thesnakke wrote:
Personnellement il m'est difficile pour ne pas dire impossible de voter pour un programme anti européen, pour un candidat pro Russe et qui a comme modèle Chavez..
La partie du programme de Mélenchon sur l'international est loin d'être celle qui me plaît le plus, mais la diaboliser à outrance n'est pas sérieux. Sa position sur l'UE ne fait certes pas dans la demi-mesure mais elle a le mérite de vouloir remettre un peu "l'église-France au centre du village-UE".
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L'UE ne peut pas continuer à fonctionner comme elle le fait depuis des années sur le plan économique sans se soucier des conséquences de cette politique dans la vie de tous les jours des 27 peuples qui la composent. "
L'Europe est une machine à réformer la France malgré elle" : cet aveu éloquent sur la situation dans l'UE n'est pas de Mélenchon mais de Denis Kessler, l'ancien n°2 du MEDEF, donc pas vraiment un gauchiste....
Au-delà des divergences idéologiques, au-delà des catégories socio-professionnelles auxquelles on appartient, qu'on soit électeur de Mélenchon ou d'un autre, il est quand même difficile de dire que tout fonctionne bien dans l'UE, que tout le monde en France est content de ce fonctionnement et qu'il n'y a rien à modifier, non ?
A un moment (surtout depuis le referendum de 2005), il faut dire haut et fort qu'on ne peut pas continuer dans cette voie en rappelant clairement que la France n'est pas un sous-fifre de l'Allemagne mais un pays fondateur présent depuis 1957, la 2ème puissance économique et la 2ème plus grosse population des 27, un pilier indispensable sans lequel l'édifice européen (déjà fragilisé par le
Brexit) s'écroule. La France n'est pas un petit pays de l'UE, elle en est une puissance majeure économiquement mais aussi "philosophiquement" puisqu'elle est à l'origine de l'idée-même de construction européenne. Mélenchon veut réaffirmer cela et porter la voix des Français déçus et touchés dans leur vie quotidienne par le fonctionnement ultralibéral de l'UE et nul doute que ses observations trouveront de l'écho dans le peuple grec, dans le peuple italien, dans le peuple espagnol (où
Podemos a émergé), dans le peuple hollandais, dans le peuple belge, dans une partie du peuple allemand et sûrement dans d'autres pays encore. La France ne sera pas seule à demander une autre UE et l'Allemagne ne pourra pas éternellement faire comme si elle était seule à décider. Egalement, les commissaires européens ne pourront pas éternellement faire croire qu'ils ont plus de légitimité que les élus des différents pays.
Hollande avait promis en 2012 de remettre des choses en question en allant négocier avec l'Allemagne et avec Bruxelles : il n'en a rien fait. Mélenchon propose pour sa part de négocier avec les autres pays pour faire évoluer les règlements européens verrouillés qui laisseraient entendre que rien ne peut changer, qu'il n'y a qu'une seule voie possible, qu'il faut se résigner à travailler plus dans des conditions de plus en plus précaires pour gagner le SMIC, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. N'oublions pas que Merkel doit elle aussi passer par des élections pas gagnées d'avance en septembre prochain et qu'à l'intérieur du peuple allemand il y a de plus en plus de perdants à cause notamment des politiques économiques de l'UE (explosion du nombre de travailleurs pauvres outre-Rhin alors qu'on nous présente souvent le "modèle allemand" comme la perfection).
Pour le reste, les critiques sur la Russie, sur Cuba, sur Chavez, sur l'ALBA, ne sont que des épouvantails agités en dernière minute par les "chiens de garde" (pour reprendre l'expression d'Halimi) du système, inquiets de la montée dans les sondages de Mélenchon.
Peu importe qui sera élu, au-delà des postures prises durant la campagne, il devra composer avec Poutine, Trump, Assad, May, Al-Sissi, Xi Jinping, Maduro, Merkel et tous les autres qu'il le veuille ou non et qu'il les apprécie ou non.
On entend aussi beaucoup moins de critiques concernant les amitiés anciennes de Le Pen avec des néo-nazis, concernant les soutiens de Macron où sont recyclés tous ceux qui veulent s'accrocher au pouvoir coûte que coûte quitte à n'avoir "pas de face" sur le plan idéologique (Valls, Villepin, Le Drian, Bayrou, Madelin, Hue, Delanoë, Cohn-Bendit, sans oublier BHL, Minc, Attali, etc etc), ou concernant la prise de contrôle de la campagne de Fillon par ce mouvement tellement modéré et sympathique qu'est Sens Commun (mouvement ultra-réactionnaire anti-avortement qui n'est pas derrière le FN seulement parce qu'il estime que Fillon a plus de chances de gagner et donc de l'aveu-même de leur présidente leur calcul politique est de pouvoir imposer leurs idées depuis l'intérieur du futur gouvernement Fillon).
thesnakke wrote:Le programme de Melenchon, peut-être réfléchi, est totalement irréalisable et utopique, fait exploser les dépenses publiques, bref ca me fait pas mal marrer que les pro-Mélenchon soient dans la critique constante des pro-Macron qui seraient aveuglés par les médias quand ceux ci sont aveuglés par les qualités indéniables d'orateur de JLM et se laissent convaincre par de belles paroles et le rêve d'une société repensée mais au final impossible..
