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Il y a des jours comme ça où on se prendrait à croire que la fête nationale a été avancée de deux jours: les drapeaux tricolores et la Marseillaise sont de sortie, des gens en uniformes bleus défilent... C'est beau une France qui rit, qui pleure, qui pleure, qui rit...


La feuille de match
Dimanche 12 juillet - Coupe du Monde - Stade de France (Saint Denis, France)
Finale: France 3-0 Brésil
Spectateurs: 80.000 - Arbitre: M. Saïd Belqola (Maroc)

Buteurs: Zidane (27e, 45e) et Petit (93e)

France : Barthez - Thuram, Leboeuf, Desailly, Lizarazu - Djorkaeff (Vieira 75e), Deschamps, Zidane, Petit, Karembeu (Boghossian 57e) - Guivarc'h (Dugarry 66e). Entraîneur: Aimé Jacquet
Brésil: Taffarel - Cafu, Aldair, Junior Baiano, Roberto Carlos - Cesar Sampaio (Edmundo 74e), Dunga, Rivaldo, Leonardo (Denilson 46e) - Bebeto, Ronaldo. Entraîneur: Mario Zagallo

Expulsion: Desailly (68e) pour la France

Le contexte du match
En 1986, quand j'ai aimé le football, j'avais 13 ans. En 1998, j'en avais 25... Je préfère finalement que les Bleus aient gagné cette fichue Coupe du Monde quand j'étais en âge de fêter dignement, mais dans la débauche, l'événement ! Hips !

En 1986, pour la demi-finale face à l'Allemagne, j'étais seule devant l'écran TV de mes parents... Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir un père footophile ! En 1986, j'ai pleuré comme un bébé.
En 1998, pour la finale face au Brésil, j'étais dans un bar grouillant de monde. En 1998, j'ai pleuré comme un bébé.

Il doit être 19h30 je sors de chez moi. Dans mes souvenirs, je ne suis déjà pas fraîche. On a dû commencer à fêter la finale en famille. Je croise un gamin des cités:"Zy va ! Vous allez perdre les Français ! 3-0 ! tu verras !!!". L'euphorie, les vapeurs éthyliques, le défi dans le regard de ce gamin, je crois, m'ont mise dans cet état d'égarement. 3-0 ? 3-0 genre: et 1 et 2 et 3 ? 0 ? N'importe quoi ma pauvre fille ! 
Mais au fait, comment a-t-il su que je supportais les Bleus, le morveux ? Ma Marbella bleu qui pète tunée au drapeau tricolore aurait-elle éveillé son attention ? Ou alors mon maillot édition 78 ressortie pour l'occasion par Adidas l'aurait-il mis sur la voie ? Non ? Il ne serait tout de même pas allé jusqu'à remarquer mes ongles peints minutieusement bleu-blanc-rouge (avec du tipex pour le blanc) ?


Entrée plus décontractée pour les Français que pour les Brésiliens

En tout cas, il avait deviné que j'allais supporter les Bleus. J'avais donc quitté ma famille pour rejoindre mes amis au Phénix. Je ne sais pas si ce bar existe toujours.
Au début de la Coupe du Monde, j'avais parié avec le patron une bouteille de champagne qu'on allait la gagner cette satanée Coupe du Monde, arguments à l'appui ! Lui n'a pas voulu me croire...

Je suis debout, je suis assise. Comme quand vous êtes dans votre lit et que vous n'arrivez pas à trouver votre position pour dormir. On va gagner, c'est pas possible autrement ! Je pense que je donne le tournis à mes amis qui n'en peuvent plus de me voir m'agiter... alors que le match n'a même pas commencé !
Roland et Larqué commentent le match. A l'époque, ils ne me sont pas encore insupportables.


Barthez percute Ronaldo à la 30e: le Brésilien ne s'en remettra pas

Les faits du match
Ça va bientôt faire une demi-heure que le match a commencé. On domine c'est terrible ! Et moi je ne me suis toujours pas assise plus de deux secondes sur ma chaise et je n'ai jamais eu le temps d'avoir un verre vide !

