Olaf wrote:Faiseur de Tresses wrote:
Très bien.
Quel seraient pour toi les ressources culturelles nécessaires à un individu pour qu'il puisse s'émanciper, indépendamment de son parcours/statut ?
Et aussi : pourquoi des bacheliers iraient à l'Université s'ils n'estimaient pas (ou que leur entourage n'estimait pas) qu'ils aient le capital culturel nécessaire ?
Déjà, y a pas grand monde au quotidien qui réfléchit en termes de capital culturel, ni même globalement de manière utilitariste (contrairement à ce que certains économistes aimeraient nous faire croire).
La fac est ouverte à tous les bacheliers ; c'est le chemin accepté comme naturel par tous dès lors que l'élève n'est pas un "cancre" (je ne dis pas que c'est mon opinion ; seulement que c'est le paradigme dominant). C'est surtout la seule voie possible quand tu ne sais pas ce que tu veux faire. Et c'est courant à 18 ans, de ne pas savoir ce que tu veux faire. Avec en sous-texte, le chantage : "oh là là tu n'as qu'un bac t'auras jamais de boulot tu es condamné à être chômeur toute ta vie vise le master 2 !!"
Pour revenir sur le premier point : l'école favorise un certain type d'accès à la connaissance : par l'écrit et l'abstrait plus que par la pratique ; par l'imposition des matières plus que par la libre découverte spontanée ; par une méthode très contraignante, à base de journées cadencées selon des découpages temporels uniformes. Il y a des individus qui s'adaptent plus facilement que d'autres à ces contraintes. On trouve ça naturel, mais ça ne l'est pas.
Le concept de capital culturel vient dire qu'il ne s'agit pas que de facultés innées, et même qu'il ne s'agit pas d'abord de facultés innées. Il y a des contextes sociaux et familiaux où l'on acquière plus facilement la capacité d'entrer dans ce moule. Ce n'est pas un hasard si les enfants de prof, par exemple, sont souvent à l'aise à l'école.
Lu et approuvé par la plaie !!!!
La démocratisation de la fac est en soit une bonne chose. On ne peut que se réjouir qu'une majorité d'entre nous puisse avoir le luxe dans leur vie aux enseignements qui y sont dispensés. Tout le monde devrait pouvoir avoir l'opportunité d'étudier de l'histoire, de la sociologie, etc etc ... le problème est quand, pourquoi, et sa relation avec un mode de sélection et de reproduction des élites ... La question est de pouvoir y accéder facilement à n'importe quel moment de la vie en valorisant l'expérience et l'itinéraire d'une personne et non les études faites dans son adolescence ...
Le problème est que le système éducatif est construit sur un itinéraire de vie en 3 phases : tu étudies, tu travailles et cotise, tu prends ta retraite ... C'est cet itinéraire qu'il faudrait aujourd'hui faire exploser car c'est le fait que la majorité étudient en général une fois durant leur jeunesse à un moment ou il n'y sont pas préparé, effectivement par manque de capital culturel, qui est générateur d'inégalité ...
J'ajouterai que ce faire exclure très tôt et définitivement dans la plupart des cas d'un système démocratisé est la pire des choses que peut ressentir un individu ... Or, lorsque j'ai quitté la France, les recherches en sociologie de l'éducation montrait que l'inégalité devant l'éducation et la sentence d'exclusion progression qui en découlait, existait non seulement encore, mais qu'elle commençait très tôt, dès l'apprentissage de la lecture .. On savait alors plus ou moins qui progresserait dans le système, et qui serait envoyé dans des filières dévalorisés sans possibilités de revenir dans le système ....
Le type d'enseignement dispensé à l'école est orienté vers le recrutement d'une élite en fonction de critères lié effectivement à un savoir abstrait et la valorisation des compétences qui vont avec dans le but de créer une élite ... Le côté face de ce système est la dévalorisation structurelle des savoirs faire manuels, artistiques et sportifs ou l'acquisition de pratiques, qui débouche sur une dévalorisation de ses filières au profit de l'Université et maintenant des grandes écoles ... Si l'école intégrait mieux ces domaines, l'intégrations des enfants d'immigrés serait par exemple plus facile, et leur échec scolaire plus important déboucherait moins sur des itinéraires de petite délinquance ...