Je crois qu'il ne faut pas tomber dans ce panneau-là qui est trop exagéré et mieux vaut que chacun se fasse sa propre idée en lisant ou tout au moins en allant voir les comparateurs de programmes.
Ce que tu dis ci-dessus, c'est ce que répètent en boucle tous les jours les éditorialistes et journalistes gardiens du système sur les plateaux TV et dans la presse, les Thréard, Jeudy, Rioufol, Teinturier, Barbier, Cayrol, Dassier, Meeuws, Cabanna, Elkabbach, Elkrief, Joffrin, jusqu'à Macé-Scaron de
Marianne qui est passé en douce chez Fillon (!). Et rien que cette unanimité devrait suffire à rendre leur point de vue suspect. N'oublions pas que là-dedans il n'y en a pas un seul qui est de gauche et qu'il n'existe pas d'égalité du temps de parole journalistique.
En gros ils disent que :
- le programme de Mélenchon est "utopique et irréalisable". Mais les programmes de tous ses concurrents seraient, eux, évidemment tous réalisables et pragmatiques. Soyons sérieux : tous les programmes ont leurs faiblesses, leurs imprécisions et leurs parts de flou, tous les programmes tablent sur des chiffres de croissance surestimés, tous les programmes promettent d'engager des dépenses sans que l'on sache vraiment où l'on va trouver les sous, tous les programmes ont leurs mesures inapplicables, tous les programmes reposent sur des chiffrages au doigt mouillé parce qu'un programme est impossible à chiffrer précisément ; celui de Mélenchon ni plus ni moins que les autres.
- les électeurs de Mélenchon n'ont pas lu son programme, sinon ils changeraient bien sûr d'avis. Les électeurs de Fillon, de Le Pen, de Macron eux, ont tous lu, décortiqué et parfaitement compris chaque ligne du programme de leur favori ?
Et puis si le programme de Mélenchon est n° 1 des ventes, c'est probablement parce que beaucoup de gens l'achètent pour ne pas le lire ensuite. C'est vraiment mépriser les gens que de croire qu'ils ne lisent jamais les programmes pour lesquels ils votent. Je ne dis pas que tout le monde s'est tapé l'intégralité du texte, mais beaucoup cherchent des renseignements sur internet, regardent les comparateurs de programmes qui sont plutôt bien faits ; là encore, ceux qui votent Mélenchon ne lisent ni plus ni moins son programme que ceux qui votent Le Pen, Macron, Hamon ou Fillon.
- les gens sont bêtes car ils sont aveuglés par les qualités d'orateur et ne voient pas ce qu'il y a derrière. Un homme politique ne va pas s'excuser de bien se débrouiller à l'oral. Et cela sous-entend qu'un bon orateur ne peut évidemment que cacher un mauvais programme. Un peu rapide, non ? Le programme de Lassalle doit en tout cas être absolument extraordinaire alors !
thesnakke wrote:Quand 25 prix Nobel d'économie dégomment Le Pen et JLM entre autres, je me dis que leur voix et leur vision économique des programmes doit quand même tenir un peu plus la route que vos analyses.
Tout candidat peut se targuer du soutien de Prix Nobel d'économie, d'associations diverses et variées à la légitimité plus ou moins reconnue, de personnalités du monde scientifique, artistique, etc. A l'inverse, tout candidat se fait également descendre par des économistes et des scientifiques. C'est le jeu des élections et des débats partisans. Des économistes, tous aussi importants et reconnus les uns que les autres dans leur domaine, disent donc tout et son contraire à propos des mêmes programmes : on ne peut donc en tirer aucune conclusion pour adouber ou disqualifier le programme de Mélenchon, pas plus que pour adouber ou disqualifier ceux de Fillon, Le Pen, Hamon ou Macron.
La période des élections, en particulier les présidentielles, reste un beau moment démocratique. Sans revenir sur les campagnes des différents candidats où l'on a eu du bon et du totalement pitoyable, j'aime en particulier lorsque les gens s'emparent des sujets politiques, se renseignent, débattent et défendent leur point de vue dans des discussions viriles mais correctes avec leurs amis, au bistrot, au marché, en famille, et même sur
Poteaux-Carrés !
J'aime aussi le flot de discussions que les élections suscitent, dans la vie mais aussi de plus en plus sur internet, où l'on peut lire de tout : des points de vue intéressants, des remontées du terrain, des inepties, des mensonges, des blagues, des avis émanant aussi bien de militants endurcis que de gens qui n'y connaissent pas grand chose et qui réagissent spontanément. Certes il faut faire le tri là-dedans, il faut se méfier de certaines "infos", mais ce que disent les gens de tous bords est finalement plus sain, plus clair et moins hypocrite que ce que l'on peut entendre dans la bouche ou sous la plume des journalistes qui abîment la qualité du débat politique par leurs commentaires indexés sur les sondages et prétendument neutres alors qu'ils ne le sont pas et vont tous dans le même sens.
Bref, que chacun se fasse sa propre idée, que chacun regarde les programmes en fonction de ses propres priorités, que chacun se demande ce qui serait le mieux pour les 5 prochaines années. Bon vote et à demain soir pour nous écharper sur les résultats du premier tour !
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[i]"Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait"[/i] (Mark Twain).