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Comment construire une épopée européenne. Première leçon: perdre au match aller...
La fiche du match
Mercredi 17 septembre 1969 - Coupe d'Europe des Clubs Champions - Grünwalder Stadion
16e de finale aller: Bayern Munich 2-0 ASSE
Spectateurs: 40.000. Arbitre : M. Finney (Angleterre)
Buteurs : Brenninger (22e) et Roth (53e)
Bayern Munich: Maier - Koppenhoffer, Beckenbauer, Pumm - Schwarzenbeck, Ghilhauser- Michl, Roth, Muller, Scmidt, Brenninger. Entraîneur: Branko Zebec
ASSE : Carnus - Durkovic, Mitoraj, Bosquier, Polny - Broissart, Jacquet - Keita, Hervé Revelli, Larqué, Bereta. Entraîneur: Albert Batteux
Le Bayern Munich en 1969-70
Le contexte du match
1969-70 est pour les Verts la saison de l'esquisse du rêve européen.
Contrairement à la saison précédente, l'ASSE a cassé sa tirelire et, à une époque où les effectifs sont plutôt stables, a enrôlé deux nouveaux joueurs durant l'été: José Broissart et l'international yougoslave Spasoje Samardzic. Venu de Sedan, Broissart compte déjà à 26 ans, six années de professionnalisme (il a débuté au Racing Club de Paris à l'âge de 17 ans) et est international français. A Saint-Étienne, on compte beaucoup sur ce garçon rigoureux qui joue au milieu de terrain. Malheureusement de sérieux ennuis musculaires ne lui permettront pas de rendre les services escomptés. Saint-Étienne n'aura pas plus de chance avec Samardzic qui, blessé, n'est pas disponible pour ce déplacement à Munich, le premier de l'histoire des Verts.
Mais ces deux recrues seront au rendez-vous du grand défi européen d'octobre 1969 contre le Bayern: une page d'histoire dans la vie du club, qui servira longtemps de référence.
Franz Beckenbauer mène ses hommes vers la victoire en ce match aller
Ce match aller commence par un exposé d'Albert Batteux. L'entraîneur stéphanois parle pendant une heure. Une heure qui passe vite. Roger Rocher dira après cette conférence: ''Jamais Batteux n'aura été aussi précis, aussi vivant. Jamais l'attention n'aura été aussi soutenue". Plus tard, comme pour répondre à Rocher, Batteux aura ce mot: "S'il suffisait de bien parler pour gagner des matchs, ce serait merveilleux..."
Car ce jour-là, à Munich, dans l'ancien stade du Bayern, les mots ne suffiront pas.
Tout se présente bien pourtant pour le Champion de France. Saint-Étienne a maintenant de la valeur et on lui prête des ambitions européennes. Pour la première fois, dix ans après le Stade de Reims, la presse croit en une équipe française. Les supporters aussi. On remarque des drapeaux tricolores dans les tribunes. Le football français, qui cherche ses couleurs, en est encore au bleu-blanc-rouge. Le Vert viendra plus tard. Dans un vœu qui lui est si cher et qui reviendra si souvent, Jacques Ferran écrit dans l'Équipe: "Nous espérons voir se matérialiser un nouveau progrès de notre football".
Les 11 Stéphanois venus ici pour souffrir
Les faits du match
L'espérance va durer un quart d'heure.
Saint-Étienne n'affiche aucun complexe et conforte dans leur idée ceux qui ont misé sur les Verts. Un match dans le match est celui qui oppose Keita à l'arrière autrichien Pumm. Qualité d'abord: Keita commence par prendre le dessus et Sepp Maier connaît deux chaudes alertes. Mais le plus grand danger pour lui, survient à la 18e minute, lorsque Bereta après un slalom au coeur de la défense allemande, talonne pour Larqué. Celui-ci place un tir puissant qui frôle le montant droit du but de Maier. Le Bayern sera plus chanceux et plus réaliste à la fois: une occasion, un but. L'attaque se développe sur l'aile droite par Roth, Durkovic et Mitoraj cafouillent devant lui. Roth parvient à centrer pour Brenninger, l'ailier gauche, qui marque sans opposition.
