A force de jouer contre Lille, on commence à connaître les recettes de Rudy Garcia. Mais il faut croire que la réciproque est vraie pour l'ancien co-coach des Verts, puisqu'il a tenté quelque chose de nouveau pour contrer l'ASSE dimanche...en s'en prenant directement à la sentinelle du milieu.
On se souvient que la saison passée, les matches du printemps à Auxerre et contre ETG avaient montré que le 4-4-2 si efficace depuis quelques mois était bien bancal face à un adversaire regroupé et efficace en contre, ce qui aboutissait le plus souvent à une coupure de l'équipe en deux, annihilant et ses capacités offensives, et sa solidité défensive - d'où le passage progressif au 4-3-3 tel qu'on le connaît. En d’autres termes : le renforcement du milieu a permis de rééquilibrer l’équipe, et de la rendre tactiquement redoutable, capable d’être rapide en contre ou de poser le jeu selon l’attitude de l’adversaire. Bref, la création d'une fonction de sentinelle devant la défense a fait de Jérémy Clément (puis de Josuha Guilavogui) l'élément fondamental du jeu stéphanois.
C'est sur cette zone-là que Rudi Garcia a décidé d'attaquer les Verts : fracassez la clé de voûte, l'ensemble de l'édifice s'effondrera.
Le choix habituel
Habituellement, Rudi Garcia organise son milieu autour de trois fonctions :
- Une sentinelle, exclusivement tournée vers les tâches défensives : c’est le plus souvent Mavuba, ça a pu être Gueye ; c’est le pompier de service quand l’équipe adverse part en contre et le premier relanceur à la récupération
- Un soutien direct aux attaquants : c’est traditionnellement le rôle de Martin, suppléé au besoin par Pédretti ou Rodelin ; il apporte le surnombre dans l’axe et doit créer les espaces pour ses coéquipiers
- Un joueur au rôle intermédiaire, sorte de n°8 : j’appelle Balmont, avec Pédretti en recours ; il doit soutenir l’attaque quand Lille attaque de son côté (le droit) ou alors venir verrouiller l’axe en soutien de la sentinelle quand le jeu est de l’autre côté.
La tentative ratée de Coupe Moustache
Pourtant, en demi-finale de Coupe de la Ligue, Rudi Garcia a tenté quelque chose de très différent en titularisant Mavuba, Balmont, Martin ET Pédretti, avec une animation originale telle que décrite ici.
L’objectif était d’obliger les Verts à :
- Soit dézoner pour suivre les mouvements des attaquants et des milieux, et ainsi risquer l’apparition d’un point de fixation sur un côté, libérant ainsi l’aile opposée par exemple pour la montée de Digne ;
- Soit respecter le positionnement habituel, mais risquer de se retrouver en infériorité numérique aux abords de la surface.
Ca n’avait pas marché, notamment parce que Jérémy Clément bouchait les trous côté ligérien. Cette fonction de libéro devant la défense a admirablement rempli ce soir-là son rôle support de l’ensemble du système vert.
L’expérimentation de la dernière journée
Sans doute Rudi Garcia a-t-il phosphoré depuis. Si pour le 1/8è de Coupe de France il choisit d’aligner une équipe bis (avec Bonnart, Rozenhal, Bruno…), il devait mettre toutes ses forces dans la bataille du championnat, avec cette question : comment annihiler l’avantage donné à l’ASSE par la présence d’un libéro devant la défense ?
Le choix des hommes est un premier indice : Garcia titularise Gueye, un profil très défensif, à la place de Marvin Martin. Cela donne une organisation défensive qui surprend :
Comme vous le voyez, Gueye prend exactement la place de Martin, et se retrouve au niveau de Kalou. Comme si Clément défendait au niveau de Brandao. Quel intérêt ? Gueye se retrouve dans la zone de Guilavogui, pour l’empêcher de participer à la construction. C’est une solution plusieurs fois tentée par nos adversaires ; mais avec des joueurs offensifs moins à l'aise que Gueye pour défendre. En tout cas, quand St Etienne a le ballon, la clé de voûte est neutralisée. Pour le reste, 2 lignes de 4 à plat bien resserrées ; là non plus, rien que de banal.
L’originalité se voit surtout en phase offensive :
Le fameux Gueye, contrairement à Martin, ne se pose pas en relais milieu/attaque : il recule au contraire bien vite un cran plus bas, au niveau de Balmont ; ces deux-là monopolisent l’attention de Cohade et Lemoine. Mavuba se place lui en sentinelle devant la défense, dans un rôle à la Clément - assurer les arrières. Inversement, les deux ailiers (Rodelin et Payet) se précipitent dans l’axe. Résultat : Guilavogui ne peut aller boucher les trous sur les ailes à moins de rendre sa défense centrale vulnérable. Objectif atteint : le n°6 est court-circuité. Les montées de Béria et Digne peuvent alors se révéler redoutables.
Et voilà comment on fait passer une sale soirée à un Guilavogui pourtant en forme...