Âgé de 38 ans, l'arbitre picard officiera en L2 cette saison. Tout juste sorti de quelques jours de stage à Aix-les-Bains, il évoque pour Poteaux-Carrés les lignes conductrices de l'arbitrage cette saison. L'occasion pour les supporters de plonger un peu dans le quotidien des « hommes en noir » du haut niveau. Entretien réalisé avec un passionné qui compte Geoffroy-Guichard parmi ses destinations footballistiques favorites !


Le stage des arbitres de Ligue 2 s'est tenu il y a quelques jours à Aix-les-Bains.

Avant tout, ce stage est fait pour nous retrouver et « parler la même chose », même si nous n'allons pas uniformiser complètement l'arbitrage et toutes les décisions que nous allons être amenés à prendre sur la saison. Le travail se concentre sur la vidéo, nous faisons le plein d'images, d'actions de jeu. Nous essayons ensuite, tous ensemble, de définir la bonne décision. C'est-à-dire qu'à un moment, on arrête l'image et on nous demande : « Là, qu'est-ce que vous faites ? ». Le but de cet échange, de ces discussions est que tout le monde, à la fin, prenne la même décision.

Alors, ce n'est pas ça qui va faire qu'il n'y ait pas de problème à l'arrivée. Il peut en arriver à n'importe quel moment. Nous sommes tous des êtres humains et chacun a une « philosophie » qui est différente.

Quels sujets y ont été abordés ? Sur quelles phases de jeu l'accent va-t-il être mis cette saison ?

Tout tourne autour du respect : respect du joueur, donc de l'adversaire, respect du jeu et respect de l'arbitre. Le premier axe concerne donc avant tout le respect de l'intégrité physique de l'adversaire. Tout ce qui est tacle irrégulier, coup de coude, etc, est à proscrire à tout prix.

Le deuxième est le respect du jeu : la simulation, les tirages de maillot... autant d'éléments qui, sans être méchants ni violents, gangrènent le football. S'il n'y avait pas ces actes-là, il y aurait plus d'actions, plus de buts...

La troisième chose, c'est le respect de l'arbitre. Il est intolérable de voir l'arbitre reculer de vingt mètres sous la pression des joueurs lorsqu'il siffle un penalty ou un coup-franc. Ce sont des choses que l'on ne voit que dans notre sport !

Pour revenir sur « l'uniformisation de l'arbitrage », dans l'ensemble des familles du football ou ce qui gravite autour comme les supporters, on a plutôt tendance à penser que des efforts supplémentaires pourraient améliorer la situation. Pourquoi est-ce si difficile à obtenir ?

C'est très simple ! Si vous prenez une décision de justice à Bordeaux (NDLR : Jean-Charles vient de se faire des amis chez les Magic Fans...), elle ne sera peut-être pas la même à Strasbourg. Parce que ce sont des êtres humains qui prennent la décision. Pourtant, ce sont les mêmes textes de loi qui sont appliqués. Il est simplement impossible d'obtenir une uniformité totale des décisions, à partir des 17 Lois du Jeu.

Par contre, on tente de s'en approcher au maximum : si un joueur part seul au but et est victime d'une faute, tout le monde va exclure le fautif. C'est entré dans les moeurs, car c'est sur ces actions-là que l'on travaille. Par l'utilisation de la vidéo, en particulier, on essaie de se mettre en situation devant l'écran pour savoir si tout le monde va prendre la même décision ou pas.

Maintenant, chacun a une « fibre » différente. Nous sommes tous des êtres humains et nous n'allons donc pas tous pouvoir arbitrer exactement de la même façon. Et même, ce ne serait pas souhaitable !

Cette année, il n'y a pas forcément de grosse modification des Lois du Jeu, ni de consigne particulière passée aux arbitres de manière très médiatique. Cela va-t-il permettre aux arbitres de débuter la saison dans le calme et sans le tapage qu'on peut rencontrer autour d'une nouvelle règle ou consigne ?

En effet, les trois axes que j'ai évoqués sont les mêmes et il y a très peu de modifications des Lois. Cela va permettre à tout le monde de continuer sur la même lancée que l'année dernière, tout en sachant que les arbitres de Ligue 1 et de Ligue 2 vont dans les clubs, pour leur présenter toutes les nouveautés de l'arbitrage sur la saison.

Cette action est récente (NDLR : ces visites ont lieu en ce moment, pour la deuxième année consécutive). Quels bénéfices en tire-t-on ?