C'est un coup dur, mais pourtant les Stéphanois continuent de se hisser au niveau du Bayern. Un obstacle pour eux, quand même: Franz Beckenbauer, un futur Empereur, encore sans couronne. Il maîtrise toutes les situations. En seconde mi-temps, il va même diriger la manœuvre. Et bien vite, les Verts vont céder.
A la 50e minute, Roth, encore lui, s'extirpe d'un paquet de défenseurs et place un tir sur le poteau. Trois minutes plus tard, rageur, il foudroie Carnus d'un tir surpuissant. Les Verts manquent d'ailleurs de toucher le fond. Trois ballons cadrés viennent s'écraser sur leurs poteaux, dont deux encore, frappés par le même Roth. On en restera là. Réaliste, Georges Carnus ne se cache pas derrière ses poteaux pour reconnaître: "On ne peut pas dire que nous ayons été particulièrement malheureux ce soir à Munich".
Et Zebec, l'entraîneur yougoslave du Bayern, comme gagné par un pressentiment, laisse tomber: "Un résultat de 2-0 n'est guère suffisant en Coupe d'Europe, surtout quand l'adversaire a de la valeur. Je ne juge pas Saint-Étienne sur son match d'aujourd'hui. Je suis persuadé que le Champion de France vaut beaucoup mieux. Je mettrai mes joueurs en garde avant le match retour".
Un avertissement qui sonne comme une prophétie. Les Stéphanois aussi ont pris note. Rendez-vous le 1er Octobre à Geoffroy-Guichard...
Bernard Bosquier fait la rencontre du meilleur défenseur de son époque
Le Saviez-vous ?
- Le match retour à Geoffroy-Guichard constitue le premier exploit européen de l'ASSE sur la scène européenne puisque les Verts s'imposeront 3-0 ! Suite à cet improbable retournement de situation, ils rencontreront le Légia Varsovie en 8e de finale qui mettra fin au rêve (défaites 1-2 et 1-0)
- Le vainqueur final de la C1 sera le Feyenoord Rotterdam, qui après s'être débarrassé du Légia Varsovie en demi, viendra à bout du Celtic Glasgow lors de la finale à San Siro (2-1 ap). Finale, Glasgow, cette édition 1970 est décidément bien prémonitoire...
- Ce match est le premier d'une série de 5 matches face au terrible Bayern Munich. Verts et blancs se retrouveront 3 fois en Coupe d'Europe des Clubs Champions, dont bien sûr lors de la fameuse finale de Glasgow. Moins connue, leur dernière opposition à ce jour se déroulera à Geoffroy-Guichard en match amical durant l'été 1987 et verra encore une fois la victoire des Allemands (2-1)
- Franz Roth est un nom qui sonne mal dans les oreilles stéphanoises. C'est en effet ce canonnier à la lourde frappe qui crucifiera Curkovic en 1976, en marquant l'unique but de la finale de C1. Outre ce dernier, on retrouvera Maier, Schwarzenbeck, Beckenbauer et Müller à Glasgow. Seuls Larqué et Revelli joueront ces deux matches côté Verts.
- José Broissart restera 4 saisons à l'ASSE, disputant un peu plus de 100 matches avec les Verts, pour seulement 4 buts. Il fait partie des nombreux transfuges à aller voir si l'herbe n'est pas plus verte du côté des vilains de Gerland, où il terminera sa carrière en 1980.
Sources
- Coupes d'Europe Story - Les Verts 1957/1981 - Patrick Mahé, Dominique Grimault
- La fabuleuse histoire de Saint-Étienne - Gérard Le Scour, Patrick Mahé, Robert Nataf