Entretien de Parker, dans L'Equipe :
« Mars va être terrible »
TONY PARKER se sent à nouveau bien dans le jeu mais redoute un monstrueux parcours d’obstacles à l’Ouest.
Heureux de retrouver son terrain de jeu après trois semaines de repos forcé dû à une inflammation chronique de la cheville gauche (« sans dommage structurel », précisait cependant le bulletin médical), le meneur français des Spurs entame la dernière ligne droite d’une saison formidablement indécise avec un énorme appétit.
Il s’est livré pour « L’Équipe » à une large analyse de la situation dans la dense Conférence Ouest et est revenu sur la situation des Bleus, qu’il devrait venir saluer cet été, à défaut de les épauler sur le terrain.
« OÙ EN ÊTES - VOUS physiquement ?
– Cela va beaucoup mieux. Ces trois semaines d’arrêt m’ont fait beaucoup de bien. J’en avais besoin mentalement et physiquement parce que j’avais pas mal enchaîné. Et, quand je me suis tordu la cheville cet été (en août avant l’Euro), je ne lui ai pas laissé le temps de guérir. Après cette coupure, j’ai une énergie nouvelle, j’ai envie de jouer au basket.
Vous avez manqué neuf matches, du 29 janvier au 19 février. Comment réagissiez-vous en voyant votre équipe gagner sans vous ?
– Être à la maison pendant que l’équipe joue, la regarder à la télé, ça fait bizarre. Enfin, j’étais content, car la Conférence Ouest est tellement serrée que j’avais peur qu’on perde trop de matches et qu’on se retrouve mal classés. Mais ils ont assuré, surtout grâce à un Manu extraordinaire pendant cette période.
– Comme lui, vous avez raté le All-Star Game. Avez-vous digéré cette déception ?
– Oui. J’avais commencé la saison en boulet de canon, à 21 points et 7 passes de moyenne, soit mes records en carrière. Et, après, j’ai été blessé et d’autres méritaient plus que moi le All-Star Game. Je n’ai pas de regret. Et cela m’apporte de la motivation pour l’an prochain. C’est la même chose pour Manu. Il est extraordinaire depuis un mois. Mais, pour aller au All-Star Game, il faut être bon sur les trois premiers mois de la saison.
– Avec votre retour, Ginobili devrait donc rentrer un peu dans le rang…
– Je pense que cela va se rééquilibrer. Il peut continuer à être chaud. Mais il aura un peu moins la balle. Les pick and roll sont pour moi. Et je prends environ quinze tirs par match. Donc, automatiquement, il aura moins de shoots, moins de pénétrations. Mais il est chaud comme la braise. Ça me rappelle 2005, quand il avait tout cassé en play-offs.
– En attendant, le nouvel entraîneur de l’équipe de France, Michel Gomez, vient de passer par le Texas. Comment s’est déroulée cette rencontre découverte ?
– Bien. Michel m’a fait un bon speech. Il est très, très motivé. J’étais un peu surpris. J’aime bien sa vision du basket et sa motivation. Mais c’est normal, il a beaucoup de choses à prouver, car sa nomination a été critiquée.
– Quel sera le degré d’implication de Tony Parker en équipe de France cet été vu que vous ne jouerez pas ?
– Je vais essayer de venir le premier jour du rassemblement. Et je serai là pour le match à Paris (en province, en fait) du mois de septembre.
– De jeunes Bleus, comme Ian Mahinmi, Joakim Noah ou Mickaël Gelabale, font parler d’eux outre-Atlantique. Doivent-ils être dans la prochaine sélection ?
– Il est clair que des jeunes comme Mahinmi et Noah peuvent nous aider. Michel Gomez m’a parlé de De Colo (Cholet), mais je ne l’ai jamais vu jouer. Mais, si je devais choisir un joueur, je dirais Mike Pietrus. Ce serait bien de le voir revenir en équipe de France. Il nous apporte ce grain de folie qui nous a manqué.
– Il n’avait pas été pris pour les mêmes raisons…
– Oui, mais il a cette folie à la Ginobili qui nous avait portés en équipe de France juniors. Et, quand on avait gagné le bronze avec l’équipe de France A (à l’Euro 2005), Mike avait fait des gros matches contre la Lituanie et l’Espagne. Ce serait bien qu’il revienne en sélection. Et Gelabale aussi.
– Revenons aux Spurs. Que pensez-vous du niveau de jeu actuel de votre équipe ?
– Bon, on a mis cinq points lors du premier quart-temps contre Atlanta lundi (record de médiocrité pour les Spurs),mais je ne pense pas que cela se reproduira de sitôt. On doit progresser en attaque car, là, on a encore de la marge. Notre défense nous fait gagner nos matches pour l’instant. On avance dans le bon sens. On joue bien au basket et il faut juste faire attention à éviter les blessures. D’autant que le mois de mars va être terrible avec 18 matches. On n’a jamais joué autant de rencontres dans un mois, ça va être dur, très dur. Le préparateur physique nous a dit qu’on n’avait jamais eu un tel programme et qu’on allait devoir le gérer au jour le jour.
