alexioninho wrote:
Je n'aime pas faire de populisme. Mais, faut il avoir fait l'ENA pour élaborer ce genre de solutions ?
Tout dépend comment tu poses le problème - Faiseur étant mathématicien, cela lui évoquera des choses. Tu peux avoir plusieurs approches :
1/ Sachant qu'Alstom ne fait que se conformer à la logique économique dominante (= la meilleure rentabilité à court terme pour les actionnaires), que cette logique est absolument incompatible (les exemples se comptent par milliers !) avec le souci légitime de cohésion et de dynamisme endogène des territoires, comment retomber sur les pieds de la recherche de l'intérêt général qui est censé être celui de l'action publique ?
2/ Sachant que les futurs licenciés sont typiquement un public qui se retrouvera pour la plus grande part condamnée au chômage définitif, comment éviter à la fois le déclassement de ces personnes, ses conséquences négatives multiples, et la saignée à venir sur les comptes publics déjà sinistrés ?
3/ Sachant que les élections sont pour demain, comment éviter le boulet de canon qui s'annonce en cas d'un licenciement massif médiatique comme celui-ci ?
Si tu poses le problème 1/, tu t'obliges à réfléchir de manière systémique, et surtout à remettre en cause un certain nombre de présupposés pour lesquels l'ENA t'as formaté - un peu comme les agriculteurs avec leur pseudo-productivisme chimique. De toute façon, toi aussi en tant qu'énarque, tu es un actionnaire qui veut des dividendes pour te payer ton abonnement à Yacht magazine, et tous tes proches sont des actionnaires, etc.
Certes tu traiterais le problème correctement - en tout cas tu aurais une chance de le faire - et ça pourrait te faire hésiter. Tu dirais qu'y en a marre du chantage à l'emploi, que le "Too big to fail" doit être remplacé par le "Too big to exist", qu'il faut rétablir le volontarisme en politique, des choses comme ça ; on se moquerait de toi dans les salons, mais tu sais qu'au fond tu as un peu raison.
Selon ta sensibilité, tu te lancerais dans des programmes de nationalisation/protectionnisme (la grandeur de la France !) ou au contraire dans des programmes de relocalisation et reconversion de l'économie (Think global, act local) - probablement un mix des deux. Mais tout ça ce serait sur du long terme, au prix de beaucoup de courage, de difficultés, etc., d'échecs temporaires aussi, et de toutes façons tu serais balayé du pouvoir avant d'être arrivé au bout - système électoral et partisan pourri oblige.
Si tu poses le problème 2/, tu t'inscris dans une grande tradition d'achat de la paix sociale qu'on peut faire remonter au moins à l'époque des Ateliers Nationaux : embaucher une équipe pour faire des trous qu'une deuxième équipe rebouchera, et ainsi de suite. Ça ne règle rien à long terme, mais ça évite le pire immédiatement. Un petit prêche sur le retour prochain de la croissance, et hop ! ni vu ni connu je t'embrouille. On est dans du balisé, et le balisé, y a que ça de vrai.
De toute façon on sait bien que l'Etat ne peut plus rien de nos jours, à part sur la sécurité et les mœurs - d'ailleurs, c'est bien pour ça que la gauche ne parle plus que de mariage pour tous, la droite de tradition chrétienne, et les deux de lutte contre les immigrés et leur version 2.0 - les terroristes.
3/ Si tu poses le problème 3/, tu n'as même pas besoin de réfléchir. On pare au plus pressé pour éteindre le feu ; de toute façon dans six mois ce sera oublié. PDG d'Alstom, c'est quoi le montant du chèque ?
On remarquera donc qu'au final, les solutions aux problèmes 2/ et 3/ étant proches et compatibles, faciles à mettre en œuvre, rapide dans leur exécution et leurs effets, elles sont incomparablement plus intéressantes que toute tentative de réponse au problème 1/.