Olaf wrote:En fait, je vois pas en quoi l'Etat va éviter ça. Chaque jour qui passe est la preuve que plus tôt on trouvera des façons d'aller au delà de l'Etat, et plus ça ira. De plus, l'Histoire nous enseigne qu'en période de crise, l'Etat est toujours un oppresseur, quelles que soient ses intentions premières...
Je m'auto-cite pour compléter, et asseoir un peu cette affirmation.
C'est quoi l'histoire de l'Etat en France, pour résumer, depuis la décadence de l’Empire Romain ?
- des balbutiements vite éteints avec Charlemagne
- une reprise avec les Capétiens, qui va mettre des siècles à se construire progressivement
- un aboutissement avec Louis XIV, avec la fin des guerres civiles et l’absolutisme.
On sera nombreux je pense à dire qu’on ne fantasme pas sur l’Etat de l’époque.
Arrive la Révolution, et ses idées belles et généreuses. Or, qu’a globalement été l’Etat révolutionnaire ? Un oppresseur, un tyran quasi ethnocidaire (les Vendéens) et bafouant les libertés (ah, la guillotine). On peut trouver toutes les excuses/causes qu’on veut, le fait est là : face à la crise, l’Etat a fait mal, et très mal.
Puis c’est Napoléon (poil au bidon). Il calme les choses en interne, revient plus au moins à la monarchie absolue. Mais alors à l’international…Bref, il a exporté la violence. Mais en France, il met en place une organisation très pyramidale, très centralisée, très moutonnière qui servira à tous ensuite…y compris Vichy. Bref, il règne en maître , le Corse, même si ça dure pas bien longtemps. La Restauration tombera 15 ans plus tard, d’avoir voulu refaire de l’absolutisme. Quant à Louis-Philippe, il ne mourra pas roi d’avoir trop soutenu les bourgeois de l’époque – et donc paupérisé les ouvriers à outrance. La seconde République ne dure que le temps de remettre un dictateur à sa tête, Napoléon III. Bon, là, on arrive enfin à une certaine stabilité. Mais on conviendra aisément qu’on ne fera pas du règne de « Napoléon le Petit » un modèle en termes de libertés publiques et de progrès humains. Et quand la crise arrive…c’est Thiers qui bombarde la Commune.
Arrive alors le moment le plus intéressant, peut-être, la IIIè République, qui a une excellente réputation en général, puisque c’est avec elle que la Révolution française serait « rentrée au port » - comprenez, les beaux idéaux auraient enfin été incarnés pour de vrai. Il y a du positif indéniable ; néanmoins, cette IIIè République est aussi celle de la colonisation et du formatage des français en bons soldats prêts pour la Revanche. Le « Citoyen » est aussi de la chair à canon… Parlons des crises : l’Union nationale de 14-18 a été sans pitié pour ceux qui voulaient exprimer la première de leur liberté, à savoir disposer d’eux-mêmes et refuser de combattre. Et quand la seconde arrive en 39, les clés sont très vite remises à une nouvelle dictature, qu’on baptise d’ailleurs... « Etat » Français. Pas un hasard – et j’épiloguerais pas dessus.
On arrive alors dans l’ère contemporaine, marquée par une expansion économique et démographique sans précédent (et sans doute sans subséquent non plus). Pourtant, dès qu’il y a une crise… la guerre d’Algérie : la dictature n’était pas loin. Et aujourd’hui que la donne économique et géopolitique change, il suffit d’ouvrir les yeux : tous les progrès techniques sont utilisés pour renforcer la surveillance des quidams, à une échelle qui commence à être orwellienne…
Bref, j’en suis persuadé : une société ne peut être libre qu’en s’organisant sans un Etat central capable de l’asservir ; car du fait qu’ils en aient la possibilité, ceux qui tiennent l’Etat finiront toujours par succomber à la tentation.