Oui, c'était un beau Tour, 1989. Mais si tu te souviens bien, Delgado, tenant du titre et vrai favori de l'épreuve se présente au départ du prologue en retard et dès le premier jour se prend quelque chose comme 2 minutes 30 dans le musette (sans compter le gros coup au moral...) ce qui avait modifié fondamentalement les données de la course. Dans le cyclisme, les "rivalités" qui deviennent "légendaires" sont le plus souvent le fruit des circonstances de la course, de ses à-côtés. Ainsi Robebéric évoquait Lançounet/Ullrich, pour moi le seul beau Tour de ces années-là est 2003, quand l'Allemand évincé par la Telekom revient au départ du Tour sous une nouvelle tunique, affûté comme jamais et très revanchard. Robebéric qui a vraiment raison de dire qu'en matière de cyclisme encore plus qu'ailleurs on a tendance à embellir les temps d'avant et les souvenirs de nos jeunes années... Tu étais jeune en 1989 Parasar, tu avais beaucoup plus de cheveux que maintenant, une belle collection de disques et peut-être même encore des illusions sur la race humaine en général et les hommes politiques en particulier. Le dernier titre des Verts remontait à seulement 8 ans et lol se contentait amplement d'un maintien laborieux en D1... Tout semblait possible, la vie était une porte grande ouverte.Parasar wrote:La rivalité Fignon / Lemond de 89 elle n'est pas embellie par le temps.Robeberic 1er wrote:Tout a fait d'accord avec tout ce que tu dis.Kreuzigue wrote:Mon cher Guinesstime, Merckx/Thévenet n'a rien d'une rivalité mythique au couteau. Le "duel" aura duré en tout et pour tout deux semaines en 1975, et cette année là, en guise de combat mano a mano, Merckx était très diminué, il avait pris un coup de poing sur le Puy de Dôme de la part d'un spectateur passablement éméché (et probablement exaspéréré par les scenarii des Tours de l'époque...) Le seul vrai rival de Merckx dans le Tour s'appellait Luuis Ocana.guinnesstime wrote:Ce qui manque au TDF ce sont de vrais duels. Les prétendants sont souvent plusieurs (donc dilués) et se cassent la pipe (Ritchie Porte).
Ce qui faisait vibré c'était les combats mano a mano :
Merckx vs Thevenet - Hinault vs Zoetemelk - Ullrich vs Amstrong
Comme le dopage sera toujours présent (comment pourrait il en être autrement pour pouvoir grimper sur un vélo pendant 3 semaines ,)
Sinon le suçeur de roue besogneux Zoetemelk est sans doute du coureur le moins enthousiasmant de l'histoire du cyclisme. Impossible d'imaginer Joop dans un combat mano a mano. Quand il est devenu champion du monde à 38 ans (!) en 1985, profitant du marquage des favoris, le commentateur de la télé néerlandaise s'était exclamé "c'est la première fois que je vois Zoetemelk attaquer, ça valait vraiment la peine d'attendre!!!"
Les deux seules raisons qui font que Zoetemelk figure au palmares du Tour (en 1980) sont l'abandon d'Hinault et le fait qu'il courait cette année -là pour la mythique équipe TI-Raleigh qui gagna 12 étapes sur 21 lors de ce Tour.
Enfin, je ne vois pas vraiment le rapport entre le dopage et "grimper sur un vélo pendant 3 semaines". Je te signale quand même que'on se dope aussi pour le 100m en athlétisme. Plein de papys cyclistes passent leurs étés dans les Alpes à faire du vélo pendant trois semaines, ils enchaînent les cols et les kms, c'est tout à fait possible. Il y a quelques années, un cycliste amateur qui voulait se faire de la pub avait en partenariat avec le journal "Le Monde" (férocement anti-cyclisme pro parce que férocement en guerre avec le groupe Amaury) effectué le parcours complet du Tour tout seul suivi par des docteurs et s'en était très bien tiré. Ce n'était même pas un coureur de très haut niveau, c'était un bon 2e catégorie, sans plus.
Andrew Hampsten a gagné le Tour d'Italie 1988 avec un hématocrite à 37%. Il n'hésitait jamais à l'ouvrir contre le dopage dans les medias et était très mal vu par ses congénères à l'époque. Se faire battre par un non-dopé, c'était la honte.
En résumé, plus rien n'est comme avant mais rien n'est franchement différent aujourd'hui. Et aujourd'hui n'est que la version caricaturale de tout ce qui a toujours existé. C'est vrai dans le vélo comme dans le football. Football qui doit se considérer plus que jamais heureux que le cyclisme pro reste là pour concentrer tous les soupçons de dopage dans le grand public.
J'ajoute que les pros ne font pas 3 semaines de vélo mais 48 en gros (courses + entrainements) avec quelques coupures au milieu. Et ça ne prouve en rien leur éventuel dopage. Très nombreux sont les coureurs à faire le tour clean. Et maintenant je pense que certains d'entre eux jouent le général.
J'ajoute aussi que ces rivalités passées sont souvent embellies par le temps. Armstrong - Ullrich je me souviens bien, tout le monde pleurait parce que l'Allemand n'attaquait soit disant jamais (aujourd'hui il passerait pour un forcené de l'offensive), qu'il n'arrivait jamais au top de sa forme et qu'Armstrong tuait la course dès la première arrivée en altitude. Pareil pour les années Indurain ou l'espagnol se voyait régulièrement reproché d'être un calculateur qui n'attaquait jamais.
Quintana a tout de même fait vacillé Froome en 2015 sur l'alpe, ou que Bardet l'a bien secoué sur l'izoard. Certes ces mouvements sont épisodiques, mais ils n'arrivaient jamais à Armstrong ou Indurain.
Ca se trouve dans 20 ans on regrettera le duel Froome-Bardet ou Froome-Quintana.
Et puis Froome nous a réservé plusieurs des évènements les plus improbables de l'histoire du Tour.
Je suis le tour depuis 82 et je n'en ai pas vu de plus belle (ni de plus cruelle).
Bon, je suis sans doute aussi coupable de nostalgie, en encore pire que toi sans doute. Mais si l'on prend l'exemple du Tour 89, Fignon avait passé trois semaines à railler le marquage de LeMond et l'attentisme de l'Américain... Greg était cette année-là très isolé dès que la route s'élevait, étant le leader d'une modeste formation belge. Fignon se plaignait sans cesse que son équipe ait à assumer le poids de la course alors qu'il ne portait même pas le maillot jaune! Donc je pourrais te dire que oui, le Tour 89 a été beau, mais que le duel Fignon-LeMond proprement dit n'a pas vraiment été le théâtre de grandes envolées mais plutôt une histoire de marquage à la culotte, de comptes d'épicier et de matos plus ou moins autorisé...