On joue la 27e minute quand Dieu décide de frapper un grand coup, mais pas avec sa main, avec sa tête cette fois: Roberto Carlos (il faut bien préciser son prénom, pour ne pas le confondre avec un gros chanteur terroriste) concède un corner. Emmanuel Petit va le tirer, à droite. Le pied gauche de Petit fait des merveilles: la balle atterrit sur la tête de Zizou qui a devancé Leonardo. Le naufrage du Titanicão est annoncé: France 1 - Brazil 0 !


Zidane prend le dessus sur Leonardo et ouvre la marque

J'y crois pas ! Je saute de joie ! J'embrasse tout le monde ! Tiens, je ne le connais pas lui, tant pis !!!
Mais mon bonheur est de longue durée: 18 minutes plus tard, Dieu frappe à nouveau à la porte ! Toc toc ! Y a quelqu'un ? Oui ben tant pis, je rentre quand même ! Cette fois, c'est le corner tiré par Youri que la tête de Zidane coupe au premier poteau. La balle passe entre les jambes de Roberto Carlos et pas de Taffarel et pis ça fait 2-0 !!!


Roberto Carlos et Dunga ne peuvent empêcher Zidane de doubler la mise

Mi-temps.
Si j'allais faire une pause au bar ?

Le match reprend. On mène 2-0 mais je ne parviens toujours pas à m'asseoir, malgré mes tentatives réitérées.
Faut dire qu'on l'a méritée cette finale et qu'elle n'est pas venue sans mal: au but en or contre le Paraguay, aux tirs aux buts contre les Italiens, à un Lilian Thuram touché par la grâce divine contre la Croatie... On a tremblé lors de tous ces matches ! Alors là, c'est l'angoisse malgré ce 2-0 et cette domination sans concession.

Non mais vous vous rendez compte : la France est en train de battre le Brésil en finale de la Coupe du Monde !!! Non mais sans déc', même dans mes rêves les plus fous, je ne voyais pas ça ! Même Ronaldo reste muet...
Et ce Guivarch qui croque qui croque depuis le début du match ! A l'heure de jeu, on aurait pu mener 4 ou 5-0 sans problème. Bien que même avec cette avance j'aurais continué à faire les 100 pas...

Les Brésiliens ont eu une superbe occase à la reprise quand Roberto Carlos frappe la transversale et que Ronaldo qui a suivi voit sa frappe à bout portant arrêtée par Barthez. Mon coeur s'est arrêté une seconde, dis donc !
Quand arrive la 67e minute. Marcel, mais c'est quoi cette vilaine faute alors que tu as déjà un carton jaune ? Eh ben voilà, on va jouer à dix ! J'ai pas fini de tourner moi !


M. Belqola expulse Desailly pour un 2e carton jaune

Le Brésil attaque alors. Mais la charge est trop dispersée pour être efficace. Une somme d'individus de talent ne donne pas forcément une équipe talentueuse.

Eh puis le match va être bientôt fini. On n'est pas tout à fait dans les arrêts de jeu quand un corner est sifflé par les Brésiliens. Le corner est mal tiré. Dugarry récupère la balle et peut lancer la contre attaque plein centre... Je crois que tout le monde a cette scène dans la tête: passe à Vieira sur la gauche qui passe en profondeur à Petit qui pénètre dans la surface et Goooooooooooooooooooooallllllllll !!!! Gooooooooooal gooooooooal goooooooaaaaaaalllll !!!!!


Taffarel et Cafu assistent impuissants au clou du spectacle

Petit court, tombe par terre... On pleure tous. On est beaux, on s'aime tous, on est champions du monde et bien vivants malgré les propos de Thierry Roland !
On a gagné, et splash ! Me voilà aspergée de champagne ! Le patron du Phénix n'avait pas oublié notre pari ! Quant à moi, je lui demande une paire de ciseaux. Couic couic. coupées les deux nattes ! Tiens copine, mon scalp, pour fêter la victoire !


