On peut contester la validité du but de Max-Alain Gradel dimanche - surtout si on est Montpelliérain - mais force est de constater que les décisions des arbitres sur cette action correspondent parfaitement à l’époque arbitrale.
Le reproche est récurrent à l’encontre des arbitres français : ils seraient pinailleurs, siffleraient trop au point de n’empêcher le jeu de se développer et privilégieraient la règle à l’esprit en distribuant trop de cartons. C’est en partie faux (voir l’article consacré au sujet par les Cahiers du Football), mais suffisamment préoccupant pour que les dirigeants des arbitres décident de prendre le sujet à bras le corps depuis plusieurs saisons maintenant. Les consignes, les stages d’arbitres sont de plus en plus axés sur ce thème, les évaluations des arbitres donnent clairement un bonus à l’application de l’avantage. Le tout appuyé par une Ligue des Champions célébrée pour le rythme d’un jeu où l’absence de coup de sifflet provoque rarement des réactions de la part des joueurs et des évolutions de règles, en particulier celle du hors-jeu, sont réalisées pour clairement favoriser le spectacle et le nombre de buts.
Revenons sur le but de Gradel. L’action est clairement à découper en deux parties très distinctes. Dans un premier temps, un centre longue distance d’Hamouma tente de trouver Erding. Jourdren a bien anticipé et plonge vers l’avant pour boxer le ballon. Ce faisant, il est touché par l’attaquant stéphanois qui cherche à éviter le contact et tombe. Il se relève cependant aussitôt car le danger n’a pas été écarté. À l’entrée de la surface de réparation, Corgnet gagne son duel de la tête et transmet à Gradel sur sa gauche. Au moment de la frappe victorieuse du Petit Poulet d’Abidjan, Erding se trouve en position de hors-jeu. Il le sait pertinemment, puisqu’on le voit se contorsionner pour être sûr de ne pas toucher le ballon. Frédéric Haquette, l’assistant de Benoît Bastien ne bronche pas et le but est validé.
La première question à se poser est donc : l’arbitre devait-il siffler une faute de l’avant-centre sur le gardien ? Il s’est forcément posé la question. Sur les images, on le voit clairement fixer son regard un instant sur le duel entre les deux avant de se focaliser sur celui de Corgnet et Marveaux. Finalement, il décide de laisser le jeu se poursuivre. Trois points ont dû le conforter dans son raisonnement. Primo, le contact intervient après le dégagement des poings et n’a semble-t-il pas gêné le Montpelliérain dans son intervention. Secundo, il est finalement très léger et Erding cherche à l’éviter. Tertio, Jourdren se relève immédiatement et continue à jouer. Convenons en conclusion qu’il s’agit typiquement d’une action à l’appréciation de l’arbitre qui doit en juger en fonction de ce qu’il perçoit. Siffler faute n’aurait pas été scandaleux, aurait probablement constitué la décision la moins risquée pour lui. Laisser jouer, au contraire, l’expose aux contestations, mais correspond à la vision de l’arbitrage souhaitée par les instances. Dans l’esprit de l’arbitre, il s’agissait d’une « micro-faute » à ne pas siffler et la décision s’est révélé payante : un but a été marqué sans que cela soit la conséquence d’une erreur manifeste. Il y a donc peu de risque qu’on lui ait reproché quoi que ce soit dans le compte-rendu qui a été fait sur son match.
Finalement, celui qui rend le plus service au « jeu », c’est peut-être tout simplement Geoffrey Jourdren. En continuant à jouer malgré le contact avec Erding, en ne cherchant pas une excuse dans la position du Turc sur le but encaissé, il a rendu les décisions des arbitres plus faciles, plus « incontestables » puisque incontestées. La preuve que l’arbitrage est sans doute avant tout une question d’éducation, d’apprentissage de la part de tous les acteurs du football. La question n’est pas de défausser les responsabilités des arbitres sur les joueurs mais simplement de rappeler que les comportements sur le terrain, la sérénité des décisions doivent forcément passer par un travail commun : aux joueurs de mieux accepter qu’un contact ne soit pas sifflé, aux arbitres de mieux expliquer leurs décisions et le jeu, son rythme surtout, seront forcément gagnants sur le long terme.
Ceci nous permet une ultime digression sur la confusion totale entre moyens préventifs et moyens répressifs dans les commentaires des décisions des arbitres. Non, il ne fait plaisir à aucun arbitre de « tuer un match » en appliquant la « double peine » lorsqu’un joueur empêche le ballon de pénétrer dans le but de la main. Mais il est indispensable de rappeler que le sens de cette règle est préventif avant tout : elle a été créée pour, à terme, ne pas avoir à être appliquée, parce qu’aucun joueur n’aura plus le réflexe de commettre ce genre de geste, de peur d’être exclu. En attendant cette ère de la sagesse, appliquer le sévère règlement restera la seule arme de l’arbitre en la matière.