Gelson et la case départ
L’international devrait revenir à Sion après six années de vadrouille. Portrait d’un mec en or, qui vit dans la joie et la reconnaissance.
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Jeudi au stade José-Alvalade, Gelson Fernandes a pris deux douches. La froide, avec cette égalisation de Genk à la 90e en Europa League. Et puis la savonneuse, histoire de rincer les efforts tout juste consentis – il est entré à la 63e –, ainsi que le très médiocre début de saison de son club, le Sporting Portugal. Son club? A priori plus pour longtemps… Le Capverdien d’origine n’a pas trouvé son bonheur à Lisbonne, où il est sous-utilisé, dans un contexte sulfureux – récents changements de direction et d’entraîneur. Le retour de l’enfant prodigue au FC Sion, six ans après, semble entériné.
L’intéressé, joint par téléphone vendredi midi et soumis aux lois du milieu, ne commente naturellement pas le secret de Polichinelle: «Aujourd’hui, je suis focalisé sur le Sporting.» Les sirènes valaisannes et un éventuel come-back? «Si je rentre en Suisse, je le ferai la tête haute. Il faut bien rentrer un jour, je ne vais pas attendre d’avoir 40 ans.»
Gelson Fernandes en a 26. «Il est dans la force de l’âge et s’il vient, ce sera pour en faire un pilier de ma future équipe», déclare Christian Constantin, manifestement très déterminé à ce que le «deal» se fasse cet hiver. Une belle affaire, au passage. Le gamin avait quitté Tourbillon en 2007, pour Manchester City et 9,2 millions de francs; l’homme rentrera au bercail pour beaucoup moins. «Si tu m’appelles pour parler d’argent, toi et moi, on va perdre du temps: je n’ai pas la mémoire des chiffres», coupe le président.
Alors parlons de Gelson Fernandes, qui a quitté son Cap-Vert natal à 5 ans, puis usé tant de chaussettes sur les pelouses sédunoises – son papa, José, était et est toujours le concierge en chef à Tourbillon. «Je l’ai toujours considéré comme un très proche, j’ai une affection particulière pour lui», dit Constantin. «Chacun a son vrai père et après, il y a les gens sur qui tu peux compter. Gelson pourra toujours compter sur moi.»
Gelson Fernandes, tout un poème. Une trajectoire à faire pâlir Ulysse et le capitaine Nemo réunis. Beaucoup de promesses aussi, très vite. «Quand il avait 16-17 ans, un manager lui montait la tête pour aller à Barcelone», se souvient le patron. Il partira un peu plus tard, avec la Coupe de Suisse 2006 en poche, après avoir tapé dans l’œil du Suédois Sven-Göran Eriksson, qui le considère alors comme «le meilleur jeune joueur de Suisse». A City, ça marche pour lui. «Et puis le club a été racheté par l’homme le plus riche du monde, qui pouvait se payer qui il voulait», rappelle Gelson Fernandes, qui a ensuite beaucoup vadrouillé (Saint-Etienne, Chievo Vérone, Leicester City, Udinese et Sporting depuis cet été). Sans que sa carrière ne décolle vraiment. «J’ai toujours fait mes trente matches par saison», souligne le milieu défensif.
On lui rappelle ce qu’il déclarait au Temps, juste avant cet Euro 2008 qui vira au fiasco: «J’ai envie d’aller le plus haut possible, tout en haut, dans un des meilleurs clubs au monde. Quand tu joues au foot, c’est pour marquer l’histoire.» Gelson Fernandes ne regrette pas ses mots une seconde. «Non, je confirme. Après, quand on dit marquer l’histoire, ça peut être l’histoire de ma famille, de ma région.» On y revient… Christian Constantin, à la volée: «C’est ce que je lui ai dit… Il doit se stabiliser dans un club, ne plus être comme une paire de jeans soldée à droite à gauche. Je pense qu’il a très bien compris ça.»
Allô Gelson? Dans tous ses voyages, le bourlingueur a empilé les langues: créole, portugais, français, allemand, anglais, italien, espagnol et… verlan. «Au centre de formation de Sion, on ne parlait que ça», rigole-t-il. Après toutes ces pérégrinations, si enrichissantes soient-elles… se poser quelque part, enfin? «On n’est plus dans le même contexte, maintenant, j’ai une petite famille», répond le jeune papa d’une fille qui aura 3 ans en février.
Quand on lui demande de décrire son jeu, comme sur le terrain, Gelson Fernandes n’y va pas par quatre chemins: «Beaucoup d’énergie au service de l’équipe.» Sa voix, même à distance, respire le calme et la joie. Pas la peine d’essayer de lui extirper un sentiment négatif sur son parcours, sa situation à Lisbonne, ou les espoirs pour l’instant un peu déçus. «Mes parents ont quitté le pays quand j’avais 5 ans, pour avoir une vie meilleure», raconte-t-il. «J’ai toujours appris à prendre les choses avec du recul et le sourire. Je suis comme ça. Pourquoi être tendu? Avec la vie qu’on a, je ne pense pas qu’on ait des raisons de se plaindre.»
Avant chaque match, d’ailleurs, entre deux morceaux de zouk, Gelson Fernandes remercie le Seigneur: «Oui, bien sûr. Ce matin encore [vendredi], quand j’ai vu que j’étais sélectionné avec l’équipe de Suisse pour le match amical contre la Tunisie, j’ai remercié le Seigneur. Je n’oublie jamais que plein de gens font face à des situations bien plus compliquées, qu’ils font un métier qu’ils n’aiment pas. Le foot, c’est comme une drogue, ma drogue à moi, là où je m’éclate.»
Vingt-six ans, déjà tellement de bornes au compteur, et puis tant de choses à accomplir encore. Gelson Fernandes restera, quoi qu’il advienne, comme le buteur du 16 juin 2010 à Durban, pour ce 1-0 miraculeux contre le futur champion du monde espagnol. Un but improbable, inscrit à l’arraché, contre vents et marées. Un but qui ressemble à son auteur. «Je n’ai sans doute jamais vu un joueur passer autant de temps à travailler seul dans la salle de force», témoigne Christian Constantin.
Gelson, un type qui donne tout, ne tire pas la couverture à lui, et accepte avec le sourire le rôle de suppléant que lui réserve le sélectionneur Ottmar Hitzfeld. «Je le vis très bien», assure-t-il. «Je suis dans ce groupe depuis cinq ans, chacun sait ce que je peux apporter et ce que je ne peux pas apporter. En équipe nationale comme en club, le problème, c’est quand l’ego prend le dessus. Là, c’est la fin. Mais on ne laissera pas ça arriver. Les égoïstes, ils doivent faire du tennis, comme ça tu es tout seul. Au foot, tu ne peux réussir qu’en groupe.» A Manchester, Saint-Etienne, Vérone, Leicester, Udine et Lisbonne comme à Sion.
Simon Meier
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) à Mezzavia.
