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Le parcours de ce jeune gardien de but fut longtemps une énigme pour les passionnés de l'ASSE. Surdoué pour les uns, surcoté pour les autres, Kameni dut partir loin du Forez pour finalement mettre tout le monde d'accord...
Il y a ceux qui se demandaient à quoi il servait. Il y a ceux qui se demandent comment on a pu passer à côté. Et il y a ceux qui avaient compris ce que l'ASSE avait sous la main...
Carlos Idriss Kameni voit le jour le 18 février 1984 à Douala, au Cameroun. A six ans, il découvre le football dans les rues de Yaoundé. Jouer gardien de but dans la rue n'est pas facile mais en Afrique, c'est un poste généralement disponible. Et pourtant, même s'il joue avant-centre à l'école, il montre de belles dispositions dans les cages.
A douze ans, il perfectionne des qualités naturelles déjà bien développées à la Kadji Sport Académie à Douala. Partenaire du centre de formation camerounais, le club du Havre lui offre un essai en mai 1997. Carlos le transformera dans le plus vieux club de l’hexagone, en intégrant définitivement le centre de formation du HAC. Il écrit une première ligne à son palmarès en remportant le titre de champion de France des moins de 15 ans en 1999.
Kameni: 16 ans et déjà international camerounais
Mais c’est avec les Lions Indomptables que ce gardien de but surpuissant (1m84 pour 78 kg) explose littéralement et bâtit sa réputation. A 15 ans, il honore sa première sélection de jeunes avec le Cameroun, un maillot qu’il ne va plus quitter. Avec lui, son pays décroche une médaille de bronze à la Coupe d’Afrique Juniors en 1999 au Ghana. Il enchaîne ensuite avec la Coupe du Monde junior au Nigeria (8e de finale).
En 2000, à 16 ans seulement (!), il fait sa première apparition chez les A au cours d’un tournoi international en Corée. Quelques mois plus tard, il entre dans la légende en devenant le plus jeune footballeur à remporter une médaille d’or aux Jeux Olympiques à Sydney. Titulaire à partir des quarts de finale, il est l’un des principaux artisans du sacre Camerounais. Décisif en finale face à l’Espagne, où il bloque deux penalties, il devient un héros national.
Kaméni sauveur des Lions Indomptables en finale des JO de Sydney
Il enrichit son palmarès d'une Coupe d'Afrique des Nations en 2002, même s'il ne joue pas un match, et participe à la Coupe du Monde de la même année, sur le banc également. Il devient quand même titulaire juste après le Mondial asiatique et est l'un des principaux acteurs du beau parcours camerounais à la Coupe des Confédérations 2003. Bien qu'endeuillée par la mort subite de Marc-Vivien Foé en demi-finale face à la Colombie, la sélection camerounaise tient tête aux Bleus en finale, Kaméni ne s'inclinant que sur un but en or de Thierry Henry lors des prolongations (défaite 1-0). La planète football reconnaît alors ce jeune espoir au poste de gardien.
Henry crucifie Kaméni pour s'adjuger
la Coupe des Confédérations 2003
Pour autant, sa carrière au Havre ne décolle pas... Considéré comme le quatrième gardien du club (derrière Vencel, Blondel et Douchez), il fait quelques essais à l'étranger (Juventus, Peruggia, Espanyol) mais à chaque fois, le HAC ferme la porte et fait monter les enchères. Fin janvier 2003, Frédéric Antonetti, alors entraîneur des Verts, décide de renforcer son effectif pour pallier la blessure de Dominique Casagrande, habituel titulaire. Kameni devient donc stéphanois, par prêt interposé. Malheureusement pour lui, Jérémie Janot va s’imposer (et pour longtemps) comme l’inamovible dernier rempart de la défense verte. Ce dernier saura d'ailleurs reconnaître l'importance de Kaméni dans sa carrière: "C’est avec l’arrivée de Carlos Kameni, que tout le monde présentait comme un phénomène, que le secteur sportif ici a changé de regard sur moi. Il y a eu un élément de comparaison, et à l’entraînement on a dû se rendre à l’évidence que je n’étais pas un mauvais gardien (...) C’est pour ça que je remercie Carlos, surtout avec la carrière qu’il a eu ensuite, parce que c’est grâce à lui que tout a changé"
Pour Kaméni, c'est le banc. Il sait qu'il a peu de chance d'apparaître sur le terrain et il ronge son frein. Pourtant, à l'entraînement, il impressionne les observateurs qui se demandent si ce gardien africain ne devrait pas avoir sa chance en équipe 1, quand bien même celle-ci va mieux. En vain: en tout et pour tout, Kameni ne jouera que 5 matches en CFA sur la saison. Il retourne, penaud, au HAC, occuper sa place attitrée, là bas, tout au bout du banc.
