucoup trop peu comparé à la concurrence – Lille et Bordeaux, les seuls à faire pire, n’étant pas des exemples à suivre. Puisqu’il ne s’agit pas d’une plus faible capacité que les autres à se créer des occasions décisives, pour les tirs comme pour les passes, les Verts pèchent d’abord dans la précision !



QUELS LEVIERS POUR S’AMELIORER ?

Passes et tirs : ce sont les bases techniques du jeu de football. Etre déficients sur ces aspects par rapport à la concurrence rend la course au podium hautement hypothétique. Pourtant, les indicateurs statistiques montrent assez clairement que c’est là que l’ASSE a la plus grosse marge de progression. Comment faire pour s’améliorer ?

L’idée qui vient le plus naturellement, est celle de la qualité technique de nos joueurs. Bien sûr, on pourrait aller au cas par cas, voir par exemple si Pajot est plus maladroit que Lemoine qui lui-même est plus maladroit que Matuidi ou Moutinho, et ce poste par poste, pour préconiser le recrutement de meilleurs passeurs pour les remplacer – et de même pour les tireurs. On peut cependant estimer que ce n’est pas une solution duplicable à souhait, qu’il y faudrait des moyens économiques que nous n’avons pas, et que quand même, un joueur de foot pro doit par principe, après tant d’années de formation et de carrière, réussir ses passes ou ses frappes.

On peut aussi – et c’est la ligne, contestée, défendue par Christophe Galtier – mettre en avant la fraîcheur des troupes. En effet, un joueur en manque de forme est un joueur qui ratera plus facilement les gestes les plus simples, d’autant plus aujourd’hui que le football est devenu un sport d’athlètes complets où la dimension physique n’a jamais été aussi déterminante. A supposer que cette explication soit recevable, des leçons seront à tirer en termes de préparation et de récupération pour la saison prochaine. En tout cas avec l’allègement du calendrier et, on espère, le retour de plusieurs blessés, elle sera nettement moins valable en 2016.

Peut-être faut-il plutôt se pencher sur la cohésion collective de l’équipe. Le fameux jeu à la nantaise, jeu de passe spectaculaire s’il en est, n’était pas pratiqué que par des magiciens du ballon rond ou des génies d’intuition toujours au top de leur forme. Seulement, les gammes et les motifs (au sens musical du terme ; l’équivalent du pattern anglais) étaient tellement intégrés qu’il n’y avait pas à réfléchir pour jouer. Telle combinaison permet de libérer tel espace que tel joueur doit aller occuper, et ainsi de suite. Et quand on a un coup d’avance, il est plus aisé d’être en bonne position pour réussir une passe ou une frappe. Du rôle crucial des séances d’entraînement…



Origine des données :
Depuis le début de la saison 2015-2016, nous avons collecté des données Opta concernant l’ASSE et d’autres équipes : initialement le PSG, OL, Monaco, OM, Bordeaux et Lille, auxquelles nous avons ensuite rajouté Nice, Caen et Angers au vu de leurs résultats. Les données concernent la possession, les passes, les tirs et les grosses occasions de tous les matchs de ces équipes en Ligue 1. Nous avons utilisé la version mobile du site fourfourtwo pour les obtenir et nous les avons structurées dans un fichier Excel que nous pouvons partager, si d’autres potonautes sont intéressés.