C'est une très bonne chose ! Demain (NDLR : interview réalisée le 29 juillet), je vais au Havre présenter le DVD de la Direction Nationale de l'Arbitrage à destination des équipes. Le côté très positif est que ça nous permet de nous voir dans un contexte autre que le match. Avant, pendant et après le match, chacun est dans sa bulle, dans sa mission. L'entraîneur, le joueur et l'arbitre, on ne se côtoie pas. Pas beaucoup, en tout cas. Alors que là, on va pouvoir discuter à bâton rompu, des situations qu'ils auront envie d'évoquer. Et ce sera pareil pour le coach.

Surtout, on va pouvoir parler de tout et de rien : de nos vies personnelles, de nos vies privées, de nos vies professionnelles, soit, en fin de compte, de dédramatiser par rapport au week-end lorsqu'on se voit...

On a l'impression que les arbitres ont systématiquement les mêmes consignes : respecter l'intégrité du joueur... N'y a-t-il pas de « nouvelles » fautes qui émergent (les coups de coude …) ?

L'année dernière, la « nouveauté » a surtout concerné les semelles, c'est-à-dire arriver le pied en avant en donnant un mouvement du haut vers le bas. Elles ont occasionné des blessures graves, à Lille ou Monaco par exemple. On se rend compte qu'il y en a de plus en plus.

Comment fait-on pour lutter rapidement contre ça ?

Nous avons eu des informations d'une personne de la DTN, dirigée par Gérard Houllier. Il nous a clairement dit : « un joueur ne doit jamais attaquer le ballon de haut en bas ». Quand le pied vient de haut en bas, il n'y a pas faute à chaque fois, mais ça nous permet de resserrer notre attention. On sait, s'il y a contact, qu'il y a risque de blessure et que le geste était anormal. Ce sont des pistes qui permettent de sanctionner au mieux.

Après, l'arbitrage n'est pas une science exacte, ce ne sont pas les mathématiques. Il y aura toujours des choses très compliquées à déceler. Cependant, cette attention sur les semelles est typiquement le genre de message que je ferai passer lors de ma visite au club du Havre.

Passons à la préparation physique. Les vacances ont été courtes (NDLR : Jean-Charles a déjà officié en Coupe de la Ligue, Laval – Arles/Avignon, le 25 juillet). Pouvez-vous nous détailler un peu le programme d'entraînement-type d'un arbitre ?

Pour bien reprendre, il ne faut surtout pas arrêter ! Entre la fin du championnat et la reprise qui a lieu généralement cinq semaines avant le début de la saison suivante, on peut éventuellement se le permettre. Mais, passé la trentaine, c'est très compliqué d'arrêter complètement pendant un mois et de rechausser ensuite les crampons. S'entretenir, ça veut dire qu'entre la dernière journée, fin mai, et la reprise, fin juin, il faut maintenir une activité physique. D'ailleurs, ça n'est pas forcément directement lié à la pratique de l'arbitrage : on peut commencer par pratiquer la marche, le badminton, le VTT, etc.

On a la chance d'avoir à la DNA une personne détachée de la DTN qui s'occupe des arbitres. Elle nous a fait un programme spécifique et il n'y a plus qu'à suivre ce programme à la lettre !

Un programme à base de jogging essentiellement ?

Tout à fait. D'abord, le foncier ! Après, c'est de l'interval training, des séances de fractionnés. Depuis trois ou quatre ans, une personne nous suit dans notre travail physique. Chaque mois, nous devons lui envoyer le planning de nos entraînements qu'elle se charge ensuite d'étudier et de corriger si besoin est. C'est un plus aujourd'hui.

Au niveau des entraînements, c'est assez simple : entre trois et quatre par semaine. Si j'arbitre le samedi, le dimanche est consacré au repos. Le lundi, récupération avec un kiné, à base d'étirements, etc. Le mardi, la « grosse séance », où je vais travailler la PMA, à travers l'interval training (des 15"/15 ou 30"/30). Le lendemain, ce que j'appelle une récupération assez active : faire du badminton, du VTT, pas forcément à un rythme très élevé, mais pour maintenir l'activité. Le jeudi sera plutôt consacré à une séance « ludique » sur les courses que l'on retrouve lors d'un match. Si on peut caser une quatrième séance, elle concernera la vitesse.

Entretien réalisé avec pitchdobrasil.