Zidane, l'homme du match, soulève le trophée

Direction Jean-Jaurès !
Avec une copine, on plonge dans la fontaine. L'eau doit bien nous arriver à mi-mollet, mais on hurle, on se noie !!! Tout comme mon chéquier, mes clopes, mon agenda etc... qui se trouvaient malencontreusement dans mon sac que je n'avais pas pris le soin de retirer en plongeant dans la piscine municipale de Marengo...

Les souvenirs sont confus ensuite... Je me revois tout de même assise sur un terre-plein, au milieu de la voie des trams, pleurant comme un bébé. Ma copine avec qui j'avais failli me noyer qui s'inquiète et me demande ce que j'ai: "On est Champions du Monde... bouhhhhhhh !!!!"
Voilà, hélas ! L'histoire ne se répètera pas en 2006 ! Mais de toutes façons, rien ne vaut une première fois, surtout quand elle a été aussi belle !

Le Saviez-vous ?
- "Et c'est fini ! L'équipe de France est championne du monde ! Vous le croyez cà ? Je crois qu'après avoir vu cà, on peut mourir tranquille". Cette phrase de Thierry Roland, prononcée au coup de sifflet final restera l'une des plus célèbres du commentateur sportif, lui-même disparu en 2012.

- Cette victoire 3-0 est la plus large enregistrée en finale de Coupe du Monde sans que le vainqueur n'encaisse de but.

- C'est le premier titre mondial de la France mais son second sacre majeur après le titre de champion d'Europe 1984. La France remportera plus tard l'Euro 2000, les Coupes des Confédérations 2001 et 2003, la Coupe du Monde 2018 et la Ligue des Nations 2021. Quant au Brésil, alors auréolé de 4 titres (1958, 1962, 1970, 1994), il n'échoue que pour la seconde fois en finale après la catastrophe du Maracanaço en 1950 face à l'Uruguay (défaite 2-1 à domicile). Il se rattrapera en devant Champion du Monde pour la 5e fois quatre ans plus tard au Japon et en Corée.

- Parmi les Bleus vainqueurs, un Stéphanois: Aimé Jacquet, le sélectionneur, né à Sail-sous-Couzan (Loire) et ancien Vert de 1960 à 1973. Le défenseur Laurent Blanc, suspendu pour cette finale, avait lui, évolué à l'ASSE de 1993 à 1995.

- L'arbitre de ce match, M. Belqola (Maroc) est le premier Africain à diriger une finale de Coupe du Monde. Terrassé par un cancer, il décèdera en juin 2002, à l'âge de 45 ans.

- Que s'est-il passé avant le match concernant Ronaldo ? Pris de convulsions et hospitalisé dans l'après-midi, perclus de douleurs aux articulations, il joue diminué malgré qu'il soit le Brésilien le plus dangereux du match. Malgré tout, il devra s'expliquer sur les raisons de ses problèmes physiques face à une commission d'enquête parlementaire brésilienne.

- Exceptés les deux gardiens de but remplaçants (Bernard Lama et Lionel Charbonnier), tous les joueurs français auront participé à un match au moins lors de cette Coupe du Monde. Bernard Lama avait d'ailleurs décliné la titularisation lors du match de poule face au Danemark

- Seulement deux buts auront été encaissés par la France (par Davor Suker le Croate et par Michael Laudrup le Danois sur pénalty) pour 15 marqués, qui enregistre donc les meilleures défense et attaque du tournoi.

- De cette soirée nous resteront les images des Champs-Elysées totalement envahis comme au temps de la libération, les projections (totalement illégales) des visages des joueurs sur l'Arc de Triomphe par Adidas, le chant "Et un et deux et trois zéro" et le retournement de veste du journal "L'Équipe", pourfendeur d'Aimé Jacquet avant la compétition...


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