Kishizo wrote:C'est la Justice qui va le dire.
Je suis en désaccord très net avec les derniers développements de martien.
Son erreur de raisonnement (ce qui n'engage que moi bien entendu) provient d'une grande méconnaissance du droit positif français.
Pour commencer, cher Kishizo, je te remercie de me répondre (en partie), car tu es bien le seul.
Cependant, tu parles beaucoup de droit, de justice, et je ne suis pas en désaccord avec toi sur ce que tu dis à ce sujet, mais je parlais d'autre chose. La justice ne pèse pas grand chose face à la force du système. Pour être plus clair, même si un média ou une personnalité n'est pas condamné juridiquement, la sphère politico-médiatique a le pouvoir de le marginaliser et de le faire passer pour la pire ordure auprès de la masse. A contrario, même un journal plusieurs fois condamné à des amendes peut largement persister car défendu, promu ou simplement toléré par le système pour des raisons idéologiques. En théorie, la justice détermine effectivement les limites de la liberté d'expression. En pratique, c'est surtout les puissants, les politiques, les médias qui le font, en fonction de leurs intérêts et de leurs accointances idéologiques. Je l'affirme et le réaffirme...
Faut il le rappeler dans notre Etat de droit, aucune liberté n'est totale, et même plus je suis tenté d'ajouter que droit et liberté absolue sont antinomiques. Au potonaute qui me trouve une liberté absolue en France, je mets son pseudo en signature avec un
(exceptée la connerie petits malins
)
Je suis d'accord. Et je ne suis pas non plus favorable à la liberté absolue.
Ceci s'explique par des différences culturelles, historiques ou sociétales mais des limites existent partout. Il peut donc y avoir débat sur l'orientation de la législation encadrant cette liberté dans notre pays. Autant le dire cette législation est très compréhensible par notre propre histoire. Nous avons connu le collaborationnisme, le fascisme a occupé notre pays, ce n'est pas neutre, nos démons nous les connaissons.
Encore une fois, je ne suis pas en opposition avec le cadre légal officiel de la liberté d'expression de notre pays (excepté les lois mémorielles). Je comprends totalement que le racisme, l'incitation à la haine et l'apologie du terrorisme soient sanctionnés. Mais comme je te l'ai dit, ce n'est pas de l'aspect juridique dont je me "plains" lorsque je parle de principes à géométrie variable au sein de notre société.
La loi contre le révisionnisme peut-être discutée car effectivement a priori cela peut-être perçu comme une sorte de contrainte sur l'historien, la dérive vers une histoire officielle admise. L'histoire se révise nécessairement. Mais derrière tout cela, on le sait très bien ce n'est pas l'honnêteté intellectuelle en cause, mais une entreprise de dédramatisation pour déculpabiliser et dès lors décomplexer une partie éventuelle de la société sur ses penchants antisémites.
Et quand bien même ? L'histoire est une discipline scientifique, à la recherche de la vérité, et rien ne peut justifier son musèlement. Je suis spécialisé dans cette discipline, et tu comprendras que je ne peux pas adhérer à ce type d'interprétation purement idéologique du rôle de la recherche historique. La pluralité et la liberté de recherche élèvent TOUJOURS une discipline, une société. Indirectement, l'existence des révisionnistes a pu inciter à une progression des recherches, et aboutir à la découverte de nouveaux éléments qu'on ne serait pas forcément allé chercher (sur la Shoah) s'il n'y avait pas eu cette contradiction certes stupide. D'ailleurs l'un des livres références sur le sujet a été écrit par un historien qui à l'origine essayait de démontrer des thèses révisionnistes, et qui au final a dû se résoudre à faire l'inverse.
C'est bien simple, ceux qui affirment des stupidités doivent être combattus dans des débats, par des remises en place factuelles et scientifiques, qui les ridiculiseront et leur feront perdre toute crédibilité. Ils ne doivent pas être censurés. D'autant que cette interdiction profite aux révisionnistes et autres complotistes qui peuvent se complaire dans un discours de victimisation et retourner la situation pour eux ("on nous musèle, c'est bien la preuve qu'on a raison"). Elle ne profite donc à personne, et surtout pas à la discipline historique.
Charlie Hebdo est déjà passé devant les tribunaux comme tout justiciable en ces matières, surtout dans l'exercice de journal satirique dans lequel la frontière est ténue et où les dérapages prévisibles. La justice fait son job et comme le blasphème religieux est autorisé s'ils restent dans cette mesure, ils ne sont pas condamnés, rien de choquant. Dieudonné a déjà été relaxé dans ses aventures judiciaires également sauf erreur.
Rien à redire.
Je précise quand même que je suis totalement favorable au droit de blasphème, et que je n'ai jamais réclamé la censure ou la condamnation de Charlie Hebdo. J'ai simplement donné une opinion personnelle à leur sujet, et j'ai estimé qu'ils n'étaient pas toujours "moins haineux" que Dieudonné. Mais c'est très bien qu'ils puissent s'exprimer.
La dernière sortie de Dieudonné lui vaut d'être poursuivi pour apologie du terrorisme, autre législation restreignant la liberté d'expression.
[...]
On peut être contre cet article du code pénal, à titre personnel je suis convaincu de son bien fondé. Une société démocratique doit se défendre contre le terrorisme, on ne peut tolérer au nom de la liberté d'expression des personnes encourageant au meurtre.
Cette sortie de Dieudonné peut être interprétée comme telle, c'est vrai. Ceci dit il s'est expliqué, et défend une autre interprétation. Il a résumé le sens de sa phrase "je me sens Charlie Coulibaly" de cette manière : "je suis considéré comme l'ennemi public numéro 1 depuis un an, donc je me sens (traité) comme Coulibaly, alors que je fais seulement la même chose que Charlie". Bref, peu importe, on verra la décision de la justice.
Néanmoins je souhaite attirer ton attention sur autre chose. Indéniablement, cette sortie a fait la buzz et a déchaîné les foudres médiatiques à son égard. Pourtant, voici quelques autres cas, au moins aussi graves, qui n'ont jamais choqué personne :
- Philippe Tesson qui à la télé déclare ouvertement souhaiter l'exécution physique de Dieudonné, et qui confirme plusieurs fois son propos ensuite, en toute impunité ("on ne peut tolérer au nom de la liberté d'expression des personnes encourageant au meurtre", pour te citer)
- Thierry Lévy qui dans un débat sur France 2 fait tout simplement l'apologie de la pédophilie, sans que personne ne s'en insurge ou ne le poursuive
- Frédéric Haziza qui accuse Dieudonné d'être responsable de la mort des 12 victimes des attentats
J'estime donc que la société tolère qu'on dise certaines horreurs, mais pas d'autres. Qu'on vise certaines cibles, mais pas d'autres. Pour ma part je n'accepte pas cette hypocrisie. Le cadre légal de la liberté d'expression doit être respecté vigoureusement, mais ce n'est pas pour autant que celle-ci doit être considérée avec une telle orientation idéologique par les médias et par le pouvoir.
Il y a clairement une certaine ligne à respecter pour être dans les petits papiers du système, et dire ce qu'on veut. Alors soit. Mais ne parlons plus des grands principes républicains.
Je remarque que plutôt que la religion qui nous divise, la politique n'est pas en reste...
Un monde sans religion ne serait pas forcément d'une plus grande quiétude
La connerie des hommes est à la base de tout et la mieux partagée sans distinction de sexe, d'origine ethnique, ou encore d'appartenance politique. La liberté la plus absolue est la connerie de nature infinie.
Je n'aurais pas pu mieux dire, et j'acquiesce pleinement...