Kaméni avec la réserve du Havre fin 2002
Avec seulement 4 matches officiels au compteur depuis son arrivée en France, Carlos Idriss fait plusieurs nouvelles tentatives infructueuses pour se trouver un club en dehors de l’hexagone. Ce n’est ainsi qu’une histoire de permis de travail refusé qui l’empêche de signer en Premier League à Wolverhampton.
Mais à l’aube de la saison 2004-05, un club se manifeste et lui fait enfin confiance: l’Espanyol de Barcelone. Kaméni quitte l'hexagone pour la péninsule et devient gardien titulaire en Liga, y jouant l'intégralité des matches de championnat sous le maillot catalan. Il y exprime enfin l’immense potentiel qu’on lui soupçonnait et reste fidèle au club barcelonais durant 7 saisons, disputant 229 matches officiels. Sa carrière est lancée, il est enfin reconnu comme un grand gardien, comptant parmi les meilleurs de son continent.
Il ne lui faut que deux ans pour inaugurer son palmarès en club d'une Coupe du Roi, acquise face au Real Saragosse (4-1) en 2006. La saison suivante, logiquement qualifié pour la Coupe de l'UEFA, l'Espanyol Barcelone effectue un parcours de rêve, se débarrassant successivement de l'Ajax Amsterdam, de Livourne, du Maccabi Haïfa, du Benfica Lisbonne et du Werder Brême. Titulaire en championnat et en Coupe d'Espagne, Kameni voit son entraîneur Ernesto Valverde lui préférer le Catalan Gorka Iraizoz durant toute la compétition euopéenne. Opposés à leurs compatriotes du FC Séville en finale, Kameni observe du banc ses coéquipiers s'incliner aux tirs au but (2-2, 3-1 tab) à Hampden Park. Comme si la malédiction de Glasgow le poursuivait depuis son passage à l'ASSE...
Kameni s'impose face à Gonzalo Higuain, du Real Madrid
Mais la sélection nationale est là pour lui amener d'autres joies et d'autres peines: Carlos Idriss a ainsi l'occasion d'être finaliste de la CAN 2008 en tant que titulaire (défaite 1-0 face à l'Egypte en finale) puis de participer à la Coupe du Monde 2010. Mais bien qu'habituel titulaire dans les buts camerounais, le sélectionneur Paul Le Guen lui préfère inexplicablement son remplaçant Souleymanou Hamidou qui jouera les 3 matches sans pouvoir empêcher son pays d'être éliminé au premier tour par le Japon, les Pays-Bas et le Danemark.
Absent du mondial brésilien de 2014, Kaméni n'aura ainsi jamais eu la chance de disputer un match de Coupe du Monde, barré par d'autres gardiens estampillés Ligue1: Charles Itandje et Guy-Roland Ndy Assembé...
Kameni lors des éliminatoires de la World Cup 2010
Éliminé en quarts de finale de la CAN 2010 puis absent avec son pays de l'édition 2012, Carlos sent le vent tourner en janvier de la même année alors qu'il est relégué à 28 ans comme 3e gardien de son club par le nouveau coach catalan Mauricio Pochettino. Kameni arrive en fin de contrat et dispose encore d'une belle valeur marchande, ce qui lui permet d'être transféré gratuitement dans le club andalou de Malaga où il n'est malheureusement que la doublure de Wilfredo Caballero. D'abord n°2, essentiellement destiné à jouer lors de la Coupe du Roi, il s'impose finalement dans les buts du Malaga CF malgré l'arrivée du Mexicain Guillermo Ochoa, disputant un peu plus d'une soixantaine de matches en 3 saisons. Il y réussira notamment le petit exploit de rester imperméable face au FC Barcelone en 7 oppositions.
Kameni heureux à Malaga en 2012
Alors que nombre de gardiens commencent véritablement leur carrière peu avant la trentaine, Kaméni est déjà un briscard à cet âge-là et la sienne commence à décliner. Il la poursuit en Turquie, au Fenerbahce, où il devient le n°2 du vétéran Volkan Demirel en 2017. Mais le recrutement d'Harun Tekin le relègue en n°3 aussi voilà Carlos tout nu, tout bronzé mais surtout sans club !
Après avoir annoncé sa retraite, il trouve finalement refuge à Djibouti, à l'AS Arta Solar 7 (mais oui) à l'été 2021 où il est sacré champion sans jouer. puis le voilà à Santa Coloma (Andorre) l'année suivante où il joue cette fois deux rencontres pour enrichir son palmarès d'un nouveau titre de champion national. Sa carrière se poursuivra-t'elle à Saint-Marin ou au Lichtenstein ?
"Je joue dans le championnat andorran,
sortez-moi de là !"
Nul doute qu’on entendra encore parler de ce spectaculaire et athlétique goalkeeper des temps modernes que personne à l'ASSE n'a su déceler... ou bien qui est simplement arrivé au mauvais moment.