– La défense reste la clé du succès des Spurs. Et, pour ne rien gâter, les dirigeants vous ont rajouté il y a quelques jours un certain Kurt Thomas, l’intérieur des Sonics et surtout des Suns l’an dernier en play-offs...
– (Il coupe avec enthousiasme.) Il est fort ! C’est un joueur intelligent. Il a un petit shoot extérieur, il prend des rebonds et il voit le jeu. Il a plein de basket. Et il met des picks de folie ! Je n’ai jamais vu quelqu’un aussi bien défendre sur Tim Duncan que lui l’an dernier. Maintenant, il est avec nous et c’est parfait. Car Kurt, c’est un Spur.
- Pendant vos vacances forcées, il s’en est passé de belles en NBA, avec des transferts à sensation qui ont redessiné la carte de la Conférence Ouest. Vos impressions ?
– Le transfert de Pau Gasol aux Lakers est de loin le meilleur. C’était même un cadeau de Noël, car les Lakers n’ont rien lâché en échange. Tous les autres trades sont des paris : Jason Kidd à Dallas et Shaquille O’Neal à Phoenix sont même de très gros paris. Dallas avait une très bonne équipe. Devin Harris (échangé pour Kidd) était le meneur du futur, il nous avait fait mal en 2007, et DeSagana Diop était un bon défenseur. Alors, on verra. Mais on ne peut pas dire que Jason Kidd ne les aidera pas. C’est un super passeur et ses coéquipiers savent que, s’ils sont démarqués, ils vont recevoir la balle.
– Cela ressemblerait presque à un vent de panique…
– Dallas n’est pas assez patient. Déjà en 2003, après avoir atteint la finale de Conférence avec Steve Nash, ils avaient échangé la moitié de l’équipe pour Antoine Walker. Tout ça prend du temps. Phoenix, à la limite, je peux comprendre. Cela fait trois fois qu’ils vont en finale de Conférence sans jamais accéder à la finale NBA. Surtout que j’avais entendu dire que Shawn Marion était un peu “chiant”. Parier sur le gros Shaq, je peux comprendre. Car, en play-offs, on joue plus sur demi terrain et, avec Shaq, l’adversaire doit faire prise à deux.
– Dans ces moments d’agitation, cela doit faire du bien d’être un Spur dans une équipe où les retouches sont toujours chirurgicales…
– Nous, c’est différent. On gagne. Tu ne changes pas l ’équipe qui détient le trophée.
– Comment avez-vous réagi à l’annonce du transfert de Gasol ?
– Je me suis dit que les Lakers pouvaient gagner le titre. Ils ont la présence intérieure qui leur manquait. Même quand Bynum jouait bien, je n'y croyais pas trop. Il est encore jeune et, en play-offs, tout change. Mais Gasol, c’est autre chose. Cela devient dur.
– Qui est le favori désormais ?
– Je ne sais pas. Cette année, à l’Ouest tout le monde est dangereux. C’est peut-être la première année où finir premier ou huitième importera peu. Tout le monde est tellement proche. Tout le monde peut gagner. Résultat, on ne peut pas se reposer. La marge d’erreur est trop mince. Ça va être dur. Il n’y a pas de favori. Je n’ai jamais vu un Championnat aussi serré.
– D’où l’importance d’obtenir l’avantage du terrain ?
– C’est clair. Mais on s’est bien rattrapés. On n’est pas mal maintenant. On est confiants.
– Vous n’avez pas évoqué Houston parmi les favoris. La blessure de Yao Ming met-elle un terme à toute sorte d’ambition pour les Rockets ?
– Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai pensé à notre équipe. J’ai pensé à la chance qu’il faut aussi pour disputer les play-offs. Cela m’a un peu fait mal pour Houston, car ils jouaient vraiment bien, avec douze victoires d’affilée, et maintenant, sans Yao, ça va être dur… C’est comme si, nous, nous avions perdu Duncan.
– Vous ne croyez pas en New Orleans ?
– Les Hornets sont jeunes. C’est une belle équipe, une équipe dangereuse, mais ils manquent encore d’expérience.
– Plus que jamais, vos adversaires s’appellent donc Lakers et Suns, les clubs de vos amis et compatriotes Ronny Turiaf et Boris Diaw…
– J’aimerais bien qu’ils gagnent un titre.
– Mais s’ils gagnent, vous perdez...
– Soyons clair. Si je perds, je préfère que l’un d’entre eux gagne.
– La rivalité est de plus en plus intense entre vous. Vous ne voyez pas arriver le jour où votre belle amitié sera écornée par la réalité sportive ?
– Jamais ! Jamais de la vie. Ce qui se passe sur le terrain reste sur le terrain. Je leur souhaite de vivre ce que j’ai déjà connu trois fois. Ce sont mes potes. Mais je ferai tout pour les en empêcher. Et, s’ils y arrivent, j’espère que les Lakers ou Phoenix battront les costauds de l’Est, Detroit ou Boston. »
OLIVIER PHEULPIN
Bon, en fait rien de bien transcendant. :sad: